La terre est ronde et le capitalisme est son problème

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Par Alysson Leandro Mascaro*

Savoir pour agir atteint sa plus haute expression dans le marxisme comme la science e révolution. Cette articulation est le quadrant dynamique des possibilités, des impasses et des contradictions de la sociabilité capitaliste. A certains moments, du XIXe siècle à nos jours, l'échec s'est révélé incontrôlable aux mécanismes de constitution idéologique du capital. Ouvertement ou délibérément, des révolutions, des soulèvements, des protestations, des luttes ont eu lieu. Le dépassement du capitalisme, cependant, ne peut se faire qu'en donnant un sens à cette effervescence de l'échec de la reproduction sociale : le dépassement des formes du capital.

De telles formes – marchandise, valeur, État et droit – ne sont pas des châteaux à entretenir en changeant la garde, ni des monuments à mieux moduler, mais à détruire au profit d'une nouvelle sociabilité. Le socialisme, étant de chacun selon ses capacités et à chacun selon ses besoins, n'a rien à voir avec des distiques de centre-gauche comme la répartition des revenus, le républicanisme ou de meilleures politiques publiques. Il s'agit du radicalement autre et nouveau dans la sociabilité, auquel, en règle générale, idéologiquement, les subjectivités ne sont pas préparées.

Le plexus central de la douleur impuissante des classes, des groupes, des mouvements et des individus à l'époque contemporaine réside dans le problème de l'idéologie. On souffre, et cela à des degrés et dosages absurdes d'horreur existentielle. L'échec et la crise sont écrits sans équivoque sur les visages de la majeure partie de l'humanité. Cependant, la constitution idéologique va bien.

Le capitalisme reproduit, dans ses toiles, la plénitude d'intelligibilité et le désir général des sociétés actuelles. Contre cela, les revendications de conscience ne suffisent pas – et elles sont même anodines. L'idéologie n'opère pas au niveau des volontés conscientes ou autonomes. Son inscription est dans l'inconscient, puisée dans les pratiques les plus enracinées de matérialité et de constitution – non d'éventuelles déformations ou aliénations – des subjectivités. La lutte doit donc se dérouler sur ce terrain.

L'idéologie est matérielle. Les relations sociales concrètes sont toutes établies à travers des formes sociales historiquement spécifiques. La vie, les interactions, les possibles et les interdits sont pensés et calculés à partir de telles matérialités dont les formes sont déterminantes. L'argent est le calcul universel non pas à cause d'une déformation des individus – avares, intéressés, égoïstes –, mais parce que, effectivement, la disponibilité relationnelle sociale est entièrement déterminée par l'argent. Ce qu'on appelle l'avarice ou la méchanceté n'est qu'une quantification exacerbée des mêmes formes générales constitutives de la sociabilité capitaliste qui imprègnent tout le monde.

Parce qu'elle est matérielle, l'idéologie ne soutient pas une contre-idéologie soutenue uniquement par la volonté. Il n'y a pas de contre-face à l'idéologique. Elle est anhistorique pour toutes les subjectivités constituées par elle-même. Le capital, matériellement, totalise le possible, donnant la coercition et la dimension des liens. Désir et refoulement sont intrinsèques à la forme spécifique de la reproductibilité sociale capitaliste. Pour cette raison, en règle générale, lorsqu'on cherche à éclater politiquement contre le cadre donné, les positions de la gauche retombent sur les mêmes formes sociales constitutives : plus de droits, de reconnaissance, d'accès à l'État, de nouvelles politiques publiques. La forme politique étatique et la forme de la subjectivité juridique opèrent le vaste champ du conservatisme et du réformisme capitaliste.

Le capitalisme post-fordiste, dont la crise s'éternise comme une dynamo particulière et quasi excellente dans ses modalités d'accumulation et de régulation, a anéanti toutes les contre-idéologies qui se sont élevées jusque-là dans les sociétés mondiales. Le léninisme et le soviétisme se sont effondrés sous le poids de la déclaration d'horreur devant le passage à un autre mode de production. L'énergie critique était dirigée vers la micro-résistance, empêchant la culture de la révolution comme modèle souhaité de changement social. Entre éloignement des autres possibles et modulations du désir et élan transformant, les dernières décennies ont vu l'idéologie régner sans aucun contraste qui la menace matériellement.

L'idéologique se diffuse à travers une matérialité relationnelle immédiate, forgeant aussi une intelligibilité sur lui-même. En ce sens, les appareils idéologiques en sont la clé décisive. La matérialité qui donne aux sujets une constitution positive de l'intellect se fait par l'appareil. En l'entendant, en le voyant, en le lisant, en le touchant, il se constitue subjectivement. Par conséquent, la famille, la religion, l'école, l'université, les arts, les livres, les journaux, les magazines, la radio, la télévision, Internet sont les instruments idéologiques constitutifs.

Ses formes, ses propriétaires, ses commandements, interdits, suggestions, désirs et refoulements sont le moteur du forgeage des subjectivités. Le capitalisme est vainqueur sans contraste parce qu'il contrôle largement et de manière décisive le nombre d'appareils idéologiques. L'exploitation et ses failles ne trouvent pas de sujets qui les reconnaissent, ou, s'ils le font, ils ne blâment jamais le capitalisme lui-même, mais la politique, les politiciens, la corruption, l'immoralité, la gauche, etc. La critique est soumise à des formes. L'idéologie ne permet pas à une contre-idéologie de prospérer parce que les appareils idéologiques constituent l'intelligibilité possible de la critique elle-même.

Les gouvernements de gauche à travers le monde, dans ces premières décennies du XXIe siècle, ont toujours fonctionné à travers le désir interne des quadrants des formes de sociabilité capitaliste. Ils n'ont pas rompu avec les appareils idéologiques ennemis des luttes révolutionnaires. Ils ne l'ont pas fait parce qu'ils ne sont pas des gouvernements de mouvements révolutionnaires.

En fait, à l'intérieur des formes sociales capitalistes, il ne peut y avoir de gouvernements révolutionnaires. Mais si l'on veut soutenir un passage ultérieur à la transformation sociale révolutionnaire, les gouvernements populaires, travaillistes ou progressistes doivent dépasser leurs propres limites et contradictions en constituant une intelligibilité critique pour les masses. Les appareils idéologiques sont donc des éléments cruciaux de l'action progressiste à la recherche de la continuité des luttes pour dépasser les formes capitalistes.

La crise et l'échec se répètent dans tout le capitalisme. La guerre mondiale de 1914 et la crise économique de 1929 auraient pu faire naître le socialisme dans le monde entier ; engendré le nazisme. La crise du fordisme aurait pu conduire au dépassement de la forme marchande ; généré la domination d'une classe rentière mondiale contre le monde lui-même. Les crises et les échecs se répètent aujourd'hui.

Dans les rares occasions où elles sont suffisamment importantes pour faire éclater des mouvements populaires forts ou même des gouvernements à gauche, elles devraient servir d'opportunité pour dynamiser les luttes nationales et internationales, en faisant fonctionner matériellement des appareils idéologiques qui constituent des subjectivités et des désirs. Pour ne pas s'éterniser sur des vols de poules qui génèrent toujours des énergies de résistances non surmontées et des déceptions subséquentes dues à leurs échecs, il faut commencer à unifier les luttes du peuple et de ce qu'on appelle la gauche pour une seule intelligibilité : la critique du capitalisme. La terre est ronde et le capitalisme est son problème.

*Alysson Leandro Mascaro Il est professeur à la Faculté de droit de l'USP.

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