Par THIAGO BLOSS DE ARAÚJO*
L'identification collective à la victoire du culte Rayssa ne renvoie pas à l'espoir, mais à la résignation d'une population qui s'est habituée à l'immédiateté de la mort de milliers, de la faim et de l'autoritarisme social.
"Merci d'avoir ravivé notre espoir dans un Brésil meilleur". C'était une phrase, parmi tant d'autres similaires, écrite par un internaute après que la jeune patineuse Rayssa Leal (la soi-disant «fée») ait remporté une médaille d'argent aux Jeux olympiques au Japon. Sa victoire, en plus d'être le fruit d'une rédemption individuelle, est devenue une sorte de rédemption collective (d'une autre nature) pour les téléspectateurs.
L'importance d'un tel exploit ne fait aucun doute, d'autant plus qu'il est le fruit de l'effort d'une jeune femme brésilienne noire, pauvre et périphérique qui a certainement fait face à bien plus d'obstacles que les autres athlètes représentant les pays du centre du capitalisme.
D'un autre côté, la commotion idolâtre pour sa victoire, alimentée par les moyens de communication de masse, comporte beaucoup plus de potentiel de résignation que de critique. Déjà au milieu du siècle dernier, Adorno et Horkheimer signalaient comment le sport, lorsqu'il était associé à l'industrie culturelle, devenait pure idéologie lorsqu'il était utilisé comme instrument d'identification des masses avec le donné social, avec la réalité administrée telle qu'elle se présente auparavant. eux, nos yeux. La fonction de l'idéologie ne serait plus simplement la dissimulation de la vérité, qui aboutirait à une fausse conscience. Au contraire, aujourd'hui l'industrie culturelle énonce son mensonge en ne cachant rien au consommateur, si ce n'est qu'il vit dans un monde immuable et toujours le même. Ainsi, de façon très précise, les Francfortois ont synthétisé cette nouvelle facette de l'idéologie en une phrase : « deviens ce que tu es ».
En effet, le spectacle entourant la victoire de la fée aux JO, tout en projetant sur sa figure l'imaginaire du « mythe » chargé de concilier les contradictions qui opèrent dans la société brésilienne, renforce également le cynisme qu'il n'y a rien à changer, que « les choses sont ce qu'ils sont » et que tout dépend de l'effort individuel. Il suffit de penser que cette médaille difficile est remportée dans le contexte d'un pays dont le gouvernement, le soi-disant « mythe », était directement responsable de la mort de plus d'un demi-million de personnes et qui, sans faute de sa part , a éteint le ministère des Sports.
Dans une telle situation, Rayssa a eu la "chance" d'avoir une vidéo d'elle devenue virale sur Internet, ce qui lui a offert la possibilité de surmonter certains des désavantages structurels auxquels elle serait confrontée jusqu'à ce qu'elle remporte la médaille. La même chose s'est produite avec le surfeur Ítalo Ferreira, médaillé d'or, qui a appris à surfer sur un couvercle en polystyrène au début de sa carrière. Il est évident que de tels désavantages auraient pu être évités (ou minimisés) dans un pays plus juste et moins autoritaire. C'est pourquoi ses victoires, bien que méritées, apparaissent aux téléspectateurs comme un mensonge manifeste.
En ce sens, l'identification collective à la victoire du vénéré Rayssa ne renvoie pas à l'espoir, mais à la résignation d'une population qui s'est habituée à l'immédiateté de la mort de milliers, de la faim et de l'autoritarisme social. La résilience, dans ce contexte, n'est qu'une expression de mutilation et non de rédemption ou de dépassement individuel. S'il y a quelque chose à ouvrir en grand dans la conquête du patineur, ce n'est pas l'espoir, mais le désespoir. Après tout, la victoire spectaculaire de la fée se déroule malheureusement sous la véritable disgrâce du mythe.
* Thiago Bloss de Araújo est doctorante à l'Ecole de Philosophie, Lettres et Sciences Humaines de l'UNIFESP.