Par OSVALDO COGGIOLA*
Les saboteurs de la Commune devaient adopter une partie de leur programme pour gouverner le pays où les contradictions de classe s'étaient le plus ouvertement et le plus vivement manifestées.
La défaite de la Commune fut la défaite de la France révolutionnaire, et le début d'un siècle de misère, de mort et d'humiliation pour les peuples coloniaux dominés par la nation, porte-parole de la liberté. En 1789, 1792, 1820, 1830, 1848 et 1871, une série de révolutions transforme le pays en centre politique du monde, réalisant le cycle de la révolution démocratique à la révolution prolétarienne en passant par toutes les étapes intermédiaires, faisant de la France le modèle de la pensée politique du monde entier. Pourquoi la Commune a-t-elle été défaite ? Sa première erreur, « décisive » selon Marx, se produit le jour de son ouverture, le 18 mars 1871, lorsque le gouvernement Thiers évacue Paris. Le Comité central de Paris aurait dû, sans tarder, ordonner à la garde nationale de marcher sur Versailles, complètement sans défense. Il laissa aussi l'armée régulière abandonner Paris après son échec à Montmartre ; ses troupes avaient fraternisé avec la population parisienne, mais furent ensuite reprises par les officiers et utilisées contre Paris. Pourquoi la Commune n'a-t-elle pas persécuté Thiers, son gouvernement et ses troupes démoralisées ? Pierre Luquet estimait qu'elle était principalement due à la croyance illusoire en la possibilité de s'entendre avec le gouvernement « légal » : « L'arrêt de mort de la Commune a été prononcé le jour même de sa victoire, par le Comité central du Garde".[I] Ce dernier, contrairement à sa déclaration antimilitariste du 29 mars, n'a pas abdiqué sa volonté de diriger militairement le mouvement, de fait en concurrence avec la Commune. La désunion entre le Comité central et le Conseil exécutif de la Commune est devenue publique, affaiblissant la révolution. La Commune assure tout de même le fonctionnement de la machine administrative parisienne, délaissée par de nombreux fonctionnaires, notamment par les patrons. La poste, les trains, l'imprimerie nationale, le fisc, les écoles continuent de fonctionner. Il parvient à maintenir la garde nationale à jour et équipée, et interdit le cumul des postes rémunérés.
On reprochait à la Commune de ne pas soutenir les luttes ouvrières en province et, en particulier, dans les Communes qui avaient surgi dans certaines grandes villes de l'intérieur (« pour soulever la France, on allouait au maximum cent mille francs », se plaignit Lissagaray); la Commune ne comprend pas le rôle éminemment moteur et centralisateur que peuvent jouer ses directives : elle peut tenter de promouvoir une coalition des différents mouvements municipaux contre le gouvernement de Versailles ; il ne se rendait même pas compte de ce que représenterait la poursuite d'activités et de mouvements de solidarité : la possibilité d'ouvrir de nouveaux foyers de lutte et d'éclaircir et de défaire les mensonges de Versailles, en particulier parmi la paysannerie (la grande majorité de la population de France). La négligence de la Commune envers le mouvement ouvrier international est également pointée du doigt : il existe une commission chargée d'entretenir les relations avec l'extérieur, mais celle-ci oublie presque totalement le reste du monde. Lissagaray faisait remarquer que, dans toute l'Europe, la classe ouvrière buvait avidement les nouvelles de Paris, se battait avec la grande ville, multipliait les rassemblements, les marches, les appels. Ses journaux luttaient contre les calomnies de la presse bourgeoise. Le devoir de la commission à l'étranger était de nourrir ces aides. Certains journaux étrangers se sont endettés jusqu'à la faillite pour défendre la même Commune de Paris qui a laissé périr ses défenseurs faute de soutien économique. Dès le premier instant, les anciennes classes possédantes, au contraire, regroupées à Versailles (avec Thiers et l'Assemblée nationale aux commandes), s'organisent pour écraser la Commune, obtenant de la Prusse la libération de centaines de milliers de soldats emprisonnés dans la guerre. . La campagne de propagande internationale contre la Commune est féroce.
La Commune est présentée comme l'ennemie de Dieu et de la religion, l'Antéchrist annoncé étant enfin arrivé. La Commune, ayant proclamé la séparation de l'Église et de l'État, ne pouvait qu'exclure l'institution religieuse de l'instruction publique qui, à son tour, devait être organisée. Mais la Commune ne s'est pas arrêtée à ce niveau : elle s'est donné pour tâche initiale d'éradiquer de l'école, à tous les niveaux, à la fois l'influence clérico-religieuse, qui incitait les hommes, dès leur enfance, à se soumettre à leur destin, et à la l'influence de la morale bourgeoise. L'enseignement religieux dans les écoles avait été renforcé après l'échec de la Révolution de 1848 : « La propriété ne peut être sauvée que par la religion, qui apprend à porter la croix avec douceur », disaient Montalambert, Falloux et Thiers. Charles Fourier avait sévèrement critiqué le mensonge de l'enseignement qui inculquait aux enfants "l'amour du prochain", alors que l'industrie et le commerce les jetaient dans une concurrence effrénée, ainsi que la morale qui défendait la "vertu", alors que la société leur apprenait à l'ignorer. Après avoir hissé le drapeau de la République du Travail, la Commune a tenté de faire une révolution culturelle, qui éliminerait : 1) la division entre travail manuel et travail intellectuel ; 2) l'oppression des femmes par les hommes ; 3) l'oppression des enfants par les adultes. La Commune s'efforce d'assurer aux professeurs une « rémunération conforme à leurs fonctions importantes » et, pour la première fois, proclame l'égalité de salaire et de travail entre les professeurs, quel que soit leur sexe. Outre la suppression de l'enseignement de la religion, la Commune a également cherché à créer « un enseignement gratuit, laïc et obligatoire » ; une Commission a été instituée pour transformer l'enseignement privé confessionnel en enseignement laïc, ainsi que pour organiser et développer l'enseignement professionnel. La Commune réussit à ouvrir deux écoles professionnelles : une pour les jeunes hommes et une pour les jeunes femmes.
La Délégation de l'Instruction publique de la Commune proclame, le 17 mai 1871, sous la signature d'Edouard Vaillant : « Considérant qu'il importe que la Révolution communale affirme son caractère essentiellement socialiste par une réforme de l'instruction, assurant à tous les véritables fondements de l'égalité sociale , l'éducation complète à laquelle chacun a droit et facilitant l'apprentissage et l'exercice de la profession vers laquelle ses goûts et ses aptitudes l'orientent. Considérant, d'autre part, que si l'on s'attend à ce qu'un plan complet d'éducation intégrale puisse être formulé et exécuté, il est nécessaire d'adopter des réformes immédiates qui garantissent, dans un proche avenir, cette transformation radicale de l'éducation. La Délégation de l'Education invite les communes d'arrondissement à faire parvenir, dans les meilleurs délais, au Ministère de l'Instruction Publique désormais, des indications et informations sur les lieux et établissements les mieux adaptés à l'implantation rapide d'écoles professionnelles, où les élèves, au en même temps qu'ils apprendront un métier, compléteront leur instruction scientifique et littéraire ».
Du fait de sa défaite prématurée, la Commune de Paris n'a pas eu le temps de donner sa mesure dans les domaines les plus divers, y compris celui scolaire. La circulaire Vaillant indiqua cependant qu'elle entendait mener à bien une réforme socialiste de l'école. L'éducation complète, tendant à rendre les hommes complets, à développer harmonieusement toutes les facultés, à lier la culture intellectuelle à la culture physique et à l'enseignement technique, était l'une des revendications de l'Association internationale des travailleurs, votée à son congrès de Genève de 1866, et à la résolution du Congrès de l'AIT de Lausanne de 1867. Le 9 mai 1871, la section parisienne de l'Internationale avait demandé à la Commune de persévérer dans la voie du progrès de l'esprit humain, décrétant l'instruction laïque, primaire et professionnelle, obligatoire et gratuit dans toutes les classes. Dans le « Journal officiel » du 13 avril, un manifeste du citoyen Rama, endossé par Benoît Malon, développe des opinions inspirées par l'esprit laïc et irréligieux sur l'enseignement primaire. Aussi peu qu'ils auraient pu faire, les roturiers cessé d'entraver une réorganisation complète de l'enseignement.
La Commune a ainsi réalisé, dans sa brève existence, une œuvre de démocratisation et de laïcité dans l'enseignement pour le mettre au service de la « République du Travail ». Marx a commenté que "de cette manière, non seulement l'instruction a été rendue accessible à tous, mais la science elle-même a été libérée des chaînes qui lui avaient été imposées par les préjugés de classe et la force gouvernementale":[Ii] « La Délégation de l'Education avait l'une des plus belles pages de la Commune. Après tant d'années d'études et d'expériences, cette question devait venir d'un cerveau véritablement révolutionnaire. La Délégation n'a rien laissé comme témoignage pour l'avenir. Cependant, le délégué était un homme des plus instruits. Il se contenta d'éliminer les crucifix des salles de classe et de lancer un appel à tous ceux qui avaient étudié les questions d'éducation. Une commission était chargée d'organiser l'enseignement primaire et la formation professionnelle ; tout son travail était d'annoncer, le 6 mai, l'ouverture d'une école. Une autre commission, pour l'éducation des femmes, fut nommée le jour de l'entrée des Versaillais. Le rôle administratif de cette délégation se limitait à des décrets peu pratiques et à quelques nominations. Deux hommes dévoués et talentueux, Elisée Reclus et Benjamin Gastineau, sont chargés de réorganiser la Bibliothèque nationale. Ils ont interdit le prêt de livres, mettant fin au scandale des privilégiés qui construisaient des bibliothèques aux dépens des collections publiques. La Fédération des Artistes, dont le président était Courbet – nommé membre de la Commune le 16 avril – et qui comptait parmi ses membres le sculpteur Dalou, s'occupa de la réouverture et de l'inspection des musées ».
Enfin, « on ne saurait rien de cette révolution en matière d'éducation sans les circulaires des communes. Plusieurs avaient rouvert des écoles abandonnées par les congrégations et les instituteurs de la ville, ou avaient expulsé les prêtres restants. Celle du XXe arrondissement habilla et nourrit les enfants, jetant ainsi les premières bases des Caixas Escolares, si prospères dès lors. La délégation du IVe District a dit : « Apprenez à l'enfant à aimer et à respecter son prochain, inspirez-lui l'amour de la justice, apprenez-lui qu'il doit s'instruire dans l'intérêt de tous : tels sont les principes moraux sur lesquels il reposera désormais sur l'instruction communale ». « Les maîtres des écoles primaires et des jardins d'enfants », prescrivait la délégation du XVIIe arrondissement, « utiliseront exclusivement la méthode expérimentale et scientifique, qui part toujours de l'exposition de faits physiques, moraux et intellectuels ». C'était encore loin d'être un programme complet ».[Iii] Il a été envisagé de créer une École nationale de la fonction publique (idée dont, ironie du sort, l'ENA, Ecole Nationale d'Administration, centre de formation par excellence de la bureaucratie de l'État français). En seulement deux mois, il était impossible de mettre tous les plans en pratique. Mais il était clair que la Commune entendait programmer un système d'éducation intégrale, à tous les niveaux, unissant travail manuel et travail intellectuel, à travers un enseignement à la fois scientifique et professionnel. La Commune, d'autre part, a combattu l'oppression des femmes basée sur l'ignorance. Un article du 9 avril 1871 du journal Révolutionnaire Père Duchêne averti : « Si vous saviez, citoyens, combien la Révolution dépend des femmes. Dans ce cas, ils seraient attentifs à l'éducation des filles. Et ils ne les laisseraient pas, comme on l'a fait jusqu'à présent, dans l'ignorance ! ».[Iv] La défaite de la Commune impose un recul social et culturel extraordinaire. Mais la semence laissée par la Commune – l'école publique, laïque, gratuite et obligatoire ; la libération des femmes - a de nouveau fleuri dans les luttes sociales avant la fin du XIXe siècle. La destruction du caractère de classe de l'enseignement et de l'école, l'élitisation de l'université, ont été proposées par la Commune par le seul moyen possible : la destruction de l'État oppressif et la fin du caractère de classe de la société dans son ensemble.
La Commune de Paris était une premier tentative de gouvernement ouvrier. Lancée au sortir d'une guerre, coincée entre deux armées prêtes à se donner la main pour l'écraser, elle n'a pas osé s'engager pleinement sur la voie de la révolution économique. Il n'a pas initié un processus d'expropriation du capital ou d'organisation du travail sur des bases socialistes. Il ne savait même pas comment évaluer les ressources de la ville. Le 29 mars, la Commune s'était organisée en dix commissions, ayant pour référence les ministères qui existaient jusqu'alors (sauf le ministère des Cultes, qui a été supprimé) : Militaire, Finances, Justice, Sécurité, Travail, Subsistance, Industrie et Echanges. , Services Publics, Education — couronné par un Comité Exécutif. En attendant, le gouvernement de Versailles ne chôme pas. Il fait venir des troupes de l'intérieur en région parisienne. L'armistice autorise la France à ne garder que quarante mille soldats en région parisienne ; le gouvernement Thiers négocie avec les Allemands l'autorisation de concentrer davantage de troupes, afin de « rétablir l'ordre ». Bismarck est très compréhensif : l'accord du 28 mars autorise la libération de quatre-vingt mille hommes. Après de nouvelles négociations, Versailles obtient l'autorisation de concentrer 170 18 hommes, dont environ XNUMX XNUMX prisonniers français libérés par les Allemands dans le but précis de détruire la Commune. La Commune prépare maladroitement sa défense militaire : « De nombreux bataillons étaient sans chef depuis le XNUMX mars ; les gardes nationaux, sans cadres ; les généraux de fortune, qui assumaient la responsabilité de diriger quarante mille hommes, n'avaient aucune connaissance militaire et n'avaient jamais conduit un bataillon au combat. Ils n'ont pas fait les démarches les plus élémentaires, ils n'ont monté ni artillerie, ni munitions, ni ambulances, ils ont oublié de faire un ordre du jour, ils ont laissé les hommes sans nourriture pendant plusieurs heures dans une brume qui pénétrait leurs os . Chaque fédéré suivait le chef qu'il voulait. Beaucoup n'avaient pas de cartouches, car ils croyaient, comme le disaient les journaux, qu'il s'agissait d'une simple tournée militaire ».[V] Le 30 mars, le gouvernement de Versailles a commencé à attaquer Paris, s'emparant dans un premier temps de la commune frontalière de La Courbevoie. Le 2 avril, le premier affrontement a lieu entre les troupes de Paris et celles de Versailles, encore furieuses de la défaite de la France dans la guerre franco-prussienne et de l'accord punitif de janvier 1871. L'affrontement se conclut par la défaite des Parisiens ; les prisonniers roturiers ont été fusillés par les Versaillais. La nouvelle a secoué Paris.
Cédant à la pression populaire, la Commune décide d'envoyer des troupes contre Versailles. Mal organisée, avec l'illusion que les soldats de Versailles n'oseraient pas tirer sur la Garde nationale, l'initiative se solde par une grave défaite. Le 5 avril, la Commune prend la décision d'exécuter trois otages pour chaque fédéré exécuté par Versailles (le décret ne s'appliquera cependant que dans les derniers jours de la Commune). La lutte militaire est entrée dans une phase de bombardement à distance, avec des escarmouches au corps à corps seulement de temps en temps. Versailles a déclaré à plusieurs reprises qu'il n'acceptait aucune pacification ou conciliation, seulement la reddition pure et simple de Paris. La fin dramatique de la Commune est précipitée : le 19 avril, la Commune vote, à la quasi-unanimité, une Déclaration au peuple français, qui présenta son programme et sa proposition de Constitution communaliste qui, selon Marx, aurait « amorcé la régénération de la France ». Le 21 avril, il y a eu une restructuration des Commissions, qui ont commencé à être dirigées par un délégué, les neuf délégués constituant la Commission exécutive. Comme cela ne suffisait pas à renforcer et rationaliser l'action de la Commune, un Comité de salut public fut créé, composé de cinq membres, "responsable uniquement devant la Commune" (une proposition à laquelle s'opposa une importante minorité, dont les membres de la Commune). AIT). Le nouveau comité, qui entendait reproduire la méthode et surtout le fantôme de Comité de Salut Public de la « Grande Révolution » du XVIIIe siècle, n'a pas eu l'effet magique attendu par ses tenants. La décision d'installer des barricades n'était guère plus qu'une menace, car elles avaient été rendues inutiles après que le baron Haussmann eut réformé Paris dans les années 1860, la dotant de larges avenues pour permettre le passage des troupes. Dès le 26 avril, les fédérés commencent à perdre des positions : Les Moulineaux ce jour-là ; les fortifications de Moulin-Saquet le 4 mai ; perte de Clamart le lendemain ; revers de Vanves, le 6 mai ; perte des fortifications d'Issy le 8, jour où Thiers lance un ultimatum aux Parisiens. Le 9 mai, le Comité de salut public a subi un renouvellement, dans l'espoir d'améliorer son action efficace. Le 10, le gouvernement Thiers signe à Francfort-sur-le-Main le traité de paix définitif entre la France et l'Allemagne. L'Allemagne libère des prisonniers de guerre pour composer les forces que l'armée française utilisera contre la Commune, qui compte moins de 15.000 20 miliciens défendant la ville contre l'armée sous le commandement de Versailles. Le 130 mai, enfin, les Versaillais entrèrent à Paris : un traître leur ouvrit une porte ; 22 XNUMX hommes ont commencé à pénétrer dans la ville. L'alerte est donnée ; Des initiatives de résistance ont été prises. Le XNUMX mai, le Comité de salut public lance un appel général aux armes. Les quartiers populaires étaient remplis de barricades. La guerre de rue était pratiquée; pour gêner l'avancée de l'ennemi, ils incendièrent les bâtiments au moment de les abandonner. Les troupes versaillaises sont contraintes de conquérir la ville bloc par bloc, maison par maison.
Dans leur chute, les révolutionnaires ont détruit les symboles du Second Empire français - bâtiments administratifs et palais - et exécuté des otages, principalement des membres du clergé, des soldats et des juges. En tout, la Commune de Paris a exécuté une centaine de personnes. Le 24 mai, la Commune quitte le Hôtel de Ville, siège du gouvernement, pour s'installer à la mairie de la 11e région administrative. Le 25 mai, leur dernière rencontre a eu lieu. Le lendemain, il ne restait qu'une poche dans le quartier Saint-Antoine et ses environs. La dernière barricade, rue Oberkampf, est prise par les Versaillais à 13 heures le 28 mai. Au total, 877 hommes des forces militaires de Thiers sont morts lors des affrontements. Quatre mille roturiers, en retour, est mort au combat; et vingt mille autres furent sommairement exécutés dans les jours qui suivirent ; dix mille réussirent à s'exiler ; plus de 40 91 ont été arrêtés, dont beaucoup torturés et exécutés sans aucune procédure, 100 ont été condamnés à mort après procès, 5 1871 à la déportation et XNUMX XNUMX à différentes peines. Un total d'environ XNUMX XNUMX personnes, dont des prisonniers, des exilés et des morts, soit plus de XNUMX % de la population de la ville. Depuis une plate-forme d'observation surélevée à la périphérie de la ville, le jeune et noble lieutenant prussien Paul Ludwig Hans Anton Von Beneckendorff und Von Hindenburg, commandant d'une unité militaire allemande en attente pour éventuellement aider les troupes françaises (qu'il avait combattues jusqu'à quelques il y a quelques jours). Quarante-cinq ans plus tard, en tant que membre de l'état-major allemand, il sera décoré comme héros de guerre de la Première Guerre mondiale. Et un peu plus de soixante ans plus tard, en tant que président de la République de Weimar et déjà un vieil homme, mais probablement avec les images de la Commune de XNUMX encore dans sa mémoire, il a nommé un dirigeant politique nommé Adolf Hitler à la tête du gouvernement du pays.
Sur les 38.578 1872 prisonniers de la Commune jugés en janvier 36.909, 1.054 615 étaient des hommes, 16 1.090 femmes et 1880 enfants de moins de XNUMX ans. Seuls XNUMX XNUMX ont été relâchés après des interrogatoires. Prisonniers et exilés, à leur tour, ne sont amnistiés qu'en juillet XNUMX. L'un des chefs militaires de la Commune, un officier français qui n'est nullement « internationaliste » ou « communiste », mais qui comprend qu'il est de son devoir de combattre aux côtés de la Commune « française » contre les orchestrations des « Prussiens » et des « traîtres », il dit à ceux qui le jugent pour son « crime » : « Vous voyez, imbéciles législateurs, qu'il faut ouvrir la société à la horde qui l'assiège : sans cela, cette horde se fera une société en dehors de la vôtre. Si les nations n'ouvrent pas leurs portes à la classe ouvrière, la classe ouvrière se précipitera vers l'Internationale ». Et il a ajouté : « Je n'ai aucun préjugé en faveur de roturiers: quand même, malgré toute la honte de la Commune, je prétends avoir combattu avec les vaincus plus qu'avec les vainqueurs... Si c'était à recommencer, je ne servirais peut-être pas la Commune, mais je ne servirais certainement pas Versailles" . L'officier, appelé Cluseret, a été abattu. Avec Roussel, autre officier décoré de l'armée française, il avait été chargé de la défense militaire de la Commune.[Vi] Coïncidant avec l'évaluation de ces officiels, la fin de la guerre franco-prussienne s'est produite avec la signature du traité de Francfort, qui a confirmé les précédentes négociations de Versailles, totalement favorables à l'Allemagne. Le document établit la remise des territoires de l'Alsace (séparée géographiquement de la Prusse par le Rhin), et d'une partie de la Lorraine (dont Metz) au domaine de l'Empire allemand, c'est-à-dire la cession de trois départements peuplés d'un an et demi millions de personnes. Dans un délai d'un an, les Alsaciens pouvaient choisir entre la nationalité française ou allemande. 50 1871 d'entre eux s'installent en France, tandis que plusieurs milliers émigrent en Algérie, qui était auparavant déclarée « perpétuellement française ». Les autres ont adopté la nationalité allemande. Lénine, dans ses conclusions sur la défaite de la Commune, soulignait que « pour qu'une révolution sociale soit victorieuse, au moins deux conditions sont nécessaires : des forces productives hautement développées et un prolétariat bien préparé. Mais, en 1848, ces deux conditions manquaient. Le capitalisme français était encore sous-développé et la France était avant tout un pays de petits bourgeois (artisans, paysans, commerçants, etc.). Ce qui manquait à la Commune, c'était le temps et la possibilité de s'orienter et d'aborder la réalisation de son programme ». Guy Debord disait que « la Commune de Paris a été vaincue moins par la force des armes que par la force de l'habitude. L'exemple pratique le plus scandaleux fut le refus d'utiliser le canon pour prendre le contrôle de la Banque de France, alors qu'il manquait cruellement d'argent. Tant que dura le pouvoir de la Commune, la banque resta une enclave à Paris, défendue par quelques fusils et le mythe de la propriété et du vol. Les habitudes idéologiques restantes étaient désastreuses à tous points de vue (la résurrection du jacobinisme, la stratégie défaitiste des barricades en mémoire de XNUMX) ».[Vii]
La défaite de la Commune marque le début d'une période de déclin pour le mouvement ouvrier européen et ses organisations. L'AIT était déjà le théâtre de querelles internes dès avant 1870, opposant fondamentalement Bakounine et Marx. Les désaccords redoublent d'intensité après la défaite de la Commune, avec des manœuvres en coulisse impliquant toutes les parties. L'AIT, qui avait mis en scène de grands épisodes en 1870 et 1871, ne survécut pas à la défaite des prolétaires parisiens. L'influence de l'Internationale ouvrière sur la Commune était plus potentielle que réelle, et donc plus redoutée. Le spectre de l'Internationale planait sur toute l'Europe, et au-delà ; même dans la lointaine Buenos Aires, les communeiros ont été tenus (faussement) responsables de l'incendie de la cathédrale de la ville.
Le massacre de la Commune a été important pour sa projection ultérieure. Dans le rapport du Dr. José Falcão, au Portugal, « la lutte à Paris a duré huit jours, féroce, sanglante, terrible, dans les forts, sur les murs, sur les barricades, sur les places, dans les rues, dans les maisons, dans les caves, dans le souterrain. Les troupes de Versailles devaient prendre Paris quartier par quartier, carré par carré, maison par maison, centimètre par centimètre ».[Viii] C'est typique d'une révolution ; la Commune eut cependant, pour le développement du mouvement prolétarien européen, des effets contradictoires. Les blanquistes, en grande majorité emprisonnés ou exilés, ont fini par rejoindre l'AIT dans ses dernières années d'existence, mais ils n'ont pas surmonté leurs idées complotistes et ont disparu comme courant du mouvement ouvrier dans les décennies suivantes. Chez les anarchistes, la Commune a eu pour effet d'affaiblir les premières vues proudhoniennes et de renforcer les tendances bakouninistes. La France post-communale a été le berceau des courants qui sont devenus prédominants dans l'anarchisme européen dans les décennies suivantes : l'anarcho-syndicalisme et le terrorisme individuel, dans le corpus desquels les leçons de la révolution parisienne avaient peu de place. Blanqui, pour sa part, ni anarchiste ni marxiste, mais toujours « blanquiste », a écrit des centaines d'articles après la Commune et, dans son livre L'Éternité par les Astres (de 1872, écrit peu après la Commune) défendait la théorie de "l'éternel retour", et aussi que les atomes des hommes sont composés reproduisent une infinité de temps dans des lieux infinis, de telle sorte que nous aurions tous une infinité de double...[Ix] Jusqu'à la fin de sa vie, un peu plus d'une décennie plus tard, il sera un agitateur révolutionnaire et socialiste. En 1871, lors de la dernière roturiers touché par les balles de la réaction française, un chapitre de l'histoire du mouvement ouvrier et socialiste international s'achève. Un rideau de violence s'est abattu sur la scène politique européenne. Libéraux et conservateurs, républicains et monarchistes se sont unis dans une nouvelle alliance sainte contre le prolétariat révolutionnaire et son représentant, l'Internationale. Élu député à Bordeaux en avril 1879, Blanqui voit son élection invalidée, car il est toujours en prison ; il n'a pas pu assumer la présidence, mais il a été gracié et libéré en juin. En 1880, il lance le journal Ni Dieu ni Maître, qu'il dirigea jusqu'à sa mort, victime d'un accident vasculaire cérébral, après avoir prononcé un discours à Paris, le 1er janvier 1881. Il fut inhumé au cimetière du Père Lachaise, dans une tombe réalisée par le plasticien Jules Dalou, combattant de la Commune. Son livre principal, Critique sociale, à partir de 1885, en fait une vaste collection d'articles, a été publiée à titre posthume. Blanqui mort, fini le « blanquisme » ?
En tant qu'épithète péjorative, elle a survécu de loin à la personne qui l'a inspirée. Le blanquisme a fortement influencé les populistes russes. Aux débuts du socialisme russe, et même bien plus tard, ne manquaient pas ceux qui voulaient opposer le « spontanéisme démocratique » du jeune Trotsky (ou Rosa Luxemburg) au « blanquisme dictatorial » de Lénine, avec sa théorie de le parti centralisé et professionnel, bien que Lénine lui-même ait affirmé que les blanquistes croyaient que "l'humanité se libérerait de l'esclavage salarié non par la lutte de classe du prolétariat, mais grâce à la conspiration d'une petite minorité d'intellectuels". Dans Le Popolo d'Italie, journal fasciste fondé et dirigé par Benito Mussolini en 1915, l'épigraphe était une phrase de Blanqui : «Chi ha del ferro ha del volet» (« Celui qui a du fer [des armes] a du pain »). Walter Benjamin considérait Blanqui, dans ses « Thèses sur l'histoire », comme le personnage le plus lié à son siècle (en son temps) du XIXe siècle. Blanqui est enfin « récupéré » par l'iconographie officielle. Blanqui n'a pas surmonté, doctrinalement ou politiquement, les conditions historiques, économiques et politiques de son environnement. Sa politique et sa théorie (dans son cas, pratiquement une chose) n'ont pas résisté au passage du temps (bien que le courant blanquiste ait persisté jusqu'à la fin du XIXe siècle, parvenant à faire élire plusieurs députés pendant la période de la Troisième République). Mais ils ont définitivement marqué leur époque. En 1871, Eugène Pottier (1816-1887), après la défaite de la Commune, écrit L'Internationale qui, mis en musique, est devenu un hymne international pour le travail et le socialisme. L'intention de Pottier était que le poème soit chanté au rythme de la Marseillaise, mais en 1888, Pierre de Geyter composa une musique pour le poème, qui est encore utilisée aujourd'hui. De l'autre côté de la barricade, métaphoriquement et littéralement, la pensée contre-révolutionnaire et élitiste élabore les arguments d'une formidable littérature réactionnaire « scientifique » qui atteint son apogée à la fin du XIXe siècle. C'est au sociologue et psychologue français Gustave Le Bon, dans son essai La Psychologie des Foules (à partir de 1895), pour diaboliser les masses insurgées. Pour lui, témoin de la Commune de 1871, les immenses rassemblements humains qui décident de défiler et de protester ne sont que l'irrationalisme mis en action. Même lorsqu'ils se mobilisaient pour une cause patriotique ou altruiste, ils n'apportaient rien de bon, si ce n'est la déprédation et le désordre, sinon la subversion sociale. L'Église, faisant pendentif au chœur majoritaire dans la presse et dans les cercles dirigeants, il proclame l'infaillibilité du pape exactement en 1871. Les fidèles sont sommés (et menacés) de ne plus jamais désobéir.
La Commune, ses acquis et sa défaite, ainsi que les conclusions divergentes et contradictoires qui en ont été tirées, ont été à la base du développement des courants révolutionnaires et réformistes dans le mouvement ouvrier français et européen jusqu'en 1914. En France, l'organisation ouvrière progresse lentement sous la IIIe République, marquée par l'expérience récente de la Commune : « La IIIe République tirait sa légitimité de sa capacité à limiter les divisions ; plus tard, il le devait simplement à sa capacité à rester debout. Républicains et royalistes des années 1870 étaient également soucieux de réduire au minimum toute référence à des projets sociaux et historiques ; les républicains, en particulier, ont voulu prendre leurs distances avec les échecs passés et, plus récemment, avec l'expérience et les objectifs d'un républicanisme social extrême manifesté et échoué dans la Commune de Paris ».[X] Le fantôme de la Commune, cependant, continue de planer. Le républicanisme et la laïcité fondés sur l'éducation civique (défendus par Jules Ferry et Gambetta), étaient marqués par l'idée que les citoyens faisaient partie d'un corps « unique et indivisible » (la Nation), représenté à l'Assemblée nationale élue au suffrage universel (masculin) , érigée sur les décombres du Paris révolutionnaire. Rien ne doit affecter l'unité de ce corps. Contre cette idée, dans la préface de La guerre civile en France, réédité en 1895, Engels écrit : « Le suffrage universel est l'indice qui permet de mesurer la maturité de la classe ouvrière. Dans l'état actuel, il ne peut pas et n'ira jamais au-delà, mais il suffit. Le jour où le thermomètre du suffrage universel enregistrera le point d'ébullition des ouvriers, ils sauront - autant que les capitalistes - ce qu'il leur reste à faire ». La « capitale laïque du monde » (par opposition à Rome, capitale du monde chrétien) était dominée à son point culminant, la colline de Montmartre, par une église monumentale, le Sacré Coeur, construit en réparation des « excès anticléricaux » de la Commune de 1871.
A l'audace de la Commune de s'attaquer à la bureaucratie d'Etat répond sa croissance monstrueuse : la France compte deux fonctionnaires de l'Etat pour cent habitants en 1870 ; en 1900, ce nombre était passé à quatre (plus du double, compte tenu de la forte croissance démographique).[xi] Bien sûr, les divisions et les affrontements de classe se sont poursuivis malgré la répression et l'idéologie officielle. Ils ont pris leur forme la plus aiguë dans la grève des mineurs de Carmaux, immortalisée dans le roman germinatif d'Émile Zola, qui projette sur le plan national la figure de son représentant parlementaire, Jean Jaurès, qui porte au socialisme français (et européen), dont il devient le principal représentant, tout le fardeau d'un républicanisme qui s'est égaré dans son anti- la lutte monarchique à travers les expériences jacobines et commun. Le facteur décisif dans la dissolution de l'Internationale ouvrière (AIT), après la défaite de la Commune, fut ses complications politiques internes (qui reflétaient son isolement externe). Selon Miklós Molnár, Engels souffrait d'un optimisme qui n'avait pas prévu les conséquences de la prédisposition ouvrière en faveur de l'anarchisme, notamment en Espagne et en Italie. Le Conseil général de l'AIT était composé d'Anglais et d'émigrés résidant à Londres. Après la Commune, il n'avait plus de liens vivants avec les sections nationales. La correspondance ne remplace pas la confrontation permanente et personnelle des opinions et des informations. Les correspondants du Conseil général en Allemagne étaient Liebknecht, Bebel, Kuggelmann et Bracke, les « experts » allemands du Conseil général étaient Marx et Engels. En fait, l'Internationale marchait dans le vide : « Née du mouvement royal, en 1872, un an après la défaite de la Commune, elle n'avait aucune assise solide sur le continent européen. Le programme adopté à la Conférence de Londres privait le Conseil général du soutien des fédéralistes et des collectivistes, fondements de l'anarchisme futur, sans lui apporter le soutien actif des sociaux-démocrates. Ceux-ci approuvaient le programme du Conseil, mais ne s'intéressaient pas à l'Internationale ; la première, au contraire, restait fidèle à l'Association internationale, mais désapprouvait son programme politique. Pendant huit ans (1864-1872), les intérêts internationaux de la classe ouvrière l'ont emporté sur la diversité des tendances rassemblées autour de la bannière de l'Internationale. Mais, une fois que les conditions historiques et politiques ont changé, les éléments qui garantissaient la cohésion se sont affaiblis. La diversité l'a emporté sur l'unité. L'écart entre les tendances était trop grand pour permettre au Conseil général de mener une politique conforme aux aspirations et au degré de développement de chacune d'entre elles. Le Concile devait choisir entre eux, acceptant ainsi le danger de provoquer sa propre disparition ».[xii]
L'équilibre européen a été modifié avec la proclamation de la nation allemande et la défaite de la France dans la guerre franco-prussienne : les particularités de l'unification allemande ont marqué de manière décisive le destin de l'Europe jusqu'au XXe siècle et, par conséquent, la configuration de la main-d'œuvre mouvement sur le continent. Dans le développement politique de la classe ouvrière après la défaite de la Commune, et compte tenu de la situation en France comme en Angleterre, seule l'Allemagne pouvait servir de base et de centre au mouvement ouvrier international : Marx fut le premier à admettre cette situation. . La politique du Conseil général de l'AIT est calquée, à partir de 1871, sur les bases du socialisme allemand : c'est une transformation radicale, conforme au mode d'organisation et au programme de la social-démocratie allemande, réputée être le centre de l'Europe l'attraction et la force motrice de l'Internationale renouvelée. En 1872, le dernier congrès de la Première Internationale (AIT) sur le sol européen se réunit à La Haye. Sur proposition de Marx, le Conseil général de l'AIT est transféré aux États-Unis, pour se protéger des attaques de la réaction mais aussi de l'action des bakouninistes qui menacent de prendre la direction de l'organisation. Les « anarchistes » réagissent immédiatement, tiennent un meeting à Zurich, et se déplacent immédiatement à Saint Imier, en Suisse, où, à l'initiative des Italiens, se tient un congrès qui crée ce qu'on appellera « l'Internationale anti-autoritaire ». Il y avait quatre délégués espagnols, six italiens et deux français, deux de la Fédération jurassienne et un des États-Unis. Au total, quinze délégués décident à l'unanimité de ne pas reconnaître le congrès de La Haye, et délibérent des résolutions sur le « pacte d'amitié, de solidarité et de défense mutuelle entre fédérations libres », « la nature de l'action politique du prolétariat », « l'organisation de la résistance de travail".
Les anarchistes affirmaient leur statut « anti-politique et anti-autoritaire » en affirmant : « 1°, Que la destruction de tout pouvoir politique est le premier devoir du prolétariat ; 2° Que toute organisation d'un pouvoir politique prétendument provisoire et révolutionnaire, pour amener cette destruction, ne peut être qu'une erreur, et serait aussi dangereuse pour le prolétariat que tous les gouvernements qui existent aujourd'hui ; 3°, Que, rejetant tout compromis pour arriver à la réalisation de la Révolution Sociale, les prolétaires de tous les pays doivent établir, en dehors de toute politique bourgeoise, la solidarité de l'action révolutionnaire ». Les marxistes ont qualifié les bakouninistes de "divisionnistes". Celles-ci tinrent finalement leur Congrès à Genève en 1873, organisé par la Section de propagande socialiste et révolutionnaire de Genève, auquel assistèrent 26 délégués. Les statuts de l'AIT furent modifiés selon les principes défendus par les bakouninistes. L'Internationale « de La Haye » (« marxiste ») vécut faiblement encore quelques années. Le processus a ainsi été expliqué par Miklós Molnár : « La façon de penser utopique typique de l'enfance du mouvement prolétarien était encore profondément enracinée dans la mentalité des ouvriers qui, selon Marx, avait été dépassée par l'Internationale, tout comme la science avait vaincu les vieilles conceptions des ouvriers, astrologues et alchimistes. L'ère du socialisme utopique n'était pas encore si loin derrière nous lorsque les auteurs des résolutions de Londres tentèrent de transformer l'Association en une organisation politique militante adaptée aux besoins du prolétariat moderne. Il y en avait encore beaucoup qui avaient connu les habitants de la Nouvelle harmonie d'Owen, et parmi les membres de l'Internationale il y avait encore de vieux Icariens de la colonie texane de Considérant... L'Internationale était encore profondément marquée par l'utopisme. Elle n'était viable qu'en tant qu'organisation large composée d'éléments hétérogènes… Si elle avait continué d'être ce qu'elle était en 1864 (date de sa fondation) elle aurait pu survivre quelque temps, quoique de façon plus ou moins anachronique. . En quittant son ancienne sphère, il se condamnait à la distorsion produite par la force centrifuge de ses diverses tendances dégagées de ce contexte, tout comme l'attachement à son pacte fondamental serait dénoncé ».
A Philadelphie (USA), en juillet 1876, il est convenu de "suspendre indéfiniment l'Association internationale des travailleurs". Engels écrit à Sorge à l'occasion de la démission de ce dernier du poste de secrétaire de l'organisation : « Avec votre démission, la vieille Internationale est définitivement blessée à mort et touche à sa fin. Ça c'est bon. Elle appartenait à la période du Second Empire ». Les exilés de la Commune en Nouvelle-Calédonie constituaient une « communauté » qui, notamment, se rangeait du côté des autorités françaises lors d'un soulèvement anticolonial de la population locale.[xiii] En France, le 30 janvier 1875, une nouvelle Constitution est proclamée, sur des bases républicaines et fondée sur la suffrage universel: "Tous ceux qui, par la richesse, l'éducation, l'intelligence ou la ruse, sont aptes à diriger une communauté humaine et en ont la possibilité - c'est-à-dire toutes les fractions des classes dirigeantes - doivent s'incliner devant le suffrage universel, pourvu que il est institué, et également, si l'occasion l'exige, pour le flatter et le tromper », a théorisé le conservateur italien Gaetano Mosca dans Sulla Theorica dei Governi e sul Governo Parlamentare, 1883. Le suffrage universel est introduit après la défaite de la Commune, lorsqu'il a cessé d'être la terreur des classes dominantes. Les forçats de la Commune furent enfin amnistiés ; au début du XXe siècle, un groupe culturel d'anarchistes français a réalisé un film modeste (muet) sur la Commune, auquel ont participé des survivants de 1871. Le dernier commun vivant, Adrien Lejeune, mort en 1942 en Union soviétique ; il fut inhumé au Kremlin pendant la Seconde Guerre mondiale et repose actuellement au cimetière du Père Lachaise à Paris, face au « Mur des Fédéraux » (lieu d'exécution des combattants de la Commune).
La « démocratie représentative » exigeait l'écrasement préalable de la classe ouvrière ; elle a modifié le terrain de la lutte politique. Le parlement étant placé sur le devant de la scène politique, la scission entre réformistes et révolutionnaires au sein du mouvement ouvrier devint inévitable et en vint à dominer les débats. En Angleterre, le syndicats a évolué vers la forme de syndicats, qui ont eu une évolution lente dans leurs revendications. La durée du travail a diminué, le pouvoir d'achat des salariés a augmenté, mais la situation dans les quartiers populaires reste très précaire. Au syndicats Les associations anglaises ont été reconnues comme syndicats de la classe ouvrière précisément en 1871. En termes de droits politique Pour les ouvriers, les conquêtes sont plus lentes : ce n'est qu'avec la réforme électorale de Benjamin Disraeli (1867) et plus tard avec la réforme parlementaire de William Gladstone (1884), que la majorité des ouvriers anglais obtiennent le droit de suffrage. De l'autre côté de la Manche, la vague de la Commune se fait encore sentir, même de manière tacite ou implicite. Aux élections françaises de 1876, les républicains l'emportent sur les monarchistes. En 1879, le républicain Jules Grévy est réélu président ; des républicains, parmi lesquels de nombreux francs-maçons, unis pour combattre le clergé ; non seulement ils avaient l'intention de supprimer l'éducation des congrégations, mais aussi de faire des écoles laïques, gratuites et obligatoires la base du régime politique. Les destructeurs de la Commune devaient adopter une partie de leur programme pour gouverner le pays où les contradictions de classe s'étaient manifestées le plus ouvertement et le plus vivement : commencée en France, la politique d'expropriation « démocratique » du potentiel révolutionnaire de la classe ouvrière était un processus de portée mondiale. .
*Osvaldo Coggiola Il est professeur au département d'histoire de l'USP. Auteur, entre autres livres, de Histoire et Révolution (Shaman).
notes
[I] Pierre Luquet, André Dunois et al. La Commune de Paris. Rio de Janeiro, Laemmert, 1968.
[Ii] « L'éducation communiste », dépassant les contradictions de la société de classes, doit être « intellectuelle, physique et polytechnique » : cette dernière doit être à la fois théorique (« transmettre les principes généraux de tous les processus de production ») et pratique (« initiation à l'utilisation pratique et maniement des instruments de base de toutes les branches de travail'). Cette double formation était considérée comme indispensable pour que les ouvriers maîtrisent les bases scientifiques de la technologie, ce qui leur permettrait d'organiser et de contrôler la production une fois le pouvoir politique conquis (sous la domination de la bourgeoisie, ils n'avaient que "l'ombre de l'éducation professionnelle").
[Iii] Prosper-Olivier Lissagaray. Histoire de la Commune de 1871. Paris, François Maspero, 1983.
[Iv] Dans : Raoul Dubois. à l'Assaut du Ciel. La Commune racontée. Paris, Les Éditions Ouvrières, 1991.
[V] Prosper-Olivier Lissagaray. Op.Cit.
[Vi] Cluseret-Roussel. La Commune et la Question Militaire. Paris, UGE, 1975.
[Vii] Guy Debord. 14 thèses sur la Commune de Paris. Internationale Situationniste N° 7, Paris, avril 1962.
[Viii] apud Alexandre Cabral. Notes du XIXe siècle. Lousã, Platano Edtora, 1973.
[Ix] Jorge Luis Borges était un lecteur régulier de Blanqui, en qui il reconnaissait une source d'inspiration.
[X] Tony Judt. Un passé imparfait. Paris, Fayard, 1992.
[xi] Guy Thuillier. Bureaucratie et Bureaucrates en France au XIXè Siècle. Genève, Droz, 1980. En 1930, le « boa constrictor » était passé à sept fonctionnaires pour cent habitants, enfants compris. Alfred Sauvy. La bureaucratie. Buenos Aires, Eudeba, 1976.
[xii] Miklos Molnár. La pente du I International. Madrid, Édicuse, 1974.
[xiii] Umberto Calamita. Il est temps de ciliegie. La contradiction n° 135, Rome, avril-juin 2011.