Par RUBENS FIGUEIREDO*
A propos de l'exclusion du roman "Almas mortas", de la collection de la Fondation Palmares.
Récemment, la Fondation Palmares, une agence fédérale située à Brasilia et destinée à lutter contre le racisme, a exclu plus de cinq mille livres de sa bibliothèque. Parmi eux figure un ouvrage intitulé âmes mortes, traduit par moi. J'ai cru bon de poser une brève question sur les raisons de ce rejet.
La romance âmes mortes, écrit par Nikolai Gogol (1809-1852), a été publié en 1842 en Russie. De manière comique, critique et réaliste, il traite du régime de servitude, qui prévalait dans la Russie tsariste et dans plusieurs pays du monde, à cette époque, et qui, en partie, ressemble au régime esclavagiste des Noirs africains, qui prévalait, par exemple, au Brésil et aux États-Unis. En raison de son thème, le livre intéresserait particulièrement une institution qui porte un nom consacré à la lutte et à la résistance des peuples asservis : Quilombo dos Palmares.
A noter également que le roman âmes mortes il est traduit et publié, peut-être, partout sur la planète. C'est un classique consacré de la littérature mondiale et constitue un patrimoine historique et culturel de l'humanité. Rester dans la sphère strictement protocolaire.
Dès lors, comment comprendre l'exclusion de cette œuvre de la bibliothèque de la Fondation Palmarès ? Je ne peux que supposer que cela vient du fait qu'il s'agit d'un livre russe. Car, au temps de la dictature militaire et civile, antérieure à l'actuelle, les choses de ce genre étaient monnaie courante. Aucun argument n'était nécessaire. Cependant, désormais, il y a un facteur aggravant : à notre époque, contre les Russes, en général, il existe un préjugé largement similaire à celui qui existait contre les Juifs, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. « Protocoles de Sion », entre autres. Pour moi, cela ressemble à des "hackers russes" et à la série interminable de complots et d'empoisonnements, jamais prouvés.
Cependant, je peux penser à une autre raison. On a tendance à associer l'esclavage et le servage à un ordre social archaïque, aux caractéristiques féodales, étranger à notre époque moderne et démocratique. Pourtant, quand on observe la « modernisation » du droit du travail mise en place au Brésil et dans de nombreux pays, l'ubérisation, les contrats temporaires, etc., on pourrait même penser que l'esclavage et la servitude, avec un nouveau regard et un vocabulaire moderne (de préférence en anglais), constituent une sorte de désir refoulé, une sorte de tare secrète, de l'ordre capitaliste, démocratique, libéral. Après tout, même mortes, les âmes peuvent être vendues et hypothéquées, avec un bon taux de profit. Comme nous le montre Nikolai Gogol.
* Rubens Figueiredo, écrivain et traducteur, il est l'auteur de le livre des loups (Compagnie des Lettres).