Par RUI COSTA SANTOS*
Ce que Trump et Bolsonaro ont en commun est le fait que leurs programmes politiques impliquent une confrontation brutale avec les institutions des États-Unis et du Brésil, mais qu’ils sont en même temps utiles à une partie de la bourgeoisie actuelle.
Donald Trump n’est pas le même que Javier Milei, tout comme il n’est pas le même que Giorgia Meloni, tout comme il est différent de Jair Bolsonaro. Mais ce qui les unit n’est pas seulement, ni même principalement, d’être antidémocratiques.
En fait, si ce qui définissait Donald Trump était son caractère antidémocratique, il n’aurait pas été candidat à la présidence trois fois de suite pour l’un des partis centraux de la démocratie libérale américaine.
Si Donald Trump était défini comme un candidat antidémocratique, opposé aux deux partis qui alternent au pouvoir aux États-Unis depuis la fin de la guerre civile, il aurait été un candidat indépendant, comme l’était Ross Perot dans les années 1990.
Ce que Donald Trump et Jair Bolsonaro ont en commun, c'est que leurs programmes politiques impliquent une confrontation brutale avec les institutions des États-Unis et du Brésil, mais en même temps, ils sont utiles pour mettre en œuvre un programme également souhaité par une partie de la bourgeoisie actuelle : de plus grands transferts de revenus des classes moyennes et ouvrières vers les classes supérieures, qui dans chaque pays ont des spécificités qui les rendent uniques.
Dans le cas des États-Unis, étant donné leur rôle de premier plan dans le système capitaliste mondial, dans le cas du Brésil, en tant que pays avec une économie subordonnée qui traverse un processus de désindustrialisation relative de son économie et qui approfondit sa dépendance à l’égard de l’exportation de matières premières. Pour cette raison, en raison de la différence de position entre les États-Unis et le Brésil dans la division internationale du travail, la lutte de Jair Bolsonaro contre les communautés indigènes a atteint un sommet au cours de son mandat, ce qui l'a empêché de proposer un programme de plus grand protectionnisme économique et de réindustrialisation, comme celui proposé par Donald Trump.
Cependant, les attaques contre les institutions de la démocratie libérale nord-américaine ou brésilienne sont instrumentales et ne constituent pas une fin en soi. En ne constituant pas une fin en soi, le jugement sur lequel se fonde le discours de la gauche libérale échoue : la nécessité d’unir tous les démocrates dans la lutte contre l’autoritarisme de Donald Trump ou de Jair Bolsonaro.
Elle échoue dans la mesure où, pour une grande partie de la bourgeoisie des deux pays, le travail des deux est utile : utile dans la persécution des travailleurs migrants parce que, menacés d’expulsion, ils doivent se soumettre à des conditions de travail pires, utile dans la réduction des impôts sur les bénéfices et les revenus financiers, utile dans l’attaque des syndicats, utile dans la lutte de classe en faveur de la classe capitaliste des deux pays.
Lors d’une cérémonie au Congrès américain, certains représentants du Parti démocrate ont décidé de « boycotter la cérémonie ». De quelle manière ? S'habiller en rose.
Donald Trump ne sera pas vaincu par une alliance entre ceux qui se sont habillés en rose pour montrer qu’ils sont contre Donald Trump et ceux qui sont réellement touchés par sa politique : la classe ouvrière, les étudiants, les migrants qui sont aussi de la classe ouvrière mais qui vivent dans la peur de l’expulsion.
Si nous attendons quatre ans pour vaincre Donald Trump, et si ceux qui le vainquent sont ceux qui cohabitent au Congrès avec le Parti républicain, la défaite de Donald Trump sera néanmoins sa victoire, car dans quatre ans il aura laissé les États-Unis dans une situation qu'aucun parti démocrate ne pourra renverser, car la direction de ce parti est contrôlée par d'autres factions de la bourgeoisie, qui peaufineront quelques détails ici et là, pour ne pas toucher à l'essentiel : les intérêts de leur classe. Donald Trump ou la classe sociale qui le soutient ne peuvent être vaincus que s’il y a d’autres groupes sociaux qui s’opposent à lui et le vainquent. Et cette victoire devra avoir comme axe central la mobilisation sociale.
Si l'on regarde le Brésil, Jair Bolsonaro n'est pas éligible, mais la classe sociale qui a bénéficié de lui est partiellement au pouvoir, y compris avec des ministres dans le gouvernement de Lula. Comme l’a dit Margaret Thatcher, ma plus grande victoire a été celle de Tony Blair, Premier ministre du Parti travailliste britannique dans les années 1990. De même, la plus grande victoire de la bourgeoisie brésilienne a été de faire en sorte que le troisième gouvernement de Lula ne démantèle pas toutes les politiques menées entre Michel Temer et Jair Bolsonaro, mais accepte plutôt que les privatisations et la précarité des relations de travail soient un fait accompli. On pourrait en dire autant du gouvernement PS (parti socialiste au Portugal) dirigé par António Costa, à la lumière de l’héritage de Passos Coelho et de la troïka.
La défaite effective de Donald Trump devra être l’œuvre de ceux qui sont directement touchés par sa politique, et de ceux qui s’opposent à lui parce qu’ils sont du côté opposé de la lutte des classes, et non parce qu’ils font partie d’une bourgeoisie démocratique. Et ce n’est pas parce que ces démocrates bourgeois n’existent pas. Bien sûr. Il peut y avoir des démocrates bourgeois, ou même ceux qui défendent des politiques de large distribution des revenus et de lutte frontale contre la pauvreté et l’exploitation.
Il y en a certainement, mais ils constituent aussi certainement une très petite minorité au sein de leur classe, et donc une alliance pourrait même être conclue avec ces individus mais pas avec les classes auxquelles ils appartiennent. Cette défaite ne devra donc pas se faire dans les urnes, ou alors les urnes exprimeront la défaite consacrée dans la rue. Et pour cela, pour cette défaite, celui qui s'est habillé en rose hier ne sera pas un allié, il sera un adversaire.
*Rui Costa Santos est lecteur de portugais à l'Université de Grenade et ancien professeur à l'Université de Porto Rico.
la terre est ronde il y a merci à nos lecteurs et sympathisants.
Aidez-nous à faire perdurer cette idée.
CONTRIBUER