Par DANIEL BRÉSIL*
Réflexions sur les écrivains et leurs obsessions
En Littérature, comme dans les autres arts, il existe deux types d'artistes bien définissables : celui qui expérimente insatiablement différentes formes, explorant angles, textures, matières, techniques, langages, chemins et bifurcations, et celui qui plonge de manière obsessionnelle dans un objet. d'étude (de désir ?), traçant un chemin d'approfondissement progressif, dans une tentative héroïque et vaine d'atteindre le noyau, le dénouement final et définitif, le cristal limpide et absolu.
Il y a d'autres motivations, nous le savons, mais restons-en à ces deux opposés pour l'instant. Et avant d'opter pour le généraliste ou le spécialiste (catégories qui ne marchent pas très bien en matière d'art), il est important de faire une mise en garde : ce type de classement n'implique pas de jugement de valeur.
En effet, il existe de mauvais expérimentateurs et de merveilleux obsédés, et inversement. Le radicalisme synthétique du haïku, par exemple, est l'un des pièges les plus dangereux pour les poètes en herbe. Bashô est un génie, mais il a une légion universelle d'adeptes médiocres, à quelques exceptions près.
Comment ne pas admirer le plongeon suprématiste de Malevitch, qui lui a coûté cher dans la Russie stalinienne, et en même temps ne pas s'étonner de son retour au figurativisme ? Et voici un autre fait qui complique : il y a des artistes qui sont « spécialistes » dans une certaine phase de la vie et « généralistes » dans une autre. Des maîtres absolus à un moment donné et des auto-diluteurs à un autre. Celles qui ont une longue durée de vie sont plus visées par ce type de critiques, c'est évident, puisque l'ensemble des œuvres tend à être inégal d'autant qu'il est large.
Quelqu'un suppose-t-il que Mozart pourrait conserver l'excellence s'il vivait encore quarante ans ? Ou Rimbaud ? Est-il plus facile d'être un génie mourant jeune ? Encore une fois, nous ne pouvons pas établir de règle. Il y a des artistes brillants et de longue durée qui ont créé des chefs-d'œuvre provocateurs dans le soi-disant troisième âge, comme Verdi, qui a créé son opéra Falstaff (basé sur la partie Les Joyeuses Femmes de Windsor, de Shakespeare) à l'âge de 80 ans, ou Oscar Niemeyer, qui a inauguré le musée d'art contemporain de Niterói à l'âge de 89 ans (et a continué à créer jusqu'à l'âge de 105 ans).
D'autres ont explosé tôt comme des feux d'artifice, passant le reste de leur vie à essayer de rallumer les cendres de leur travail glorieux. Ou chercher d'autres voies, mû par une inquiétude qui, selon les cas, peut se confondre avec le manque d'objectivité, l'opportunisme, la pure survie ou encore la décontraction esthétique. Et il y a l'attrait inévitable du marché de l'édition, qui jette ses données dans des ouvrages faciles à digérer, consommés rapidement et échangés contre d'autres. Assez cité au Brésil est le cas de Jorge Amado, radical dans ses premières œuvres, qui, en devenant un important libraire, a cédé à la tentation d'un érotisme assaisonné d'huile de palme, comme le soulignent plusieurs critiques.
La littérature brésilienne est le terrain où s'épanouissent toutes sortes d'écrivains. Des conteurs brillants et synthétiques, comme Dalton Trevisan, aux grands auteurs d'œuvres peu connues, comme Otávio de Faria, dont tragédie bourgeoise, prévu pour vingt volumes, en a eu treize publiés de son vivant et deux autres à titre posthume. Pourtant, ces deux exemples sont obsessionnels, chacun à sa manière. Tandis que l'un scrute la relation d'amour, de jalousie et de haine entre les clients et les marias, un autre cherche à décortiquer la société carioca du point de vue de classe, sans détourner l'attention du scénario.
La littérature brésilienne contemporaine, comme la musique ou les arts visuels, est multiforme et perméable à de nombreuses influences, typiques d'une époque médiatique et globalisante. Malgré cela, il est toujours possible d'observer des obsessions esthétiques créatives (ou paralysantes, selon les cas). La légion d'épigones de Rubem Fonseca, par exemple, cherche à imiter l'atmosphère des premières histoires du maître. L'entreprise ambitieuse d'Alberto Mussa, construire une histoire de Rio de Janeiro pendant cinq siècles, dans des parcelles policières.
La loupe de Chico Lopes sur la vie des petites villes en mutation/stagnation dans un Brésil toujours frustrant. Des écrivains féministes qui rompent les liens et, paradoxalement, s'emmêlent dans de nouveaux enclos. L'effort de l'écrivain Chico Buarque pour atteindre l'excellence du compositeur Chico Buarque. Les chroniqueurs de la périphérie martèlent des thèmes essentiels, car il est impossible de ne pas parler de violence, de préjugés, de faim ou de misère, des questions qui traversent des siècles sans perdre leur urgence. Chacun à sa manière accompagne ses obsessions dans la mesure du possible, avec les outils dont il dispose.
L'art permet des regards, des interprétations, des écoutes et des lectures diverses, et cette nature multiforme contient toute la grâce et le mystère de la chose. Miroir déformé du monde dans lequel nous vivons, il peut magnifier ou réduire qualités et défauts, mais il ne cesse d'être un thermomètre des angoisses du temps où il a été produit. Réalisé par des cinglés obsédés ou des panthéistes délirants, il peut toujours nous fournir quelques clés pour comprendre le monde, le paradis ou l'enfer dans lequel nous vivons.
* Daniel Brésil est écrivain, auteur du roman costume de rois (Penalux), scénariste et réalisateur de télévision, critique musical et littéraire.
Note
[1] Il vaut la peine de vérifier Motta, Carlos Guilherme, Idéologie de la culture brésilienne (1933-1974) (Editeur 34).