La littérature fantastique de Sergio Papi

Image: Vasco Prado
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Par DANIEL BRÉSIL*

Commentaire sur le livre "99 histoires".

Sergio Papi a construit sa carrière de graphiste depuis les temps héroïques de la presse alternative, dans les années 70 et 80. Il a écouté et écrit de nombreuses histoires, accompagné des épisodes sombres, illustré et schématisé des libelles et des diatribes.

Avec la reconquête de la démocratie, le narrateur, le conteur, l'écrivain ont émergé. Et en 2020, alors que le pays flirte à nouveau avec les ténèbres, il publie 99 histoires (Terra Redonda Editora), où son imagination se déploie dans des nouvelles et des chroniques qui forment une tapisserie complexe de perles de différentes couleurs.

D'origine juive, comme beaucoup d'entre nous, Papi évoque de temps à autre le Moyen-Orient, les questions arabes, la géographie immémoriale des Perses. Il plonge aussi dans l'histoire du Brésil, la tragédie latino-américaine, les découvertes de la science. Cela donne une certaine saveur borgéenne à ses récits, qui oscillent entre le vraisemblable et le fantastique. Cette ville existe-t-elle vraiment au Yémen ? Cette bataille entre les Incas et les Espagnols a-t-elle eu lieu ? Y avait-il vraiment cette chocolaterie à Butantã ?

La prose fluide de Papi prend parfois la forme d'une chronique, décrivant des milieux urbains (généralement São Paulo), des voyages ou des rêves étranges. L'insolite apparaît souvent, comme si une porte vers une autre dimension s'était ouverte dans le béton du quotidien. L'utilisation constante de termes scientifiques – qu'ils soient issus de la chimie, de la médecine ou de l'astronomie – confère une étrangeté à laquelle une certaine dose d'humour ne manque pas. Ce n'est pas un hasard si l'un de ses orixás inspirants est le vieux baron d'Itararé, dont il a republié les fac-similés Trois Almanachs, entre 1989 et 1995.

À d'autres moments, le récit est configuré comme une histoire courte dès le début, créant des scénarios et des personnages, des dialogues et des situations. Ce mélange des genres, de plus en plus caractéristique de notre époque, ne peut être confondu avec un laxisme formel dans 99 histoires. C'est le résultat évident d'une vie de lectures abondantes, d'un effort professionnel pour traduire un texte en images. Ici, de manière curieuse, le dessinateur-écrivain Sergio Papi utilise souvent une image, réelle ou imaginaire, pour la transformer en texte.

Cette opération inverse nous conduit à un dilemme de plus en plus présent dans l'océan d'informations virtuelles dans lequel nous sommes plongés. Quand le journalisme électronique se rétrécit textuellement, optant pour l'image comme support privilégié, c'est tout un édifice culturel construit par des siècles d'expérience qui est mis en péril. Reviendra-t-on aux hiéroglyphes ?

C'est sur cette structure convulsive que s'équilibre la littérature de Sergio Papi. Les 99 courts textes, précédemment publiés sur internet, tracent un panorama dystopique de cette époque, dépeignant l'Aleph vertigineux d'une information dont la véracité est de plus en plus difficile à prouver. Mais sur le terrain dûment balisé de la fiction, il est possible de parler de l'eau comme s'il s'agissait de vin, et de donner au lecteur le sentiment d'avoir goûté quelque chose de nouveau.

* Daniel Brésil est écrivain, auteur du roman costume de rois (Penalux), scénariste et réalisateur de télévision, critique musical et littéraire.

 

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