Par FRANCISCO TEIXEIRA
Bien avant que l’Holocauste ne devienne une obsession juive, l’ONU utilisait déjà cette tragédie pour justifier la partition immorale de la Palestine.
La plupart des Juifs vivent en dehors d'Israël. Début 2019, la population juive mondiale, celle qui s'identifie comme juive en majorité, était estimée à 14,7 millions (soit 0,2 % des 7,89 milliards d'humains). Si l’on considère ceux qui se disent en partie juifs ou qui ont une ascendance juive d’au moins un seul parent juif, ce chiffre s’élève à environ 17,9 millions. Sur ce total, 51 % vivent aux États-Unis, contre 30 % en Israël. Ensemble, ces deux pays représentent 81 % de la population juive mondiale.[I]
Compte tenu de cette composition démographique, est-il pour le moins déraisonnable de créer un État qui n’hébergerait que 30 % de ceux qui s’avouent juifs ? Cette question peut être posée en d’autres termes, bien plus inquiétants. Fondé en mai 1948, Israël est né comme un État situé au cœur de la Palestine, pour abriter uniquement une population qui, à cette époque, ne représentait que 30 % de la population de ce pays, contre près de 70 % des Palestiniens. qui vivait là depuis des millénaires, au « pays de Canaan ».
Et ce qui est le plus intrigant : « presque toutes les terres cultivées appartenaient aux indigènes [palestiniens] – seulement 5,8 % appartenaient à des Juifs en 1947… ».[Ii] L’hypocrisie de la résolution 181 de l’ONU, adoptée en novembre 1947, qui établit la partition de la Palestine, la divisant entre Juifs et Arabes, est ainsi révélée. Les premiers ont obtenu 55 % du territoire et les Palestiniens seulement 45 %.
Il est donc clair que la résolution sur la partition a complètement ignoré la composition ethnique de la région. « Si elle avait voulu égaler le territoire sur lequel les Juifs s'installeraient en Palestine », s'insurge Ilan Pappé, à juste titre, l'ONU ne leur aurait réservé « pas plus de 10 % ». « Mais l’ONU, poursuit-il, a accepté les exigences nationalistes du mouvement sioniste sur la Palestine et, plus encore, a cherché à dédommager les Juifs pour l’Holocauste nazi en Europe. »[Iii]
Or, une telle réparation compatissante était très loin de correspondre au véritable sentiment de la plus grande communauté juive du monde, celle d’Amérique du Nord. Au moment de la création de l’État d’Israël, il n’y avait aucune expérience émotionnelle liée à l’extermination subie par les Juifs dans les camps de concentration nazis. Jusqu’à la fin des années soixante du siècle dernier, « aucun monument ni hommage n’a marqué l’Holocauste nazi aux États-Unis. Au contraire, la plupart des organisations juives s’opposaient à de telles célébrations. »[Iv]
Comment expliquer cette absence de mémoire de la Shoah ? « L’explication courante, avance Norman Finkelstein, est que les Juifs ont été traumatisés par l’Holocauste nazi et ont donc réprimé sa mémoire. » L'auteur de L'industrie de l'Holocauste va plus loin en précisant que « la véritable raison du silence public sur l’extermination nazie était la politique conformiste des dirigeants juifs américains et le climat politique d’après-guerre ». Les organisations juives ont embrassé la politique américaine, « oubliant l’Holocauste nazi parce que l’Allemagne – l’Allemagne de l’Ouest en 1949 – est devenue un allié américain crucial d’après-guerre dans la confrontation des États-Unis avec l’Union soviétique.
Fouiller dans le passé ne serait d’aucune utilité ; En fait, c’était une complication”[V]. (…). Il a fallu attendre la guerre israélo-arabe de juin 1967 pour que « l’Holocauste devienne une obsession dans la vie des Juifs américains ». Dès lors, le dogme de la « haine éternelle des non-juifs sert à la fois à justifier la nécessité d’un État juif et à tirer profit de l’hostilité dirigée contre Israël ».[Vi].
Face à ce scénario, on ne peut le nier : bien avant que l’Holocauste ne devienne une obsession pour les Juifs, notamment les Nord-Américains, l’ONU utilisait déjà cette tragédie pour justifier la partition immorale de la Palestine. Mais ce n’est pas la seule raison de ce partage. Plus importante que tout attrait sentimental se cache une question géopolitique qui, à l’époque, n’était pas encore claire, mais qui allait devenir centrale avec le temps : la position stratégique d’Israël comme tremplin pour la politique américaine dans cette région.
Il y a 40 ans, le secrétaire d'État du gouvernement de Ronald Reagan, Alexander M. Haig, remettait tout « sur une table rase », en prononçant la phrase suivante : « Israël est le plus grand porte-avions américain, il est insubmersible, il ne transporte aucun avion ». soldats américains et est situé dans une région critique pour la sécurité nationale américaine.
Ah, pauvre nation ! Située dans une zone vitale pour la domination occidentale sur l’Est, la Palestine devait être une proie pour l’impérialisme nord-américain.
* Francisco Teixeira c'est pprofesseur à l'Université régionale de Cariri (URCA) et professeur retraité à l'Université d'État de Ceará (UECE). Auteur, entre autres livres, de Penser avec Marx : une lecture critique et commentée du Capital (Essai).
notes
[I] Ces données ont été extraites de Wikipédia, qui, à son tour, prend comme référence les statistiques collectées par l'Agence juive.
[Ii] Pappé, Ilan. Le nettoyage ethnique de la Palestine. São Paulo : Sunderman. 2016, p.50.
[Iii] Idem, Ibidem, p. 51.
[Iv] Finkelstein, Norman G. L’industrie de la Shoah : réflexions sur l’exploitation de la souffrance juive. Rio de Janeiro : 2001, p.25.
[V] Idem. Ibidem, p. 25/26.
[Vi] Idem. Ibidem, p. 61/62.
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