D'une science à et pas tellement sur le noir

Sanaa Rashed, Sans titre, 2016, Territoire palestinien
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Par EDUARDO DE OLIVEIRA ET OLIVEIRA*

Le Brésilien noir est un héritier noir, avec des valeurs et une culture à protéger, et ne doit donc pas être mesuré à l’aune d’un ensemble de normes étranges et étrangères à son expérience et à sa réalité.

Eduardo de Oliveira et Oliveira

Il est néanmoins significatif qu'il s'agisse de la 29e réunion de la Société brésilienne pour le progrès de la science, et que ce soit la première fois que des noirs y participent (à ma connaissance).[I] Qu'il y ait des noirs et des scientifiques au Brésil est un fait accompli, d'où nous déduisons qu'il n'y a pas de scientifiques disposés à se consacrer à leurs études et à leurs problèmes d'une manière qui soit non seulement éminemment académique, mais d'une manière plus systématique et, pourquoi non, de manière pragmatique ?

Tout d’abord, une définition s’impose dans cette étude : celle de voir les Brésiliens noirs comme des « Brésiliens noirs », défigurés de l’univers des attributions héritées du passé esclavagiste, et qu’il s’agit d’un travail à caractère historique sur leur identité.

Sans valeur sociale pendant l'esclavage, avec la perte de la seule valeur qui lui est attribuée, la valeur économique, il est jeté dans le système social dans le statut d'affranchi sans aucune accumulation primitive, qu'elle soit capitalistique ou éducative.

Sans référence nationale à laquelle il puisse s'identifier positivement, il s'est historiquement identifié à des figures africaines (Menelike),[Ii] ou même avec des problèmes africains, comme les luttes anti-impérialistes, comme la guerre entre l'Éthiopie et l'Italie.[Iii]

Ces attitudes étaient communes aux générations noires de la première moitié du siècle. Dernièrement, les Noirs se sont identifiés aux jeunes nations libérées d’Afrique et à leurs dirigeants, avec lesquels ils projettent leurs problèmes et leur identité au-delà du continent.

Si d’un point de vue sociopolitique cela peut avoir un sens, par rapport à l’identité nationale, cela s’éloigne de sa réalité et de ses problèmes plus immédiats. Dans l'empressement de vous retrouver, dans la recherche de votre identité, sans trouver intérieurement les paramètres nécessaires qui peuvent donner votre dimension ; A la recherche d’une équation qui apporte l’équilibre souhaité et nécessaire, il se tourne vers l’Afrique, à la recherche de valeurs auxquelles il puisse s’identifier et s’intégrer.

C'est cet individu, cette personnalité existant parmi nous, complexe, socialement et psychologiquement problématique, que la science parmi nous a non seulement peu traité, mais aussi sans la constance nécessaire.

Notre objectif avec cette communication est d'attirer l'attention sur la nécessité de développer des études qui traitent de la réalité des Brésiliens noirs, mais qui proposent des solutions à cette réalité problématique.

Dans ces conditions, et en tant que spécialistes des sciences sociales, nous nous demandons si les sciences sociales, et en particulier la sociologie, servent les objectifs qui sont censés être leurs fondements ? (LADNER, 1973). Comment la sociologie, ainsi que l’histoire, l’anthropologie et la philosophie, existant dans une société où la couleur, l’origine ethnique et la classe sociale sont de première importance, peuvent-elles revendiquer la neutralité des valeurs ? Comment pouvez-vous présenter un ensemble de déclarations et de prémisses de base, de préoccupations et de priorités qui peuvent être utiles à ceux qui souhaitent non seulement comprendre et appliquer ces connaissances (telles que des définitions de base, des concepts et des constructions théoriques qui utilisent les expériences et l'histoire de l'Afro). - Les Brésiliens à leurs études et à leur travail) ? Comment peut-elle contribuer à la compréhension de l’expérience de vie noire, par la personne noire elle-même et sa destinée humaine ?

Les recherches menées, à notre avis, n’ont pas abouti à des résultats pratiques. Un facteur important sur lequel nous attirons l’attention est que les études sur les Brésiliens noirs comparent d’autres groupes ethniques, notamment en ce qui concerne le binôme abolition/immigration, conduisant ainsi à des comparaisons avec les Italiens, les Allemands, les Polonais, etc.

Un facteur primordial n’est pas pris en compte. Les noirs sont venus involontairement ; Ils ont été réduits en esclavage et ont obtenu une citoyenneté de seconde zone. Nous ne pouvons donc pas, à notre avis, être analysés de la même manière que les Européens. Les Noirs ont été amenés à créer une culture forte, qui existe au sein ou à la périphérie de la culture principale, vivant ainsi dans un cadre de pluralisme culturel.

Le Brésilien noir est un héritier noir, avec des valeurs et une culture à protéger, et ne doit donc pas être mesuré à l’aune d’un ensemble de normes étranges et étrangères à son expérience et à sa réalité. Il est donc nécessaire de développer un nouveau cadre de référence qui transcende les limites des concepts créés par la sociologie générale (STAPLES, 1973). Il est nécessaire de développer et de maintenir une offensive intellectuelle totale contre la fausse universalité de ces concepts, et pour cela il faut abandonner cette structure partielle de référence, en créant de nouveaux concepts qui conduisent, à travers la connaissance, à la libération d'un type de réalité. dans lequel nous, les Noirs, nous réunissons aujourd'hui.

Il faut aussi rappeler que la sociologie a éliminé la totalité de l'existence noire de ses théories plus larges, sauf lorsque cette existence apparaît comme une catégorie déviante, outre le fait qu'ayant pris pour modèle les sciences naturelles, elle s'est engagée à À un idéal d’« objectivité », l’objectivité s’identifie à la neutralité (comme si ces deux instances étaient réductibles l’une à l’autre), confondant ainsi jugement de valeur et constatation de fait, et rendant « objectivité » synonyme d’impartialité.

Cette sociologie n’a pas considéré que les Noirs remettraient en question leur condition d’« objets », de « catégories sociologiques manipulables », pour devenir des « sujets actifs », et qu’ils commenceraient à remettre en question la prétendue objectivité de cette sociologie.

Qu’entendons-nous alors comme une science destinée aux Noirs et non à leur sujet ?

La plupart des travaux sur les Noirs présentent, selon nous, un caractère trop dogmatique, et cela se vérifie par la focalisation sur le binôme race/classe, une forme de réductionnisme presque simpliste qui ne définit pas la nature du problème au-delà du strict point de vue économique. .[Iv]

Ici se pose une question, pas encore suffisamment abordée et développée parmi nous, qui renvoie à certaines des limites de la théorie de Karl Marx par rapport à la perspective noire.

Prenons comme point de départ quelques reformulations théoriques faites par Frantz Fanon. Sociologue noir, identifié au tiers-monde et conscient d’une réalité similaire à la nôtre, il pose la question suivante : dans quelle mesure, en essayant de prouver qu’il est universel, le marxisme est-il aussi ethnocentrique ?

Frantz Fanon entendait transcender les limites du marxisme en prenant en compte la situation des noirs (parmi nous, des études ont été développées sur la compréhension de Marx d'un point de vue althussérien ou même de Nicos Poulantza, et cela, nous pensons, est aussi une conséquence) de notre ethnocentrisme et de notre colonialisme culturel).

Dans un bref résumé, les polarités des deux théories peuvent être résumées :

« Marx élève le prolétariat au rang de classe révolutionnaire et sous-estime avec mépris le rôle des autres classes et groupes. Frantz Fanon, quant à lui, élève la paysannerie et le lumpenprolétariat;

Karl Marx s'est concentré sur les zones urbaines, tandis que Frantz Fanon met l'accent sur les zones rurales ; Marx voyait l’Europe comme la scène sur laquelle se déroulerait le drame moderne du conflit ; Fanon, à son tour, a pointé du doigt le tiers-monde ; Marx n’était que partiellement engagé dans le recours à la violence révolutionnaire. Fanon considère la violence comme une nécessité absolue dans le processus révolutionnaire ; Marx a mis l'accent sur l'allégeance de classe et le conflit de classe ; Fanon a mis en évidence et réconcilié les conflits de classe et de « race » ; Marx a nié le nationalisme pour l'internationalisme. Fanon considérait le nationalisme comme le tremplin nécessaire vers l’internationalisme.

Alors que Marx fait confiance à la classe bourgeoise pour le progressisme et le « révolutionnisme » en Europe, Frantz Fanon considérait la bourgeoisie du tiers monde comme inepte, imitatrice et inutile, un point que Franklin Frazier et Amilcar Cabral ont souligné plus tard ; Marx avait une conception presque totalitaire de la situation immédiatement post-révolutionnaire. Frantz Fanon l'a rejeté en faveur d'un communautarisme libéral complet » (FORSYTH, 1973, p. 227).

Les analyses sociologiques traditionnelles doivent être sérieusement remises en question quant à leur pertinence par rapport aux études sur les noirs. Par rapport à eux, des modèles d’analyse alternatifs doivent être proposés.

Une autre caractéristique qui retient notre attention des études sur les Noirs est qu'elles semblent plus orientées vers la détection de leurs aspects négatifs que vers une véritable compréhension de la situation socio-historique de la vie de ces groupes, puisque, selon la conception la plus généralement adoptée critères, ils sont considérés comme pathologiques ; d’où l’accent mis sur des études qui, si elles n’en portent pas le titre, ont du moins pour prémisse « la personnalité pathologique des noirs ».

Ce type de focalisation contribue à entretenir chez les Blancs une fausse vision des Noirs et de leur groupe, inoculant ainsi à la société une tendance à considérer les Noirs comme un cancer social pathologique (comme le montrent les illustrations à la fin de la communication).

Consciemment ou inconsciemment, ce qu'une telle science propose, dans le cas des Noirs, c'est la concomitance de deux morales qui, à travers elle, restent en parfait équilibre. Si, d’un côté, le Brésil met l’accent sur la culture noire ; se considère comme une démocratie raciale et vend à l’extérieur l’image d’une société de «creuset» (disons, la société est très consciente de ses différences de couleur) ; d’autre part, la personnalité noire est simplement considérée comme un produit d’une pathologie sociale, du point de vue individuel et collectif (toujours comme illustré en fin de communication).

Pour étudier les personnes noires, en règle générale, soit on adopte le concept de marginalité, ce qui, à notre avis, instaure un biais méthodologique, à savoir : image négative – noir ; facteur positif – le blanc, ou si l’on prend la norme standard, un modèle pas toujours bien informé, issu d’une classe moyenne évidemment blanche (MURRAY, 1973).

D'un point de vue pratique, cela implique l'exploitation des Noirs, d'un point de vue social, leur exclusion. La norme étant socialement préétablie, la personne susceptible de s’écarter de cette norme dogmatiquement prescrite (et blanche, insistons-nous) est la personne noire.

Voyons à quoi cela peut conduire en termes de raisonnement et les conséquences qui en découlent : schéma normal - le bon – le blanc ; étant noir, ce sera… le négatif du blanc ; par conséquent, ce sera… moins que blanc ; étant moins que blanc; est inférieur à la normale, en tant qu'être humain ; être moins que normal en tant qu'être humain ; il n’y a aucune raison pour qu’il ne puisse pas être exploré.

Il est logique que, avec ce schéma de configuration préétabli, le noir rapportera forcément moins. Ayant moins cédé humainement (du fait de l'exploitation), elle deviendra, de ce fait, plus exploitable, en étant moins humaine... et ainsi de suite.

D’un point de vue pratique, et c’est ce qui nous intéresse, les conséquences se refléteront dans la compréhension que les Noirs ont d’eux-mêmes, au travail, et dans leur identification au sous-emploi, attribut auquel ils sont immédiatement renvoyés.

Toujours dans les études sur les noirs, et aussi sur la famille noire, les cibles sont le chômage, l'illégitimité, la « désorganisation » familiale, la structure matriarcale de la famille, etc... sans vraiment établir de corrélation entre ces variables, et ce qui est réellement doit être stabilisé (que ce soit le travail ou la famille), pour une analyse précise du problème.

Une abondance de mythes, de distorsions et de stéréotypes sont tissés autour de la famille noire, et la plupart des recherches sociologiques ou anthropologiques menées dans ce domaine ont considéré la famille noire comme une entité pathologique, soulignant sa faiblesse plutôt que sa force (BILLINGSLEY, 1973).

Les analyses ignorent l’existence d’une sous-culture noire, la force d’une communauté noire et la famille noire elle-même qui a permis aux Noirs de survivre dans un environnement hostile pendant plus de quatre cents ans. Or, ce que l’on fait, après tout, en étudiant, analysant et décrivant la pathologie qui constituerait la vie de ces groupes, c’est d’accentuer le comportement ethnocentrique du chercheur qui, en les étudiant, rend ses participants responsables de cette situation. .

Le système social n’est jamais considéré comme la source de cette perspective marginale. Après tout, ces études portent sur les relations raciales entre noirs et blancs, et pas exactement sur la nature de la vie des Noirs. Cela souligne la nécessité de comprendre le problème dans sa nature la plus profonde.

La notion de déviance ou de marginalité n'est rien d'autre que l'invention d'un groupe qui utilise ses propres Normes comme l'idéal par rapport auquel les autres devraient être jugés. Et nous attirons ici l'attention des spécialistes des sciences sociales sur un fait qui n'est pas toujours pris en compte : comment les sciences sociales peuvent (indépendamment de leur volonté) devenir un véhicule de propagande, promouvoir l'image négative de la vie noire, et contenir tous les pièges superficiels. d'une monographie de recherche scientifique « objective » et acceptée par les professeurs et les éditeurs.

Les chercheurs ne prennent pas la peine de fournir des données montrant dans quelle mesure le non-respect de certains devoirs, voire de certaines lois, peut être la cause de telles « anomalies », comme l’exclusion d’un emploi pour des raisons raciales. Ces enquêtes citent presque toujours le nombre d'enfants illégitimes, les maisons détruites, le manque d'éducation, la criminalité, la drogue... Elles traitent du problème noir/chômage sans prendre en compte le problème historique qui justifierait tout un programme centré sur lui. Nous le répétons : ce type d’approche non seulement contribue, mais renforce également l’image négative des Noirs.

La conclusion sera sans aucun doute : – Le bien-être des Blancs. Pathologie noire.[V]

La criminalité des Noirs est toujours considérée comme élevée, sans penser qu'elle peut être sans importance par rapport à leur niveau de vie et au standard universel prescrit. Ce que reflète un tel accord universel dans les études sur les Noirs est beaucoup moins révélateur de l’objectivité, de la perception, de la validité et de la fiabilité de la méthodologie utilisée, que d’un souci presque historico-culturel de documenter les échecs des Noirs.

Les spécialistes des sciences sociales doivent savoir qu’ils peuvent jouer le rôle de propagateurs de ce folklore et que leur manque d’implication dans les conséquences peut être confondu avec « l’objectivité scientifique ».

Dans une étude sur les Noirs, il faudrait, selon nous, avant tout étudier les problèmes des Noirs ou du groupe ainsi appelé de telle manière que leur destin s'inscrive dans un cadre de référence plus large de l'expérience humaine. et non les échecs sociaux des Noirs. et, dans le contexte particulier de la société brésilienne, considérée comme une société métisse, il faut la considérer comme faisant partie d'une société consciente de la couleur de ses individus (très consciente des différences de couleur) et agissant plus facilement sur celles-ci. qui ne sont pas blancs que sur les Italiens, les Portugais ou les Juifs.

Ainsi, il devient impossible pour la sociologie de maintenir la neutralité des valeurs dans ses approches.

Les notions de pluralisme culturel doivent être développées et l’expérience noire parmi nous doit être abordée dans une perspective de transculturation. Il est également nécessaire de réaliser un travail ciblé qui provoque des changements entre les noirs et la société brésilienne (changements dans l'organisation sociale et économique) avec des répercussions sur la communauté noire et les institutions.

Il faut aussi revoir les concepts qui ont été les plus développés parmi nous dans l’approche du problème noir, ceux de l’intégration et de l’assimilation. L'intégration doit être considérée comme impliquant l'acceptation des Noirs en tant qu'individus dans l'organisation sociale et économique, et l'assimilation (qui implique l'intégration) comprise dans les couches les plus profondes de la vie sociale organisée du pays.

L’idée d’intégration s’est davantage concentrée sur les aspects superficiels de la participation croissante des Noirs à l’organisation économique, sociale et politique de la nation. Aucune attention n’a été accordée au fait que l’intégration nécessite l’interaction de la vie noire organisée avec la société dans son ensemble. Et cela n'arrive pas.

Par exemple : la nouvelle classe moyenne noire, nouvellement apparue en nombre, est confrontée aux problèmes d'assimilation, et les intellectuels ne lui offrent pas une facette globale de leur problème, compte tenu de leur désir d'être acceptés dans les normes et idéaux de la société blanche. .

Des études devraient être développées sur les processus, la manière dont les membres d'une société en viennent à accorder des valeurs positives aux traits raciaux et la manière dont les facteurs politiques et économiques influencent ces évaluations.

Les sciences sociales devraient se voir confier un nouveau rôle : celui de créer une idéologie pour les masses noires, en établissant un lien entre cette idéologie et une analyse sociale de leur lutte de libération. Offrir aux personnes noires les conditions pour commencer à construire une réflexion fondée sur une analyse qui conduit à un engagement dans leur recherche d’identité.

Sous cet aspect, en ce qui concerne les Noirs (en évitant les implications pragmatiques), la sociologie a principalement traité de deux modèles théoriques – l’un basé sur les attitudes et l’autre sur le comportement. L’approche comportementale se concentre sur les préjugés – voire sur le recours à des généralisations, préjugeant un groupe de personnes ou d’institutions dans l’orientation des actions à leur encontre. L'approche comportementale repose sur la discrimination, le traitement différentiel des personnes appartenant à certains groupes identifiables. C'est cette approche qui implique généralement l'analyse des problèmes raciaux.

Au fond, les deux approches sont en réalité « deux profils différents du même visage, qui est la face cachée du racisme », nous dit un certain sociologue, « des théories comme les préjugés et la discrimination nous font regarder les arbres, ignorant le caractère essentiel de la forêt » (ALKALIMAT, 1973, p. 176).[Vi] Ce scientifique veut ainsi nous amener à un concept qui parle du système total.

Le concept de « racisme » n’est pas encore suffisamment développé chez nous. À travers ce concept, on atteint le caractère essentiel de l’ordre social tel qu’il est perçu par les Noirs. Même si les concepts de préjugé et de discrimination peuvent être utiles au niveau analytique de la théorie – parce qu’ils sont facilement exploitables et quantifiables – le racisme est la description théorique la plus appropriée du problème, précisément parce qu’il rend compte du caractère qualitatif de l’oppression. Ainsi, la compréhension du problème échappe à la théorie descriptive statique des préjugés et de la discrimination.

Les sciences sociales ont construit une série de termes pour expliquer les Noirs et leurs expériences. Elle a visé bien plus à classer la réalité sociale qu’à en expliquer la nature essentielle.

Nous plaidons pour une science sociale plus significative et plus pratique concernant la réalité des personnes noires, pour laquelle des exigences telles que : (i) les prémisses de base d'une nouvelle perspective sont nécessaires ; (ii) un «concentration « les bases méthodologiques ; (iii) une orientation idéologique et un ensemble de connaissances appliquées au problème auquel les Noirs sont confrontés (WALTERS, 1973).

Les théories sur l’économie, l’éducation et la personnalité ne peuvent pas être les mêmes pour les Noirs et les Blancs. Les Brésiliens blancs n’ont jamais été des esclaves. Les théories et modèles applicables doivent être issus des expériences des Noirs ; comment ils sont perçus et réagis par les Noirs (SCOTT, 1973).

Il est nécessaire que le scientifique analyse la structure de la classe noire avec vérité et profondeur ; la situation économique des Noirs ; la psychologie de la noirceur et traduire ces formules en actions concrètes et vivantes. Ce que les économistes devraient faire, par exemple, c’est inclure le facteur racial dans leurs analyses économiques.

Puisque la discrimination raciale, même si elle joue un rôle fondamental dans la vie des Noirs, reste en dehors des théories et des modèles économiques, il est facile de conclure que ces théories ne s’appliquent donc pas aux Noirs. Si la dynamique de la discrimination est incluse dans les théories et les modèles économiques, une nouvelle économie devrait émerger avec différents types de relations entre l’offre et la demande.

La classe dirigeante a non seulement érigé des barrières économiques à l’avancement de la productivité des Noirs, mais aussi des barrières psychosociales et politiques.

Pour l’émergence d’une telle science, il faudra adopter un postulat qui présuppose une décolonisation des sciences sociales, ce qui présuppose que cette science doit s’identifier aux intérêts des groupes et des classes opprimés. Robert Blauner précise ce point, il déclare : « Dans la mesure où la recherche scientifique n'existe pas en vase clos, ses théories et ses pratiques reflètent la structure et les valeurs de la société. Le contrôle et l’exploitation, qui sont des composantes génétiques de l’oppression sociale, existent dans la relation entre le chercheur et la personne étudiée, même si leurs manifestations peuvent être subtiles et masquées par des idéologies professionnelles. Les problèmes et les besoins de la vie des groupes étudiés n'affectent le scientifique qu'indirectement ; ils constituent rarement le point de départ de la théorie et de la recherche » (BLAUNER, 1973, p. 311).

Cela nous amène à l’une de nos préoccupations fondamentales dans le cas des études sur les noirs. Le rôle que peut jouer le scientifique identifié à son appartenance ethnique ou à sa classe sociale, qui peut apporter des modifications et des contributions aux théories et méthodes apprises de la sociologie générale, basées sur sa propre expérience de vie en tant que personne noire et son engagement en faveur de la libération socio-psychologique -économique de son peuple, de tout vestige d'oppression, y compris, sans aucun doute, l'oppression des sciences sociales en général.

C’est pourquoi nous invoquons la nécessité de former des intellectuels noirs (ou même blancs), voués à la tâche de clarifier la nature de l’expérience noire – mais de l’intérieur.

Revenant à nos questions précédentes : (a) La sociologie sert-elle les objectifs qui sont censés être ses fondements ? (b) Vos analyses des phénomènes sociaux qui affectent la vie des Noirs sont-elles pertinentes ? Pour qui? (c) Pouvez-vous continuer à soutenir que votre rôle consiste simplement à observer, classer et analyser ces phénomènes, plutôt que de vous engager dans un changement social ?

A propos des études sur les noirs, Roger Bastide dit ceci : « Le sage qui s'intéresse aux problèmes afro-américains se retrouve, qu'il le veuille ou non, dans un débat angoissant, car c'est la solution qui lui sera donnée. … étant donné que l’Amérique partira demain. Il doit être conscient de ses décisions – non pas pour dissimuler ce qui semble être la réalité – mais pour poursuivre, au cours de sa recherche, une autre recherche parallèle sur lui-même ; une sorte d'« auto-psychanalyse » intellectuelle, et ce, qu'elle soit blanche ou noire. Nous sommes ici au centre d'un monde aliéné, où le sage se retrouve, contre son gré, aliéné lui aussi » (BASTIDE, 1974, p. 8).[Vii]

C'est à nous, noirs, de dénoncer cela, tant qu'ils apparaissent impunément dans les journaux de soi-disant capitale scientifique de la nation (São Paulo), les publicités comme celles présentées ici, tant celles des sciences sociales que celles qui s'y identifient, doivent revoir leurs critères sur ce qu'elles entendent par science et scientifique, honnêteté et responsabilité sociale.

Nous faisons nôtres les paroles de Paul Baran : « Le véritable intellectuel a au moins deux caractéristiques : le désir de dire la vérité et le courage de le faire » (BARAN, 1969, p. 14). [Viii]

*Eduardo de Oliveira et Oliveira (1924-1980), maître en sociologie de l'USP, était musicien, militant et enseignant.

Références


ALKALIMAT, Abd-l (Gerald McWorter). 1973. L'idéologie des sciences sociales noires. Dans LADNER, Joyce (éd.). La mort de la sociologie blanche : essais sur la race et la culture. Baltimore : Black Classic Press, p. 173-189.

BARAN, Paul. 1969. L'engagement de l'intellectuel. Dans. La vue plus longue: essais vers une critique de l'économie politique. New York : Revue mensuelle de presse, p. 3-15.

BASTIDE, Roger. 1974. Les Amériques noires: Les civilisations africaines dans le monde. São Paulo : Diffusion européenne du livre.

BILLINGSLEY, André. 1973. Familles noires et sciences sociales blanches. Dans LADNER, Joyce (éd.). La mort de la sociologie blanche : essais sur la race et la culture. Baltimore : Black Classic Press, p. 431-450.

BLAUNER, Robert; WELLMAN, David. 1973. Vers la décolonisation de la recherche sociale. Dans LADNER, Joyce (éd.). La mort de la sociologie blanche : essais sur la race et la culture. Baltimore : Black Classic Press, p. 310-330.

FORSYTHE, Denis. 1973. Sociologie radicale et noirs. Dans LADNER, Joyce (éd.). La mort de la sociologie blanche : essais sur la race et la culture. Baltimore : Black Classic Press, p. 213-233.

LADNER, Joyce. 1973. Introduction. Dans LADNER, Joyce (éd.). La mort de la sociologie blanche : essais sur la race et la culture. Baltimore : Black Classic Press, p. XIX-XXIX.

MURRAY, Albert. 1973. Normes blanches, déviation noire. . Dans LADNER, Joyce (éd.). La mort de la sociologie blanche : essais sur la race et la culture. Baltimore : Black Classic Press, p. 96-113.

SCOTT, Joseph. 1973. Science noire et construction de la nation. Dans LADNER, Joyce (éd.). La mort de la sociologie blanche : essais sur la race et la culture. Baltimore : Black Classic Press, p. 289-309.

AGRAFES, Robert. 1973. Qu'est-ce que la sociologie noire ? Vers une sociologie de la libération noire. Dans LADNER, Joyce (éd.). La mort de la sociologie blanche : essais sur la race et la culture. Baltimore : Black Classic Press, p. 161-172.

WALTERS, Robert. 1973. Vers une définition des sciences sociales noires. Dans LADNER, Joyce (éd.). La mort de la sociologie blanche : essais sur la race et la culture. Baltimore : Black Classic Press, p. 190-212.

notes


[I] [Note du rédacteur du texte Paulo Fernandes Silveira] : Ce texte a été présenté le 8 juillet 1977, au symposium « Brésil noir », dans le cadre du 29e SBPC. Il a été publié le 17 juillet 1977, dans la section « Annexe » du Journal du Paraná, n. 6644, p. 4-6, disponible à : https://memoria.bn.br/pdf/761672/per761672_1977_06644.pdf Par erreur, la photo qui illustre l'article du journal est celle de Clóvis Moura, qui a participé avec Eduardo de Oliveira et Oliveira au colloque « Brésil noir ». Une copie originale de ce texte se trouve dans la Collection Eduardo de Oliveira e Oliveira, série de production intellectuelle, unité spéciale d'information et de mémoire, à l'Université fédérale de São Carlos. Préparé pour être une communication orale, le texte n'indique pas toutes les références bibliographiques utilisées. Dans cette édition, quelques références du recueil de textes ont été incluses : La mort de la sociologie blanche : essais sur la race et la culture, édité par Joyce Ladner, disponible sur : https://edisciplinas.usp.br/pluginfile.php/8274600/mod_resource/content/1/Ladner%20-%20The%20death%20of%20white%20sociology.pdf

[Ii] Dr Seraubit, « Cuba », L'exemple, 3 novembre 1895, an III, n. 147, p. 2, disponible sur : http://www.ppgecim.ulbra.br/oexemplo/acervo/18951103.pdf Article cité par : Fernando Henrique Cardoso, 1962. Capitalisme et esclavage dans le sud du Brésil. São Paulo : Diffusion européenne du livre, p. 304 (note de bas de page).

[Iii] « L'Éthiopie est notre cœur », Le clairon de l'aube, 26 juillet 1931, p. 4, disponible sur : http://memoria.bn.br/pdf/844918/per844918_1931_00034.pdf

[Iv] Pour comprendre et discuter du problème Race/Classe, voir : Octavio Ianni, 1972. Races et classes sociales au Brésil. Rio de Janeiro : civilisation brésilienne. Voir aussi : Oliver Cromwell Cox. 1948. Caste, classe et race. New York : Doubleday et compagnie.

[V] Actuellement, la campagne de vaccination diffusée à la télévision, campagne officielle du gouvernement, présente les Noirs comme des germes maléfiques vaincus par les défenses naturelles blanches, disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=koGSTTPuUiw

[Vi] Note de l'éditeur de texte. L’article « L’idéologie des sciences sociales noires » a été initialement publié en 1969 dans le magazine : L'érudit noir, disponible en: https://www.alkalimat.org/426%20ALKALIMAT%20and%20McWORTER%20-%201969%20-%20THE%20IDEOLOGY%20OF%20BLACK%20SOCIAL%20SCIENCE.pdf

[Vii] Note de l'éditeur de texte. Le livre Les Amériques noires, de Roger Bastide, a été traduit par Eduardo de Oliveira e Oliveira lui-même.

[Viii] Note de l'éditeur de texte. L’article « L’engagement de l’intellectuel » a été initialement publié en 1961 dans la revue : Revue mensuelle : un magazine socialiste indépendant, disponible en: https://monthlyreview.org/1961/05/01/the-commitment-of-the-intellectual/


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