L'antisémitisme et le masque flamand

Image : Harrison Haines
Whatsapp
Facebook
Twitter
Instagram
Telegram

Par BÉRENICE BENTO*

La palestinisation des mouvements sociaux mondiaux

Pour Milton Temer, source d'inspiration dans nos luttes contre les masques de Flandre.

Les querelles sur les significations données à l'antisémitisme ont de nouveau occupé les débats mondiaux ces derniers mois. Le texte de l'IHRA (International Alliance for the Remembrance of the Holocaust), qui propose un ensemble d'indicateurs pour identifier un discours antisémite, a été le déclencheur de cette nouvelle phase mondiale de criminalisation des Palestiniens de la diaspora et des militants de la cause palestinienne.

En réaction à ce texte, des Juifs de plusieurs pays ont lancé un manifeste (Manifeste de Jérusalem - MJ) visant à proposer des définitions et des indicateurs pour identifier les actes antisémites (qu'ils soient linguistiques et/ou physiques) et, en même temps, à présenter eux-mêmes comme une proposition alternative au texte de l'IHRA.

Un troisième texte, également signé par des collectifs de personnes juives engagées pour la justice sociale, rappellera les limites des deux textes, tout en reconnaissant certaines avancées du MJ. Les trois textes tournent autour de questions telles que : les dénonciations des politiques oppressives de l'État d'Israël contre le peuple palestinien sont-elles des indicateurs d'antisémitisme ? Est-il possible d'articuler la lutte pour démanteler l'antisémitisme avec d'autres expressions de la suprématie blanche (islamophobie et racisme, par exemple) ? Comment reconnaître le droit du peuple palestinien à l'indignation sans commettre un crime de haine contre le peuple juif ? Quelle est la relation entre sionisme/État d'Israël/antisémitisme ?

Le contenu des trois textes[I] nous pointent les fissures et les divergences internes à ce qui est considéré à tort comme une « communauté juive », comme si « être juif » était un amalgame, un tout homogène. J'ai tendance à croire que la notion même de « communauté juive » est un acte d'effacement des différences internes et une sorte d'opération mentale, aux effets politiques désastreux, qui repose sur l'effacement des différences et, simultanément, sur l'essentialisation des identités.

Cette invisibilisation est proche de ce qu'Edward Said pointait comme l'une des caractéristiques de l'orientalisme.[Ii]. L'Occident a inventé un Orient où il suffirait de connaître un Arabe pour connaître tous les Arabes. Je crois cependant que cette marque (transformer l'autre en espèce) est l'un des contenus réitérés du colonialisme et non quelque chose d'unique dans le rapport de l'Occident à l'Orient. Outre les divergences et rapprochements entre les trois textes, comme je le soulignerai, les querelles internes de la judéité, rendues publiques dans une dimension mondiale, peuvent être interprétées comme des possibilités pour nous d'intensifier la construction d'alliances et d'avancer dans un agenda mondial en défense de l'autodétermination du peuple palestinien.

Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA)

La définition pratique de l'antisémitisme proposée par l'International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA)[Iii] a été adopté par des dizaines de pays et a pour axe central le lien entre l'antisémitisme et l'État d'Israël, c'est-à-dire entre le sionisme et l'État d'Israël. Sur les 10 définitions de ce guide pratique pour identifier les actes antisémites, six (06) d'entre elles sont directement liées à la critique de l'État d'Israël et à l'antisémitisme.

L'un des points se lit comme suit : « C'est de l'antisémitisme que de nier au peuple juif son droit à l'autodétermination en prétendant, par exemple, que l'existence de l'État d'Israël est une entreprise raciste. Des recherches comme celle de l'historien israélien Ilan Pappé qui, travaillant avec des sources primaires dans les archives des Forces armées israéliennes, présente une abondante documentation officielle à l'appui de son affirmation selon laquelle Israël est le résultat d'un nettoyage ethnique palestinien (l'expulsion de près de 800 XNUMX Palestiniens de leur des maisons et des terres et des dizaines de massacres), serait immédiatement qualifié d'antisémite.

Les divergences politiques avec le projet sioniste en viennent à être lues comme des expressions de haine anti-juive et l'État d'Israël devient l'expression totale de la judéité. Quels sont les impacts de l'utilisation de la définition de l'IHRA ? l'activiste canadien John Clarke[Iv]déclare qu'aux États-Unis, l'Anti-Defamation League (ADL), une entité reconnue pour sa persécution vorace de tous ceux qui défendent les droits humains du peuple palestinien, a mené une étude, en 2019, dans laquelle elle a trouvé des preuves de 2.107 2.207 incidents considérés comme antisémites. La même année, B'nai Brith a signalé 17 XNUMX incidents antisémites au Canada. C'est un résultat surprenant, car les États-Unis ont une population neuf fois supérieure à celle du Canada et comptent XNUMX fois plus de Juifs. L'étude du Canada a utilisé la définition de l'IHRA. Les activités organisées par des militants de la cause palestinienne contre la politique oppressive de l'État d'Israël étaient toutes considérées comme antisémites.

Mon hypothèse est que, s'il y a des adhésions immédiates au texte de l'IHRA, principalement de la part de secteurs, de partis et d'États identifiés à la droite ou à l'extrême droite, il y a des effets inattendus qui mettent en échec les objectifs du texte. B'Tselem, la plus grande organisation israélienne de défense des droits de l'homme, a enfin reconnu ce que les Palestiniens dénoncent depuis des décennies : en Israël, l'apartheid prévaut contre les Palestiniens. Israël promeut et perpétue la suprématie juive de la mer Méditerranée au Jourdain. C'était la conclusion finale du rapport de l'organisation. Conformément à l'article de Nassim Ahmed[V], si nous disons que l'existence d'Israël est une entreprise raciste et coloniale, nous serons traités d'antisémites. Nous avons demandé à l'IHRA : « Est-ce que B'Tselem deviendra une entité antisémite ? ». Les carrefours créés par le texte de l'IHRA pour le peuple juif sont exposés.

Pour B'Tselem, après encore 50 ans, le régime et son occupation doivent être traités comme une seule entité. Ses lignes directrices sont déterminées par des motifs racistes pour étendre et assurer la suprématie d'un collectif (les Juifs) au détriment de l'autre (les Palestiniens). Les exemples de politiques ségrégationnistes envers les Israélo-palestiniens abondent : des citoyens palestiniens sont jugés par des tribunaux militaires en Israël ; 99,76% du territoire est dédié aux colonies exclusivement juives ; il y a des arrestations administratives d'enfants palestiniens (jugés par des tribunaux militaires) ; Les Israéliens se déplacent librement entre Israël et les colonies illégales de Cisjordanie, ce qui est interdit aux Palestiniens ; la Knesset (parlement israélien) vote régulièrement des lois exclusivement réservées à la Cisjordanie occupée ; le drapeau palestinien est interdit de flotter.

Comme le souligne Thrall, « l'absorption israélienne de la Cisjordanie est un effort concerté de toutes les branches du gouvernement – ​​législatif, exécutif et judiciaire ». La politique continue de nettoyage de la présence palestinienne n'est pas une politique de gouvernements d'extrême droite, comme nous l'entendons si souvent de la part des « sionistes de gauche ». Il s'agit plutôt d'une politique continue qui s'étend dans le temps et dans toutes les sphères constitutives de l'État (législatif, exécutif et judiciaire).

Nassim Ahmed se demande à quoi bon continuer à utiliser les définitions du RHI après le rapport B'Tselem. Je crois cependant que l'IHRN avait pour objectif central de devenir un instrument de contrôle de la critique de l'État d'Israël dans la sphère mondiale. En interne, le trope fondamental de la rhétorique de l'État d'Israël pour justifier ses actions criminelles est « terroriste ». Les antisémites sont les Palestiniens qui sont dans la diaspora et les terroristes sont ceux qui insistent encore pour résister et rester chez eux, sur le sol palestinien. De la pierre lancée sur les soldats à la résistance du Hamas, tout relève de la rubrique « terrorisme palestinien ». Le seul droit du peuple palestinien est de ne pas avoir le droit à la résistance. La croisée des chemins demeure : comment l'IHRN va-t-il qualifier les positions de B'Tselem ?

Il est considéré comme de l'antisémitisme « de faire des comparaisons entre la politique israélienne contemporaine et celle des nazis » (IHRN). Encore une fois : que fera l'IHRN avec les Juifs israéliens qui disent systématiquement "'Nous sommes nazis' ?"[Vi]. Ici, il n'y a pas de comparaison, mais une déclaration d'identité.

Globalement, la persécution ne se limite pas aux Palestiniens de la diaspora, mais à tous ceux qui osent porter les crimes de l'État d'Israël dans l'espace public. Ne soyons pas naïfs, l'adoption du guide IRHN a des effets désastreux sur le brainstorming et la liberté d'expression. Nous sommes devenus, à force d'insultes qu'on nous lance, des Palestiniens. La palestinisation globale réside dans la criminalisation de tous ceux qui osent dire : l'État d'Israël commet systématiquement des crimes contre l'humanité.

Au moment où j'écris cet essai, une campagne de lynchage politique se déroule au Chili contre le candidat présidentiel Daniel Jadue, un militant du Parti communiste. Il est reconnu pour avoir défendu la cause palestinienne et les droits de l'homme. Les sionistes se sont ralliés à la droite pour l'accuser d'être antisémite. Bien qu'ils ne nient jamais les allégations portées contre les crimes contre l'humanité commis par Israël, ils essaient de le faire taire avec l'accusation d'antisémitisme. Comme l'a souligné Marcela Parra[Vii]. Détruire l'image de Daniel Jadue est la stratégie de la droite et le sionisme profite de cette campagne médiatique pour écraser les dénonciations et faire comprendre que critiquer les violations des droits de l'homme commises par Israël est interdit et quiconque osera le faire sera détruit. C'est un message de peur pour les politiciens, les communicants et les leaders d'opinion.

Le texte de l'IHRA est une sorte de masque d'étain pour nous empêcher de dénoncer les crimes d'Israël et le combat pour la justice du peuple palestinien. Cet instrument de torture était largement utilisé par les propriétaires d'esclaves pour empêcher les esclaves d'utiliser leur bouche.[Viii].

Manifeste de Jérusalem (MJ)

Pour s'opposer à la définition de l'IHRA, les militants et intellectuels juifs/juifs, réunis par la Institut Van Leer de Jérusalem, lance, en mars de la même année, une Lettre-Manifeste[Ix], ou Manifeste de Jérusalem (MJ).

Le préambule se lit comme suit : « Nous proposons notre déclaration comme alternative à la définition de l'IHRA. Les objectifs sont (1) de renforcer la lutte contre l'antisémitisme, en clarifiant ce qu'il est et comment il se manifeste, (2) de préserver un espace pour un débat ouvert sur la question problématique de l'avenir d'Israël/Palestine ».

Parmi les exemples d'hostilité compréhensible envers Israël, la déclaration cite "l'émotion qu'un Palestinien ressent à cause de son expérience aux mains de l'Etat". « L'émotion » est un sentiment subjectif. Si un Palestinien ressent de la haine parce que sa mère a été assassinée par Israël, il est compréhensible d'être submergé par cette affection, en termes de MJ. En passant au périmètre de la douleur individuelle et des élaborations subjectives qui en découlent, il semble que le Manifeste vide le contenu politique, dépolitisant la fureur organisée du peuple palestinien contre les agissements du colonialisme et de l'apartheid israéliens.

Je pose la question : si l'on considère que dans presque toutes les familles palestiniennes, il y a des membres arrêtés, morts ou dans des camps de réfugiés, n'est-il pas légitime de reconnaître le droit de ces personnes à dénoncer au monde que le nettoyage ethnique fait partie de l'ADN de l'État d'Israël ? N'est-il pas légitime que ces personnes organisent des tactiques de résistance et d'autodéfense ?

Le manifeste définit l'antisémitisme comme "la discrimination, les préjugés, l'hostilité ou la violence contre les juifs en tant que juifs (ou les institutions juives en tant que juifs)". Ici se pose un problème d'un autre ordre : quelles institutions juives ? Israël est l'État du peuple juif, en vertu de la Loi fondamentale adoptée en août 2018 par le parlement israélien (Knesset)[X]. Si l'État d'Israël est une entité politique - une institution - légalement définie comme appartenant au peuple juif, qu'est-ce que cela signifie d'exclure 23 % des Palestiniens-Israéliens de cette catégorie politique fondamentale pour les États modernes (c'est-à-dire de la catégorie de citoyenneté) ? ? UN Surveillance des droits de l'homme (HRW)[xi], dans son rapport, comme B'Tsalem, qualifie et définit la politique d'Israël envers la population palestino-israélienne d'apartheid.

Le MJ dit : "De même, dépeindre Israël comme le mal ultime ou exagérer grossièrement son influence réelle peut être une manière codée de racialiser et de stigmatiser les Juifs." Alors, si nous dénonçons l'engagement de la presse grand public dans le génocide de la population palestinienne, sommes-nous antisémites ? Qu'est-ce que le "mal ultime" ? Pour les familles dont les maisons ont été détruites, qui ont été témoins et ont vécu des massacres et des viols[xii], se sont fait voler leurs terres et ont été transformés du jour au lendemain en « réfugiés »[xiii], sûrement, pour ces sujets, il y aurait une autre expression pour nommer l'Etat d'Israël qui n'est pas « le mal suprême » ?

Mais s'ils, condamnés de la terre, osent désigner l'État d'Israël comme le mal de ses oliviers, palmiers dattiers, du fils insépulcre, de la vie sans but, seront-ils condamnés pour antisémitisme ? L'ouverture du processus d'enquête sur les massacres de Palestiniens à Gaza, en 2014, par la Cour pénale internationale de La Haye, serait-elle un indicateur que cette Cour opère ses décisions par des conceptions antisémites ?

Dans la partie faisant référence à « Israël et la Palestine : exemples apparemment antisémites », le point huit dit : « Exiger que les gens, parce qu'ils sont juifs, condamnent publiquement Israël ou le sionisme (par exemple, dans une réunion politique) ».

Le MJ ne nous conseille pas, à nous militants antiracistes, comment nous devons nous déplacer et nous positionner face au droit exclusif accordé par l'État d'Israël au peuple juif de « revenir » en Israël. Ce droit transforme potentiellement chaque personne juive en colonisateur. Dans le livre Aliyah : État et subjectivité chez les Juifs brésiliens en Israël/Palestine [Xiv], nous avons abordé les biographies de personnes juives, sionistes brésiliennes, qui ont décidé de vivre en Israël. Le profil politique autoproclamé des répondants varie de progressiste à gauche. Il n'est pas nécessaire d'être très versé dans les débats sur les questions palestiniennes, la Nakba, les chiffres, les dates, les cartes, pour, à tout le moins, être paralysé par l'absence scandaleuse d'existences palestiniennes dans leurs récits, même s'ils vivent dans des terres et des maisons qui ne leur appartiennent pas. Et ils osent encore se définir comme « de gauche ».

Pour ce qui est du MJ, on devient tout de suite antisémite quand on demande aux Juifs s'ils se considèrent comme autorisés à aller vivre en Palestine, ou si on demande une position sur la politique de l'Etat d'Israël envers le peuple palestinien . Dans quelle mesure une telle définition exonère-t-elle le peuple juif de ses responsabilités historiques et contemporaines envers la Nakba palestinienne ? Cela reviendrait à dire qu'une personne blanche ne peut pas être tenue, dans le contexte brésilien, de prendre position sur le racisme « juste » parce qu'elle est blanche. Après tout, quelle responsabilité aurait-elle avec les presque 400 ans d'esclavage au Brésil ? Et pourquoi devrait-elle prendre position et lutter contre le racisme si elle n'était pas directement responsable de la situation dans laquelle vit la population noire ?

Cette absence de responsabilité éthique envers les conditions historiques qui nous précèdent et nous forment produit une cassure, une rupture entre le moi blanc et la situation de génocité (due à sa continuité historique) de la population noire au Brésil. On nous demande de prendre position. Et cette interpellation est fondamentale pour les processus de réflexivité sur le monde que nous habitons. Il n'est pas possible de faire une disjonction entre la foi publique dont jouit la peau blanche et le déni continu d'humanité des Noirs. Le refus de reconnaître la responsabilité historique d'un passé qui me constitue dans le monde est, en soi, un mécanisme de déni du droit à réparation aux Noirs.

Ce que dit MJ, c'est que le peuple juif peut (quel luxe !!) ne pas vouloir prendre position sur les crimes d'Israël[xv] ou sur le sort du peuple palestinien. Ce faisant, ils tentent de contrôler le débat public, un mécanisme de régulation et de censure qui fait coïncider les deux textes (IHRN et MJ) dans la volonté d'imposer la censure et la peur dans l'espace public. Alors, attention, ne demandez pas à la personne juive comment elle se comporte car elle pourrait vous dire : « Tu es antisémite !! ». Une fois de plus, le masque des Flandres nous entoure.

Il y a d'autres questions problématiques dans le Manifeste de Jérusalem. Le point 10 prétend être de l'antisémitisme : "Refuser le droit des Juifs dans l'État d'Israël d'exister et de s'épanouir, collectivement et individuellement, en tant que Juifs, conformément au principe d'égalité." Mais n'est-ce pas exactement ce qui se passe depuis 73 ans ? Ce que le MJ omet, c'est que la vie du peuple juif est florissante et que son existence est due à l'exclusion et à la mort du peuple palestinien. La nécropolitique (politique promouvant la mort) et la biopolitique (politique visant à protéger la vie) sont articulées dans la nécrobiopolitique israélienne[Xvi] et deviennent des termes inséparables. Mort et apartheid pour les Palestiniens, selon les termes du rapport du Surveillance des droits de l'homme et B'Tsalem. Soins et vie pour le peuple juif en Israël.

Principes pour le démantèlement de l'antisémitisme (PDA)

Une fois de plus, les deux déclarations (IHRA et MJ) se valent pour effacer des vies palestiniennes. Cet effacement était l'une des principales critiques de la déclaration des « Principes pour le démantèlement de l'antisémitisme ».[xvii], proposé par trois collectifs du peuple juif progressiste organisés en Voix juive pour la paix (États-Unis), en Voix juives indépendantes (Canada) et en Boycotter de l'intérieur (Israël). Si le Manifeste de Jérusalem parle de la relation Palestine/Israël/Antisémitisme, où sont les voix palestiniennes ?

La principale préoccupation qui a guidé la publication de la PDA était les tentatives continues de l'État d'Israël d'éviter de rendre des comptes pour ses violations des droits de l'homme et ses violations du droit international, en utilisant systématiquement des accusations d'antisémitisme contre les Palestiniens et les alliés de la cause palestinienne. La distribution (mondiale) de masques en fer blanc a été une politique des gouvernements israéliens successifs

Dans le PDA, il y a une conception de la lutte contre l'antisémitisme liée à d'autres formes de mobilisation contre différentes expressions de la suprématie blanche, dans l'esprit relationnel proposé par Franz Fanon[xviii]. Les formes de lutte contre le racisme existant, y compris l'antisémitisme, "[sont] liées et se reproduisent de différentes manières selon leurs contextes socio-spatiaux à différentes périodes de l'histoire" (PDA).

Nous trouvons dans le texte du PDA des éléments puissants pour construire des alliances entre ceux qui vivent une vie précaire par la barbarie néolibérale et le colonialisme, en même temps qu'il nous offre de bons outils conceptuels (que ce soit pour les personnes juives ou non juives) pour s'unir contre la violence antisémite . Selon le texte : « Nous croyons en un monde où nous sommes tous en sécurité et aimés – un monde sans racisme, sans antisémitisme et sans islamophobie. Alors que les gouvernements et les partis politiques fascistes, racistes et autoritaires accumulent de plus en plus de pouvoir dans le monde, nous sommes plus que jamais engagés dans le travail de construction d'un monde où la justice, l'égalité et la dignité sont accordées à tous, sans exception".

Les cinq principes de la déclaration sont les suivants : 1. Ne pas isoler l'antisémitisme des autres formes d'oppression ; 2. Remettre en question les idéologies politiques qui encouragent le racisme, la haine et la peur ; 3. Créer des environnements qui affirment et célèbrent toutes les expressions culturelles et religieuses ; 4. Promouvoir le démantèlement de toutes les formes de racisme et d'intolérance dans les politiques et pratiques quotidiennes ; 5. Pratiquez la sécurité par la solidarité plutôt que par la police.

Si, d'une part, le PDA souligne que la définition de l'IHRA est une arme pour la production incessante de persécution de ceux qui s'engagent dans la défense des droits humains du peuple palestinien, d'autre part, il analyse que le MJ est empêtré dans les termes mêmes de la définition que propose l'antisémitisme, puisqu'il situe et restreint le débat, fondamentalement, à la sphère israélo-palestinienne, alors que la discussion devrait être plus large (et relationnelle).

Il est intéressant d'observer comment les collectifs juifs qui ont construit le PDA ont la marque distinctive d'être antisionistes et, précisément à cause de cette marque différenciante par rapport aux deux autres textes (IHRN et MJ), leurs membres paient le prix de leur engagement pour la défense du droit à l'autodétermination du peuple palestinien. Beaucoup sont systématiquement persécutés pour leurs positions et accusés (même s'ils sont juifs) d'être antisémites. Parmi les noms les plus connus, la philosophe Judith Butler a un long chemin à parcourir pour affronter les accusations des sionistes qui tentent de transformer la défense de l'État d'Israël en critère pour évaluer si une position peut être transmutée en insulte antisémite.

L'un des fils conducteurs de l'œuvre du philosophe a été de souligner que rien n'est plus contraire aux principes éthiques du judaïsme que le sionisme. Qu'est-ce qui caractérise la pensée juive ? Guide-nous pour cohabiter, pour faire face au monde extérieur à nous. C'était la leçon fondamentale de la diaspora juive, en plus du premier mandat : ​​TU NE TUERA PAS ! Rien n'est plus contraire au judaïsme, selon les termes du philosophe, qu'une idéologie qui se charge de la mort, de l'expulsion, de l'emprisonnement de tout un peuple, comme l'a fait le sionisme. Le judaïsme trouverait son contraire, sa négation, dans le sionisme. Elle dit : « [Si je peux] montrer qu'il existe des ressources juives pour la critique de la violence d'État, de l'assujettissement colonial des populations, de l'expulsion et de la dépossession, j'aurai réussi à montrer qu'une critique juive de la violence d'État israélienne est au moins possible - et peut-être même éthiquement obligatoire. Si je montre, en outre, que certaines valeurs juives de cohabitation avec des non-juifs font partie de la substance même éthique du judaïsme diasporique, il sera possible de conclure que les engagements en faveur de l'égalité sociale et de la justice sociale ont été une partie fondamentale de la laïcité Traditions juives, socialistes et religieuses » (Judith Butler[xix], p. 11).

C'est comme si les thèses du livre Chemins divergents avait pris la forme d'un manifeste pour démanteler l'antisémitisme en une polyphonie d'autres judéités, organisées en d'autres collectifs. Heureusement, ces formulations contribuent considérablement à notre lutte contre toutes les formes de discrimination, de racisme et de colonialisme.

penser à demain

La criminalisation mondiale des militants des droits de l'homme du peuple palestinien et du mouvement pacifique pour le boycott, le désinvestissement et les sanctions (BDS)[xx] à Israël s'intensifiera. Dans le cadre de cette guerre mondiale contre le peuple palestinien, l'État d'Israël continuera à essayer de transformer l'antisionisme et l'antisémitisme en termes interchangeables. Ce qui est en cours, c'est la palestinisation des mouvements sociaux mondiaux. De la persécution du candidat à la présidence du Chili à la criminalisation de l'ancien député fédéral Milton Temer, nous, militants des droits de l'homme de la cause palestinienne, nous transformons en Palestiniens. Il n'y a pas d'autre alternative : nous continuerons à arracher les masques de la Flandre et à construire de larges alliances avec les secteurs qui défendent le droit des peuples colonisés à l'autodétermination.

* Bérénice Bento est professeur au Département de sociologie de l'UnB.

notes


[I] Pour une discussion de ces trois textes, voir Bruno Huberman et Yuri Haasz : Une réponse des Juifs progressistes à la définition de l'antisémitisme de l'IHRA. Disponible sur : https://www.monitordooriente.com/20210407-um-resposta-dos-judeus-progressistas-a-definicao-de-antisemitismo-da-ihra/.

[Ii] DIT, Edouard. orientalisme. L'Orient comme invention de l'Occident. Rio de Janeiro : Companhia de Bolso, 2007.

[Iii] Pour voir le texte complet, rendez-vous sur : https://www.holocaustremembrance.com/resources/working-definitions-charters/working-definition-antisemitism.

[Iv] CLARK, John. Déclaration de Jérusalem : une réfutation contre l'utilisation de l'antisémitisme comme arme. Disponible sur : https://www.esquerda.net/artigo/declaracao-de-jerusalem-uma-refutacao-contra-utilizacao-do-anti-semitismo-como-arma/73998.

[V] AHMED, Nasim. Israël est un état d'apartheid, dit B'Tselem ; Il est temps de rejeter la définition de l'antisémitisme de l'IHRA ? Disponible sur : https://www.monitordooriente.com/20210121-israel-e-um-estado-de-apartheid-diz-btselem-hora-de-dispensar-definicao-da-ihra-de-antisemitismo/

[Vi] "Aujourd'hui, nous sommes des nazis", déclare un membre d'un groupe extrémiste juif israélien. Disponible en: https://electronicintifada.net/content/today-we-are-nazis-says-member-israeli-jewish-extremist-group/33081.

[Vii] PARRA, Marcela. Alliance stratégique entre la droite chilienne et le sionisme : attaquer le candidat Daniel Jadue et renforcer la protection contre les crimes israéliens. Disponible en: https://piensachile.com/2021/07/03/alianza-estrategica-entre-la-derecha-chilena-y-el-sionismo-atacar-al-candidato-daniel-jadue-y-de-paso-blindar-los-crimenes-israelies/.

[Viii] Sur les masques en fer-blanc et autres instruments de torture imposés aux esclaves, voir : GOULART, José Alípio. De la pagaie à la potence. Rio de Janeiro : Conquête, 1971.

[Ix] Texte en entier : https://jerusalemdeclaration.org/?fbclid=IwAR20A9nGvFFBKrn0DFU5yS1gBnNmCy7j1N48TNJXLe9Pg_KS2qXWgBgHKPg.

[X] Pour une analyse de cette loi, voir : BENTO, Bérénice ; TENORIO, Sayid. « État-nation » israélien : nouvelle étape de l'apartheid colonialiste. Disponible sur : https://operamundi.uol.com.br/analise/53880/estado-nacao-israelense-nova-etapa-do-apartheid-colonialista.

[xi] Pour accéder au rapport complet, voir : https://www.hrw.org/report/2021/04/27/threshold-crossed/israeli-authorities-and-crimes-apartheid-and-persecution.

[xii] Sur les viols de femmes et d'enfants palestiniens par les forces militaires israéliennes en 1948, voir la recherche doctorale de Fatma Kassem, Femmes palestiniennes : histoires narratives et mémoire genrée. Livres de Londres: Londres et New York, 2011.

[xiii] Il existe une documentation académique et journalistique considérable sur les crimes contre l'humanité commis par Israël depuis sa fondation. Nous suggérons : MISLEH, Soraya. Al Nakba : une étude sur la catastrophe palestinienne. São Paulo : Sundermann, 2017 ; PAPPE, Ilan. Le nettoyage ethnique de la Palestine. São Paulo : Editora Sundermann, 2016 ; PELED-ELHANAN, Nurit. Idéologie et propagande dans l'éducation. La Palestine dans les manuels scolaires israéliens. São Paulo : Boitempo, 2019 ; SAYID, Marcos Tenorio. Palestine : du mythe de la terre promise à la terre de la résistance. São Paulo : Anita Garibaldi, 2019 ; DIT, Edouard. La question de Palestine. São Paulo : EDUNESP, 2012 ; MASALHA, Nour. Expulsion des Palestiniens. Le concept de « transfert » dans la pensée sioniste (1882). São Paulo : Sundermann, 2021.

[Xiv] VALE DE ALMEIDA, Miguel. Aliyah : État et subjectivité chez les Juifs brésiliens en Israël/Palestine. Lisbonne : ICS, 2019. 

[xv] Le 03 mars 2021, la Cour pénale internationale a ouvert une procédure pour enquêter sur les crimes d'Israël. Pour suivre le processus, voir : https://www.icc-cpi.int/palestine?ln=fr.

[Xvi] BENTO, Bérénice. Nécrobiopode : qui peut habiter l'État-nation ? Disponible sur : https://www.scielo.br/j/cpa/a/MjN8GzVSCpWtxn7kypK3PVJ/abstract/?lang=pt.

[xvii] La version anglaise de la déclaration peut être lue sur le site Web du JVP. En portugais, voir : http://desacato.info/uma-resposta-dos-judeus-progressistas-a-definicao-de-antisemitismo-da-ihra/.

[xviii] FANON, François. Peau noire, masque blanc. Salvador : EDUFBA, 2015.

[xix] BUTLER, Judith. Chemins divergents : judaïsme et critique du sionismeO. São Paulo : Boitempo, 2017.

[xx] Sur le mouvement mondial pour le boycott, le désinvestissement et les sanctions d'Israël, voir : https://bdsmovement.net/pt.

 

Voir tous les articles de

10 LES PLUS LUS AU COURS DES 7 DERNIERS JOURS

Voir tous les articles de

CHERCHER

Recherche

SUJETS

NOUVELLES PUBLICATIONS