Violences policières en France

Dora Longo Bahia. Democracy (project for Avenida Paulista II), 2020 Acrylique, plume à l'eau et aquarelle sur papier 29.7 x 21 cm
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Par SONIA DAYAN-HERZBRUN, MICHAEL L.ÖWY, ELENI VARIKAS*

L'intervention de la police sous Macron a fait trois morts, cinq mains coupées, 28 perdus de vue d'un œil et 341 grièvement blessés à la tête.

1.

Face aux nombreuses protestations dénonçant la violence des « forces de l'ordre » contre des manifestants non armés, Emmanuel Macron a répondu par une phrase historique : « Ne parlez pas de répression et de violences policières. Ces propos sont inacceptables dans un État de droit » (2 mars 2019).

Formule magnifique, exemple presque idéal-typique (pour parler comme Max Weber), de ce qu'on pourrait appeler un fausse science politique. En fait, la phrase est hautement ridicule : il n'y a pas d'État de droit au monde qui n'ait eu recours à des formes illégales et illégitimes de violence policière à un moment de son histoire ! Par exemple : la République française. Nous n'allons pas raconter ici toutes les violences de ce type depuis que la France est redevenue un État de droit, en 1944. Un seul exemple suffit : le 17 octobre 1961. La France était parfaitement un État de droit, la Constitution était en vigueur, le Parlement rencontré. Une manifestation pacifique d'Algériens a été noyée dans le sang par la police : des centaines de morts, dont beaucoup jetés dans la Seine. Le responsable de ce massacre était le préfet de police de Paris, M. Maurice Papon (jugé et condamné, bien plus tard, pour d'autres motifs : crime contre l'humanité, collaboration avec l'occupant nazi dans le génocide contre les juifs).

Certes, les violences policières dans macronie [Le gouvernement du président Emmanuel Macron] au cours des deux dernières années, du mouvement des Gilets jaunes, n'est pas équivalent. Il ne s'agit pas seulement des agressions les plus brutales des forces de l'ordre contre des manifestants non armés depuis la fin de la guerre coloniale en Algérie. Cette violence a été exercée avec méthode – strangulation, compression du corps contre le sol, etc. – et une panoplie de répression interdite dans la plupart des pays européens : LBD – « Lanceur de balles de défense » (un bel euphémisme !) –, « grenades à dispersion », grenades lacrymogènes toxiques, Taser, etc. – et une panoplie de méthodes répressives interdites dans la plupart des pays européens. Mais le bon vieux bâton a aussi été utilisé pour blesser gravement un très grand nombre de personnes.

Rappelons le cas de Geneviève Legay, militante altermondialiste de 73 ans, qui a été agressée à coups de matraque et jetée à terre lors d'une violente agression policière totalement disproportionnée devant quelques centaines de manifestants pacifiques. "L'environnement était très paisible" et le groupe était "composé essentiellement de femmes et de personnes âgées, sans émeutes, sans projectiles", ont témoigné les photographes (Le Monde, 25 juin 2019).

Sur les images des systèmes de surveillance, on voit un officier sortir du cordon au début de l'attaque et pousser délibérément le gilet jaune de 70 ans, vêtu d'un T-shirt noir et portant un immense drapeau arc-en-ciel avec le mot " paix".

Transportée à l'hôpital avec des côtes cassées et de nombreuses fractures du crâne, elle souffre encore des séquelles de cette attaque. Quelques mois plus tard, le responsable de cet attentat, le commissaire Souchi, recevait la médaille de bronze de la sécurité intérieure des mains de Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur, en récompense de « services particulièrement honorables et d'un engagement exceptionnel ». Emmanuel Macron a de son côté déclaré quelques jours après la manifestation de Nice : "Cette dame n'a pas été en contact avec les forces de l'ordre". Avant de préciser que, "quand on est fragile (...) on ne va pas dans des endroits définis comme interdits et on ne se met pas dans des situations comme ça". Ce sont donc les victimes qui sont à blâmer. Pourtant, dix-huit mois plus tard, l'IGPN [Inspection générale de la police nationale], connue pour sa clémence envers les policiers fautifs, est contrainte de reconnaître la responsabilité de la police dans cette agression.

Sous le gouvernement actuel, selon le bilan du journaliste David Dufresne, l'intervention policière s'est soldée par trois morts, cinq mains arrachées, 28 perdus de la vue d'un œil et 341 blessés graves à la tête. Après soixante ans – depuis 1962 –, après plusieurs gouvernements de droite, de centre ou de gauche, rien de semblable ne s'est vu. Avant Macron, la violence d'État se déroulait principalement dans les banlieues, contre les personnes d'origine coloniale. Le cas d'Adama Traoré, mort en 2016 dans un commissariat du Val-d'Oise, est un paradigme de cette violence aux accents racistes. Maintenant, avec le gouvernement actuel, on assiste à une sorte de « démocratisation » de la violence : pas de discrimination basée sur la couleur, l'origine, la nationalité, l'âge ou le sexe ! Tout le monde a droit à la matraque, dans une parfaite égalité.

S'agit-il de légitime défense des forces de l'ordre contre des manifestants violents armés de pavés et de cocktails Molotov ? C'est loin d'être la règle. Prenons le cas de trois morts : Zineb Redouane, 80 ans, a été touchée au visage par des éclats d'obus lacrymogènes alors qu'elle tentait de fermer la fenêtre de son appartement au quatrième étage ; Steve Maia Caniço, noyé dans la Loire après une attaque policière contre un groupe qui chantait fort la nuit ; et Cédric Chouviat, un livreur qui tentait de filmer la police avec son téléphone portable, victime d'une intervention en force (fracture du larynx). Aucun d'entre eux n'a participé à une « manifestation interdite ».

Qui est responsable de cette violence sans précédent dans l'histoire de la France postcoloniale ? Les flics, sans doute. Les tendances racistes, violentes et répressives de plusieurs policiers sont bien documentées par de nombreux témoignages, dont ceux d'autres policiers indignés par cette situation. Mais pourquoi les abus n'ont-ils pas atteint une telle ampleur avant 2018 ? La police était la même… Voici la seule explication possible : ces pratiques ont été encouragées, autorisées, légitimées et « dissimulées » par les autorités. Entre autres : Didier Lallement, préfet de police de Paris, Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur, Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Intérieur. Une déclaration de ce dernier résume bien l'attitude des autorités : « Nous ne regrettons pas la manière dont nous avons conduit l'ordre public » (2 juin 2019, en RTL). Quant au ministre Castaner, voici son avis sur la question : « J'aime l'ordre dans ce pays et je défends la police et gendarmerie. Et dans mes observations, il n'y a pas de "mais". Je les défends et c'est tout. (11 février 2020, devant l'Assemblée nationale).

Mais, en définitive, le premier responsable est Jupiter lui-même, c'est-à-dire Emmanuel Macron : dans la Ve République, c'est le président qui définit la stratégie et le comportement des forces de l'ordre. Nous sommes dans un Etat de droit : la police n'obéit qu'aux ordres des autorités légales et constitutionnelles. Jérôme Rodrigues, l'un des animateurs des Gilets jaunes, qui a perdu la vue d'un œil par un projectile LBD, l'a noté, déclarant dans une interview publiée le 7 septembre 2020 sur le portail Le Monde Moderne: "On parle de violences policières, mais au fond on devrait parler de violences gouvernementales, ce sont eux qui utilisent simplement la police comme bouclier".

2.

Dans les manifestations des gilets jaunes, cependant, la position du gouvernement n'a pas été facile à défendre. Les enregistrements vidéo réalisés par des manifestants ou des passants ne permettaient plus de masquer les violences. L'idée même qu'elle puisse être compatible avec « l'État de droit » a été contestée au niveau national et international. Depuis janvier 2019, Jacques Toubon, le défenseur des droits, réclame la suspension de l'usage du Lanceur de Balles de Défense, en raison de la « dangerosité », dit-il, de ces armes utilisées par les forces de l'ordre. Début mars, c'est Michelle Bachelet, Haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, qui a demandé aux autorités françaises d'enquêter sur les violences policières commises en marge des manifestations des gilets jaunes depuis novembre 2018. Elle a ajouté que les gilets jaunes manifestaient contre « ce que qu'ils considèrent comme leur exclusion des droits économiques et de la participation aux affaires publiques ». L'argument selon lequel il n'y aurait pas eu de violences policières, mais des opérations policières pour contenir les violences perpétrées par les manifestants, avait déjà été abandonné.

Les violences policières étaient alors non seulement reconnues, mais revendiquées. Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement à l'époque, a appelé à la "fermeté" lorsque la porte de son ministère a été défoncée par les gilets jaunes, sans faire de victime. Et Gérald Darmanin, alors ministre des Comptes publics, a claqué le marteau : « Dans un État républicain, la police et les citoyens ont le monopole de la violence légitime. gendarmes ».

La formule était lancée, vague souvenir sans doute des études que le ministre avait suivies à l'IEP de Lille. La référence à Max Weber n'était pas encore présente. Peut-être lui a-t-il été suggéré par l'éditorial plus nuancé de Thomas Legrand dans l'édition du matin de France Inter quelques jours avant. Commentant l'arrestation pour le moins brutale d'Éric Drouet, à qui il reprochait de ne pas respecter les règles en vigueur lors des manifestations et "acceptées par tous", le journaliste a reconnu que le maintien de l'ordre en France n'était peut-être pas "à la hauteur". à la tâche "hauteur" d'une grande démocratie. Et il concluait ainsi : « Mais pour maintenir l'État de droit et la démocratie libérale qu'il entend être, il faut aussi considérer les résultats de l'usage de ce que Max Weber appelait la violence légitime ».

Dès lors, politiques et journalistes ne manqueront pas d'interpeller Max Weber, le transformant en apôtre de la violence d'État légitime, donc inévitable. En juin 2020, le même Thomas Legrand rechute : « Le gouvernement ne peut en effet accepter l'idée que la police serait intrinsèquement violente, au-delà, bien sûr, de la fameuse violence légitime dont l'État serait le dépositaire, selon Max Weber. Cela validerait la théorie selon laquelle la police n'est que le bras armé d'un système de domination ». Devenu ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, évoquant « l'action des forces de l'ordre », devant la commission des lois de l'Assemblée nationale, veut sans doute démontrer sa culture : « La police exerce une violence, certes légitime, mais une violence, et celle est aussi vieux que Max Weber ». A l'heure où les protestations se multiplient à travers le monde contre le meurtre de George Floyd, mort asphyxié par la police, et, qui plus est, contre les violences policières, Gérald Darmanin croit sans doute faire de l'humour lorsqu'il ajoute que « Quand j'entends l'expression 'violences policières', je me sens personnellement étouffé. Bien sûr, la police exerce une violence, mais c'est une violence légitime ».

La formule est sortie. Il serait répété de gauche à l'extrême droite. Ainsi, Hadrien Desuin, au portail causeur, écrivait en janvier 2019 : « Face aux dérives de certains gilets jaunes et à la violence croissante des émeutiers, les forces de l'ordre exercent le monopole de la violence physique légitime, protégeant civils et entreprises. Il précisera dans un autre article que les forces de l'ordre font leur travail : « l'exercice du 'monopole de la violence légitime', pour reprendre l'expression inventée par Max Weber ». Dans un tout autre esprit, à gauche, David Dufresne lui-même – tous deux dans le film »Un pays qui se tient sage« [2020] comme dans le roman »Dernier résumé”[Grasset, 2019], qui dénonce la répression des Gilets jaunes – accorde une place non négligeable à la discussion de la formule de Weber. Mais la force critique de la pensée de Weber n'est jamais restaurée.

3.

Que dit exactement Weber et quelle est la portée de son argumentation ? Dans économie et société, ce vaste recueil publié à titre posthume par son épouse Marianne Weber en 1921, le sociologue propose sa fameuse définition de l'État : « On peut définir une institution politique comme un « État », écrit-il, quand « elle revendique avec succès… monopole de coercition (Obligation) physique légitime”. Il ajoute plus tard que l'État utilise bien d'autres moyens pour se faire obéir, mais « la menace et éventuellement l'application de la violence » est partout, « en cas d'échec des autres moyens, la dernier rapport". Dans sa conférence sur la La politique comme vocation (1919), Weber propose une définition un peu différente : « l'État est cette communauté humaine qui, à l'intérieur d'un territoire donné (…) revendique pour elle-même et parvient à imposer la monopole de la violence physique légitime ». Mais l'idée de base, bien sûr, est la même.

Cette définition de l'État de Weber a, à juste titre, été largement considérée comme pertinente par divers courants des sciences sociales. Ce n'est pas si éloigné des thèses marxistes... D'ailleurs, Weber lui-même, en La politique comme vocation, cite à l'appui de son argumentation – non sans une pointe d'ironie – nul autre que… Léon Trotsky : « 'Tout État est fondé sur la violence', disait Trotsky à Brest-Litovsk ».

Cependant, il convient de noter que cette définition est parfaitement Sans frais, libre de tout jugement de valeur. La « légitimité » dont il est question ici n'a pas de sens en soi. Ce n'est pas un principe moral, un impératif catégorique kantien, ni une règle juridique universelle. Comme le rappelle l'éminente experte Weber Catherine Colliot-Thelène dans un article paru dans Le Monde le 19 février 2020, « le terme 'légitime', dans cette définition, n'a pas de sens normatif : ce n'est pas l'équivalent de 'juste' ou de 'rationnellement fondé'. L'accaparement étatique de la violence légitime, (...) est un constat de fait : un certain type de pouvoir, territorial, a réussi à imposer son hégémonie à d'autres types de pouvoir qui lui ont fait concurrence dans les siècles précédents ».

En fait, chez Weber, le concept de « légitimité » ne renvoie qu'à la croyance en la légitimité du pouvoir, son acceptation comme légitime par les sujets de domination. Comme on le sait, Weber distingue trois types de légitimation de la domination (et donc du monopole de la violence étatique) :

– rationnel (ou légal, ou rationnel-bureaucratique) : la croyance en la légalité des réglementations existantes ;

– traditionnel : croyance dans le caractère sacré des traditions et des autorités qui les revendiquent ;

– charismatique : croyance dans le caractère sacré, héroïque ou exceptionnel d'une personne.

La légitimité dont parle Weber n'a pas nécessairement de lien avec l'état de droit. C'est juste un croyance, l'acceptation d'un discours de légitimité, sous toutes les formes possibles d'État, y compris l'absolutisme – légitimité traditionnelle – ou une dictature personnaliste – légitimité charismatique.

Pour prendre un exemple extrême, qui n'a rien à voir avec l'État de droit : le IIIe Reich est sans doute un État au sens wébérien : tout au long de sa durée, il « a revendiqué avec succès le monopole légitime de la contrainte physique ». Après la défaite du nazisme, militaires et administrateurs (responsables des camps de concentration, etc.) ont tenté de « légitimer » leurs crimes avec deux arguments :

– obéissance aux autorités supérieures (légitimité rationnelle-bureaucratique) ;

– le serment de fidélité au Führer (légitimité charismatique).

Ces arguments ont été rejetés par le tribunal de Nuremberg, et les coupables ont été punis d'emprisonnement ou de pendaison...

Dans un État de droit, c'est la croyance en des lois qui peut légitimer le monopole de la coercition. Mais on est parfaitement en droit de refuser de croire à la « légitimité » des pratiques violentes menées par un État, soit parce qu'elles sont contraires à la loi – ce qui est souvent le cas –, soit parce que certaines lois sont contestées. Avant l'abolition de la peine de mort, Robert Badinter et bien d'autres ont contesté la "légitimité" de cette loi. Il se peut aussi que la majorité de la population juge que la manière dont l'État exerce son monopole sur la violence physique n'est plus « légitime »… C'était le cas en France sous le règne d'Emmanuel Macron.

Dans des situations de crise de domination, deux pouvoirs peuvent se disputer le monopole de la coercition physique : c'est ce que l'on appelle des situations de « dualité de pouvoir » (comme par exemple en France en 1944). Mais ce que l'on voit plus fréquemment – ​​et c'est le cas en France depuis la Libération jusqu'à aujourd'hui – ce sont des mouvements sociaux qui, à terme s'attaquant à des biens ou des bâtiments, ciblent des objets symboles de la violence capitaliste, de la violence d'État, voire de la violence coloniale. Ce ne sont pas des milices au service d'autres formations politiques. Elles ne remettent pas en cause le monopole de l'État sur la violence physique (sur les personnes) qui, on l'a vu, tend à s'exercer sans scrupules. Qui oserait comparer le bris de vitrine d'un magasin au meurtre policier, par asphyxie, d'un livreur ? Ou avec la mutilation, par les « forces de l'ordre », de dizaines de manifestants non armés ?

4.

L'invocation de Weber pour légitimer la violence d'État relève à la fois de la magie et du sophisme. Sophisme, car si la violence d'État, toute violence d'État, est légitime, la notion même de violence perd son sens. Marchez, il n'y a rien à voir. Et cela se produit, d'ailleurs, par la magie d'invoquer une autorité intellectuelle indiscutable, ce qui démontre, avant tout, que les hommes politiques et les journalistes qui se sont appropriés cette formule n'ont pas lu Weber.

Selon Weber, l'Etat, qui n'est qu'un groupement de domination (Herschaftsverband) entre autres, n'a aucune légitimité en soi. La coercition physique qu'elle exerce de manière monopolistique, alors que les églises, précise Weber, ont le monopole de la coercition psychologique, n'est légitime que dans la mesure où elle est reconnue et acceptée. L'insistance de Weber sur la notion de monopole permet de comprendre que l'État se situe dans l'intervalle entre l'usage exclusif de la violence sans légitimation (ou avec une parodie de légitimation) par un groupe qui exerce ainsi une domination qui vise à devenir totale, et la perte ou l'absence du monopole de la violence qui caractérise les États qui aujourd'hui disent avoir échoué.

L'Etat ne peut exister qu'à la condition que ceux qu'il domine adhèrent et se soumettent à l'autorité revendiquée par les gouvernants. Max Weber pose ainsi une question essentielle pour la philosophie, comme pour l'anthropologie politique, qui est de savoir comment et dans quelle mesure on peut accepter de subir cette violence qui est le moyen spécifique de l'État. Il y a donc une lecture subtilement critique de l'État. Après avoir cité et approuvé la formule de Trotsky, il ajoute en effet : « S'il n'y avait que des structures sociales d'où toute violence serait absente, alors le concept d'État aurait disparu, et seul ce que nous appelons, au sens littéral de le mot 'anarchie' resterait ». Au sens littéral, et sans aucune connotation péjorative, l'anarchie est l'absence de domination. De par son amitié avec son ancien élève Robert Michels, mais aussi de par sa relation amoureuse avec Else von Richtofen, également sociologue, femme brillante et libre, Weber a pu se familiariser avec les thèses libertaires.

Un passage des essais sur la théorie des sciences est un exemple frappant du respect qu'il avait pour ce courant de pensée : « Un anarchiste, écrit-il, qui nie généralement la validité du droit en tant que tel... du droit. Et s'il l'est, le point d'Archimède, pour ainsi dire, où il se trouve en vertu de sa conviction objective - pourvu qu'elle soit authentique - se situe dehors loin des conventions et des présupposés qui semblent si évidents pour nous tous, cela peut être l'occasion de découvrir dans les intuitions fondamentales de la théorie juridique actuelle un problème qui échappe à tous ceux pour qui elles sont trop évidentes (…). En fait, pour nous, le doute le plus radical est le père (sic) du savoir ». Weber, Max (1965) [1917], "Essai sur le sens de la 'neutralité axiologique' dans les sciences sociologiques et économiques". Essai sur la théorie de la science. Plon, Paris, trad. Julien Freund, p. 482.

En le déguisant en apôtre de l'État et de sa violence, pour tenter de justifier l'injustifiable, politiciens et journalistes en ont fait une victime de plus de cette même violence.

*Sonia Dayan-Herzbrun est professeur à l'Université Paris-Diderot. Auteur, entre autres livres, de Le journalisme au cinema (Séoul).

*Michael Lowy il est directeur de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique (France). Auteur, entre autres livres, de Marxisme contre positivisme (Cortés).

* Eleni Varikas est professeur à l'Université Paris-VIII. Auteur, entre autres livres, dePenser au sexe et au genre (Unicamp).

Traduction: Fernando Lima das Neves

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