Par NILDO VIANA*
Considérations sur la réception de la première tentative de révolution prolétarienne dans l'histoire.
La Commune de Paris a été un événement historique extraordinaire pour avoir été la première tentative de révolution prolétarienne dans l'histoire. Ainsi, la plupart de ceux qui se réclament des défenseurs de la lutte pour la transformation sociale se souviennent de la Commune. Beaucoup d'entre eux cherchent à commémorer et à se souvenir de la Commune de Paris, tout comme ceux qui sont conservateurs cherchent à l'oublier ou à la récupérer. Il y a une vraie lutte pour la mémoire sociale par rapport à la Commune de Paris et elle se renforce tous les dix ans, comme lors des grands événements historiques considérés comme révolutionnaires.[I]. Ainsi, en tant qu'événement mémorable pour beaucoup, que certains essaient d'oublier, il est célébré et commémoré de diverses manières.
La Commune de Paris est victime d'une adaptation mémorielle par récupération, voire historiquement reconstituée dans certains cas. Cependant, la Commune se transforme généralement en quelque chose qu'elle n'est pas. Elle devient légende, fable, fiction. Et même certains auteurs de fiction sur la Commune peuvent encore écrire en disant que leurs adversaires (souvent imaginaires) créent des « mythes » à son sujet. Dans la plupart des cas, ce qui se passe est une reconstitution imaginaire de la Commune de Paris. Ce processus est complexe et révèle une véritable lutte pour la mémoire de la Commune, qui s'inscrit dans quelque chose de plus large, la lutte culturelle entre classes sociales dans la société moderne.
Cela montre l'importance d'analyser la lutte pour la mémoire de la Commune de Paris. Qu'est-ce que la Commune de Paris ? C'est une question fondamentale, mais au lieu de la Commune telle qu'elle était réellement, nous en avons des recréations imaginaires, à côté de souvenirs qui sont apparemment des « interprétations scientifiques », une recherche de l'oubli, etc. Notre objectif sera ici de mener une réflexion générale sur la lutte pour la mémoire de la Commune et de mettre en lumière les recréations imaginaires de la première expérience historique d'autogestion prolétarienne à travers la récupération mémorielle qui s'y opère.
La Commune de Paris entre passé et présent
En 1871, se produit le phénomène historique concret de la Commune de Paris. Son existence est le produit de processus sociaux qui pointent vers des déterminations différentes, impliquant non seulement des milliers d'individus, mais aussi des pays, des conceptions politiques, des organisations, etc. Ce fut un moment de radicalisation de la lutte des classes et, dans ce contexte, des milliers d'individus se sont battus et sont morts pour ou contre elle. Certains événements qui ont formé l'ensemble des processus sociaux qu'était la Commune de Paris ont été enregistrés. Les journaux de la Commune, quelques photos, lettres, documents divers (comme les archives de la police), existent toujours et peuvent être consultés. Il y a aussi les témoignages des communards et d'autres personnalités qui ont participé à cet événement historique. Lorsque les communards écrivaient les textes qui composaient les journaux de la Commune, entre autres, ainsi qu'ils donnaient leur témoignage à travers des articles, des livres, des autobiographies, etc., ils extériorisaient leurs souvenirs, les transformant en souvenirs.[Ii].
Ainsi, on pourrait reprendre la distinction historiographique entre « source primaire » et « source secondaire ». La mémoire comme reconstitution historique de ce qu'était réellement la Commune de Paris doit partir, fondamentalement, des sources premières. Cependant, il serait naïf de penser que cela suffit (ou qu'il serait impossible de procéder à une telle reconstruction via des sources secondaires). Il est nécessaire d'analyser de manière critique les sources primaires et les sources secondaires sont complémentaires et importantes dans le processus analytique[Iii], ainsi que la distinction entre les différentes sources et leur signification dans le contexte de l'événement. Cependant, la plupart des interprètes de la Commune procèdent à une remémoration qui n'a pas de soucis théoriques et méthodologiques, ni ne procèdent à des analyses plus approfondies, notamment les militants politiques, surtout à l'époque contemporaine.
Ce qui compte, cependant, c'est que la Commune de Paris était un ensemble d'événements qui se sont réellement déroulés et ont impliqué des milliers d'individus (avec des positions, des intérêts, des objectifs différents), des idées (plus ou moins claires, plus ou moins développées, avec des oppositions ou voire antagonistes), actions, organisations, etc. Cette expérience historique avait un sens. Il exprimait de réels changements dans la société et une fois vaincu, il laissait extérioriser ce qu'il était effectivement. Or, la remémoration peut être un sauvetage mémoriel, qui reconstitue l'événement tel qu'il s'est produit, ou bien une récupération, une adaptation mémorielle qui relève plus de l'invention que de la réalité.
Les souvenirs sont donc imprégnés de perspectives de classes, d'intérêts et de conceptions d'individus, de groupes, d'organisations, et sont déterminés par des paradigmes, des idéologies, des doctrines, des conceptions, des intérêts, des valeurs, qui sont ceux du présent de ceux qui se souviennent. La mémoire, comme conscience latente du passé, est une immense archive dans laquelle on cherche à reconstituer ce qui s'est passé, mais cela dépend de qui fait cette tentative de mémoire. Une chose est le phénomène réel, une autre chose le phénomène dont on se souvient. Dans certains cas, il y a une correspondance, mais dans la plupart des cas, dans la société capitaliste, il y a un décalage entre les deux. La remémoration est sélective (HALBWACHS, 1990 ; STOETZEL, 1976 ; VIANA, 2020) et donc, il y a une sélection d'événements, d'idées, d'individus, etc. Certains rappellent les affrontements militaires de la Commune, d'autres les actions de certains individus (l'un ou l'autre Communard, les femmes, Louise Michel, etc.), entre autres sélections. Ces sélections ne sont pas gratuites, elles peuvent être guidées par des idéologies, des doctrines, des valeurs, des intérêts, etc., elles peuvent même être contradictoires. Ainsi, il y a un seul phénomène, mais plusieurs souvenirs.
Le concept de mémoire sociale est utile pour comprendre ce processus. La mémoire sociale est l'ensemble des souvenirs de la société dans son ensemble et dont le matériel remémoré est social, c'est-à-dire la société globale ou un phénomène social spécifique (VIANA, 2020)[Iv]. Une partie de la mémoire sociale est une conscience latente, car les souvenirs sont matérialisés dans des œuvres d'art, des biens matériels ou dans la mémoire individuelle non extériorisée, mais doivent être rappelés (c'est-à-dire extériorisés pour faire partie de la mémoire sociale). Une autre partie est une conscience manifeste, étant une sorte de «base de données», qui est la mémoire dominante, car non seulement elle existe mais est constamment rappelée (VIANA, 2020).
De même que l'individu se remémore des moments de sa vie et de l'histoire de la société par l'évocation de souvenirs, qui est un processus social, la mémoire est aussi un produit social et historique. Les mécanismes de la remémoration s'apparentent au processus d'évocation sociale des souvenirs (VIANA, 2020). La remémoration a pour principaux mécanismes de sélection, la perspective de classe (mentalité dominante), l'imposition étatique, l'hégémonie de la classe dominante, les collectivités (marginalement). Sans aucun doute, la perspective de classe n'est pas homogène et change dans certains éléments (selon les changements sociaux, avec le régime actuel d'accumulation, avec les divisions et subdivisions en son sein, avec le paradigme hégémonique ou la force d'autres paradigmes ou du marxisme, etc.) . L'imposition de l'État peut être plus ou moins efficace, plus ou moins intense, entre autres possibilités. L'hégémonie de la classe dirigeante et ses renouvellements hégémoniques sont importants pour expliquer les mutations de la mémoire sociale. Ainsi, ce qui est rappelé lors du paradigme reproductif (1945-1980)[V] c'est ce qui est valorisé, comme la science et ses réalisations et découvertes, par exemple. Déjà pendant la validité du paradigme subjectiviste, ce qui est retenu et valorisé, ce sont les individus, les groupes sociaux, etc.
A côté du souvenir, il y a la mémorisation, l'acte de fixer certains souvenirs. C'est le cas des dates commémoratives imposées par l'appareil d'État (« Proclamation de la République », « Fête de l'Indépendance », etc.), qui génèrent vacances et reproduction dans les institutions scolaires et les médias. Les principaux mécanismes de mémorisation sont la création du mémorable, la commémoration et l'adaptation mémorielle (VIANA, 2020). Ainsi, la Commune de Paris n'est pas mémorable pour la perspective bourgeoise, et donc elle doit être oubliée ou présentée négativement ou, même, annulée. Dans certains cas, le prolétariat parvient à faire quelque chose de mémorable, mais il est bientôt resignifié par la bourgeoisie, comme cela s'est produit avec le 1er mai et la journée de la femme (VIANA, 2020).
La commémoration est une conservation, une cristallisation et une valorisation de quelque chose de mémorable. Cet acte collectif est de célébrer, par exemple, la naissance de Jésus-Christ, Noël. La commémoration génère l'appréciation et la conservation du mémorable et, lorsqu'elle est hégémonique et au niveau national ou international, elle sert à reproduire l'hégémonie établie.
L'autre mécanisme de mémorisation est l'adaptation mémorielle. Il peut s'agir d'une récupération (c'est-à-dire d'une invention, comme le fait la mémoire individuelle) ou d'un sauvetage (c'est-à-dire d'une reconstitution historique telle qu'elle s'est réellement produite). La récupération mémorielle signifie réinterpréter le sens des souvenirs et, par conséquent, ce qu'il faut se souvenir (et comment) et ce qu'il faut oublier, du point de vue de la classe dirigeante et visant à réintégrer les souvenirs dans la société capitaliste (VIANA, 2020). La récupération mémorielle est constante, car il faut marginaliser, exorciser, effacer, les différentes versions de l'histoire[Vi]. La récupération mémorielle a des sources principales, telles que l'appareil d'État, l'historiographie hégémonique, les mutations du capitalisme, les renouvellements hégémoniques, etc.
Les processus de récupération sont divers.[Vii], comme la limitation linguistique (surtout exprimée dans le champ linguistique du paradigme hégémonique à une époque donnée) manifestée par l'utilisation d'une terminologie de l'époque postérieure, notamment l'hégémonique ; la limitation analytique (dont l'élément principal est le champ analytique du paradigme hégémonique), qui se manifeste à travers l'utilisation de méthodes, d'idéologies, de conceptions de la période postérieure, notamment hégémoniques ; censure sociale : éléments censurés par la société, notamment ceux fondés sur des valeurs, des sentiments et des conceptions dominantes.
A ces limites s'ajoutent des attributions : personnalisation, déplacement, emblématisation, anachronisme, élaboration secondaire. La personnalisation signifie qu'une multitude d'individus, avec leurs actions et leurs pensées, sont remplacés par un nom, une « personnalité ». Le déplacement consiste à remplacer les questions qui surgissent par des problèmes secondaires ou hétérogènes, la fabrication de la pseudo-responsabilité de certains mouvements choisis mais pourtant périphériques ou anodins. L'emblémisation est la promotion de la prépondérance des images dans la conceptualisation et l'analyse. L'anachronisme est l'utilisation de références contemporaines imaginaires qui deviennent récurrentes et se projettent dans le passé. L'élaboration secondaire, à son tour, se caractérise par la présentation d'un récit linéaire des événements, la naturalisation des imputations causales, la réduction à des fins de revendication, la clarté de conscience dans les actions, ainsi que d'autres procédures.
La récupération mémorielle signifie ramener dans son vrai sens ce qui a été oublié ou déformé par la récupération mémorielle de la classe dirigeante ou de ses classes auxiliaires. Il comporte les processus de sauvetage suivants : a) dépassement linguistique, qui pointe vers le sauvetage de la signification originale et contextuelle des signes et des significations ; b) dépassement analytique : la réalisation du processus analytique basé sur la méthode dialectique est une ressource heuristique fondamentale pour la reconstitution historique ; c) dépassement révolutionnaire : rupture avec la pression sociale, la censure sociale, avec l'hégémonie bourgeoise ou bureaucratique ; d) Contextualisation : les individus, les idées, les événements sont analysés dans le contexte dans lequel ils émergent : culture, relations sociales, etc., sans isolement ; e) restauration essentielle : distinction entre ce qui était essentiel et secondaire ; f) historicisation : perception du contexte historique et non projection d'aspects du présent dans le passé.
Comme il est possible de le percevoir à travers la comparaison entre les processus de récupération et de sauvetage, ils sont antagonistes. Ce qui prédomine largement dans la société, c'est la récupération mémorielle, qui se manifeste dans les fêtes, les fêtes, les moyens de communication oligopolistiques, les livres, les établissements d'enseignement, etc. La Commune de Paris n'a pas échappé au processus de redressement. C'est pourquoi il existe une véritable recréation imaginaire de la Commune de Paris. Démontrer cela est notre prochaine étape.
Le Souvenir de la Commune de Paris
La mémoire de la Commune de Paris est imprégnée du processus de récupération mémorielle. Dans certains cas, cela est plus facilement perceptible que dans d'autres. Les limitations et attributions communes dans ces cas apparaissent sous diverses formes. Il serait vain de présenter ce procédé en détail et nous ne présenterons donc que quelques exemples pour illustrer son existence.
La limitation linguistique est assez fréquente, et se traduit par l'utilisation d'un langage d'une autre époque : « gauche » (MERRIMAN, 2015)[Viii]; « urbanisme » (LEFEBVRE, 2021 ; DEBORD et al., 2021) ; « ingénierie sociale » (CHRISTIANSEN, 1998) « parti » (léninistes), « commune médiévale », etc. La limitation analytique apparaît dans plusieurs cas, mais on pourrait citer ce qui se passe à travers l'historiographie, à la fois en raison de l'empirisme et de sa prétendue « neutralité ». La censure sociale pointe plusieurs aspects, comme, par exemple, la non-perception de la nouveauté de la Commune, l'absence de la lutte des classes, l'absence du mouvement ouvrier.
La personnalisation se produit aussi, malgré sa difficulté dans le cas de la Commune de Paris, qui n'avait pas d'organisations et de dirigeants consolidés. La personnalisation apparaît dans les analyses de la Commune du point de vue bourgeois, qui souligne que la Commune est le résultat de l'action de l'AIT (Association Internationale des Ouvriers) et de Karl Marx (PINHEIRO CHAGAS, 1872 ; KOECHLIN, 1965). Ce procédé est curieusement reproduit par l'anarchisme et certains courants autonomistes. C'est le cas, par exemple, de l'exaltation du nom de Varlin, un communard révolutionnaire qui eut une action importante au sein de la Commune, mais qui fut surestimé tant par Bakounine (2021) que par certains « autonomistes »[Ix]. Cela se produit dans une moindre mesure à travers les biographies des Communards et les descriptions de la Commune en termes d'actions individuelles, ainsi que dans le récit descriptif et autobiographique, comme on le voit dans le Journal de terrain et Commune de Paris, d'Edmond de Goncourt.
La procédure de relocalisation est une autre procédure courante de récupération des monuments commémoratifs de la Commune de Paris. L'accent mis sur les questions secondaires apparaît de plusieurs manières, faisant de la question de la guerre franco-prussienne, du patriotisme, du médiévalisme, du débat entre centralisme et fédéralisme, de la question urbaine, de la question militaire, de l'anarchisme un aspect majeur. Bien que ces éléments aient été présents, avec plus ou moins d'intensité et de force, selon l'élément dont il s'agit, dans la Commune, aucun d'entre eux ne pouvait être placé comme le principal, tout comme il y a des éléments qui n'étaient même pas vraiment présents dans la Commune. , comme le médiévalisme (comparaison et l'idée de reprendre les communes médiévales).
La fabrication de la pseudo-responsabilité est un autre procédé courant et souvent confondu avec le personnalisme – la personnalisation permet de rendre les individus responsables des événements – comme dans le cas de la version bourgeoise selon laquelle Marx, l'AIT et le socialisme seraient responsables de la Commune, ou alors qu'elle était le résultat de l'action de criminels et de pervers (cf. PINHEIRO CHAGAS, 1872 ; LIDKSY, 1971), ou encore en plaçant les blanquistes comme responsables de la Commune ou de tout autre groupe/individu.
Enfin, l'élaboration secondaire se produit dans d'innombrables cas, comme dans le cas de l'historiographie et du récit linéaire, de l'empirisme et de l'évolution quotidienne (CHRISTIANSEN, 1998), des autobiographies (là encore Journal de terrain et Commune de Paris, d'Edmond de Goncourt illustre ou La Commune de Paris au quotidien, d'Elie Reclus), dans des ouvrages historiographiques, comme Paris Babylone, de Rupert Christiansen, en plus d'histoires militaires et juridiques (comme Laronze), entre autres. Il y a aussi, ce qui se confond avec le déplacement, l'imputation causale naturalisante : Marx et l'AIT, la guerre franco-prussienne, le patriotisme, l'idée de république, ainsi que la réduction de la Commune à des fins revendicatives : la république, le nouvel ordre juridique, etc.
La récupération mémorielle de la bourgeoisie
Jusqu'à présent, nous avons discuté de la façon dont les processus de récupération se manifestent dans le cas de la Commune de Paris, mais isolément. Et, dans ce processus, on cite même des anarchistes et des autonomistes, qui seraient soi-disant proches de la perspective du prolétariat. Dans ce dernier cas, il convient de préciser qu'en raison de diverses déterminations[X], il y a des ambiguïtés, ce qui permet de se souvenir de la Commune marquée par des erreurs et des éléments typiques de la perspective bourgeoise ou bureaucratique. Mais comment la mémoire, du point de vue bourgeois, a-t-elle eu lieu ? Et les autres prospects ? Nous analyserons brièvement la perspective bourgeoise, afin de fournir une explication plus complète.
La réaction bourgeoise à la Commune de Paris est sui generis, car ce fut un événement traumatisant pour la bourgeoisie. La Commune a été un événement traumatisant parce qu'il s'agissait de la première tentative de révolution prolétarienne, favorisant l'effroi et la peur, et à cause du massacre des communards, atteignant un nombre approximatif de 100 20 morts, dont environ XNUMX XNUMX par peloton d'exécution sommaire. Il faut cependant préciser qu'il s'agit d'un "traumatisme social", qui est différent d'un "traumatisme individuel"[xi]. Le traumatisme social est un événement qui impacte fortement certaines classes ou collectivités et qui génère des réactions qui sont des mécanismes de défense, comme l'oubli, l'agressivité vis-à-vis de votre processus de remémoration (lorsqu'il est nocif) ou la recherche de mémorisation (lorsqu'il est considérablement bénéfique pour ceux qui le font), entre autres. Cependant, le traumatisme social, contrairement au traumatisme individuel, n'affecte pas tous les individus de la classe ou de la communauté de la même manière, ni ne tend à s'entretenir de façon permanente ou indéfinie, car avec le temps il tend à perdre de sa force.
Ainsi, la majorité de la bourgeoisie et ses représentants intellectuels ont réagi à l'événement traumatisant de la Commune de Paris après sa survenance immédiate de deux manières principales : l'oubli et l'agressivité. Quelque temps plus tard, avec l'affaiblissement du traumatisme, d'autres réactions se produisirent. L'oubli est identifiable dans le processus de ne pas aborder ce phénomène historique important ou de le placer au second plan, ou encore par la superposition d'autres événements (comme la guerre franco-prussienne, par exemple) dans la même période. L'oubli peut survenir que l'événement soit traumatique ou non, car il n'est pas dans son intérêt de se souvenir de la révolution communarde et de sa signification. Cela explique pourquoi la Commune de Paris est encore oubliée par de nombreux représentants intellectuels de la bourgeoisie.
L'agression, c'est-à-dire une réaction offensive, s'est produite par rapport à la Commune de Paris, et a commencé dès sa proclamation et au cours des années suivantes. En 1872, le Portugais Manuel Pinheiro Chagas écrivit les deux volumes de son Histoire de la Révolution de la Commune de Paris (le second tome consacré à l'analyse des procès contre les communards) et sa version est qu'il aurait été « l'histoire d'une tyrannie ». Un extrait de son œuvre exprime sa conception de ce qu'était la Commune :
Ces décisions absurdes, ces résolutions iniques, ce manque de bon sens, ces comédies burlesques, la liberté de conscience interprétée de manière à entraîner l'emprisonnement des prêtres, la fermeture des églises et la profanation des couvents ; la liberté de la presse, se traduisant par la suppression de vingt-sept journaux ; la liberté individuelle à la merci de l'emprisonnement arbitraire ; propriété à la merci des réquisitions, industrie dictatoriale ; les pauvres privés d'un minimum de ressources de crédit ; les libertés municipales violées par ceux qui se prétendaient leurs défenseurs, et qui réclamaient eux-mêmes la nomination de plus[xii] qu'ils soient élus, révoqués par ceux qui disent n'avoir reçu qu'un mandat pour faire des réformes sociales ; les discordes ignobles entre les membres de la Commune, qui s'embrasaient des accusations les plus viles ; les généraux s'arrêtant; les rédacteurs de Journal officiel s'expulsant d'un poing sec de la presse, comme nous vous le dirons en temps voulu ; l'immoralité se manifestant avec plus d'impudence qu'au temps de l'empire ; les Amazones de la Commune présentant à Paris le spectacle ignoble des bataillons de viragos[xiii] sanguinaires, qui se promenaient dans la capitale avec leur impudence ou leur folie ; l'asservissement honteux des membres du gouvernement parisien à la Prusse ; l'absence complète de sentiments nationaux : tout cela a tellement indigné les habitants de Paris que, la Commune ayant convoqué les électeurs au 16 avril, afin de procéder aux élections complémentaires, réclamées par la démission de nombreux membres de l'assemblée communale , l'urne fut complètement abandonnée (PINHEIRO CHAGAS, 1872, p. 199-200)[Xiv].
On a là des adjectifs péjoratifs, des accusations, des revendications, entre autres manières de dénigrer l'image des Communards et de la Commune. Cependant, Pinheiro Chagas n'était pas le seul. La Commune et les Communards ont été la cible de toute une attaque de la part des représentants intellectuels de la bourgeoisie et les termes utilisés sont « orgie », « déclassés », « culture pervertie », « fièvre », « scélérats », « brutes », « imbéciles », « coquins ». Les titres de certains ouvrages manifestent déjà la position anticommunarde et deux exemples suffisent à le démontrer : La Commune de Paris : les scélérats de la Révolution, d'Eugène Villedieu, écrit en 1871 et Le carnaval rouge, d'Edgar Rodrigues[xv], écrit en 1872. L'un de ces auteurs exprime la lutte autour de la mémoire face à la Commune de Paris :
Aujourd'hui, ces faits sont encore présents dans toutes les mémoires : même ceux qui ont fui Paris pendant la Commune ont eu le pressentiment de ce que pourrait être la fin de ce terrible carnaval ; mais, plus tard, ces scènes horribles, dignes du style d'un Alighieri, seront impossibles à rappeler de mémoire, à moins que des témoins comme nous ne corrigent l'horrible souvenir (RODRIGUES, 1872, p. 290).
Villedieu déclare que la France a vécu deux mois de crimes et de méchancetés :
Elle [France – NV] avait sous ses yeux, en son centre, une ville d'un million d'hommes, où le crime triomphait, où la méchanceté prévalait, où sévissait un cynisme audacieux, où un délire presque inconnu courait convulsivement. Sur ces vagues tumultueuses d'égoïsme, d'avidité noire et d'ignominie tonitruante, tous les vents de la perversité populaire ont rugi ; a jailli les scories d'une populace impure; déchaîne une vague vertigineuse de démagogie effrayante (VILLEDIEU, 1871, p. 5).
Gobineau affirme qu'on reconnaît, dans la Commune, « la barbarie dans toute sa plénitude… une sauvagerie obscure, désagréable, grossière, laide qui tuera tout et ne créera rien… » (apud. LIDSKY, 1971, p. 97). Ainsi, « pour Zola, qui a préparé germinatif, il n'y a pas de différence entre un communard et un criminel » (LIDSKY, 1971, p. 118). Montegut disait déjà, dans son ouvrage de 1882, que « l'Hôtel de Ville [administration municipale – NV] est devenu une taverne, une maison close, une latrine. Toutes les dépravations, toutes les indécences s'y sont déroulées… La devise était de jouir » (apud. LIDSKY, 1971, p. 131). Georg Sand disait déjà que les Communards étaient mus par la « haine », le « patriotisme incompris », « l'ambition frustrée » et par « le fanatisme sans idéal, l'esprit de sentiment ou la perversité naturelle » (Apud. LIDSKY, 1971, p. 58). Il serait inutile de continuer avec des citations de plusieurs autres lettrés (Anatole France, Gustave Flaubert, Alexandre Dumas Filho, Alphonse Daudet et d'innombrables autres) et auteurs de livres aux propos similaires sur la Commune et les Communards et que l'on peut voir dans l'ouvrage de Lidsky (1971).
D'autre part, certains représentants de la bourgeoisie ont écrit des « biographies » biaisées de communards, dans lesquelles l'offense verbale est extrême et montre toute la fureur bourgeoise. Morel qualifie sa biographie des Communards de « sinistre cortège d'assassins » et se réfère à l'un des blanquistes les plus en vue de la Commune, pour ne citer qu'un exemple, comme suit : « un scorpion, ce Rigault, fœtus avorté de l'étrange accouplement du serpent qui tue par rage et de l'écrevisse qui se retire par ignorance et bêtise » (MOREL, 1871, p. VIII).
La procédure effectuée dans ces cas est un processus qui montre un langage marqué par des adjectifs péjoratifs à côté d'un jugement moralisateur. La censure sociale, fondée sur la morale dominante, devient l'élément principal et le fil conducteur de la limitation linguistique et analytique. La limitation linguistique prend la forme de désignation dérogatoire, car il utilise le langage de la classe dominante pour analyser la lutte de la classe dominée et sur la base de sa morale supposée. La limitation analytique se manifeste comme un moralisme, fondé sur la morale bourgeoise (et les valeurs associées, telles que la propriété, la famille, etc.), même s'il s'agit souvent de manifestations hypocrites.
La personnalisation apparaît à travers l'accusation portée contre les Communards, perceptible dans l'appellation péjorative dont ils ont été traités, déjà évoquée, ainsi qu'à travers l'attribution à Marx, des « socialistes » et de l'AIT, la constitution de la Commune. La justification du massacre, avec ou sans réserve, s'effectuait et était le complément d'une appellation péjorative, d'un jugement moral, surtout des « communards ». Lidsky présente l'opposition entre ouvriers et « mauvais ouvriers » menée par certains lettrés. Les Convulsions de Paris, ouvrage de Maxime Du Camp, explique une partie de ce processus (KOECHLIN, 1965 ; DU CAMP, 1881).
Le déplacement est fondamentalement moral. Ainsi, les Communards étant présentés comme des assassins, des criminels, des pervers, parviennent à détourner la discussion sur la Commune comme lutte de classe liée aux intérêts du mouvement ouvrier et d'autres processus sociaux et politiques, à la question de la propriété, de la famille, de la religion, ainsi que pour les questions militaires et institutionnelles. L'emblème apparaît avec l'image des « compagnies pétrolières », par exemple, et l'appellation péjorative, ainsi que d'autres manières. L'anachronisme apparaît dans les analyses qui pointent l'usage de termes communs et expriment des rapports de la société capitaliste pour accuser la Commune et les Communards, comme le thème récurrent de la prostitution, malgré son abolition lors de la révolution communarde. L'élaboration secondaire se manifeste dans l'accent mis sur les questions militaires, sur les questions morales, ainsi que sur l'attribution de mauvaises intentions et de perversité aux communards.
Ce souvenir bourgeois de la Commune n'est pas le seul. Au fil du temps et de l'affaiblissement des effets traumatisants de la révolution communarde, une nouvelle interprétation émerge, avec de nouvelles formes de déplacement. Cela se produit principalement à partir des années 1960 (JONES, 2018). C'est le cas des historiens avec leur supposée « neutralité » et « objectivité »[Xvi], ainsi que quelques autres représentants intellectuels de la bourgeoisie, qui ont commencé à défendre la thèse selon laquelle la Commune n'était pas « socialiste ». C'est le cas du juriste Gustave Laronze, qui passe à la question juridique et, par une analyse formelle des décrets, en vient à conclure que la Commune n'était pas « socialiste » et que les Communards, dès leur prise de pouvoir, cherchaient créer un nouvel ordre légal, car chaque révolution engendre ce processus. L'élaboration secondaire transforme les décrets de la Commune en axe fondamental du procès royal, selon l'interprétation de Laronze. Au fond, l'auteur voulait dire que le communisme est impossible et la Commune le confirme (KOECHLIN, 1965). Dans le même ordre d'idées, Edward Mason conteste également le caractère « socialiste » de la Commune, affirmant que cette légende a été créée à partir du massacre et de la persécution des communards et non par des caractéristiques de l'expérience communarde (KOECHLIN, 1965). La mémoire bourgeoise change selon les besoins de l'époque. Cependant, les versions de l'histoire qui traitent encore de la Commune de la version originale continuent d'être reproduites et les termes de « terrorisme » et de « cycle de la violence » utilisés par G. Dallas en 1989, entre autres (BRUNNER, 2014), confirment ce.
La récupération mémorielle de la bureaucratie
La société moderne a deux classes sociales fondamentales : la bourgeoisie et le prolétariat. Une mauvaise interprétation du concept de classes sociales de Marx, ainsi que ses écrits, ont promu l'idée que dans cette société, seules ces deux classes sociales existaient.[xvii]. En fait, il existe plusieurs autres classes sociales sous le capitalisme. La thèse de Marx est que ces autres classes sociales gravitent autour de la bourgeoisie ou du prolétariat, du fait de la division sociale du travail, de la proximité et des intérêts. Ainsi, aujourd'hui, on peut penser à deux grands groupes de classes sociales, les classes supérieures, proches de la bourgeoisie, et les classes inférieures, proches du prolétariat (VIANA, 2019b). La bourgeoisie a des classes auxiliaires, comme la bureaucratie et l'intelligentsia, tandis que le prolétariat a des classes alliées, comme la paysannerie, le lumpenprolétariat, etc., tant qu'elles rompent avec la domination de l'hégémonie bourgeoise.
En plus des deux classes fondamentales, il existe une autre classe sociale qui prend une grande importance au sein de la société capitaliste et qui est celle qui a le plus de possibilités de devenir autonome et de vouloir être une nouvelle classe dominante. C'est le cas de la bureaucratie. La classe bureaucratique, dans ses fractions les plus proches de la bourgeoisie, l'échelon supérieur de la bureaucratie d'État, est la plus conservatrice et pro-bourgeoise. Cependant, certains secteurs de la bureaucratie, en particulier dans la société civile, et plus encore dans ses couches inférieures, cherchent à devenir autonomes, en assumant des discours souvent « radicaux » et qui visent à remplacer la bourgeoisie comme classe dirigeante. Ainsi, des secteurs de la bureaucratie du parti et de la bureaucratie syndicale sont les principales forces d'autonomisation de la classe bureaucratique.
Ce secteur plus radicalisé accomplit ce que Marx indiquait à toutes les classes qui entendent devenir dominantes : fédérer l'ensemble de la société autour d'elle par un discours universalisant et concentrer le mal sur un adversaire qui serait l'ennemi du reste de la population (MARX, 2020 ), comme l'a fait la bourgeoisie dans sa période révolutionnaire. Cependant, comme il existe une autre classe sociale, le prolétariat, avec une force et une capacité révolutionnaires, et que la bureaucratie seule est trop fragile pour affronter la bourgeoisie, elle doit s'appuyer sur le mouvement ouvrier et adopter un discours pour cette classe, en s'appropriant leurs conceptions et en les adaptant à leurs intérêts, comme le marxisme. Ainsi, la bureaucratie radicalisée se met à défendre l'idée qu'elle exprime les intérêts du prolétariat, ou, plus généralement, selon l'organisation, l'idéologie ou la doctrine qu'elle utilise, des "travailleurs", du "peuple", des "masses". .
Ces éléments, très sommairement synthétisés et qui connaissent plusieurs développements[xviii], que nous ne pourrons malheureusement pas développer ici, permettent de comprendre les raisons de la différence entre récupération mémorielle bourgeoise et bureaucratique. La récupération mémorielle de la bureaucratie radicalisée par rapport à la Commune ne peut pas partager la version bourgeoise, sauf en cas d'oubli. Pour les représentants intellectuels de la bureaucratie, oublier la Commune de Paris est une de leurs options. Cependant, si cet événement historique se révèle, elle doit prendre position. Et l'œuvre de Marx, ainsi que celle de plusieurs autres militants, depuis les Communards, la fait réapparaître comme un cauchemar effrayant qui hante les rêves bureaucratiques.
La récupération mémorielle de la Commune de Paris, du point de vue bureaucratique, doit viser à faire l'éloge de l'expérience communarde et en même temps à démontrer ses erreurs. En principe, cela ne pose aucun problème. Cependant, la façon dont cela est fait montre qu'il s'agit d'une récupération mémorielle. L'éloge de la Commune est toujours fait en vue de renforcer la conception politique qui la constitue, qu'elle soit kautskyste, léniniste ou autre. La Commune est présentée – c'est-à-dire déformée – pour affirmer une certaine position politique[xix]. Même des conceptions différentes au sein de la bureaucratie commencent à se disputer pour pointer leur version comme vraie et celle de l'adversaire comme fausse. Dans ce cas, il s'agit d'un conflit idéologique interbureaucratique. Ainsi, il y a des processus de personnalisation (malgré la difficulté de celle-ci dans le cas spécifique de la Commune), de déplacement, d'anachronisme, d'emblême et d'élaboration secondaire, sans parler des limites linguistiques, analytiques et de censure sociale. Il s'agit, pour la bureaucratie, de récupérer la Commune dans son schéma de pensée bureaucratique. Et un thème récurrent est la question du manque, de l'absence, qui est un problème clé de la Commune de Paris dans sa version bureaucratique.
Cependant, outre la manière dont s'effectue la récupération mémorielle de la Commune, la perspective bureaucratique comporte un élément supplémentaire et différentiel par rapport à la récupération mémorielle de la bourgeoisie, en raison des spécificités évoquées plus haut. Il s'agit de la nécessité de réaliser non seulement la récupération mémorielle de la Commune de Paris, mais aussi des Communards et de ceux qui ont exprimé la perspective du prolétariat, notamment Marx.
Le premier point est révélé dans l'éloge de la Commune de Paris, toujours accompagné d'un avertissement, qui renvoie au problème de l'absence. La Commune est louée pour exprimer la position de celui qui loue. C'est le cas de Lénine et de Trotsky, qui mettent l'accent sur le centralisme, ou de Kautsky, qui met l'accent sur la démocratie. Un exemple, extrêmement courant dans l'historiographie et les textes militants progressivement orientés, l'explique. Max Beer, dans son volumineux ouvrage de plus de 500 pages, qui commence par la lutte des classes dans l'Antiquité et court jusqu'en 1920, ne réserve que trois pages à la Commune, et place, parmi ses trois causes, « les progrès réalisés par l'Internationale dans Paris et dans les principales villes de province, ainsi que le développement des idées socialistes en général » (BEER, non daté, p. 527).
La position de Karl Kautsky (1977) sur la Commune montre la tentative de récupération mémorielle de la Commune et de la pensée de Marx (pour justifier son interprétation de la Commune), et l'utilise pour combattre le bolchevisme, lié au terrorisme, et défendre sa position, sous le nom de la démocratie. La réponse de Léon Trotsky pointe précisément vers ceci : « Kautsky ne présente pas un large parallèle entre la Commune et le pouvoir soviétique, sauf pour calomnier et déprécier la dictature vivante et triomphante du prolétariat au profit d'une tentative de dictature qui remonte à un passé lointain. déjà éloigné » (TROTSKY, 1977, p. 209). Ce que Trotsky ne dit pas, c'est qu'il fait la même chose, mais avec une position opposée. Kautsky défend la bureaucratie démocratique (démocratie bourgeoise) et Trotsky la bureaucratie autocratique (exprimée dans le bolchevisme, dans la « dictature sur le prolétariat » et le capitalisme d'État de la Russie post-1917). Tous deux déforment les événements de la Commune et la position de Marx pour justifier leur position.[xx]. Le débat sur la Commune Kautsky et Trotsky n'est qu'un prétexte pour justifier leurs conceptions et actions politiques, ainsi que ce qui s'est passé entre Kautsky et Lénine.
Si Kautsky remonte à l'action de l'Association internationale des travailleurs et à l'influence du marxisme sur le proudhonisme[Xxi] pour démontrer son caractère démocratique, Trotsky n'hésite pas à affirmer que « la Commune, tant pour les traditions que pour les fins de ceux qui la dirigeaient – les blanquistes – était l'expression de la dictature révolutionnaire d'une ville sur tout le pays » ( TROTSKI, 1977, p. 215). Ainsi, la personnalisation, chez Kautsky, passe par le « marxisme » et chez Trotsky par le blanquisme. A la personnalisation s'ajoute un déplacement de la question de savoir qui a dirigé la Commune, la plus démocrate ou la plus autocrate, dans laquelle les auteurs choisissent ceux qui leur sont les plus proches (Proudhonistes ou Blanquistes).
L'emblèmeisation apparaît avec les mots clés démocratie, dans un cas, et dictature, dans un autre. Pour Kautsky, la Commune était une démocratie et donc la justifie, tandis que pour Trotsky, la Commune était une dictature et la justifie, le positif pour l'un (démocratie, dictature) étant le négatif pour l'autre, ce qui fait de la Commune un simple prétexte à défendre des positions politiques.
L'anachronisme se révèle à différents moments, de l'utilisation des termes (partis par exemple) à l'utilisation des deux termes centraux du débat : démocratie et dictature. Cependant, la démocratie jusqu'à la Commune, dans le cas français, est la démocratie libérale, qui était basée sur le recensement, par niveau de revenu, et seulement après l'émergence du processus électoral qui inclut le prolétariat et les partis politiques deviennent les moyens de la participation politique institutionnelle, c'est-à-dire , avec le passage à la démocratie de parti, la prochaine phase du capitalisme[xxii], c'est que la démocratie bourgeoise naît. La dictature, à son tour, au sens léniniste, n'émergera qu'avec la révolution bolchevique et n'émergera, sous la forme de régimes dictatoriaux bourgeois (qui diffèrent des régimes autocratiques pré-bourgeois), qu'après la consolidation des régimes démocratiques, comme alternative bourgeoisie dans certaines situations historiques. L'utilisation de deux termes pour désigner la Commune est donc un anachronisme et une erreur, bien qu'elle soit tout à fait utile pour justifier et légitimer respectivement la social-démocratie et le bolchevisme.
Enfin, l'élaboration secondaire est perceptible dans les deux cas, car Kautsky et Trotsky présentent tous deux un récit linéaire et une clarté dans les actions des agents, divergents car l'un considère que l'objectif était la démocratie et l'autre affirme que c'est la dictature "révolutionnaire". .
Ainsi, ce débat entre Kautsky et Trotsky n'illustre que deux positions au sein de la mémoire bureaucratique de la Commune. Pourtant, ici le souvenir se complète avec l'idée d'absence, de manque. Et que manque-t-il à la Commune, du point de vue bureaucratique ? Ce ne peut être que la bureaucratie elle-même. C'est un thème récurrent dans la restauration mémorielle bureaucratique de la Commune. Selon Kautsky, "le plus grand mal de ce gouvernement était le manque d'organisation, conséquence naturelle du même défaut présent dans les habitudes et les attitudes du prolétariat à l'époque, issu du second empire" (KAUTSKY, 1920, p. 119). Trotsky, après avoir relevé la défaite militaire et d'autres points problématiques de la Commune, déclare : « la capacité guerrière d'une armée exige avant tout l'existence d'un gouvernement régulier et centralisé. Les Communards n'en avaient même pas une brève idée » (TROTSKY, 1977, p. 221), car « la Commune était faible », contrairement au bolchevisme. Ainsi, Kautsky et Trotsky soulignent tous deux la faiblesse de la Commune : le manque d'organisation bureaucratique. La différence est que pour Kautsky c'est une organisation bureaucratique démocratique et pour Trotsky une organisation bureaucratique autocratique.
Ainsi, la version bureaucratique de la Commune mettra toujours l'accent sur l'absence, le manque. Et le grand absent est la bureaucratie. Les bureaucrates n'étaient pas invités au parti prolétarien. Cela se manifeste dans l'échec qu'aurait été l'absence de centralisation gouvernementale et d'un parti centralisé soi-disant « révolutionnaire ». Lénine est l'expression la plus riche de la récupération mémorielle bureaucratique de la Commune de Paris[xxiii], car non seulement il prétend que la centralisation, le parti, etc. étaient absents de cette expérience, mais il parvient aussi à déformer les propos de Marx pour le convaincre qu'il défendait les mêmes thèses, procédant à une récupération mémorielle de la pensée de Marx. La conception léniniste sera reproduite exhaustivement par les partis, les intellectuels, les militants, les bolcheviks de toutes tendances (des staliniens aux trotskystes), avec de rares différences et de petites variations. Cette répétition prend la forme de milliers de textes et d'écrits, académiques et militants, des pamphlets aux livres.
C'est le cas de Sovolev, un stalinien, qui affirme, en 1939, entre autres, que « la disgrâce de la Commune consistait dans le fait qu'il n'existait pas dans la direction des Communards un parti prolétarien qui influencerait les masses ». et les guider, un parti qui savait ce qu'il voulait et comment y parvenir, un parti sans la direction duquel la révolution ne peut réussir » (SOVOLEV, 1946, p. 172). Pierre Luquet[xxiv] affirme : « ce qui manquait surtout à la Commune, c'était un parti fortement organisé » (LUQUET, 1968, p. 40), c'est-à-dire fortement bureaucratisé, tout en considérant qu'il manquait quelqu'un pour personnaliser la Commune, un chef bureaucratique, comme en témoigne son affirmation selon laquelle « la Commune manquait de Blanqui », après tout, « lui seul aurait eu l'audace de mettre fin à la révolution du 18 mars » (LUQUET, 1968, p. 28).
Ces deux exemples ne font qu'illustrer un grand nombre de matériaux reproduisant les mêmes idées et la récupération mémorielle de la Commune de Paris du point de vue bureaucratique, dont l'élément fondamental et déterminant est le « manque de bureaucratie ». La Commune n'est pas condamnée, comme dans la perspective bourgeoise, elle est louée, mais en même temps, elle est pointée du doigt comme une erreur de manque de bureaucratie, ce qui confirme la conception politique des interprètes, ainsi que la nécessité d'un parti , pour la centralisation, pour la bureaucratie. Bref, dans la version bureaucratique, la Commune a été défaite à cause de l'absence de bureaucratie.
Réflexions finales
Notre objectif était de présenter la reprise mémorielle de la Commune de Paris. Nous montrons brièvement comment la bourgeoisie et la bureaucratie ont cherché à récupérer la Commune, la transformant en ce qu'elle n'était pas. Nous montrons aussi que les ennemis et les faux amis du prolétariat ont tout fait pour lui enlever son caractère de classe. La bourgeoisie a cherché à présenter la Commune comme un produit de criminels, de « socialistes » (considérés comme extérieurs au mouvement ouvrier), en opposition aux « bons ouvriers » et la bureaucratie a cherché à montrer l'incapacité du mouvement ouvrier, sans elle, pour s'émanciper. Dans le premier cas, le prolétariat a été manipulé par une bande de criminels, et dans le second, il a été vaincu parce qu'il n'avait pas une bande de bureaucrates pour le diriger. Ces versions ont des variantes et peuvent changer, comme la version bourgeoise, plus « neutre » et éloignée de l'événement historique, qui au lieu d'accuser les Communards de criminels, a préféré dire qu'ils n'étaient pas « socialistes », annulant le caractère révolutionnaire de la Commune. .
La lutte pour la mémoire de la Commune de Paris était une lutte de classe culturelle, une lutte culturelle large dans laquelle le prolétariat est désavantagé. Le désavantage du prolétariat réside dans le petit nombre de représentants intellectuels de cette classe à travers l'histoire, car la classe intellectuelle, pour l'essentiel, exprime les intérêts de la bourgeoisie ou de la bureaucratie. Les individus prolétaires qui produisent des idées, des écrits, etc., sont petits, en raison de leur propre condition de classe. En ce sens, la perspective du prolétariat dans la lutte pour la mémoire de la Commune de Paris se manifeste marginalement, que ce soit à travers les écrits des communards (oubliés et abandonnés, même par les interprètes progressistes de cet événement historique), ou à travers certains intellectuels et prolétaires qui ont cherché à sauver le sens réel de cet événement historique extraordinaire.
Nous présentons donc ce processus de récupération, mais pas le processus de récupération. Nous avons choisi de ne pas traiter du sauvetage mémoriel de la Commune de Paris, car cela rendrait le texte trop long, et pour cette raison nous le ferons dans un article complémentaire à celui-ci. Et la réflexion sur le sauvetage mémoriel de la Commune de Paris s'inscrit dans la lutte pour la mémoire du point de vue du prolétariat, au même titre que la critique de la récupération mémorielle. Pourtant, la critique de la récupération mémorielle s'inscrit dans cette lutte autour de la mémoire et ouvre la voie au sauvetage mémoriel, ce qui justifie cet article.
*Nildo Viana est professeur à la Faculté des sciences sociales de l'Université fédérale de Goiás (UFG). Auteur, entre autres livres, de Le capitalisme à l'ère de l'accumulation intégrale (Idées de paroles).
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notes
[I] C'est le cas de mai 1968 (ROSS, 2008). La commémoration a généralement lieu tous les dix ans en raison de la mémoire portée par des organisations militantes et politiques, d'une part, et par des événements académiques et intellectuels (séminaires, livres, articles, dossiers de revues, etc.).
[Ii] Sur la distinction entre mémoire et remémoration, ainsi que sur la différenciation entre mémoire individuelle, mémoire collective et mémoire sociale, cf. Viana, 2020. Pour des raisons d'espace, nous ne pourrons pas développer plusieurs aspects théoriques liés à la question de la mémoire et, par conséquent, nous nous référons à ce travail, dans lequel celui-ci est approfondi et détaillé.
[Iii] Il n'est pas possible, ni notre objectif, d'analyser la question des sources pour l'analyse historique, mais seulement de souligner qu'il s'agit d'un élément qui renforce les problèmes d'interprétation.
[Iv] La mémoire collective est l'ensemble des mémoires de secteurs de la société, de collectivités (VIANA, 2020), mais nous ne développerons pas cette réflexion ici, du fait que nous nous concentrons sur la mémoire sociale.
[V] Le paradigme reproductif correspond au régime d'accumulation conjuguée, c'est ce qui l'explique (VIANA, 2019a).
[Vi] Le terme de « récupération » a été développé par des situationnistes et repris par des membres du groupe anglais Solidarity, et l'idée de récupération mémorielle s'inspire de cette conception, mais limitée au cas de la remémoration (VIANA, 2020). La relation entre la récupération et la mémoire peut être vue dans l'analyse de Ross (2008) de mai 1968.
[Vii] Tous les processus de récupération, ainsi que le sauvetage du mémorial, sont abordés et développés dans le travail Mémoire et société – La lutte pour la mémoire (VIANA, 2020).
[Viii] Même Lissagaray (1995) utilise le terme « gauche » et ne se rend pas compte qu'en utilisant un tel terme, inhabituel à l'époque, il a fini par homogénéiser et unifier plusieurs tendances différentes, ce qui renforcerait les problèmes d'interprétation et les analyses futures de la Commune.
[Ix] « Louis-Eugène Varlin est le plus grand emblème de la Commune de Paris de 1871, il a vécu, combattu et est mort à 31 ans pour la République Sociale des Ouvriers, Varlin est la représentation maximale des pratiques communistes autogérées. C'est sa vie et son combat qui doivent être rappelés et longuement évoqués dans la commémoration de ces 140 ans de la Commune de Paris. Ce que M. Karl Marx a dit dans ses lettres à son ami Kugelmann à Londres, après tout ce qu'a traversé Varlin, nous oblige à reconnaître que la seule place où Marx devrait être est dans la bibliographie de la Commune, si Varlin était la Commune. , Marx n'est qu'une référence bibliographique de la Commune. Vaut-il la peine pour nous de réaliser ce qui est historiographiquement fondamental pour nous : parler de la Commune dans son ensemble ou juste d'un livre sur elle ? (PINTO, 2011, p. 54). On a là un processus de personnalisation qui abaisse l'analyse de la Commune au bas de l'historiographie bourgeoise traditionnelle, centrée sur l'histoire des « chefs » et des « grands hommes », en décalage total avec la Commune telle qu'elle était et même la bibliographie sur la Commune Commune qui a du mal à trouver des patrons dans le mouvement. La personnalisation prend ici des allures d'hyper-individualisme : « Varlin est le plus grand emblème de la Commune » (le terme « emblème » en lui-même est déjà révélateur) ; "Varlin est allé à la Commune". Évidemment, cette position n'est pas sans raison, puisqu'elle est la fabrication d'un contraste artificiel entre Varlin et Marx, dans lequel le premier n'est qu'un prétexte pour vouloir disqualifier le second. C'est-à-dire que de telles observations n'ont rien à voir avec la Commune de Paris elle-même, n'étant qu'un champ de bataille pour des querelles académiques et/ou politiques qui ne révèlent que la mentalité compétitive de ses créateurs. La comparaison entre un agent du processus révolutionnaire et un analyste de celui-ci est un peu vaine et reviendrait à se demander qui a été le plus important pour la Révolution française, Robespierre ou Piotr Kropotkine, auteur de La Grande Révolution (1955). Le désir de disqualifier Marx est si grand qu'on tombe dans des contradictions insolubles, comme par exemple souligner la nécessité de "discuter de la Commune dans son ensemble" et de ne traiter qu'avec un communard. D'autre part, il est curieux que des auteurs influencés par la méthode structurale et par le structuralisme et qui prétendent que l'individu et la conscience ne sont rien (BERNARDO, 1991), fassent l'apologie et soulignent l'importance individuelle de Varlin, avec l'objectif de s'opposer à Marx (BERNARDO, 2021). En son cœur, c'est le processus de forcer Varlin à participer à une compétition avec laquelle il n'a rien à voir. En ce sens, la position de Lavrov, qui était personnellement dans la Commune, est beaucoup plus révolutionnaire et prolétarienne, mettant l'accent sur le collectif et non sur les individus, même lorsqu'il fait l'éloge des héros de la Commune, en les mettant au pluriel : Frankels, Varlins, Pidys, etc. (LAVROV, 2021).
[X] Ces déterminations varient selon qui est responsable du rappel. Le doctrinalisme et le dogmatisme est l'une de ces déterminations, ce qui se produit généralement dans le cas de l'anarchisme, par exemple. Dans d'autres cas, d'autres déterminations, telles qu'une mentalité de compétition, une ambition intellectuelle, des conflits académiques, la recherche d'espace politique, le manque d'informations, différentes influences (idéologies, interprétations, etc.), parmi tant d'autres, peuvent se manifester dans chaque cas concret. .
[xi] Nous ne pourrons développer ici une réflexion sur le concept psychanalytique de trauma, qui est notre source d'inspiration et connaît plusieurs développements, à commencer par Freud (et les modifications qu'il a apportées au fil du temps) et ayant des variations chez Rank, Ferenczi, Winnicott et autres. Le traumatisme individuel, ici, signifie un événement qui favorise un impact psychique intense et qui reste indéfiniment dans l'univers psychique de l'individu, qu'il puisse ou non être surmonté, favorisant les réactions psychiques comme mécanismes de défense de celui-ci.
[xii] En français dans l'original. Le terme signifie "maire", "juge du conseil", en portugais du Portugal. Cela signifie également Alcalde (ou alcaide, dans une autre orthographe), qui a une origine arabe et signifie "gouverneur des provinces", mais avait un caractère militaire, puisque sa fonction était la défense militaire du village et l'exercice de fonctions judiciaires et administratives, rendre des comptes directement au roi.
[xiii] Femme dont l'apparence et/ou les manières ressemblent aux hommes ou « femme aux mœurs masculines ».
[Xiv] Nous avons adapté le portugais du Portugal de l'époque (1872) au portugais brésilien actuel.
[xv] Cet auteur ne doit pas être confondu avec l'écrivain anarchiste qui a publié plusieurs livres au Brésil.
[Xvi] L'historiographie a cependant suivi la récupération mémorielle bourgeoise et sa version de la Commune de Paris, dans plusieurs cas. Jones (2018) pointe le travail de William Pembroke Fetridge, qui met en œuvre la même interprétation anticommunarde, mais, bien qu'il le qualifie d'historiographique, il n'est pas un historien professionnel. Cette préoccupation, dans le cas spécifique de la Commune de Paris, est abordée par Brunner (2014) et son analyse des « mythes » de la Commune, pointant la nécessité d'une « objectivité historique ».
[xvii] Une lecture attentive de certaines œuvres de Marx, telles que L'Idéologie Allemande, Le Manifeste Communiste, Le Capital, Le XNUMX Brumaire, entre autres, de savoir qu'une telle interprétation est erronée. Pourtant, même certains lecteurs voyant la référence aux diverses classes sociales – qui ne nécessite pas une lecture aussi attentive – l'ignorent avec une facilité déconcertante, comme si leurs interprétations étaient plus cruciales pour comprendre l'auteur que ses propres mots. Une analyse rigoureuse de l'œuvre de Marx pointe l'existence de plusieurs classes sociales dans le capitalisme, ainsi que la déformation de sa conception des classes sociales (VIANA, 2018).
[xviii] Sur la classe bureaucratique, cf. Viana, 2018, dans lequel il y a une discussion sur les différentes réflexions sur cette classe. Nous évitons de suggérer d'autres textes dans lesquels nous développons d'autres réflexions sur la bureaucratie, mais accessibles, en partie, sur internet.
[xix] Et cela est fait même par les anarchistes (cf. BAKOUNINE, KROPOTKINE, VIANA ; 2021).
[xx] Nous ne pourrons pas développer ici la position de Marx sur la Commune, que l'on peut voir dans ses propres travaux (MARX, 2020 ; MARX, 1986), alors que notre analyse peut être consultée dans les articles Marx et l'essence autogestionnaire de la Commune de Paris e Commune de Paris : interprétations et perspective de classe (VIANA, 2021).
[Xxi] « La pensée proudhonienne (Proudhonist – NV), issue des internationalistes français, se confondait de plus en plus avec les idées marxistes » (KAUTSKY, 1977, p. 60).
[xxii] Avec le passage du régime d'accumulation extensive au régime d'accumulation intensive (VIANA, 2009). Cet ouvrage contient une analyse de la mutation de la démocratie bourgeoise dans chaque régime d'accumulation.
[xxiii] On peut se demander pourquoi nous ne présentons pas comment Lénine procède, mais la raison du choix de Kautsky et Trotsky tient aux éléments suivants : a) Kautsky et Trotsky illustrent deux positions de la classe bureaucratique face à la Commune, deux formes de récupération; b) dans les éléments essentiels, Lénine reproduit la conception kautskyste et trotskyste et dans le positionnement dans la perspective bureaucratique, il rejoint la conception de Trotsky ; c) l'analyse de la récupération mémorielle effectuée par Lénine a déjà été effectuée par nous dans l'article «Commune de Paris, interprétations et perspective de classe» (VIANA, 2021) et il serait répétitif de le présenter ici ; d) l'espace pour le développement de cet article rend difficile l'analyse de la conception de Lénine. C'est pourquoi nous nous référons à l'article cité qui, bien que nous ne travaillions pas avec les concepts développés ici, montre le caractère bureaucratique de l'approche léniniste de la Commune.
[xxiv] Pseudonyme de Robert Verdier (qui a utilisé d'autres pseudonymes, comme Deville, Hervé, etc.), militant passé par certaines organisations et partis, comme le PSA (Parti socialiste autonome) et le PSU (Parti socialiste unifié) de France.