Par RODRIGO MAIOLINI REBELLO PINHO*
Marx n'a pas seulement accompagné la traduction française de son livre, il est allé beaucoup plus loin : il l'a entièrement réécrit.
Marx et la valeur de l'édition française
Les époques où Marx attestait de la valeur scientifique indépendante de l'édition française par rapport à l'édition allemande se répétaient, pointant même certaines parties où la première était supérieure à la seconde. Cela s'est produit aussi bien au cours de l'aventure éditoriale qu'après la publication ; tant dans la sphère privée (dans les lettres) que dans la sphère publique (dans la Postface de la 2e édition allemande et dans l'Avis au lecteur de l'édition française).
Par exemple, dans une lettre du 07 mars 1877, Marx attire l'attention d'Engels sur deux passages deLa capitale– qui traitent de questions importantes : les notions de travail productif et la manière de considérer les physiocrates – en les citant de l'édition française, qu'il justifie ainsi : « Je cite de l'édition Français parce qu'ils sont moins vagues ici que dans l'original allemand[I]» (Marx, 2010a, V. 45, p. 208).
En ce qui concerne les traductions possibles dans d'autres langues (sujet du sujet suivant), il a également fait l'éloge de l'édition française : "[dans celle-ci] j'ai inclus beaucoup de nouveaux éléments et j'ai grandement amélioré ma présentation de bien d'autres" ; il ajoutait également que, dans les préfaces des futures traductions, il serait mentionné que « [l'édition française] est parue plus tard et a été révisée par moi » (Marx, 2010a, V. 45, p. 276 et 283, du 27/09/ 1877 et 19/10/1877).
Il n'est donc pas surprenant qu'au cours de la révision de la traduction - et de la refonte complète du texte qui en a résulté - Marx ait dit avec insistance à Lachâtre :
« Il ne s'agit pas, comme vous semblez l'imaginer, d'une simple question de détails et de corrections de style mineures ; au contraire, j'ai dû, et j'ai encore, pratiquement tout refaire. Une fois condamné à cette tâche ingrate, j'y ai ajouté en plusieurs endroits quelques développements nouveaux, qui donneront à l'édition française – comme je le signalerai incidemment dans la postface – une valeur que n'a pas l'original allemand » (23/07/74 - Marx, 2010. c. 45, p. 25/26)
Ce que Marx dit ici, c'est qu'il a « pratiquement tout refait » - et qu'est-ce que tout cela si ce n'est la réécriture du livre lui-même, le seul livre de son œuvre majeure qui ait été publié de son vivant ? Et ce ne sont pas seulement les petites choses ou les problèmes stylistiques qui ont été refaits ; ce furent aussi les grandes et les questions de contenu scientifique, qui en plusieurs endroits reçurent de nouveaux développements. La valeur scientifique de l'édition française est caractérisée ici, « non possédée par l'original allemand ».
Et comme Marx l'avait annoncé, démontrant une fois de plus qu'il procédait à dessein, cela fut d'ailleurs réaffirmé à la fin du livre, dans l'Avis au lecteur, où il attesta :
"M. J. Roy s'est efforcé de donner une traduction aussi exacte et aussi littérale que possible ; il remplissait scrupuleusement sa tâche. Mais ces mêmes scrupules m'ont obligé à modifier la formulation afin de la rendre plus accessible au lecteur. Ces changements opérés au quotidien, puisque le livre était publié par tranches, ont été menés avec une attention inégale et ont fini par produire des désaccords de style.
Une fois ce travail de révision entrepris, j'ai été amené à l'appliquer également au contenu du texte original (la deuxième édition allemande), à simplifier plusieurs développements, à en compléter d'autres, à apporter des éléments historiques ou statistiques supplémentaires, à ajouter des aperçus critiques , etc. Quelles que soient donc les imperfections littéraires de cette édition française, elle a une valeur scientifique indépendante de l'original et doit être consultée même par des lecteurs familiarisés avec la langue allemande. […]
Karl Marx, Londres, 28 avril 1875 (Marx, 1872/1875 et 2018, p. 348).
Des développements simples et complets, incluant des matériaux historiques et statistiques, ajoutant des vues d'ensemble critiques et quoi que ce soit d'autre, toutes ces modifications apportées au texte français devraient être, à partir de là, appliquées au texte allemand. Une fois de plus, Marx souligne l'indépendance de la valeur scientifique de l'édition française par rapport à l'édition allemande – c'est ce qui oblige même les connaisseurs de la langue allemande à consulter l'édition française (s'ils veulent suivre la recommandation de l'auteur). Et aussi l'annonce d'éventuelles imperfections littéraires et désaccords de style réaffirme la considération de sa valeur scientifique indépendante par rapport à l'original allemand, puisque Marx ne se réfère nullement aux imperfections scientifiques, aux désaccords scientifiques, mais exclusivement aux imperfections littéraires et stylistiques.
Ce qui apparaît dans cette Notice est d'autant plus important que Marx l'a conservé dans l'ouvrage contre la volonté expresse de Lachâtre, qui a appelé Marx à le supprimer, car il considérait que l'auteur était en avance sur le travail des critiques. (Gaudin, 2018 , p. 35). Voyons dans cette lettre du 11 juin 1875 comment Lachâtre récrimine la conduite de Marx :
« Il est regrettable, à mon avis, que vous ayez émis un avis aux lecteurs pour attirer leur attention sur pour les défauts de traduction de M. Roy, et que vous avez souligné les erreurs dans le Mal, indiquant toujours qu'il y en avait beaucoup d'autres. Faire le service à l'avance des critiques et tacher votre propre livre. À mon avis, cet avertissement [l'Avis au lecteur] et la note concernant la Mal. Cela n'a d'ailleurs aucune utilité, les lecteurs ne prenant jamais la peine de les consulter. Cette suppression vous ferait gagner une page… » (Marx dans Gaudin, 2019, p. 160)
Cette divergence entre Marx et Lachâtre a non seulement clairement marqué une différence d'attitude envers l'honnêteté intellectuelle et la fidélité à la vérité[Ii], comme elle montrait aussi, une fois de plus, la pleine conviction que Marx avait de la valeur propre de l'édition française.
Il se trouve que l'Avis au lecteur (également l'autographe) n'a pas été reproduit dans la 4e édition allemande d'Engels (Anderson, 2019, p. 265). Ainsi fut effacée la seule – et publique et expresse – recommandation que Marx fit au lecteur de consulter une édition de l'ouvrage dans une autre langue, et elle ne s'adresse qu'à ceux qui connaissent la langue allemande, qui doivent alors consulter l'édition française. Comme on le voit, Marx ne recommandait pas aux Français de consulter l'édition allemande de l'ouvrage. Tout souligne la condition d'ouvrage autonome que porte l'édition française.
Si l'emphase de l'Avis au lecteur ne suffisait pas, son caractère public et le fait que Marx n'y renonçait pas, si cela ne suffisait pas, il reste la consonance telle qu'elle avait déjà été mise au jour par lui-même, et aussi publiquement, dans la postface de la 2e édition allemande, le 24 janvier 1873 : « après avoir révisé la traduction française, qui est en cours de publication à Paris, je crois que plusieurs parties de l'original allemand auraient nécessité ici une refonte plus profonde , une révision stylistique plus détaillée ou une suppression plus soigneuse de toute inexactitude. Pour cela, il me manquait le temps nécessaire, car la nouvelle que le livre était épuisé et que l'impression de la deuxième édition devait commencer dès janvier 1872 ne m'est parvenue qu'à l'automne 1871, alors que j'étais occupé à d'autres travaux. .urgent » (Marx, 2017, pp. 83-84)
L'édition allemande serait modifiée par rapport à l'édition française, cette dernière servirait de paramètre à la première. Les modifications nécessaires affecteront le contenu scientifique et même le style de l'allemand : remaniement de plusieurs parties, révision du style et suppression des inexactitudes. Retravailler, réviser, supprimer, simplifier, compléter, ajouter : tels sont quelques-uns des nombreux verbes que Marx utilise pour décrire les effets que l'édition française aurait sur l'édition allemande.
Marx nous dit qu'il n'y avait pas assez de temps pour mener à bien cette tâche pour la seconde édition allemande ; prévu, cependant, de le faire pour les suivants (allemands). Si Marx était catégorique sur la nécessité de changer l'édition allemande, on ne peut pas en dire autant de l'édition française : certes, rien n'indique qu'il ait eu l'intention de changer l'édition française elle-même – le silence ici est éloquent.
Au vu de ce qui précède, en comparant les positions de Marx et d'Engels, il est aisé de vérifier que l'édition française n'était pas pour l'un ce qu'elle était pour l'autre : si Engels en avait une opinion négative et s'en servait surtout comme plancher , afin de voir jusqu'où l'auteur serait prêt à aller s'il devait sacrifier le sens original dans la traduction ; d'autre part, Marx – à qui il faut attribuer à la parole un poids qui correspond à l'autorité du seul auteur du texte – la jugeait favorablement, attestait de sa valeur scientifique indépendante et considérait qu'elle devait nécessairement servir de fondement à des travaux ultérieurs. traductions. Et l'on ne peut pas oublier, comme l'affirme Engels lui-même : que Marx « a pesé chaque mot » qu'il a écrit (22/05/1883-Engels, 2010a, V. 47, p. 26) ; que ses écrits témoignaient « … du soin sans pareil, de l'autocritique sévère avec lesquels il s'efforçait de donner la dernière touche à ses grandes découvertes économiques, avant de les divulguer… » (Engels in Marx, 1970, p. 02).
Marx et les traductions françaises ultérieures
Avant même que la publication de l'édition française ne soit achevée, Marx avait en perspective la valeur d'usage qu'elle aurait dans les traductions ultérieures ; en fait, il était déjà indiqué comme base pour les futures traductions, ce qui n'est nullement surprenant, étant donné que même l'édition originale allemande devrait être modifiée en fonction de celle-ci.
La valeur d'usage susmentionnée de l'édition française était déjà indiquée dans une lettre, datée du 28 mai 1872, que Marx adressa à son traducteur russe, Nikolai Danielson. Après avoir loué la traduction du Livre I en russe – « magistrale » – et réitéré sa critique de la littéralité excessive de la traduction française, Marx déclarait alors cette qualité de l'édition française : celle d'être l'édition à partir de laquelle il serait beaucoup plus facile de faire des traductions vers d'autres langues romanes et vers l'anglais :
« Bien que l'édition française - (la traduction est de M. Roy, traducteur de Feuerbach) - ait été préparée par un grand connaisseur des deux langues, il l'a souvent traduite trop littéralement. Je me suis donc trouvé obligé de réécrire des passages entiers en français, pour les rendre acceptables au public français. Plus tard, il sera beaucoup plus facile de traduire le livre du français vers l'anglais et vers les langues romanes » (Marx, 2010a, V. 44, p. 385).
Il est légitime de supposer que cette facilité spéciale a deux fondements. L'une est l'influence culturelle française de l'époque (à laquelle on pourrait aussi rattacher la position du français comme langue internationale). C'est Eleanor Marx qui l'énonce lorsque, tout en réfléchissant à une éventuelle traduction anglaise, elle écrit de Londres au même Nikolai Danielson, le 23 janvier 1872, ce qui suit : « J'ai beaucoup d'espoir qu'une fois l'édition française deLa capitale est apparu, une Anglaise suivra bientôt - l'Anglais singe tout ce que font les Français, seulement quand quelque chose vient de Paris trouve le succès ici » (Eleanor in Marx, 2010a, V. 44, p. 576)
La seconde, applicable au contexte des langues romanes, est la parenté linguistique. Or, le fait même que Marx se réfère à ce genre de « langues romanes » (appelées « langues latines » par Roy) indique déjà que l'appartenance de ces langues à une « famille » commune entrait en quelque sorte dans sa considération. On a même vu des différences entre l'allemand et ce groupe linguistique être abordées dans le dialogue entre l'auteur et l'éditeur, ce qui renforce l'argument. De ce point de vue, les traductions en italien, espagnol et portugais devraient être faites à partir du texte français. En effet, la parenté linguistique donne lieu à ce parcours plus familier.
Mais la raison qui justifie centralement et, de plus, exige la traduction du français a deux aspects qui s'entremêlent : la valeur scientifique indépendante déclarée de l'édition française et le fait qu'elle soit la dernière faite par l'auteur lui-même.
Nous avons vu dans le sujet précédent comment Marx attestait, sans laisser de place au doute, la valeur scientifique indépendante de l'édition française, valeur que ne possédait pas l'original allemand. Nous allons maintenant souligner l'autre aspect : il s'agit de la dernière édition de l'ouvrage.
Or, si la version française était, de toutes les éditions publiées, précisément la dernière vue, révisée et manipulée par Marx ; si c'était, alors, le dernier publié dans la vie; si c'est à partir d'elle aussi que Marx entendait réviser la 2e édition allemande pour en produire une troisième et une quatrième allemande ; De tout cela on ne peut que conclure que, parmi toutes, la seule édition de dernière main du livre I d'O Capital est la française. Cet attribut, donc, il ne le partage pas avec la 2e édition allemande, ni avec la 3e ou la 4e. Souvenez-vous : lorsque nous parlons des troisième et quatrième éditions allemandes, nous ne parlons pas des mains et de la tête de l'auteur, qui est Marx, mais de celles d'Engels, qui a agi comme leur éditeur posthume.
Renforçant encore la raison analysée ici, s'y rattache la circonstance suivante : la dernière revue scientifique complète et publique du Livre I, effectuée par l'auteur, a eu lieu dans l'édition française. En fait, nous avons vu plus haut que Marx protégeait strictement les imperfections littéraires éventuelles – dont il mettait à la disposition des lecteurs eux-mêmes (et non des éditeurs) la capacité de correction – sans toutefois nuire à aucun aspect scientifique de l'œuvre révisée, c'est-à-dire : il n'a pas renoncé à sa valeur scientifique indépendante, n'a pas indiqué la nécessité de réviser son contenu et n'a même pas fait allusion à la possibilité d'une deuxième édition française éventuellement révisée ou réformée.
Par contre, Marx est mort sans pouvoir terminer la révision de l'édition allemande. Peu de temps avant sa mort, il avait appris que la deuxième édition allemande était sur le point d'être épuisée. À ce moment-là, Marx souffrait de graves problèmes de santé et souhaitait également terminer le livre II "le plus tôt possible", même pour pouvoir inscrire une dédicace à sa femme récemment décédée. Face à cela, son plan est le suivant : proposer rapidement une troisième édition, avec un tirage réduit (4 15 exemplaires, au lieu des 1881 46 souhaités par l'éditeur) et « le moins possible de retouches et d'ajouts » ; une fois ces mille exemplaires épuisés, il élaborera la 2010e édition, dans laquelle il « modifiera le livre de la manière dont il aurait dû être fait dans le présent dans des circonstances différentes ». C'est ce qu'il a dit à Danielson le 161 novembre XNUMX (Marx, V. XNUMX, XNUMX, p. XNUMX).
Et comme si tout cela ne suffisait pas, il y a encore une autre indication publique et tout à fait directe que l'édition française serait la base des futures traductions ; c'est dans la dernière partie du texte de la lettre-réponse de Lachâtre, qui, on l'a vu, a fait l'objet d'une attention particulière et même de l'intervention de Marx. Eh bien, Lachâtre n'a-t-il pas dit que « ce sera notre texte qui servira à toutes les traductions qui seront faites du livre, en ANGLETERRE, en ITALIE, en ESPAGNE, en AMÉRIQUE, partout où se trouveront enfin des hommes de progrès… » (Lachâtre dans Marx, 1872/1875, p. 08) ? Et Marx a consenti à ce qui a été dit.
Ayant ainsi posé le postulat que l'édition française servirait de base nécessaire aux traductions ultérieures, passons aux lettres dans lesquelles Marx adresse des recommandations à traducteurs[Iii] (en particulier russe, anglais et italien) ; il y prescrit des procédures de traduction, procédures qui concernent la manière dont le traducteur opérerait avec son principal matériau de travail, c'est-à-dire avec quelles éditions de l'œuvre il devrait travailler et comment chacune devrait être considérée.
Premièrement, lorsqu'il s'agissait d'une deuxième édition russe du Livre I du Capital (la précédente avait été faite à partir de la première allemande), Marx dit à Danielson, le 15 novembre 1878, ce qui suit :
« En ce qui concerne la deuxième édition de Capital, je me permets de noter :
1) Je souhaite que les divisions en chapitres – et il en va de même pour les subdivisions – soient faites selon l'édition française.
2) Que le traducteur compare toujours soigneusement la deuxième édition allemande avec la version française, car cette dernière contient de nombreux changements et ajouts importants (même si, il est vrai, j'ai aussi parfois été obligé - surtout dans le premier chapitre - d'aplatir le question dans sa version française) […].
La crise anglaise que j'avais prédite dans la note de bas de page p. 351 de l'édition française ont finalement éclaté au cours des dernières semaines. Certains de mes amis – théoriciens et hommes d'affaires – m'avaient demandé d'omettre cette note parce qu'ils la jugeaient infondée » (Marx, 2010a, V. 45, pp. 343-344)
On voit que Marx continuait à postuler l'indispensabilité de la comparaison avec l'édition française, qui contient des modifications et des ajouts qui ne figurent pas dans l'édition allemande. Il a également fait remarquer incidemment que, parfois et surtout dans le premier chapitre, il a dû supprimer des reliefs et des enroulements du texte, en l'aplatissant. Quant au squelette du texte, c'est-à-dire sa division et sa subdivision en sections et chapitres, la version française de la dernière version révisée par lui doit être conservée. Il convient de noter que les divisions et subdivisions des brésiliens sont conformes à l'édition allemande d'Engels de 1890, qui, à son tour, n'est pas conforme à la recommandation de Marx. Fait intéressant, dans l'édition anglaise de 1890, Engels a respecté la structure de l'édition française de Marx.
L'index de la première édition française. Source : Marx, 2018, p. 352.
Quant à la note mentionnée par Marx, il l'a insérée dans les extraits de la « Postface de la 2e édition allemande » qu'il a inclus dans la version française ; Marx a donc modifié, dans l'édition française, même la postface originale de la seconde édition allemande. Cet ajout, sous forme de note de bas de page, manque dans les éditions brésiliennes, puisqu'elles ont été faites à partir de la 4e édition allemande d'Engels (voir : Marx, Boitempo, 2017, p. 91 ; Marx, Civilização Brasileira, 2002, p. 29 ; Marx, Nova Cultural, 1996, p. 141 ; également absent de l'édition anglaise d'Engels, voir Marx, 1990, p. 27). Marx précise même qu'il a gardé la note contre la volonté d'amis qui ont lu l'ouvrage. C'est un élément de plus pour montrer la vigueur de cette édition.
Voyons le contenu de cette note importante :
« La postface de la deuxième édition allemande est datée du 24 janvier 1873, et ce n'est que quelque temps après sa publication que la crise qui y est annoncée éclate en Autriche, aux États-Unis et en Allemagne. Beaucoup de gens croient, à tort, que la crise générale a été, pour ainsi dire, escomptée dans ces explosions violentes mais partielles. Au contraire, tendant vers son apogée, l'Angleterre sera le siège de l'explosion centrale dont le contrecoup se fera sentir sur le marché universel. (Marx, 1872/1875 et 2018, p. 351).
Revenant au dialogue avec Danielson le 28 novembre 1878, peu de temps après avoir revu l'œuvre une fois de plus, Marx suggère :
"Depuis la semaine dernière, je n'ai pas pu regarder le Capital. Je l'ai maintenant fait, et j'ai trouvé que – à part les changements que le traducteur doit faire en comparant la deuxième édition allemande avec la française – seulement très peu de modifications sont nécessaires, que vous trouverez plus loin dans cette lettre. Les deux premières sections (« Marchandise et monnaie » et « La transformation de la monnaie en capital ») doivent être traduites exclusivement à partir du texte allemand… » (Marx, 2010a, V. 45, p. 346)
Marx rappelle ici à Danielson la nécessité d'apporter des modifications basées sur la comparaison avec la traduction française, qui reste explicitement indispensable ; ajoute seulement la mise en garde que les deux premières sections du livre I ne doivent être traduites que de l'allemand[Iv].
Et par rapport à une éventuelle traduction anglaise, comment Marx a-t-il procédé ? Commençons par ce qu'il dit à Sorge le 27 septembre 1877 :
“[…] L'édition française a pris tellement de mon temps[V] que moi-même je ne collaborerai plus, en aucune façon, à une traduction [...] Il [Adolph Douai, le traducteur alors suggéré] doit impérativement, lors de la traduction, comparer la 2e édition allemande avec la édition française, dans lequel j'ai ajouté de nombreux nouveaux sujets et grandement amélioré la présentation de bien d'autres. Il y a deux choses que je t'enverrai au cours de cette semaine:
- Un exemplaire de l'édition française pour Douai.
- Une liste des lieux où édition française ne devrait pas être par rapport à l'allemand, mais le texte français sert uniquement de base.
Em Nápoles M. Uriel Cavagnari prépare l'édition italienne de Capital (de l'édition française); il fait imprimer le livre à ses frais et le vendra à prix coûtant. Homme bon!"
(Marx, 2010a, V. 45, p. 276/277)
L'édition française est à nouveau mentionnée positivement par Marx, qui souligne qu'elle comprenait plusieurs sujets et améliorait l'exposition; en d'autres termes, a fait des progrès, pour ainsi dire, dans le fond et la forme. La traduction en anglais, inédite à l'époque, devrait se faire en comparant l'édition française avec la seconde allemande, et il y aurait des endroits où seule la française devrait servir de base. Marx n'indique pas ici qu'il y avait des endroits où seule l'édition allemande serait prise comme base.
Il a également fait référence à une édition italienne prévue, qui serait traduite uniquement du français, faisant taire avec éloquence la nécessité éventuelle de la comparer à l'édition allemande, notamment parce qu'il avait déjà dit que la traduction dans d'autres langues latines à partir du français, il serait être "beaucoup plus facile". Et Marx a de nouveau souligné la nécessité d'une édition bon marché.
Traitant toujours de la méthode de travail à employer pour la traduction en anglais, dans une nouvelle lettre à Sorge, le 19 octobre 1877, Marx dit :
« Avec cette lettre, je vous envoie le manuscrit ci-joint à Douai, au cas où il traduirait le manuscrit. Capital. Le manuscrit contient, outre quelques modifications dans le texte allemand, des indications quant à l'endroit où celui-ci doit être remplacé par l'édition française. Dans l'exemplaire de l'édition française destiné à Douai, également posté à votre adresse aujourd'hui, les passages sus-mentionnés du manuscrit sont marqués. J'ai trouvé le travail plus long que je ne le pensais […] En cas de publication, Douai doit dire dans la préface qu'en plus de la 2e édition allemande, il a utilisé l'édition française, qui est venue plus tard et a été révisée par moi… » (Marx, 2010a, v. 45, p. 282/283).
On voit ici que le traducteur doit, en plus de comparer soigneusement les éditions, incorporer certaines modifications apportées au texte allemand de la 2e édition et également partir du texte français à certains endroits à la place de l'allemand. Il convient aussi, dans une préface, de souligner l'usage, outre la deuxième édition allemande, également de l'édition française, exprimant deux de ses qualités : celle d'être postérieure et celle d'avoir été entièrement révisée par l'auteur.
Comme si les mots de l'auteur dans les lettres et dans l'ouvrage publié lui-même (dans la préface, la postface, l'autographe, l'avis au lecteur et dans le corps de celui-ci) ne suffisaient pas, les rapports que John Swinton, journaliste basé aux États-Unis Les états, présentés de la rencontre qu'il a eue avec Marx, en août 1880, à Ramsgate (ville balnéaire du sud-est de l'Angleterre, à environ 120 kilomètres de Londres), servent également à montrer la valeur que Marx a conférée à l'édition française. Deux documents résultent de cette réunion.
Le premier est le récit initialement publié en première page du New York Sun, le 06 septembre 1880, puis réimprimé dans le livre de poche. les voyages de John Swinton ; vues et notes actuelles de quarante jours en France et en Angleterre(Garlin, pp. 14 et 40-42 ; Swinton, 1880, pp. 41-45). En cela, le journaliste, au passé abolitionniste puis défenseur des causes ouvrières américaines, est aussi considéré comme un puissant orateur.[Vi], décrit sa rencontre avec Marx et sa famille, dans un sujet qu'il a intitulé : « L'homme du tremblement de terre – Karl Marx ». Il a parlé à Marx, entre autres, de l'absence de traduction anglaise de sa grande œuvre, peinte dans la pièce comme un champ de graines pour de nombreuses récoltes à venir. Swinton déclare ensuite ce qui suit :
« Au fait, en vous référant à votre Capital, [Marx] a dit que quiconque voudrait éventuellement le lire trouverait la traduction française bien supérieure à bien des égards à l'original allemand » (Swinton, 1880, p. 43).
Nous savons que Marx a acquiescé à ce qu'écrivait Swinton, comme il lui écrivit plus tard en le remerciant pour « l'article amical dans le Le Soleil » et informant que ce même jour, 04 novembre 1880, il lui avait envoyé « un exemplaire de l'édition française du Capital » (Marx, 2010a, V. 46, p. 40)[Vii].
Plus tard, Swinton se souviendra à nouveau de la remarquable rencontre qu'il a eue avec Marx. Cela était dû à un différend qu'Engels avait avec un traducteur non autorisé de l'œuvre, qui se présentait sous le nom de John Broadhouse.[Viii] et il publiait, par tranches, une traduction qu'Engels jugeait mauvaise, puisque le sujet aurait « une connaissance imparfaite de l'allemand, avec une faible maîtrise de l'anglais ». Swinton écrivit alors, le 29 novembre 1885, dans le L'article de John Swinton,:
« Cette dispute me rappelle les propos qui m'ont été tenus au sujet de la traduction du Capital par Karl Marx lui-même, quand j'ai passé un après-midi avec lui dans la ville anglaise de Ramsgate il y a cinq ans. En lui demandant pourquoi elle n'avait pas été mise en anglais, comme elle l'avait été en français et en russe, à partir de l'original allemand, il répondit qu'une proposition de traduction anglaise lui était parvenue de New York, puis fit des remarques qui devaient intéresser à la fois Broadhouse et Engels. Il a dit que son texte allemand était souvent obscur et qu'il serait extrêmement difficile de le traduire en anglais. « Mais regardez la traduction française », dit-il en me présentant un exemplaire de l'édition parisienne du « Capital ». « Il, continua-t-il, est beaucoup plus clair et le style meilleur que l'original allemand. C'est d'elle que la traduction anglaise doit être faite et je veux que vous disiez cela à quiconque à New York essaie de traduire le livre en anglais. J'ai vraiment beaucoup souffert en révisant cette traduction française qui a été faite par J. Roy; J'ai révisé chaque mot du manuscrit français, et une grande partie de la langue, et tant de passages, si difficiles à traduire de l'allemand vers l'anglais, peuvent facilement être traduits de la version française. Une fois transposé en anglais, répéta-t-il, "qu'on utilise la version française" » (Swinton in Garlin, 1976, p. 43)
L'harmonie que maintiennent les observations de Swinton avec la manière dont Marx a traité l'édition française est claire, soulignant sa valeur, l'effort qui y est inscrit, la révision méticuleuse entreprise et la valeur d'usage de celle-ci comme fondement pour les traductions ultérieures.
Conclusion
Au vu de tout ce qui précède, il convient ici de résumer, résumer et fixer le point principal et incontestable, à savoir : que Marx attribuait à l'édition française une valeur scientifique indépendante, que ne possède pas l'original allemand ; que dans l'édition française de nouveaux développements ont été insérés, des modifications ont été apportées et l'exposition de beaucoup plus a été améliorée ; que l'édition française est venue en dernier et a été entièrement révisée par lui; qu'Engels n'a pas incorporé dans la 4e édition allemande de nombreux ajouts, modifications et reformulations de l'édition française, la dernière sur laquelle Marx a mis la main ; que Marx n'est pas connu pour avoir pensé à modifier le contenu de l'édition française ou à souligner la nécessité d'une nouvelle édition française ; que Marx indique la nécessité de modifier le texte allemand à partir du français, et non l'inverse ; que Marx a consacré beaucoup de temps et d'énergie à préparer l'édition française ; que l'édition française occupe une place autonome dans l'œuvre de Marx.
Mais la conclusion résultant de toute cette excursion doit avoir des conséquences pratiques ; en fait, il débouche sur deux propositions, qui justifient le chemin parcouru ici.
La première et la plus importante est que le lecteur brésilien – et pourquoi pas lusophone – soit mis à disposition de la dernière version de la plus grande œuvre de Marx, avec une traduction directe du texte français en portugais.[Ix]. Cette édition observera une préoccupation cruciale de Marx, qui est venue prendre la forme d'une clause contractuelle, à savoir : elle sera accessible aux petits échanges, bon marché, à prix coûtant. Cette dernière considération, disait Marx, prévaut sur toutes les autres.
Or, comment l'obstacle monétaire pourrait-il être injustement imposé à une œuvre dont les destinataires doivent être, principalement, les classes populaires ? Sans s'approprier l'œuvre, sans pouvoir l'avoir en main ou en vue, il ne peut y avoir d'appropriation de la théorie : car la voie de la lecture, de l'étude, du débat est fermée ; puisque la condition même de pouvoir fouler le chemin escarpé de la science est interdite à beaucoup, imposant un obstacle matériel insurmontable déjà à sa porte d'entrée ; mais quand le travail est en cours, alors les moyens sont présentés, les moyens potentiels adéquats pour que les armes de la critique, une fois appropriées, deviennent une force matérielle, liant ainsi l'orientation de la connaissance à la passion de l'indignation (Marx disait que le « le pathétique essentiel [de la critique] est l'indignation » - Marx, 2010b, pp. 147 et 151). Le besoin de savoir est à nouveau considéré comme essentiel par Marx dans le document inaugural de l'Association internationale des travailleurs, lorsqu'il fait allusion à la supériorité numérique des "classes ouvrières" : "Un élément de succès qu'elles [les "classes ouvrières"] ont - Nombres; mais les nombres ne pèsent dans la balance que s'ils sont unis par la combinaison et guidés par la connaissance » (Marx, 2010a, V. 20, p. 12). A partir de là, on peut dire que, pour Marx, il y a trois « éléments de réussite » des classes laborieuses : l'un, objectivement donné, est la supériorité numérique ; les deux autres, qui demandent à être construites, sont l'union par combinaison (que l'on pourrait aussi appeler association) et la direction par connaissance.
Il convient également de noter que, en aucun cas, l'effort proposé ici ne s'oppose au précieux travail déjà effectué sur la 4e édition allemande, mais se combine avec eux, sans se superposer ni se remplacer.
Deuxièmement, rien n'empêche que, toujours dans l'intention d'ajouter, une partie de l'effort critique de MEGA² soit également reproduite ici.[X], avec la publication de traductions accompagnées d'appareils critiques qui renvoient aux autres éditions du Capital que Marx lui-même a élaborées (outre la française, les 1ère et 2ème éditions allemandes) ou qu'il a explicitement endossées (la russe), ainsi comme ceux édités par Engels (les 3e et 4e éditions allemandes, aussi l'anglaise) qui permettront au lecteur spécialisé d'avoir un matériel précieux pour suivre et comprendre les modifications que chacun d'eux, auteur et éditeur, a apportées à l'ouvrage, vérifiant , ligne par ligne, les ajouts, suppressions et changements présents dans chacun d'eux, y compris pour délimiter ce qui est Marx et ce qui est Engels.
C'est ce qui est proposé ici.
* Rodrigo Maiolini Rebello Pinho Master en histoire de la PUC/SP.
Pour lire la première partie, rendez-vous sur https://dpp.cce.myftpupload.com/apontamentos-sobre-a-primeira-edicao-francesa-do-capital/
Pour lire la deuxième partie, rendez-vous sur https://dpp.cce.myftpupload.com/apontamentos-sobre-a-primeira-edicao-francesa-do-capital-ii/
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notes
[I] Les passages auxquels Marx se réfère dans la lettre se trouvent aux pp. 219 et 258-259 de l'édition française (Marx, 1872/1875 et 2018).
[Ii] Dans une collaboration entre Eleanor Marx et le journal de John Swinton (qui sera mentionné plus bas), elle souligne que Karl Marx (1818-1883) et Charles Darwin (1809-1882), bien que des personnages aussi distincts – l'un mena une « vie calme de l'un découvreur scientifique, l'autre la vie tumultueuse du révolutionnaire » – avaient une qualité commune remarquable : ils étaient « tous deux toujours fidèles à eux-mêmes et à leurs œuvres » (Eleanor in Garlin, 1976, p. 22). Dans ce même article, soit dit en passant, elle indique l'intéressante coïncidence que les œuvres aient été Pour la critique de l'économie politique, par Marx, et L'origine des espèces, de Darwin, tous deux publiés la même année 1859, chacun opérant une révolution dans son domaine scientifique : celui de Darwin, dans les sciences naturelles ; celle de Marx, en économie politique. À propos de la caractérisation deLa capitale comme une « révolution scientifique », voir Heinrich, 2018, p. 18.
[Iii] Nous avons déjà lu celles qu'il adressait à lecteurs de l'ouvrage, tant dans la Postface de la 2e édition allemande que dans l'autographe et l'Avis au lecteur, tous deux par les Français.
[Iv] Cette réserve doit être considérée dans les mêmes circonstances dans lesquelles elle a été placée, de sorte qu'il faut garder à l'esprit que : i) elle n'a été adressée qu'à la deuxième édition russe, la première étant « magistralement » faite uniquement à partir de l'édition allemande ; ii) elle n'a pas été faite publiquement, mais en privé et, à notre connaissance, elle ne s'est pas répétée ; iii) dans la même lettre où il recommandait au traducteur de langue anglaise de procéder à une comparaison soigneuse des éditions, Marx louait naturellement une traduction en italien faite exclusivement à partir du texte français.
Ainsi, il ne serait certainement pas opportun d'étendre cette recommandation spécifique de Marx (qui n'était destinée qu'à une deuxième édition russe) à tout autre contexte, proposant ainsi qu'une version prétendument définitive nécessiterait la traduction des deux premières sections uniquement à partir de la allemand et le reste (qui constitue environ les 4/5 du Livre I) de la comparaison avec la première édition française. Cela imposerait une confusion indésirable des interprètes et éditeurs posthumes avec l'auteur, impliquant la création d'un autre texte, un texte qui ne serait pas celui de l'auteur.
[V] Le chercheur allemand Michael Heinrich rapporte comment le travail de Marx visant à publier les Livres II et III du Capital a été interrompu par la révision et la publication de l'édition française : « En 1871, Marx a dû interrompre ce travail. D'une part, la Commune de Paris a émergé et Marx a écrit La guerre civile en France; d'autre part, la première édition du tome un de Capital solder. Au lieu de continuer son travail sur les livres deux et trois, Marx a commencé à retravailler le livre un. La deuxième édition de 1872/73 [la 2e édition allemande] contient un certain nombre de modifications (en particulier dans la présentation de la forme de valeur) et d'amendements. De plus, une traduction française du premier volume a commencé. Marx a ajouté d'autres modifications et corrigé cette traduction, qui a paru en plusieurs parties [fascicule] entre 1872 et 1875. Ce n'est qu'à partir de 1875 qu'il a pu continuer son travail sur les livres deux et trois » (Heinrich, 2018, pp. 20-21) .
[Vi] Lors d'une cérémonie quelques jours après la mort de Marx à New York, rassemblant des milliers de personnes, au cours de laquelle les orateurs s'exprimaient dans les langues les plus diverses, Swinton, l'un d'entre eux, a exalté la figure de Marx comme quelqu'un qui a « tout donné pour l'humanité » (Garlin, 1976 , p. 19/20).
[Vii] Marx a même demandé l'aide de Swinton pour dénoncer les lois antisocialistes de Bismarck dans la presse américaine, ainsi que pour organiser des campagnes de financement afin de garantir la continuité des activités des organisations ouvrières, de maintenir en vie ses journaux et la messagerie secrète. , en plus de soutenir les familles touchées. Il a également dit à son correspondant que ce n'est qu'après avoir envoyé le livre qu'il a appris que sa fille Eleanor avait coupé son portrait de l'édition, car elle pensait qu'il s'agissait d'une simple caricature, de sorte que Marx s'est engagé à lui envoyer, à sa place, une photo. Swintou a remercié le livre et a dit qu'il le garderait "comme un trésor pour la vie", et la photo a également été envoyée. (Marx, 2010a, V. 46, p. 41 et 93, 485 ; Garlin, 1976, p. 22).
[Viii] Dans ses notes pour une histoire éditoriale mondiale de La capitale, l'historien Lincoln Secco explique que : « En 1885, Henry Mayers Hyndman, sous le pseudonyme de John Broadhouse, traduisit certains chapitres de La capitale (Aujourd'hui, le London Society Monthly) suscitant une réponse d'Engels… » (Secco, 2002, p. 10). La réponse d'Engels fut donnée dans un article publié en novembre de la même année intitulé "Comment ne pas traduire Marx". Dans une critique virulente, Engels dénonce avec force la méconnaissance de l'allemand et de l'anglais, le manque de courage et l'ignorance totale du sens d'un travail scientifique sérieux de la part du traducteur en herbe (Engels, 2010, V. 26, p. 335/ 340).
[Ix] Une traduction partielle en portugais a été réalisée à partir de l'édition française par J. Teixeira Martins et Vital Moreira en 1973, au Portugal, publiée l'année suivante par Editora Centelha. Dans cette édition, difficile d'accès au Brésil, il n'y a qu'une traduction des six premiers chapitres (les deux premières sections).
[X] Comme le décrit Michael Heinrich : « Chaque volume de MEGA² se compose de deux livres : un avec les textes et le second (l'appareil) avec des variantes, une liste de corrections éditoriales, des notices et des explications », et le « …volume un des Capital est présenté en six volumes différents, comprenant toutes les éditions mises à disposition par Marx (les deux premières éditions allemandes et la traduction française, qu'il a corrigée) et par Engels (les troisième et quatrième éditions allemandes, dans lesquelles Engels a inclus des parties des amendements du traduction française, et la première traduction anglaise, qu'il a corrigée)… » (Heinrich, 2018, p. 19).
[xi] La traduction des extraits que j'ai extraits des ouvrages cités en langue étrangère dans cette bibliographie m'appartient (ex. La Capitale, Marx & Engels Œuvres complètes, etc.).