Par GERSON ALMEIDA*
Commentaire sur le film réalisé par Alexandre Moratto
Le film 7 prisonniers, réalisé par Alexandre Moratto, avec des performances impeccables de Rodrigo Santoro et Christian Malheiros, m'a surpris. L'intrigue se déroule dans une casse, lieu traditionnel de recyclage d'une partie de l'immense quantité de déchets générés dans les villes et souvent utilisée pour recevoir des matériaux sans origine prouvée. Dans le film, basé sur celui-ci, un immense réseau de recrutement et de trafic de main-d'œuvre est présenté pour travailler dans des conditions analogues à l'esclavage, dans différentes branches de production. C'est le type d'œuvre qui "maintient la ville debout", selon les mots de Lucas, le personnage joué par Rodrigo Santoro.
Le film commence avec toutes les vibrations du film d'action et des personnages bien définis, où certains sont bons et d'autres mauvais. Mais le scénario nous conduit progressivement aux mécanismes complexes de production et de reproduction de l'exploitation du travail et des espoirs des couches les plus vulnérables de la population.
Pour fonctionner, ce réseau d'exploitation utilise la force brute, le revolver en plein visage, le coup de poing dans le ventre, les hauts murs, les barbelés, la terreur en famille, la protection des policiers corrompus et la couverture de cool les gens de l'élite aisée. . Tout cela constitue un scénario suffisamment puissant pour intimider ses victimes et construire l'idée qu'il n'y a pas d'issue à cette cage de fer de l'exploitation. Mais ce n'est pas seulement l'utilisation de la force qui soutient cet engin.
Lorsque l'idée de manque d'alternatives est intériorisée, le jeu de séduction et de tentative de cooptation de Mateus, personnage incarné par Alexandre Moratto, jusqu'alors légitimé comme porte-parole des revendications du groupe, entre en jeu.
À ce moment, ce qui semblait se diriger vers un film d'action, cède la place à un dilemme moral et éthique dense. La morale consiste à assumer la responsabilité de reproduire la violence contre laquelle il se dressait et de devenir le chef de file du réseau de travail analogue à l'esclavage qui l'a capturé et subjugué ; l'éthique, de s'en tenir à l'issue individuelle avantageuse et d'abandonner la loyauté envers les compagnons d'infortune.
Le dilemme de savoir à qui l'on doit loyauté est une question fondamentale dans la construction des champs de la société et, comme le montre l'histoire, sa résolution n'a jamais été simple. L'hégémonie néolibérale, dont la raison d'être est de combattre tout ce qui pourrait se rapprocher des politiques de protection sociale et/ou de protection sociale, a rendu encore plus difficile la résolution de ce dilemme.
Ses idéologues et leurs stylos à louer ne se lassent pas de marteler, jour après jour, que la logique de concurrence et de marché doit imprégner toutes les instances de la vie et que les hommes doivent être en concurrence permanente les uns avec les autres. Comme si la société était un immense octogone et que nous étions tous des combattants isolés, contre tous les autres.
Em La nouvelle raison du monde, Pierre Dardot et Christian Laval, rappellent que le néolibéralisme n'est pas seulement une idéologie, un type de politique économique, « mais un système normatif qui a étendu son influence au monde entier, étendant la logique du capital à tous les rapports sociaux et à toutes les sphères de la vie », opérant dans la subjectivité même des individus au sens « d'égoïsme social, de déni de solidarité et de redistribution, pouvant conduire à des mouvements réactionnaires voire néofascistes. Nous ne manquons pas d'exemples de la façon dont cela est vrai.
Mateus vit un dilemme éthique et moral très éloigné du mythe néolibéral des choix individuels faits dans un environnement libre et aux possibilités multiples. Sans politiques de protection sociale et sans règles efficaces de protection du travail, il est un de plus dans la légion des abandonnés socialement, culturellement et politiquement, que l'inégalité ne cesse de produire et que l'idéologie néolibérale fait tout pour légitimer. C'est Margaret Thatcher elle-même, dans un discours devenu célèbre, qui a défini l'objectif du néolibéralisme : "changer le cœur et l'âme des gens".
Eh bien. Tout au long du film, je me suis rendu compte qu'une nouvelle année venait de commencer et que la promesse magique que « tout sera différent » s'érodait déjà définitivement, alors que la réalité restait insensible au changement de calendrier.
Ce qui peut effectivement changer le sort des millions de Mateus abandonnés à leur propre sort, qui sont amenés chaque jour à faire des choix sans avoir d'alternatives - ce qui revient à ne pas avoir le choix -, c'est de démanteler la dynamique de la société brésilienne, toute structurée par immense inégalité sociale, comme l'a démontré Jessé Souza, qui finit par légitimer les privilèges comme s'ils étaient le fruit du mérite.
Ainsi, la logique néolibérale et celle des milices ont de nombreux points communs. L'un et l'autre se nourrissent de l'exploitation d'immenses inégalités qui, loin d'être un événement de nature, est un travail intense de production et de reproduction qui ne dort jamais et fait tout pour occuper tous les espaces de décision, que ce soit par la violence, la cooptation ou élire l'un des vôtres.
Afin de construire des possibilités de vrais choix, nos cœurs et nos esprits doivent démanteler les inégalités et ainsi saper les fondements du château néolibéral. Brique par brique.
*Gerson Almeida Master en Sociologie de l'Université Fédérale du Rio Grande do Sul (UFRGS).
Référence
7 prisonniers
Brésil, 2021, 93 minutes.
Réalisé par : Alexandre Moratto.
Scénario : Alexandre Moratto et Thayná Mantesso.
Avec : Rodrigo Santoro, Christian Malheiros, Cecília Homem de Mello, Bruno Rocha, Vitor Julian, Lucas Oranmian, Dirce Thomaz.