Par FRÉDÉRIC LYRA*
Une réorientation sociale et institutionnelle autoritaire n’a pas nécessairement besoin de l’extrême droite au pouvoir
Une décision électorale
Vers 20h30/21h le 09 juin 2024, peu après l'annonce officielle confirmant la victoire de l'extrême droite menée par Jordan Bardella, tout juste 28 ans (pour la première fois quelqu'un qui ne porte pas le nom de famille Le Pen) , lors des élections au Parlement européen qui ont eu lieu le même jour, le président Emmanuel Macron a décidé de voler la vedette et d'annoncer une surprenante dissolution de l'Assemblée nationale où il disposait pourtant d'une majorité fragile.
Un frisson a saisi la grande majorité de la population, y compris ses plus proches alliés et sympathisants. Personne ne comprenait la raison de cette décision apparemment précipitée, personne n’imaginait que cela était possible. Mais tout le monde soupçonnait qu'au fond, le président ne savait pas exactement ce qu'il faisait. Il y a eu une chute à la Bourse de Paris. Certains ont ressenti la dissolution avec un étonnement semblable à celui de l’annonce du confinement en 2020 à l’occasion du Covid-19.
À l’époque, on parlait de guerre, et depuis (ou peut-être même avant), la société est gouvernée comme s’il s’agissait d’une guerre. D'autres se souviennent immédiatement de la dissolution proposée par George Pompidou à Charles De Gaulle dans la chaleur des barricades en mai 68, mais se rendent vite compte qu'il n'y a pas de parallèle avec la situation insurrectionnelle des années 1960. Seule similitude, même si l'ampleur des personnages. Si l’enjeu est assez asymétrique, les dirigeants respectifs souhaiteraient conserver l’apparence d’être au centre et en contrôle de l’ensemble de la situation.
S’il est vrai que la possibilité de dissoudre l’Assemblée nationale était évoquée dans la presse, rien n’indiquait que le président prendrait cette décision. Bien au contraire, la réalisation de la victoire de Rassemblement National (RN) lors des élections au Parlement européen a indiqué que la chose la plus rationnelle serait exactement le contraire. La possibilité pour l’extrême droite d’obtenir la majorité absolue à l’Assemblée nationale n’a jamais été aussi grande. La prudence et la modération, traits traditionnels pour quelqu’un qui se positionne comme un homme politique centriste, étaient exigées. Il fallait gagner un peu plus de temps.
Pourtant, Emmanuel Macron, erratique et impulsif, ne correspond pas à ce profil, il est celui qui incarne le mieux ce qu'on a appelé « l'extrême centre ».[I] C’est-à-dire un nouveau type d’autoritarisme, l’un des visages de la restructuration du gouvernement du capitalisme mondial. La manière et le moment avec lesquels la dissolution et le nouveau processus électoral ont été annoncés ont entraîné un résultat tenu pour acquis : la victoire du RN. Jamais, jusqu’à ce moment-là, l’issue possible d’une élection n’avait été aussi prédéterminée. C’est le couvercle de l’égout qu’Emmanuel Macron ouvrait brusquement avec sa décision radicale de dissoudre le Parlement.
Que cela soit vrai ou non, il est toujours bon de rappeler que le Parlement européen est fondamentalement perçu par la majorité de la société comme une instance qui remplit un rôle formel au sein de l'une des institutions les moins démocratiques du capitalisme mondial, à savoir l'Union européenne ( UE).[Ii] — ce que la majorité de la population comprend bien puisque, bien qu'en augmentation, le taux de participation à cette élection n'a été que de 43 %. Comme vous vous en souviendrez, lorsqu'un référendum fut organisé en 2005 pour consulter la population française sur sa volonté d'adhérer ou non à la constitution européenne (le traité de Rome II), elle répondit démocratiquement non.
Près de 55 % des Français ont dit non à la constitution, mais comme il s’agissait d’une mauvaise option démocratique, la constitution était irréalisable, les Néerlandais l’ayant également rejetée. LE établissement Les Européens ont décidé de changer de cap et ont rédigé un autre traité, le traité de Lisbonne, qui a été imposé démocratiquement aux pays membres, mais cette fois évidemment sans aucune consultation populaire, car il ne pouvait évidemment y avoir aucun risque de nouveau mauvais choix. Bien que grand passionné de l'Union européenne, au point de vouloir ressusciter le vieux projet d'une armée européenne, Emmanuel Macron sait parfaitement que l'extrême droite est déjà bien présente au sein de l'institution internationale, et que, même s'il ne s'arrêtera pas jusqu’à présent, il n’a pas réussi à menacer ses structures administratives et son orientation politique de manière plus catégorique.
Aucune pression n’a donc été exercée sur lui pour qu’il prenne une telle décision. L'argument avancé selon lequel il avait été vaincu et qu'une crise de légitimité s'ouvrait n'était pas complètement faux, mais il suffisait d'un ou deux ajustements, de l'une ou l'autre déclaration et le navire du gouvernement reprenait sa route (même si peu sont capable d'identifier lequel est) sans problème majeur. A l'approche des vacances d'été et des Jeux Olympiques, la population oublierait vite le choc de la victoire électorale de l'extrême droite aux élections européennes.
Tout redeviendrait normal, au moins jusqu’en 2027, date à laquelle aura lieu une nouvelle élection présidentielle. C'est une attente qui s'est installée. Si dans un mélange d'adhésion et de répulsion, la société s'est organisée en prévision des Jeux Olympiques, c'est la peur et l'optimisme, selon les champs politiques, qui ont fini par dominer et, pendant quelques semaines, ont envahi le pays. L’avenir annoncé n’a jamais été aussi favorable aux partisans de l’extrême droite.
Un sondage a rapidement montré que la majorité des électeurs de Bardella approuvait la décision de Macron. La dissolution est apparue comme la décision d'un seul homme, elle a semé le trouble, l'incompréhension et l'indignation dans la société. La crise déclenchée par le président avait ouvert un trou inconnu, suspendant le temps pour trois petites semaines. Car, comme si cela ne suffisait pas à déclencher une telle confusion, le président avait décidé de donner le délai le plus court possible pour organiser une élection d'une telle ampleur. importance : le premier tour aurait lieu le 30 juin et, une semaine plus tard, le 7 juillet, le second tour.
Une issue catastrophique se dessinait avec la perspective d’entrer dans un nouveau monde obscur, jusqu’alors inconnu, dans lequel l’extrême droite dirigerait à nouveau la France. Là encore, une telle chose ne s'était pas produite depuis le gouvernement de Vichy (1940-1944) sous le commandement du maréchal Pétain en partenariat avec Hitler — sans oublier que Macron, dans un geste obscur, réhabilité officiellement Pétain en 2018.[Iii]
Quelques minutes avant l'annonce télévisée du président, aucune de ces attentes n'apparaissait à l'horizon immédiat de la population française. La possibilité d’un gouvernement d’extrême droite est concrète, mais dans trois ans. Le président a avancé l’horloge.
Que nous aurions un gouvernement totalement différent, une guerre civile institutionnelle, un nouveau partenariat entre le président et son jeune premier ministre ou même une continuation plus ou moins identique au bref gouvernement de Gabriel Attal, nous ne le saurons jamais. Ils n’étaient pas rares à avoir l’impression que Macron voulait gouverner avec le RN. Peut-être pensait-il pouvoir contrôler ou éroder l’extrême droite au pouvoir.
Cependant, la certitude fataliste qui incarnait les attentes de la société française selon laquelle l’heure était enfin venue pour le RN de prendre le pouvoir ne s’est pas concrétisée. Après trois semaines vécues comme un sursis dans un compte à rebours en attente d'une issue catastrophique déterminée d'avance, à la surprise générale, le 7 juillet, fin du second tour, contre tous pronostics et sondages électoraux, la coalition de gauche qui avait alors époque, elle fut créée sous le nom de Nouveau Front Populaire (Nouveau Front Populaire – NFP), bien que loin d'obtenir une majorité qui lui permettrait d'imposer un Premier ministre, a obtenu la première place et le plus grand groupe de députés.[Iv]
O Front Républicain qui s'était constitué grâce à une alliance minable entre le NFP et les forces macronistes du Ensemble, a réussi à freiner une fois de plus la montée du RN. Cependant, Macron, antidémocratique et mauvais perdant, a prétendu qu’il n’y avait pas d’élections et, avec une alliance non déclarée avec le RN, a décidé de nommer Michel Barnier, issu du faible Parti Républicain, au poste de Premier ministre. A l’issue du scrutin, le pays semble connaître une division institutionnelle et territoriale qui actualise quelque peu les fractures françaises, et c’est surtout ce que nous aborderons ici.
Le présent étendu français
On ne peut penser à la France contemporaine sans toujours garder à l'esprit le second tour de l'élection présidentielle de 2002, au cours duquel un autre Front Républicain s’est formé autour de Jacques Chirac pour lui donner 83 % des voix — « le résultat d’une dictature bananière »[V] a rappelé le journal Ouest France à l'occasion du 20e anniversaire de cet événement — contre 17 % obtenus par Jean-Marie Le Pen, de Front national, qui, au premier tour, avait laissé derrière lui Lionel Jospin, alors premier ministre, et favori à la présidentielle pour le Parti socialiste (PS).
Depuis, la politique institutionnelle française s’est tournée vers la droite et est en quelque sorte dictée par les agendas et le programme de l’extrême droite. D'une certaine manière, même si elle n'est pas encore arrivée au pouvoir, c'est l'extrême droite qui a guidé, depuis le début du millénaire, le chemin parcouru par la société civile française. D’un autre côté, cela n’est possible que parce que la société est objectivement orientée vers la droite. Comme nous le verrons, le virage à droite du macronisme n’est pas seulement dû à la croyance dans le discours d’extrême droite, c’est aussi une position prise en raison de la droite de la société. L’un essaie d’atteindre l’autre, et vice versa.
Les attaques contre le journal Charlie Hebdo et Bataclan de 2015 a accentué et scellé la tendance de ce retournement.[Vi] Les exemples sont nombreux, mais on peut citer la nouvelle loi sur l’immigration votée en janvier 2024, et dite Loi Darmanin, du nom du ministre de l'Intérieur, lui-même ancien membre du mouvement d'extrême droite Manif pour tous.
Mouvement, devenu association en 2023, le Manif pour tous [Manifestation pour tous] s'est formée fin novembre 2012 autour de la lutte contre la loi sur le mariage gay. Son action principale était une manifestation nationale annuelle, d'où son nom. Outre le ministre Gérard Darmanin, premier policier de France comme on l'appelle, on peut souligner la sympathie momentanée pour le mouvement de personnalités normalement incontestables comme Simone Veil.[Vii], l'ancien ministre de la Santé sous le nom duquel est connue la loi donnant le droit à l'avortement (loi Veil), immortalisée par Macron au Panthéon.
dans ton livre L'extrême droite, nouvelle génération : enquête au coeur de la jeunesse identitaire[Viii] [Extrême droite, nouvelle génération : sondage au sein des jeunes identitaires], Marylou Magal et Nicolas Massol soulignent, entre autres, comme le Manif pour tous Elle fut décisive pour offrir un espace de rencontre aux différentes tendances de la droite française. Les manifestations furent un laboratoire où se créèrent des alliances, des échanges intellectuels et affectifs et devinrent un point de rencontre organique pour l'organisation de la nouvelle extrême droite française, notamment sa jeunesse.
Selon les auteurs, les jeunes hésitent moins à nouer des liens auparavant interdits avec leurs parents politiques, c'est-à-dire qu'ils assument plus facilement des affinités entre tous les groupes de droite, ce qui conduit par conséquent à un mouvement croissant de droite française. -ailes dès leur jeunesse. C’est de là qu’est par exemple originaire le candidat RN, Jordan Bardella.
Le président qui avait promis en 2017 de neutraliser définitivement l'extrême droite est aujourd'hui identifié comme le principal responsable de la croissance du monstre qui s'est formé de manière immanente dans la société et de l'accélération de la marche du RN vers le pouvoir. Dans une interview avec Le Monde Le 18 juin, le consultant Raphaël Lorca avait qualifié la dissolution de l'assemblée de « coup d'État psychique ». C’est-à-dire un acte politique d’une telle force déstabilisatrice qu’il est capable de provoquer une neutralisation mentale, un sentiment que ce qui est vécu n’est pas réel. Amenant tout le monde à se demander s’il s’agissait d’un rêve ou d’une illusion.
En revanche, dit-il, ce type d'acte performatif a un effet d'hyperréalité, car dans une situation pérenne, toute décision du type « est inscrite au registre de l'urgence ». Toute transgression ou décision politique future aura cette décision comme mesure. Comme désormais la plupart des décisions seront inévitablement perçues comme moins radicales que celles-ci, les vides qu’elles laissent sont immenses.
L'idée d'un nouveau type de coup d'État avait déjà été évoquée par Alain Badiou. Selon le philosophe, l’élection de 2017 avait déjà été le résultat d’un vote plébiscitaire avec une « campagne de bombardements systémiques disant : si ce n’est pas lui, vous aurez l’extrême droite ». Ce qui s’est réellement passé lors de cette élection, dit-il, était un « coup d’État démocratique ».[Ix] – une actualisation du bonapartisme tel qu’il avait été identifié par Marx – qui a porté au pouvoir une nouvelle alliance d’un large spectre politique, médiatique et économique que Bruno Amable et Stefano Palombarini ont appelé le « bloc bourgeois ».[X].
Autrement dit, Macron représenterait une recomposition du spectre politique et économique organisée dans le but de gouverner et de restructurer rapidement la France, la rendant, pour ainsi dire, capable et préparée à participer aux transformations rapides du capitalisme mondialisé et, surtout, , contenir le mécontentement croissant de la population et les émeutes qui se multiplieraient contre l’accélération de tels processus de réforme – ce qui s’est effectivement produit.
Ce bloc, dirigé politiquement par le président et le groupe des partis réunis au Ensemble, conserve une grande partie de sa légitimité et de sa perpétuation au pouvoir en raison de la crainte qu’ils propagent bruyamment d’être le dernier bastion civilisé disponible contre la montée de l’extrême droite. Il reste à voir si ce barrage électoral sera efficace pour toujours, ou si en 2027. , A l'occasion de la prochaine élection présidentielle, la prophétie repoussée depuis plus de vingt ans va enfin se réaliser.
Centre, gauche, extrême droite
Ce furent trois semaines de campagne intense, rythmées par des événements presque quotidiens. Au lendemain de la dissolution de l'Assemblée, Macron a rencontré les chefs des trois partis qui composent son groupe Ensemble: Stéphanie Séjourné (Reinaissance), Edouard Philippe (Horizons) et François Bayrou (MoDem). Ce dernier a même suggéré que la campagne se détache du président, cachant son image, au risque de sombrer complètement dans sa faible popularité ; Une idée évidemment rejetée par le patron, puisque le président continue d'être omniprésent dans les médias en affirmant qu'il ferait trois interventions télévisées par semaine.
En début de campagne, encore sous le choc de la décision prise par son chef, le camp macroniste se retrouve désespérément à la recherche d’alliés. Il trouva très peu de personnes disponibles pour discuter. La décision du président a coïncidé avec un moment où son champ politique était le plus fragile. Le résultat des élections européennes a été l'un des pires qu'une majorité présidentielle ait obtenu lors d'élections législatives. Beaucoup s’imaginaient déjà sauter du bateau.
Son ancien allié du reste de Mai 68, Daniel Cohn-Bendit, n'a pas mâché ses mots pour le La Tribune: « Macron a placé la bêtise au centre de la France ! Il se prend pour Jésus, imaginant que sa bonne parole résoudra tout. "C'est le Titanic", ont déclaré d'autres membres du gouvernement sans savoir avec certitude s'ils devaient démissionner, rompre avec le camp présidentiel, s'impliquer dans la campagne, fonder un nouveau parti-mouvement ou simplement attendre. Ce n'est pas un hasard si un éventuel allié, l'ancien président François Hollande[xi], qui s'est présenté étonnamment comme candidat à la députation du PS, a même déclaré que la coalition présidentielle était morte. À un moment donné du second tour, le journal Le Figaro a déclaré qu'« au nom du 'front républicain', la macronie risque d'être effacée ».
Une atmosphère de fin du royaume régnait. Nombreux sont ceux qui ont tenté de quitter le bloc dès l'ouverture des bureaux de vote et le dépouillement des votes. L'inquiétude régnait surtout parmi ceux qui n'auraient pas de destination déterminée après les élections. Toutefois, à la fin des élections, le Ensemble a survécu en obtenant un bon résultat de 165 députés (même si cela signifie 73 de moins que dans la configuration précédente du Parlement). Même s’il a perdu sa majorité relative et est devenu la deuxième force du Congrès, le groupe a craint pendant quelques semaines le pire. Tout indiquait, et les résultats du premier tour le renforçaient, que la base présidentielle serait littéralement rayée de la carte politique française.
C'est grâce à la gauche et au Front Républicain que non seulement cela ne s’est pas produit, mais que la défaite subie a été numériquement minimisée. La démoralisation, en revanche, a été grande, mais il reste à voir si elle est toujours importante. Quoi qu’il en soit, il est vrai que même si la désintégration totale du champ présidentiel n’a pas eu lieu, sa possibilité réelle a été vécue intensément par tous, comme si elle était imminente.
Le grand pari de Macron pour tenter de gagner ou de minimiser une éventuelle défaite électorale était l’apparente impossibilité d’une union de la gauche. Cependant, le 13 juin, cette impossibilité était déjà confirmée et un accord avait été trouvé. En fait, le président avait des raisons de parier sur une nouvelle fragmentation de la gauche, compte tenu de la dure campagne pour le Parlement européen, pleine d'accusations et d'attaques mutuelles entre les partis. La France Insoumise (LFI) et le PS — dirigé cette fois par une personnalité montante de ce qu'on appelait autrefois caviar gauche, renommé par Thomas Piketty comme brahmane gauche: Raphaël Glucksmann.[xii]
Peu après l'annonce de la dissolution de l'assemblée, ce dernier a déclaré qu'il était impossible de construire une quelconque alliance avec Jean-Luc Mélénchon, leader de LFI, et que le choix le plus naturel pour le PS serait de rompre avec le gouvernement. . Il a été rapidement désavoué par le reste du parti, qui a conclu un accord et scellé une alliance avec le PCF, LFI et EEVL (Europe Ecologie Les Verts) qui, avec un clin d'œil clair au passé glorieux de la classe ouvrière française, a reçu le nom de Nouveau Front Populaire (PNF).
Malgré son nom, l'alliance avait tout, même si elle n'était pas très populaire, car elle manquait de personnel ; Nous y reviendrons ci-dessous. Pour l’instant, le plus important est de savoir qu’il y a eu malgré tout une dispute hégémonique entre la soi-disant « gauche de rupture » incarnée par LFI et la gauche plus institutionnelle dirigée par le PS (curieusement ou pas, elle est plus proche de cela). pôle que le Parti communiste français).
A l'instar des problèmes que le président a amenés à son groupe, Mélénchon était la figure à contenir au sein du NPF. "Chaque fois qu'il dit qu'il sera Premier ministre, il me fait perdre quelques voix", est allé jusqu'à dire François Ruffin, candidat dans la Somme, bassin industriel dévasté et figure de proue de LFI, qui fin l'élection rompra définitivement avec le parti. On imaginait que cette alliance était un moyen de construire une force capable d’arrêter le gouvernement RN, c’est-à-dire que c’était le moyen de contenir les dégâts institutionnels que tout le monde tenait pour acquis. Cependant, contre toute attente, le NPF obtient 178 députés, arrivant en tête du scrutin. Au sein du groupe, bien que deuxième en nombre, le PS est le grand gagnant.
Le parti, qui avait failli disparaître lors du scrutin de 2022 alors qu'il n'avait obtenu que 27 députés, compte désormais 65 représentants, soit six de moins que LFI. Dans des conditions normales, le nouveau Premier ministre serait issu du NPF. Il convient d'insister sur le fait que la régression de la droite dans les sociétés démocratiques occidentales est telle que ce qui, il y a quelques décennies, apparaissait comme un programme social-démocrate traditionnel, est aujourd'hui considéré comme une gauche radicale - certains, venant de gauche et apparemment avec les pieds du sol, on dit même que ce serait une rupture laissée (rupture gauche).[xiii] Il est vrai que parmi les propositions présentées pour le scrutin de 2017, LFI défendait la refondation radicale de la République française, c'est-à-dire la fondation du 6a République, mais cela était complètement hors de propos.
À l’extrême droite, le processus a été vécu comme une transition de l’euphorie due aux perspectives réelles de pouvoir à une relative déception. Bien qu'il ait obtenu un nombre sans précédent et significatif de 148 députés à l'Assemblée, la possibilité réelle, qui ne s'est pas concrétisée, d'une victoire massive dans laquelle l'aube du 08 juillet marquerait l'arrivée d'un jeune homme de ses rangs au poste de Premier ministre du quatrième L'énergie nucléaire de la planète a été vécue comme une pluie d'eau froide.
Jusqu'au moment où il apparaît à la tête de la liste RN pour les élections européennes, Jordan Bardella était inconnu du grand public. Même s'il est depuis longtemps un utilisateur régulier de Tik Tok, un réseau social qu'il préfère à X (twitter), notamment pour communiquer avec les jeunes. Il est important de souligner qu’environ 30 % des jeunes entre 18 et 34 ans ont voté pour le RN (le groupe macroniste compte moins de 10 % d’électeurs dans cette tranche d’âge). Bardella représente une nouvelle génération d'électeurs et de cadres du parti, dont le point de radicalisation, comme nous le suggérons, doit être situé dans l'expérience des attentats de 2015 et dans le manif pour Tous.
Les plus radicaux réclament une véritable identité française et n'hésitent pas à dire qu'ils souffrent d'un « racisme anti-blanc ». Outre les influences de nouvelle droite, qui a son principal représentant en Alain de Benoist, est la théorie du « grand remplacement » qui rassemble de jeunes militants de l'extrême droite française. Vulgarisé par Renaud Camus dans un best-seller sur l'intervention politique sorti en 2015, le « grand-remplacement » est une théorie du complot qui prêche qu'en raison du faible taux de natalité, les Français seront bientôt remplacés par des Arabes et des Noirs, et qu'ils deviendront des minorités. dans leur propre pays et territoire.
La lutte contre ce fantôme est ce qui a guidé l’extrême droite et a contribué à faire résonner ces idées auprès de la jeunesse et des classes défavorisées. Après que sa jeune collègue du parti ait obtenu environ 33% des suffrages valables au premier tour, Marine Le Pen a affirmé sans sourciller que ses électeurs avaient voté contre le projet de mépris du peuple qui durait déjà depuis sept ans. Au final, le RN est désormais le parti le plus important à l’Assemblée française, mais il ne gouvernera pas. Du moins pas directement.
L'événement le plus ridicule de cette élection s'est produit lors de la scission du parti. Les Républicains (LR). Il y avait ceux, menés par le président du parti Éric Ciotti, qui souhaitaient construire une alliance avec le RN et ceux qui préféraient conserver leur relative indépendance. Médié par le magnat Vincent Bolloré[Xiv], avec qui il entretient des relations étroites, Ciotti a négocié en secret une alliance entre son parti et le RN. Dès qu’ils ont découvert cette intrigue, le conseil du parti l’a jugée inacceptable et a voté la destitution du président.
Ce dernier, n'acceptant pas cette issue, s'est rebellé contre le parti, envahissant et s'enfermant littéralement dans son siège et l'occupant illégalement. Ciotti a même fait des déclarations à la presse à travers la fenêtre de son bureau tout en refusant de quitter son bureau, devenu connu comme un bunker[xv]. Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France dans laquelle se trouve Paris, est venue à la rescousse et a dû, avec un collègue qui détenait une copie des clés du siège du parti, intervenir fermement pour négocier les modalités d'expulsion. le faire sans avoir à pénétrer dans le siège du parti et, surtout, à inventer une manière de gérer la scission picaresque de ce qui fut la dernière mutation de l'ancien parti des anciens présidents Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy.
Il est essentiel de noter que ce serait la première fois qu'un grand parti, si ses instances judiciaires validaient ce projet dirigé par son président, s'engagerait dans une coalition nationale avec le RN, brisant le traditionnel cordon sanitaire contre l'extrême droite. Ciotti et ses alliés dissidents ont franchi ce Rubicon ensemble, sans toutefois parvenir à emporter l'ensemble de leur parti avec eux.
Cela a rappelé par moments la direction du PSDB qui, en 2018, était divisée entre ceux qui étaient ambigus dans le choix qu'ils feraient au second tour entre Fernando Haddad et Jair Bolsonaro, et ceux qui, sans crainte, soutenaient explicitement le capitaine. Ciotti n'a pas déçu et est resté fidèle à ses positions radicales pendant les semaines de négociation, de mystère et de confusion sur le choix du nouveau premier ministre, appelant à plusieurs reprises à une alliance de droite autour du RN. Car c'est dans les rangs de ce parti diminué et presque implosé dans le processus électoral qu'est apparu, avec l'aval plus ou moins implicite du RN, le nom du nouveau premier ministre : Michel Barnier.
Actuellement, du moins en France, observe Gilles Richard[Xvi], la division traditionnelle entre gauche et droite semble être passée au second plan. Depuis 2002, avec le virage à droite de la société, le clivage principal semble différent. C’est comme s’il y avait une division interne à droite, orientant la société avec un côté « mondialiste » et un autre côté « nationaliste ». Bien que la France soit en fait l'un des derniers pays à disposer d'une gauche institutionnelle représentative, celles-ci, étant en dehors de cette division fondamentale, répondent et réagissent fondamentalement à ses agendas et agendas (et deviennent ainsi de droite au passage), sans pouvoir proposer une nouvelle configuration dans laquelle elle peut réellement avoir une certaine voix et une certaine force politique.
La désintégration de LR, l'ancienne droite traditionnelle, estime Gilles Richard, répondrait à cette logique. Nous aurions d’un côté une orientation vers l’atlantisme nord-américain et l’eurocentrisme de Macron, et de l’autre vers le nationalisme RN. Même s'il n'en est pas moins vrai que nous pouvons y trouver des éléments clairs d'eurocentrisme (bien que peu d'atlantisme) et des traits nationalistes dans Ensemble. Une démarche qui a fait qu'une partie non négligeable de l'électorat macroniste et de la droite traditionnelle, en crise, au moment de choisir entre le NFP et le RN, est resté, souvent sans hésitation, pour le second. Après tout, comme le montre clairement l’exemple brésilien, nombreux sont ceux qui pensent qu’il vaudrait mieux faire face à une toute nouvelle expérience avec l’extrême droite au pouvoir plutôt que de répéter la vieille formule réformiste et « dépensière » de la gauche institutionnelle.
Élection (1)
« L'extrême droite » aux portes du pouvoir. Le défi du front républicain», titrait le journal Le Monde le mardi 2 juillet. Le second tour aura lieu dans quelques jours et la principale urgence jusque-là était de mettre en place un Nouveau Front Républicain capable de rassembler, même provisoirement, la gauche et le centre macroniste, après la démonstration de force du RN au premier tour intervenue deux jours plus tôt et la perspective d'une victoire écrasante annoncée. Rapidement, le NFP a déclaré qu'il écarterait ses candidats arrivés en troisième position des contestations en faveur d'un candidat du gouvernement dans les circonscriptions dirigées par le RN.
Un geste qui n’a pas reçu de réponse symétrique de la part d’une partie du camp présidentiel, resté largement ambigu. Macron, même s'il continue de se présenter comme un combattant de l'extrême droite, comptant sur l'adhésion automatique de la gauche à tout ce qui s'oppose au RN, a mis longtemps à s'engager explicitement dans cette bataille véritablement décisive, se sentant en droit de ne pas s'exprimer. clairement par le barrage d’extrême droite. On a même suggéré qu'il faisait preuve d'ingratitude envers ceux qui ont activé à deux reprises ce dispositif sociopolitique qui lui a permis d'être élu président en 2017 et 2022.
Dans son domaine, tout le monde n'était pas favorable à la rédaction d'un Avant avec la gauche. Il semblait qu’une partie du camp présidentiel n’hésiterait pas à collaborer, d’une manière ou d’une autre, avec un éventuel gouvernement RN. Certains, comme le Premier ministre Gabriel Attal, ont déclaré qu'aucune voix ne devait aller au RN, d'autres, comme Bayrou, ont déclaré qu'aucune voix ne devait aller au RN ou au NFP. Cette ambiguïté a pour ainsi dire été justifiée par ces acteurs en réponse à l’hégémonie qu’exerçait LFI et surtout Mélénchon dans les alliances de gauche.
Dans le même temps, il a été difficile pour Macron et SA de revenir sur toutes les accusations portées contre le NFP lors des élections européennes et au premier tour : antiparlementarisme, violences, séparatisme, terrorisme économique. Profitant du vide du massacre génocidaire que commet Israël à Gaza, et des fractures que le conflit fait apparaître dans la société française après les attentats du 7 octobre en Israël, accuser Mélénchon et toute la gauche d'antisémitisme est devenu un lieu commun. pratique. S’il est difficile de nier qu’il existe effectivement des traces d’antisémitisme dans une partie de la gauche française, celles-ci sont néanmoins résiduelles. L'antisémite, par définition, est l'extrême droite, quelle que soit son apparence, mais cette détermination est nécessaire pour les médias et les Ensemble ils disent peu ou rien.
S'il n'y avait pas la gauche, il n'y aurait pas Front Républicain. Cependant, si en 2002 le bloc Front Républicain avait été constituée de manière relativement solide, celle de 2024 ne cachait pas son caractère provisoire. La manifestation du 15 juin a réuni 250 2002 personnes dans tout le pays ; en 1,3, 1 million de personnes ont participé à un XNUMXer mai historique. Il y a eu peu d’enthousiasme ni dans le camp du NFP ni dans le camp macroniste. Le fatalisme régnait, comme s'il n'y avait aucune raison de s'engager existentiellement face à la victoire certaine de l'ennemi. Beaucoup ont vécu des jours de cauchemars et de paralysie absolue.
Plus que tout, un nouveau Avant c'était une nécessité pour la survie. A l'issue du premier tour, la victoire du RN étant certaine, il s'agissait de réduire les dégâts. Surtout, empêchez-les d’obtenir la majorité absolue au Parlement. C'était une tâche politique autant que morale. En tout cas, dans son éditorial du même jour, Le Monde a appelé à « l’urgence du front républicain ». La situation qui a émergé a été « alimentée par la méfiance politique, le rejet de l’immigration, la montée des préoccupations sécuritaires. La vague n'est pas spécifique à la France, mais dans ce pays que l'on croyait mieux protégé que les autres démocraties par sa tradition républicaine, par ses institutions, le choc est immense ».
Le dimanche suivant, 7 juillet, tout le monde (ou presque) respirait le soulagement d'une marche infructueuse vers le pouvoir. L'alarme avait retenti avec un volume jusqu'alors inconnu. La semaine précédente, à l'issue du premier tour, l'urgence était pourtant de créer un nouveau Avant pour arrêter l'extrême droite. À l'heure actuelle, compte tenu de la gravité de la situation et du risque réel de changement institutionnel, le Le Monde, journal qui s'efforce de conserver une apparence républicaine, a déclaré dans son éditorial que toute ambiguïté serait « impardonnable ».
Élection (2)
Un sujet de Le Monde le 18 juin intitulé «Dissolution : récit de ces heures où Macron auvert la boîte de Pandore« [Dissolution : récit de ces heures où Macron a ouvert la boîte de Pandore] a mis en lumière l’isolement et l’engagement autoritaire du président. Le Premier ministre Gabriel Attal, comme d'autres membres du gouvernement, aurait conseillé de reporter la dissolution à début septembre, au retour des vacances. À cette époque, en juin, le risque était élevé, notamment en raison de la faible popularité et de la méfiance croissante de la population à l’égard du président.
A peine l'annonce était-elle faite et les ministres entraient déjà dans le monde qui les attendait, tant était certaine la victoire du RN. Certaines informations indiquent que certains ont été émus aux larmes lors d'une réunion d'urgence peu après la dissolution. D'autres ont parlé de la « roulette belge », une variante à six balles et non une seule dans la cartouche. L'appareil d'État est entré en partie en Remplaçant. Les ministres qui sont également députés ont démissionné de leurs fonctions et annulé leur agenda pour se lancer dans leur propre campagne privée. Le risque d'une aggravation de la crise économique s'est accru, car de manière générale, le marché semble préférer la stabilité.
Macron a déclaré haut et fort que les programmes du RN et du NPF étaient irréalistes, mais les investisseurs se méfiaient de l'avenir, car tout indiquait qu'il perdrait et qu'il devrait s'entendre avec l'un ou l'autre. Les responsables craignaient de devoir bientôt transmettre à l'extrême droite des informations confidentielles sur l'administration fiscale et du Trésor.
Anticipant la victoire du RN, le président n'a pas tardé à nommer des alliés à certains postes clés dans le but d'outiller l'État pour mieux résister à un éventuel gouvernement d'extrême droite. Ce fut le cas de la commissaire française auprès de l'Union européenne, critiquée par Le Pen, mais qui a contribué au renouvellement du mandat d'Ursula von der Leyner. Macron a également nommé son chef de cabinet. Ainsi que le nouveau commandant de l'armée de l'air, ainsi que les chefs de police.
Post-élection
Le 09 septembre, exactement 51 jours après le second tour des élections et même après le sacré retour des vacances, Macron décide de nommer, contre toute attente initiale, Michel Barnier issu de l'ancienne garde LR au poste de Premier ministre. Ancien député et ancien ministre des Affaires étrangères de Jacques Chirac, il a récemment dirigé le groupe de la Commission européenne chargé d'organiser les relations avec le Royaume-Uni dans l'immédiat post-Débats sur le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. Son long CV politique montre également qu'il faisait partie des députés qui ont voté en 1981 contre la dépénalisation de l'homosexualité en France et proposé de construire un mur aux frontières de l'Europe de l'Est.
Deux mois après la première place du NPF aux élections, le Premier ministre choisi est lié à Sarkozy et se situe à droite du Parti républicain. Autrement dit, même s'il n'est pas lié à Ciotti, c'est quelqu'un qui n'est pas très éloigné des positions du RN. Allier le centre avec la droite, avec le soutien de l'extrême droite (on sait que pendant cette longue attente pour tenter de trouver un nom, Marine Le Pen a été personnellement consultée par Macron à plusieurs reprises) était la seule façon pour le président de trouver continuer à gouverner un pays de plus en plus ingouvernable.
Certains parlent d’un coup de maître, mais cela ne semble pas être le cas. L'automatisme du processus fait que ceux qui ont déjà un certain pouvoir entre les mains sont capables de le diriger ou de le réajuster au détriment des autres, bien que toujours à titre provisoire, comme pour en retarder l'issue. Tout le monde a été une fois de plus surpris par ce choix, y compris ses alliés et ses employeurs. Dans un net renversement des termes, le parti arrivé quatrième aux élections a reçu un Premier ministre en cadeau. Dans les démocraties contemporaines, le perdant gagne souvent. Quoi qu’il en soit, un tel geste discrédite encore davantage le processus électoral et les institutions démocratiques et devrait à court terme accentuer encore davantage la crise que traverse le pays.
Voyant le retournement de situation se profiler à l’horizon, LFI a même proposé une procédure visant à destituer le président de l’assemblée. Bien qu'impossible, ce qui semblait au premier abord n'être qu'un geste symbolique et désespéré, la destitution de Macron serait, du moins selon les sondages publiés peu après la nomination de Barnier, soutenue par la moitié de la population. Par ailleurs, les trois quarts des Français se disent opposés à la nomination du nouveau Premier ministre, préférant Lucie Castets (PS) ou Bardella. "L'élection a été volée aux Français, le message a été démenti", a immédiatement déclaré Mélénchon. Tout comme en 2005, le résultat électoral a tourné dans la direction opposée.
La gauche (Nouveau Front Populaire) est arrivé premier au scrutin, mais il s'agissait d'une alliance très fragile et, surtout, il a fallu construire une alliance encore plus fragile pour le second tour, le Front Républicain, cette fois avec des objectifs purement électoraux, pouvoir vaincre l’extrême droite. Si, d’un côté, la démocratie française avait établi la pratique selon laquelle le parti ou le groupe arrivé en premier est celui qui nomme le prochain Premier ministre, de l’autre, c’est une pratique, mais ce n’est pas la norme.
Dès le début, il était clair que pour Macron, tout sauf le PFN. Ou plutôt, tout sauf la LFI ? Toujours le 23 juillet, tentant de transformer sa majorité discrète en victoire, le NFP propose Lucie Castets comme candidate au poste de Premier ministre. Fonctionnaire formée dans les meilleures écoles d'administration françaises et internationales, aujourd'hui conseillère fiscale à la mairie de Paris, elle appartient à l'aile modérée du PS. Autrement dit, il s’agit d’une image fidèle de la position politique de Macron avant son élection en 2017.
D'une manière très habile et impressionnante, alors que beaucoup imaginaient qu'elle resterait dans l'ombre de Mélénchon et des autres dirigeants du NPF, Castets a su s'imposer et a passé des journées à circuler à travers le pays et surtout à travers les médias. Jour après jour, elle a accordé des interviews et s'est révélée être une candidate très crédible, y compris auprès des médias de centre droit. Se sentant sous pression, Macron a toutefois indiqué qu’il n’accepterait pas de nommer un gouvernement comprenant des ministres LFI. En réponse, et contre toute attente, Mélénchon a annoncé que son parti était disposé à ne pas faire partie d'un éventuel gouvernement dirigé par Castets et qu'ainsi Macron n'aurait qu'à suivre la routine habituelle et que tout pourrait bien se passer.
Il n’en a pas été ainsi puisque Macron a vite avoué qu’au fond, il ne voulait pas gouverner avec quelqu’un du NFP, qu’il soit ou non de la gauche dite radicale. Castets n'a pas baissé les bras et a continué jusqu'au bout à se présenter comme une option crédible. Plusieurs noms circulaient comme options avant la nomination de Barnier, alors que le gouvernement, dans une stratégie classique, commençait à dévoiler chaque jour des dizaines de noms possibles pour brouiller le débat et surtout épuiser la population qui ne pouvait plus tolérer tant de bêtises. Au fond, le président ne savait pas vraiment qui choisir, mais il savait déjà de qui il ne voulait pas du tout.
Comme indiqué, à l’instar d’autres démocraties occidentales comme l’Allemagne, la Belgique et l’Espagne, la France est finalement entrée dans la HALL de pays qui doivent désormais former d’étranges alliances au sein de leurs parlements pour continuer à fonctionner de manière minimale. Bien que cela ne se soit pas produit, le pays a continué pendant plus d’un mois en mode automatique, mais pas aussi longtemps. La différence avec d’autres pays est cependant que le garant du nouveau gouvernement est l’extrême droite. Sans cela, il ne peut pas subvenir à ses besoins.
D'une certaine manière, ce qui est curieux à propos de ce point d'arrivée, c'est de voir comment un parti et un programme social-démocrate traditionnel comme LFI (il est vrai qu'il est dirigé par une figure totalement incompatible avec l'évolution de la politique institutionnelle contemporaine) pourrait, en réalité, be, tout à fait compatible avec le macronisme originel de 2017, celui qui se présentait comme un renouveau rajeuni du progressisme libéral, mais qui, malgré tout, effraie bien plus l'establishment néolibéral que le RN.
Après les élections, Gabriel Attal, alors Premier ministre, a agi comme prévu et a immédiatement remis sa démission. Le président lui a cependant demandé de rester en poste encore un peu pour assurer une bonne transition et que les choses continuent à fonctionner normalement, pour ainsi dire, pendant les Jeux olympiques et pendant qu'il cherchait une nouvelle personne pour occuper le poste. position.
La presse a baptisé cette nouvelle figure farfelue incarnée par Gabriel Attal le premier ministre démissionnaire [“démission du premier ministre»]. Inédit dans de telles proportions en France, mais déjà relativement courant dans d'autres pays, le premier ministre, ainsi que l'ensemble de son ministère, bien qu'il ne soit plus officiellement ministre, ont agi en tant que tel. Paradoxalement, il a occupé et n’a pas occupé ce poste pendant cinquante et un jours. Alors que la plume ne s’arrêtait pas, il est devenu clair qu’un Premier ministre provisoire n’est pas si différent d’un Premier ministre permanent. Agissant en tant que propriétaire du ballon, et en plus en tant que personne croyant posséder le terrain de jeu, tout indiquait le choix personnel du président comme Premier ministre. ET
Il fallait trouver quelqu'un qui ait des allures de conciliateur, mais qui poursuive la marche accélérée des réformes réclamées par le patronat français et imposées par l'Union européenne. Tout indique que Barnier renversera simplement l'équation incarnée par Attal et sera en réalité un Premier ministre « permanent-provisoire » (beaucoup parlent déjà de la possibilité d'une nouvelle élection dans un an si la crise d'ingouvernabilité s'aggrave). Compte tenu de la fragilité du ministre et du président, il existe un risque réel de paralysie de l’assemblée, qui entraverait toute possibilité de réformes ou d’ajustements – et même le vote du budget 2025 – par ces canaux normaux du jeu démocratique.
Toutefois, cela ne constitue peut-être pas un gros problème pour le président, car bien qu'il disposait d'une courte majorité dans la configuration précédente de l'assemblée, il n'a pas pu approuver quoi que ce soit facilement. En guise de solution, il gouverne depuis longtemps par des mesures urgentes qui contournent légalement les organes parlementaires. Au Brésil, ces mesures juridiques sont provisoires. En France, ce qui semble à première vue analogue aux mesures provisoires brésiliennes, le fameux article 49-3, ne l'est pas puisqu'il y est en vigueur de manière permanente.
La loi est établie après simple délibération en conseil des ministres et le texte est considéré comme adopté si aucun mouvement de censure contre le gouvernement n'est voté, ce qui nécessiterait une majorité absolue de l'opposition au Parlement. Sans majorité absolue, mais sans possibilité de blocage des mesures par l'opposition, il est régi par des mesures permanentes. Elisabeth Borne, Première ministre entre mai 2020 et janvier 2024, a utilisé cette disposition légale plus d'une vingtaine de fois, notamment pour approuver la controversée réforme des retraites.
Il semble y avoir une forte tendance à concentrer le pouvoir au sein de l’exécutif au détriment des deux autres pouvoirs. Nombreux sont ceux qui s’inquiètent des dérives autoritaires françaises. Comme ailleurs, cette réorientation sociale et institutionnelle n’a pas nécessairement besoin de l’extrême droite au pouvoir.
*Frédérico Lyra est un enseignant dans les départements d'art et de philosophie de l'Université de Picardie Jules Verne (France).
notes
[I]Comme David Adler l'a noté dans un article pour New York Times Ce ne sont pas les extrémistes mais les soi-disant centristes qui sont les plus hostiles à la démocratie. Tout compte pour tenter de mettre fin à ce qui est aujourd’hui considéré comme extrême, y compris les mesures autoritaires et impulsives. Beaucoup de choses ont changé depuis 2018, mais ce qui semble certain, c’est que le centre de l’échiquier politique suit la société et s’est rapidement déplacé vers la droite. Cf. Adler, David, «Les centristes sont les plus hostiles à la démocratie, pas les extrémistes», 23 mai 2018.
https://www.nytimes.com/interactive/2018/05/23/opinion/international-world/centrists-democracy.html
[Ii]Pour ce faire, voir les chapitres 4 à 7 de Comment finira le capitalisme ? (Londres/New York, Verso, 2016) de Wolfgang Streeck dans lequel diverses facettes de la structure institutionnelle de l'Union européenne sont discutées en détail.
[Iii]Cf: https://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/2018/11/07/25001-20181107ARTFIG00121-macron-petain-a-ete-un-grand-soldat-pendant-la-premiere-guerre-mondiale.php
[Iv]Roy, Iva, « Un répit salutaire mais sans majorité pour le Front Populaire, Basta!, 8 juillet 2024. Disponible sur : https://basta.media/Un-repit-salutaire-mais-sans-majorite-pour-le-Front-populaire
[V]Cf: https://www.ouest-france.fr/elections/presidentielle/histoires-d-elections-a-la-presidentielle-de-2002-le-seisme-le-pen-suivi-du-raz-de-maree-chirac-278297b6-ab50-11ec-a913-f0dff1800d5e .
[Vi]L'un des premiers à diagnostiquer avec force ce tournant particulier du spectre français fut Alain Badiou lors d'une conférence donnée le 23 novembre 2015, quelques jours après l'attentat, puis publiée dans un livre. (cf: Notre mal vient de plus loin. Pensez aux tueries du 13 novembre, Paris, Fayard, 2016).
[Vii]Cf: https://www.huffingtonpost.fr/actualites/article/manif-pour-tous-simone-veil-a-salue-les-manifestants-contre-le-mariage-gay_13943.html
[Viii]Cf : Marylou Magal, Marylou et Massol, Nicolas, L'extrême droite, nouvelle génération: enquête au coeur de la jeunesse identitaire, Paris, Dénoel, 2024.
[Ix]Badiou, Alain, Éloge de la Politique, Paris, Flammarion, 2017, p. 115-123.
[X]Amable, Bruno & Palombarini, Stefano, L'illusion du bloc bourgeois : Alliances sociales et avenir du modèle français, Paris, Liber/Raisons d'Agir, 2018. Dans un article de 2022 paru dans Side-car, Serge Halimi identifiait déjà un approfondissement et un virage encore plus à droite dans ce bloc bourgeois à l'occasion de la réélection de Macron. (Cf : Halimi, Serge, « Le Bloc Bourgeois, Side-car, 30 juin 2022. Disponible sur : https://newleftreview.org/sidecar/posts/the-bourgeois-bloc ).
[xi]Beaucoup soupçonnent que la candidature surprise de Hollande a dissimulé son ambition de revenir au centre de l'arène politique en tant que Premier ministre. Il est tout à fait possible que cela soit réel, mais jusqu'à présent, cette intention n'a produit aucun résultat concret.
[xii]Raphaël Glucksmann, fils du maoïste renégat André Glucksmann, est une figure montante du PS. Il était le candidat à la vice-présidence de son parti aux élections européennes. Candidat virtuel à la présidentielle en 2027, celui que l'on surnomme « l'homme de la gauche plurielle » est proche de Lionel Jospin, Hollande et Macron, représentant l'aile droite du parti et se positionnant contre l'hégémonie grandissante de Mélénchon et de LFI. au sein de la gauche française. En 2008, au moment même de l’invasion russe, Glucksmann travaillait en Géorgie comme conseiller officiel du président néolibéral de l’époque et proche des États-Unis, Mikheil Saakachvili. Ce fait a conduit Bardella à l'accuser d'être inapte à exercer des fonctions étatiques parce qu'il avait travaillé pour des intérêts d'États étrangers différents et souvent, selon lui, en concurrence avec les Français. Le député européen est marié à l'une des plus importantes journalistes et présentatrices de télévision françaises : Léa Salamé. L'auteur de Puissant Femmes (femmes de pouvoir), best-sellers du « féminisme libéral » (Nancy Fraser), a déjà dû changer de chaîne pour ne pas gêner la carrière ascendante de son mari. On dit au pays de l'égalité qu'elle devra peut-être malgré tout renoncer à sa brillante et plus que prometteuse carrière au risque de compromettre les ambitions politiques de son mari Glucksmann.
[xiii]Durand, Cédric ; Keucheyan, Razmig et Palombarini, Stefano, « Construire la gauche de rupture », contretemps, 22 juillet 2024. Disponible à : https://www.contretemps.eu/construire-gauche-rupture-nouveau-front-populaire/
[Xiv]Le magnat Vincent Bolloré est un personnage important dans le monde politique et médiatique français, à supposer qu'il y ait une séparation entre eux. L'un des principaux hommes d'affaires et ayant des intérêts majeurs dans ce qu'on appelle France-Afrique, il joue un rôle similaire à celui du nord-américain Roger Ailes (qui fait partie de Fox News) en tant que propriétaire de plusieurs médias et principalement de la chaîne de télévision Cnews, analogue à l’Amérique, qui sert de plate-forme pour la diffusion massive et quotidienne de discours et d’idées d’extrême droite. Depuis quelques années, elle est la chaîne principale du pays, non pas tant en raison de son audience, mais parce qu'elle parvient à donner le ton et le contenu de l'agenda et des débats dans les autres médias et dans la politique nationale.
[xv]Cf: https://www.ouest-france.fr/politique/eric-ciotti/un-forcene-dans-son-bunker-la-video-deric-ciotti-seul-dans-son-bureau-decryptee-par-un-expert-a2095efe-2982-11ef-96d1-fdb7d737b711
[Xvi]Richard, Gilles, « Les Républicains sont voués à devenir un parti croupion », Le Monde, 18 juin 2024.
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