Par MATEUS ARAÚJO*
Note sur un amour éclipsé
Premier long métrage d'Alain Resnais, Hiroshima mon amour en 1959, il consolide deux traits saillants de sa carrière déjà établie de cinéaste : le rapport dense à la littérature et la thématisation des traumatismes collectifs produits par la guerre. Dans des films précédents, il avait déjà intégré à la bande originale, avec beaucoup d'aplomb, des couplets de Paul Éluard et Raymond Queneau dans Guernica (1950) et Le chant du styrène (1958), ainsi qu'un texte en prose de Jean Cayrol dans Nuit et brouillard (1955). Et il avait déjà évoqué, dans deux d'entre eux, des épisodes particulièrement traumatisants de l'histoire du XXe siècle : la destruction de Guernica par les nazis-fascistes, en 1937 (en Guernica) et les camps de concentration nazis (en Nuit et brouillard).
Insistant sur cet univers de questionnements, sur lequel il reviendra dans des films ultérieurs,[I] Resnais invite à un nouveau partenariat littéraire, cette fois autour de la bombe d'Hiroshima (sujet proposé par les producteurs), Marguerite Duras, une écrivaine déjà reconnue à l'époque, mais peu aguerrie au cinéma. En étroite collaboration avec le cinéaste et Gérard Jarlot, elle écrit une histoire d'amour entre un Japonais, « ingénieur ou architecte », et une actrice française (elle aussi traumatisée, dans son pays, par la Seconde Guerre mondiale), qui visitait Hiroshima à un film sur la paix.[Ii]
Le cinéaste l'utilise dans un disque mêlant fiction sur le couple d'amoureux et extraits semi-documentaires évoquant le souvenir des destructions causées par le bombardement de la ville japonaise. Si les personnages (surtout la femme) traitaient du besoin vital de traverser psychiquement le traumatisme de la guerre pour l'exorciser, le pleurer et continuer à vivre, le film cherche aussi à inventer une manière capable d'organiser l'expérience collective de ce traumatisme. . En elle, le document et l'imaginaire s'entremêlent, l'évocation de la catastrophe passée et la méditation sur ce qu'il faut en faire au présent.
Une œuvre artistique d'une telle ambition et d'une telle ampleur invite à une infinité d'approches, sous les angles les plus divers, dont certaines sont proposées dans ce dossier, du point de vue de la dimension littéraire du film, de l'apport fondamental de Marguerite Duras à sa construction, le rapport innovant entre l'image et le son, sa façon inventive d'affronter les désastres de la guerre, etc.
Dans le texte qui suit, je reviens sur un cas de réception critique du film au Brésil qui attendait un examen plus approfondi. Comme tu le sais, Hiroshima a été l'un des longs métrages à la fortune critique la plus grande, la plus variée et la plus qualifiée de la seconde Europe d'après-guerre, depuis sa sortie en 1959, qui a provoqué une réaction passionnée chez presque tous les critiques. Comme celle produite dans plusieurs autres pays, sa fortune critique brésilienne était également abondante et variée, comme Alessandra Brum l'a déjà montré et discuté dans sa précieuse thèse de doctorat, Hiroshima mon amour et réception critique au Brésil (2009), qui examine les textes consacrés au film, dans le feu de l'action, par 17 des critiques brésiliens les plus importants de l'époque.
Ma discussion consistera en une note de bas de page à la contribution durable d'Alessandra, dont l'option pour le panorama dans ses recherches approfondies a abouti à une carte générale de la réception critique du film au Brésil, mais l'a empêchée d'approfondir la discussion de l'approche de quelques-uns des critiques choisis. Rouvrir le dossier et réexaminer plus en détail le cas particulier de la réception Hiroshima de Glauber Rocha, mon propos est ici de proposer un examen plus complet de sa relation avec le film et son réalisateur, en élargissant son arc temporel et l'ensemble des textes à discuter[Iii].
Dans les trois sections suivantes, je signalerai un mouvement, perceptible dans les textes, de l'enthousiasme initial de Glauber (exprimé dans deux articles qui lui sont entièrement consacrés) à un éloignement progressif, qui culmine dans la curieuse absence de tels articles du résumé de le siècle de cinéma, son principal ouvrage sur le cinéma mondial.
Impact initial (avec oscillations)
Basée à Salvador, active dans la presse bahianaise, mais collaborant déjà avec le Supplément dominical du Journaux au Brésil, Glauber a vu le film pour la première fois entre fin septembre et mi-octobre 1960, après y avoir fait référence, sans l'avoir vu, dans au moins 4 articles de juin à octobre de la même année, marqués par les échos des débats il a grandi dans d'autres capitales brésiliennes[Iv] et par des textes publiés à son sujet par ses collègues d'autres États.
Dès lors, ses jugements sur le film semblent s'enflammer, oscillant cependant entre de vifs éloges pour sa forme (ou son montage notamment) et des critiques sur sa dimension littéraire. Comme ça, Hiroshima aurait intégré des éléments de la théorie du montage d'Eisenstein,[V] et sa forme apporterait « des avancées ingénieuses et réformistes »[Vi], peut-être « une révolution ».[Vii] Mais les dialogues de Marguerite Duras, "de la pire littérature, selon ce qu'on dit", "étranglent le spectateur à cause de la mauvaise littérature qu'ils possèdent".[Viii]
Les 2-3/10/1960, quelques semaines avant son premier texte consacré au film, le Nouvelles quotidiennes publie, à Salvador, sans signature la notice « O Filme novo : HIROSHIMA » [Fig. 1], republié presque intégralement les 21-22/5/1961, sous le titre « Un chef-d'œuvre de Nouvelle Vague" [Figue. 2], toujours sans indication de paternité, sur la même page où figure le deuxième article de Glauber (sur lequel je reviendrai), celui-ci signé de ses initiales GR Bien qu'il ait été attribué à Glauber deux fois dans des ouvrages récents[Ix], tout porte à croire (y compris le style et l'approche quelque peu glaubériens), avec la plus grande vraisemblance, que cette note n'est pas de Glauber, qui ne la signe dans aucune des deux versions (la seconde est estampillée à côté d'un texte signé), mais de rédaction du journal, et probablement de Hamilton Correia, le critique et journaliste responsable de sa rubrique cinéma.
Dans son premier texte sur le film [Fig. 3], intitulé « Première vision de Hiroshima"(Nouvelles quotidiennes, 23-24/10/1960) et divisé en 5 sections, Glauber combine une attitude d'humilité critique envers le film (dont l'impact exigerait, au moins dans un premier temps, la suspension provisoire du jugement) et un éloge enthousiaste de ses qualités, ce qui il ne se prive pas de faire.
Cette coexistence de deux gestes presque incompatibles de suspendre le jugement (rare dans ses textes à l'époque) et de le prononcer avec emphase, sans lésiner sur les superlatifs, apparaît dans la première section de l'article, avant de réapparaître dans la troisième : « Cependant, avant de une première vue d'Hiroshima, mon amour, d'Alain Resnais, je ne peux enregistrer que des « impressions ». Pourquoi Hiroshima laisse tout spectateur qui le voit pour la première fois stupéfait. Et on ne commence à « découvrir » le film que longtemps après l'avoir vu. C'est dangereux de voir Hiroshima. Moi, par exemple, je n'ai pas honte d'avouer que regarder Hiroshima ce fut l'une de mes plus grandes expériences humaines. […] Ce serait dans une seconde vision qu'on pourrait conceptualiser ce film. Mais ne le critiquons pas. Soit dit en passant, je ne peux pas le critiquer jusqu'à présent. Cependant, j'ai besoin de parler de ce territoire d'images apparemment chaotique qui naît entouré d'un beau texte, préparé par Marguerite Duras. Le film oscille-t-il entre image et texte ? Cette question m'agresse plusieurs fois. Franchement, je ne connais pas la réponse." (ROCHA, [1960e] 2019, p. 155)
Dans la suite du texte, des avertissements réapparaissent, tels que « voyons jusqu'où je peux aller », « je peux me tromper complètement », « même confus et incertain » et « personne ne peut dire le dernier mot sur Hiroshima ». Pas même Alain Resnais lui-même. Peut-être que le temps peut arriver à une conclusion. Mais ils n'empêchent pas Glauber d'avancer des jugements emphatiques et d'affirmer l'excellence du film, préalablement caractérisé dans la section II en dix brèves formules (certaines admiratives, d'autres péjoratives), dont le texte semble explorer dans les sections suivantes les résonances d'au moins trois, abordant le long métrage comme « un film littéraire, ou plutôt une 'littérature illustrée' », comme « un film d'avant-garde » et un film « qui élève le cinéma au niveau de la philosophie ». L'intrigue de Hiroshima dans la section IV, Glauber juge que « Alain Resnais a non seulement fait un film d'idées, voire un film qui est une répétition du drame le plus important de notre temps, mais il a aussi révolté la forme cinématographique et inauguré le film moderne, dans le sens parallèle des autres arts, comme la peinture, la poésie et la musique, de plus en plus éloignés des formes narratives du passé. Alain Resnais est au cinéma ce qu'il est à la peinture en tant que premier artiste à rompre avec l'école académique de la peinture. Il est, en termes de relativité, comme un James Joyce en littérature, et c'est lui qui, après Eisenstein, met le premier en pratique la théorie du montage au cinéma comme procédé d'investigation de la réalité humaine et comme instrument d'étude métaphysique ». (ROCHA, [1960e] 2019, p. 159)
Après avoir comparé la nouveauté du film de Resnais avec celles introduites par des innovateurs d'autres arts (Joyce en littérature, Eisenstein au cinéma), Glauber prolonge l'analogie avec la philosophie, et parle de Resnais comme « un philosophe du cinéma », qui « a fait de la caméra un système plus puissant pour pénétrer les problèmes de l'homme et du monde que toute la pyramide de la philosophie verbale ». Le film constituerait ainsi une opération de connaissance philosophique du monde, plus puissante même que la philosophie au sens strict.
Une telle opération résulterait moins du texte de Duras (qui ne serait pas le véritable auteur du film, mais son « esprit latéral ») que de la mise en scène de Resnais : « La caméra de Resnais est-elle le véritable créateur – ou savant ? - de tout. Resnais est un « documentariste de l'esprit », c'est-à-dire un homme qui voit l'esprit de l'homme et non l'image. […] Le cadrage est simple. Mais le montage brise le temps, contourne la continuité, brise l'action morte et se concentre sur des « états » totaux de révélation. Documentaire, donc, de l'esprit et de la vérité » (p. 160).
Pour tout cela, Glauber se permet, encore une fois avec insistance, de conclure que le film « a réalisé les théories du 'cinéma idéal et absolu' ». A ceux qui avaient initialement agité un sursis de jugement, Glauber finit par laisser des déclarations enthousiastes dans ce premier texte : le film réaliserait les théories du cinéma idéal et absolu, innoverait comme Eisenstein l'avait déjà fait au cinéma et Joyce en littérature, ferait le la philosophie de la caméra, plus pénétrante que la philosophie écrite, inaugurera le cinéma moderne. Les textes suivants, bien qu'élogieux, semblent cependant plus sobres.
Dans son deuxième article consacré au film, «Hiroshima: poème verbal-visuel (polémique) », également publié dans le Diário de Notícias (21-22/5/1961) [Fig. 4],[X] Glauber commence par dire que « cette note n'entend pas analyser Hiroshima, meu amor », dont il souligne d'emblée le caractère polémique (devise de la page du journal).
Par la suite, le critique bahianais revient sur sa position sur la paternité principale du film, qu'il avait attribuée dans l'article précédent à Resnais, mais qu'il attribue désormais à Duras : « Surtout, bien que je soutienne le « cinéma », je crois que Marguerite Duras est l'auteur principal, depuis quand la problématique du « film » repose sur le dialogue et sur le monologue littéraire d'Emanuelle Riva, qui déclame (et bien) tout au long du parcours, ne se taisant que dans la séquence couloir-chambre-escalier de l'hôtel, quand elle va et revient. Si le climat visuel d'Alain Resnais est le pont vers le décor du drame, il n'en est pas le pont communicatif. Les images seraient absolument hermétiques si elles n'étaient pas soulignées par le texte, même si parfois une opposition entre image et dialogue se révèle ». (ROCHA, [1961c] 2019, p. 162)
Renversement complet de son bilan, donc, qu'il réitère en conclusion du texte, sous forme de paradoxe : "Alain Resnais est le plus grand cinéaste moderne que je connaisse, mais l'auteur de son film est Marguerite Duras, même littérature douteuse ”. Ici, l'évaluation du texte de Duras, qualifié de « beau » dans l'article précédent, et désormais qualifié de littérature douteuse, est inversée. Cette réserve par rapport au texte donne le ton de ce nouvel article, qui continue de souligner les qualités formelles du film (montage, technique visuelle, utilisation de travellings), mais suggère des limites dans son usage lyrique du « discours dramatique », dans le comportement névrotique des personnages et même dans sa structure narrative.
Son montage apporterait un apport sans précédent « depuis les grands films d'Eisenstein », mais le lyrisme de son « discours dramatique » neutraliserait sa dimension politique, même s'il ne parvenait pas à en faire un film « aliéné ». La construction des deux personnages principaux révélerait également des problèmes, celui de l'homme dû à la tranquillité injustifiable qu'il présente face à la tragédie de la bombe, et celui de la femme dû à la névrose, qui « assumerait une simple dimension du mélodrame, si elle n'était pas travaillée par la technique d'Alain Resnais, une technique parfaite pour manier le montage et surtout le suivi, son grand élément de création cinématographique ».
Même à la célèbre structure narrative du film « on pourrait objecter que les procédés (nouveaux 'au cinéma') sont déjà une conquête de la fiction moderne ». Elle se bornerait à transposer au cinéma des acquis de la littérature moderne, sans s'affranchir du modèle littéraire : « L'opposition du monologue intérieur à l'action, l'interférence de la mémoire visuelle et l'équilibre entre passé et présent à la fois, quoique ce sont des nouveautés « au cinéma », ne sont rien d'autre qu'une visualisation de ce que la fiction a accompli. Peu importe que Joyce lui-même ait été influencé par le cinéma, mais il est répugnant qu'un art d'être ne décolle pas une fois pour toutes et s'attache de plus en plus à un art de l'épuisement ». (ROCHA, [1961c] 2019, p. 163-4).
Brusque, moins abouti dans son écriture et moins clair dans ses arguments, ce second article révèle en tout cas un certain reflux de l'enthousiasme initial de Glauber pour le film, dont il continue de faire l'éloge, mais qui lui inspire désormais aussi quelques réserves.
Nuances et comparaisons défavorables
Sans préjudice du respect que Glauber continue à vouer à Resnais et à son film, de telles réserves apparaissent également dans les références à ceux-ci présentes dans ses textes parallèles et ultérieurs, tout au long des années 1960, consacrés à d'autres objets. Dans ces textes, Glauber dit avoir suivi attentivement Resnais,[xi] et continue de le citer comme s'il le considérait comme l'un des plus grands cinéastes français modernes[xii] ou l'un des représentants les plus importants du cinéma d'auteur européen.[xiii] D'ailleurs, dans cette décennie comme dans la suivante, il n'est pas rare de le voir invoquer ici et là son collègue français lorsqu'il évoque d'autres cinéastes.[Xiv], dont des Brésiliens comme Joaquim Pedro de Andrade, David Neves ou encore Humberto Mauro.[xv]
Mais ses éloges alternent avec des considérations critiques,[Xvi] et elles sont souvent tempérées par une réflexion, comme dans ce long extrait de « América Nuestra » (1969), exemple de ces oscillations, tant il est plein d'observations contradictoires sur ses films : « On peut dire que la nouvelle vague a créé une esthétique bourgeoise par excellence. Cela se confondait avec le cinéma dit d'auteur, lui-même confondu avec l'inefficacité. Les seuls films de cette école qui ont eu du succès étaient pour des raisons sexuelles - et d'autres comme Hiroshima e La guerre est finie [La guerre est finie] de Resnais, ou encore de Truffaut – pour d'indéniables qualités disruptives. La rupture de Resnais est pré-joycéenne. Ce qui caractérise cette extraordinaire capacité des Français contemporains à critiquer leur incapacité créatrice. Resnais a désarticulé le temps sans articuler la dialectique. Son cinéma pourrait être dialectique s'il n'était pas littéraire – je veux dire bourgeois – avec le problème classique de la conscience. Et avec des données moralisatrices snob et enfantines comme les scènes d'amour dans La guerre est finie, la salope « artistique » exemplaire. Une faiblesse de Resnais : ses comédiens. Mais c'est un documentariste de génie et il a été un revitalisant du tracking au cinéma. Nuit et brouillard [nuit et brouillard] est un film à structure dialectique et Prenez la mémoire du monde, un poème (anti-didactique) d'une grande beauté. Comme les premiers instants de Hiroshima. Mais à quel point votre épisode est-il triste Loin du Vietnam. L'année dernière à Marienbad [L'année dernière à Marienbad] est l'essai d'un chef-d'œuvre littéraire expressionniste, asservi à un néo-alphabète comme Robbe-Grillet. Mais c'est un film fascinant, même si son apparente modernité cache un profond académisme. Si Resnais était allemand, Marienbad ce serait un chef-d'oeuvre. Il y a de superbes travellings ! Eisenstein aimerait Marienbad». (ROCHA, [1969c] 2004, p. 168-9)
Dans le même passage, les « indéniables qualités perturbatrices » de Hiroshima ils sont cependant décrits comme "pré-Joycean". Sa désarticulation du temps apparaît comme incapable d'articuler la dialectique en raison de sa nature littéraire ou bourgeoise, liée au problème de la conscience. L'éloge de son documentaire de génie, sa revitalisation du voyage, la structure dialectique de Nuit et brouillard, à la beauté de Prenez la mémoire du monde (1956) et le début de Hiroshima vivre avec des critiques sévères de La guerre est finie (1966), la faiblesse des acteurs, son épisode de Loin du Vietnam (1967). Pour couronner l'ensemble des considérations pendulaires, chaque phrase sur Marienbad mêle louanges et critiques.
Si cette convivialité d'appréciations contrastées tend à tempérer l'enthousiasme initial de Glauber pour Hiroshima et son réalisateur, sont également teintés par les différents textes dans lesquels Glauber établit une forme de comparaison entre Resnais et d'autres cinéastes, qui semblent avoir un avantage. À partir d'un article de mars 1961 sur un obscur film américain, Clous Longigan (Irving Lerner, 1960). Hiroshima mon amour, d'Alain Resnais. Un film brillant, un film moderne, révolutionnaire, qui est au cinéma ce que Joyce est à la littérature : Clous Longigan - Production de classe B, écrite et produite par le vétéran et irrégulier Philip Yordan et réalisée par Irving Lerner. J'avoue que depuis Eisenstein et Jean Vigo seuls The Killing e Baiser du tueur, par Kubrick, et plus tard Hiroshima mon amour, étaient des films qui m'ont impressionné [à la fois] en tant que phénomène esthétique ». (ROCHA, [1961a, p. 4] 2006a, p. 133)
En plus de révéler l'engouement pour le film de Lerner, la comparaison place également Hiroshima à un haut niveau d'admiration pour le critique. Mais en le détaillant plus loin, Glauber suggère que le travail sur le monologue intérieur, le montage et le temps sont plus audacieux dans le film de Lerner que dans celui de Resnais : « Le monologue intérieur, théorisé par Eisenstein, jusqu'alors ressource narrative de la littérature, devient, entre les mains d'Irving Lerner, un élément accompli bien plus qu'entre les mains de Resnais. Alors que l'auteur d'Hiroshima, meu amor remonte le temps – et il y a un handicap à interrompre le récit, Irving Lerner utilise un procédé similaire à celui de William Faulkner : il raconte simultanément quatre éléments : deux actions – celle d'un Studs excité et celui d'un enseignant normal; et "deux consciences" - l'enseignant sous la mémoire troublée de Studs. Le montage est simultané et non parallèle. Et la fusion du son et de l'image aussi, tous réunis en même temps. Ainsi, au cinéma, la conscience humaine est introduite dans l'image. Alain Resnais n'a apporté que la mémoire ». (ROCHA, [1961a] 2006a, p. 136)
Lerner aurait fait mieux que Resnais de Hiroshima le monologue intérieur, aurait dépassé le montage parallèle de Resnais dans un montage simultané, et aurait prolongé sa représentation de la mémoire par une représentation de la conscience.
Dans des comparaisons ultérieures entre Resnais et d'autres cinéastes qu'il admirait (Visconti, Buñuel, Straub & Huillet, Fellini), Glauber semble révéler sa préférence pour eux. En défendant, par exemple, toujours en 1961, Rocco et ses frères (Visconti, 1959), Glauber oppose la force de son discours apparemment fondé sur une forme conventionnelle à la nouveauté explosive du film de Resnais, dont la modernité ne lui serait pas supérieure, et dont il cherche à pointer les limites :[xvii] "Rocco - même s'il n'est considéré que comme un "chef-d'œuvre du cinéma traditionnel" - est aussi moderne dans son caractère stylistique qu'il l'est Hiroshima mon amour – qui, bien qu’il émerge comme un « nouveau », n’est rien d’autre – s’il est analysé structurellement – un film « nouveau au cinéma », mais pas « nouveau pour le cinéma », c’est-à-dire que les procédés narratifs de Resnais sont roman nouveau – ajoutés aux chapitres sur la technique intemporelle de Faulkner comme toujours soutenu par la théorie d'Eisenstein du monologue cinématographique, exposée dans Formulaire de film, lorsque le maître russe étudiait l'adaptation de Ulysses de Joyce ». (ROCHA, [1961d] 2006a, p. 229).
Ce qui est curieux, c'est que Glauber met en évidence les limites de la nouveauté du processus narratif de Hiroshima les réduisant à une transposition au cinéma de procédés hérités de la littérature – nouveau roman, Faulkner – ou la théorie du monologue intérieur d'Eisenstein, qui renvoie en quelque sorte à son étude des procédés littéraires de Joyce. Ainsi, si la comparaison avec les manifestations littéraires et cinématographiques d'échelle tend à valoriser Resnais, elles semblent en même temps suggérer qu'il n'est pas allé au-delà d'une simple transposition de ces apports antérieurs au champ du cinéma, dont il s'attacherait le développement interne. pas contribué de manière significative.
Cette idée devient encore plus claire plus tard quand Hiroshima est comparé au roman de Proust : « Quand Resnais a rompu avec le temps cinématographique actuel, il faisait juste ce que le roman a déjà fait depuis Proust : et comme problème posé – mettant l’accent sur la mémoire & l’oubli – nous sommes encore dans Proust qui transcende le cycle de temps perdu à l'existence de Hiroshima. […] Le discours révolutionnaire est dans les romans des grands auteurs - Dostoïevski, Dickens, Stendhal, Proust, Joyce et Faulkner (pour n'en citer qu'une demi-douzaine représentative) et au cinéma il ne commence à exister qu'en Hiroshima, qui est une conséquence de l'expérience fictionnelle et du désespoir de cette forme narrative, anéantie non seulement par les destinations auxquelles elle a été conduite par la liberté de la parole mais aussi par l'évidence de la force communicative du cinéma, en termes de « sociale » et « perception ». Mais si Hiroshima c'est aussi valable parce que c'est un film qui apporte au cinéma le nouveau processus narratif - une méthode de connaissance humaine - Rocco elle est valable parce qu'elle libère des connaissances dans la langue apparemment traditionnelle – en même temps qu'elle détruit la ligne sage de l'ancienne chronologie cinématographique, imposant la ligne sinueuse du roman à la réalisation de l'œuvre ». (ROCHA, [1961d] 2006a, p. 229-30).
Le préjugé de Resnais dans la comparaison est plus clair dans le cas de Buñuel. Dans un entretien avec Diva Múcio Teixeira le 29/7/1962, répondant à une question sur le cinéma européen, Glauber oppose Buñuel à Antonioni et Resnais, signalant clairement sa préférence pour le cinéaste espagnol : « Pour moi, il n'y a qu'un seul nom dans le cinéma d'aujourd'hui. Du côté de Visconti : Luis Buñuel. Nazarin, Viridiana e ange exterminateur sont les films les plus importants de l'histoire du cinéma moderne. Le délire autour d'Alain Resnais et d'Antonioni est violent, justifiable. On parle peu de Buñuel, justement parce qu'il est plus profond et moins sensationnaliste. Les critiques se disputent tout le temps sur Resnais et Antonioni. Critiques de la France et de l'Italie également. Mais tous deux recherchent des problèmes que Buñuel a déjà résolus il y a longtemps. […] N'étant pas moraliste et violant la société avec un anarchisme de plus en plus fort, Buñuel ne se perd pas dans l'automutilation d'Antonioni et de Resnais, tous deux en voie d'abstractionnisme. […] Je crois que le cinéma va mal parce que le cinéaste veut être metteur en scène. Le cinéma est fondamentalement pensé. Si l'auteur est un bourgeois dilettante décadent, il agit comme Alain Resnais. Si vous êtes désespéré et sceptique, faites comme Antonioni. Si tu es un anarchiste viril et un éternel de gauche, fais comme Buñuel ». (ROCHA, 1962a, p. 4).
Cet entretien marque clairement la décision critique de Glauber en faveur de Buñuel, qui n'est pas seulement esthétique mais aussi politique. Elle traverse les années 1960 sans secousses majeures, comme l'atteste une lettre à Jean-Claude Bernardet (Paris, 12/7/1967). Glauber y exprime à nouveau son enthousiasme pour le cinéaste espagnol (ainsi que son estime constante pour Godard), en même temps qu'il tempère d'une certaine réserve son ancien respect pour Resnais et d'autres : « Je n'ai rien vu de bon , sauf l'agonie finale de l'ancien cinéma de Bergman, Antonioni, Resnais, Visconti. La tentative qu'ils font d'être moderne est suicidaire » (ROCHA, [1967a] 1997, p.281). Par contre, « j'ai tout vu de Buñuel. Quand on voit l'ensemble de chien marchait a Belle de jour c'est qu'il [voit] qu'il est le meilleur, le seul imperturbable » (Idem, ib.).
Cela se reproduit un an plus tard, dans l'article « Le nouveau cinéma dans le monde ». Là, en discutant de la figure stylistique du « plan intégral », Glauber oppose Buñuel et d'autres cinéastes (plus capables de l'entreprendre) à un groupe comprenant Resnais (qui n'aurait pas réussi à le réaliser pleinement). Comme Antonioni, Bergman et Visconti, Resnais serait en deçà des résultats obtenus en ce sens par Buñuel, Welles et Rossellini : « La conquête d'un nouveau langage ne fait que commencer, mais l'étape de la découverte de la réalité caméra au poing est déjà franchie. par l'étape d'analyse de la réalité par le plan intégral. C'est un territoire mystérieux que ni Antonioni, ni Bergman, ni Visconti, ni Resnais n'ont encore pénétré, bien qu'ils se soient manifestés en ce sens. Les seuls cinéastes traditionnels (ou modernes) capables d'exercer ce cinéma sont Buñuel, Welles et Rossellini, poètes dont l'influence se fait de plus en plus sentir dans le cinéma moderne, non pas à cause de leurs personnages exotiques, mais plutôt à cause de l'insolite permanente de leurs œuvres. Buñuel, devant Rossellini, en un chien andalou, faisait déjà du cinéma moderne. Liberté de création en dehors de la dictature industrielle ». (ROCHA, [1968a] 2006a, p. 345).
Plus tard, faisant l'éloge de Jean-Marie Straub, Glauber revient sur la question du plan intégral, et oppose sa façon d'explorer le temps à celle de Resnais, qui semble perdant dans la comparaison : « Le plan intégral, chez Straub, atteint son plénitude. Le film obéit à la technique d'un plan pour chaque action ou d'une idée pour chaque plan. C'est une succession de plans frontaux directs, généralement fixes, qui sont unis par de rapides fondus en noir. Le dialogue est livré froidement, sans adjectifs, comme un récitatif choral. Les acteurs bougent à peine. Le temps est libre, le film se déroule dans le présent et dans le passé. Il passe du passé au présent et inversement sans les gadgets de Resnais ni les techniques de flashback classiques. Tout se passe à l'écran. Le dialogue, le texte, les bruits, la musique rare, agissent simultanément. Le temps (la notion asservissante du temps) est aboli, le film EST ». (ROCHA, [1968a] 2006a, p. 350).
Quelques années plus tard, dans un texte hommage notable à Fellini, Glauber souligne sa plus grande liberté et autonomie que celle des autres « cinéastes », dont Resnais : « Casanova est le succès modéré de Fellini, dans un marché de cinéastes, dominé par Bergman, Antonioni, Buñuel, Resnais etc., – Fellini étant le plus cher, le plus libre et le moins attaché aux règles du jeu » (ROCHA, [1977] 2006a, p. 273).
Leurs différences mises à part, tous ces extraits suggèrent, chacun à sa manière et à partir de sa question spécifique, la préférence de Glauber pour d'autres cinéastes dont Resnais apparaît comme une comparaison désavantagée. Naturellement, la simple inclusion de son nom dans un groupe de cinéastes qui comptent (et donc soutiennent la comparaison) indique toujours la considération qu'il continue de mériter de la part de Glauber, mais sa place dans les comparaisons montre clairement que la plus grande adhésion du Brésilien a toujours une autre adresse. . .
Eclipse
A partir des années 1970, Resnais et Hiroshima disparaissent pratiquement des textes et des propos de Glauber, qui semble se désintéresser du travail de son collègue français, au profit d'autres cinéastes avec lesquels il se sentait de plus grandes affinités – certains déjà objets de ses précédents textes (Rossellini, Pasolini, Buñuel, Godard, Straub & Huillet), d'autres devenus amis ou invoqués dans des interviews et déclarations (Bertolucci, Carmelo Bene, Miklos Jancso, Robert Kramer, Gutierrez Alea, etc.).[xviii]
Cela tient peut-être à sa distance par rapport aux films de Resnais de l'époque – je ne me souviens pas, par exemple, de ses propos sur les films de Resnais après La guerre est finie et à votre croquis pour Loin du Vietnam - qu'il n'aimait déjà pas[xix]. Mais c'est peut-être aussi dû à la consolidation de son propre projet cinématographique de Deus eo diabo na terra do sol[xx], qui ont rarement cherché à explorer la région de l'intériorité psychique, ou le temps interne de la conscience. À l'exception de Terra em transe,[Xxi] les possibles échos de Resnais sont rares dans ses films, qui n'investissent pas dans l'intériorité, dans le flash-back, dans l'exploration des strates du temps, et semblent donc avoir peu à s'intégrer au programme cinéma général du confrère français, ainsi qu'à la poétique de Hiroshima.
Le reflux de l'enthousiasme initial de Glauber pour Hiroshima culmine dans sa décision de ne pas inclure ses deux articles sur le film dans le résumé Century of Cinema,[xxii] anthologie de ses textes sur le cinéma mondial qu'il a préparé avant de mourir, bien qu'il n'ait jamais vu leur publication posthume deux ans plus tard. Compte tenu du fort impact causé par le film sur le jeune Glauber, son exclusion de cette paire de textes du résumé final du livre semble étrange, dans le panthéon duquel le film pourrait figurer aux côtés d'autres manifestations rafraîchissantes du cinéma moderne aux yeux du jeune Glauber. Bien que ce ne soit pas la seule bizarrerie de ce résumé,[xxiii] une telle absence nuit au livre en déséquilibrant un peu sa structure, privant la section «Nouvelle Vague» (la partie la plus fine du volume) par un cinéaste qui renforcerait ses tableaux par rapport aux sections précédentes (« Hollywood » et « Néo-réalisme », plus forts et plus variés), laissant ainsi le cinéma français mal représenté par des textes de peu l'importance de cinéastes moindres comme Jules Dassin et Roger Vadim, indignes de leurs discussions sur Godard et Truffaut. Mutilant aussi le casting de son éloge juvénile pour un brin du cinéma moderne qui, dans la transition des années 1950 aux années 1960, semblait apporter des innovations formelles significatives (ses textes sur Kubrick et Irving Lerner sont restés, non accompagnés de son contrepoint français). Créer au final le risque d'une vision exagérée de son admiration pour les autres cinéastes, en supprimant un objet qui à un moment donné partageait avec eux son attention et ses enjeux critiques.
*
Quoi qu'il en soit, cette exclusion consomme l'éclipse de Hiroshima dans l'itinéraire intellectuel de Glauber. Suivre la courbe temporelle de ses considérations sur le film et son réalisateur nous permet de retrouver un amour de sa cinéphilie d'enfance, formulé dans sa déclaration retentissante que « regarder Hiroshima Ce fut l'une de mes plus grandes expériences humaines. Mais cela nous permet aussi de percevoir à quel point il a été, au fil des années, éclipsé par d'autres amours de la maturité.
*Matthieu Araújo Professeur de théorie et d'histoire du cinéma à l'École de communication et des arts de l'USP. Organisé, entre autres, le livre Glauber Rocha/Nelson Rodrigues (Éditions Magic Cinéma).
Initialement publié dans le magazine Littérature et société.
références
ANONYME. « Le nouveau film : HIROSHIMA ». Nouvelles quotidiennes. Salvador, 2 et 3 oct. 1960, Supplément Arts et Lettres, 3e Cahier, p. deux.
ANONYME. « Le chef-d'œuvre de la Nouvelle Vague ». Journal d'actualités, Salvador, 21 et 22 mai. 1961, Supplément Arts et Lettres, 3e Cahier, p. 8.
ARAUJO, Matthieu. « A propos de la critique clairsemée de Glauber Rocha ». Dans : ROCHA, Glauber. Critique clairsemée (1957-1965).
ARAÚJO, Mateus (org.). Belo Horizonte : Fondation Clóvis Salgado, 2019, p. 10-22.
BRUM, Alessandra. Hiroshima mon amour et réception critique au Brésil. Campinas : éd. Unicamp, 2009.
DUR, Marguerite. Hiroshima mon amour [1960]. Dans: Duras: Romans, cinéma, théâtre, un parc 1943-1993. Paris : Salle Gallimard, 1997, p. 533- 643.
LEUTRAT, Jean-Louis. Hiroshima mon amour : étude critique. Col. Synopsis. Paris : Nathan, 1994.
LIANDRAT-GUIGUES, Suzanne & LEUTRAT, Jean-Louis. Alain Resnais: Liaisons sécrète, accorde des vagabonds. Paris : Cahiers du cinéma, 2006.
ROCHA, Glauber. Connaissance de SM Eisenstein. [1960a]. Nouvelles quotidiennes. Salvador, 5 et 6 juin. 1960, 3e Cahier, Supplément Arts et Lettres, p. 3 (republié dans ROCHA, 2019, p. 172-85).
ROCHA, Glauber. « Ascenseur (ou alcôve) : Louis Malle ». [1960b]. Journal d'actualités. Salvador, 7 et 8 août. 1960, 3e Cahier, Supplément Arts et Lettres, p. 3 (republié dans ROCHA, 2019, p. 150-4).
ROCHA, Glauber. "Les cigognes soviétiques ou la tyrannie des beaux-arts". [1960c]. Journaux au Brésil. Rio de Janeiro, 27 sept. 1960, Supplément du dimanche, p. 8. (republié dans ROCHA, 2019, p. 186-95).
ROCHA, Glauber. « Le prix de l'idée » [1960d]. Nouvelles quotidiennes. Salvador, 9 et 10 oct. 1960, 3e Cahier, Supplément Arts et Lettres, p. 6 (republié dans ROCHA, 2006a, p. 129-33).
ROCHA, Glauber. "Première vue d'Hiroshima" [1960e]. Journal des actualités, 23 et 24 oct. 1960, Supplément Arts et Lettres, 3e Cahier, p. 6 et 2 (republié dans ROCHA, 2019, p. 155-60).
ROCHA, Glauber. « Studs : un film brillant perdu à Bahia (Tupy) » [1961a]. Nouvelles quotidiennes. Salvador, 12 et 13 mars. 1961, 2e Cahier, Supplément Arts et Lettres, p. 4 et 6 (republié sous le titre « Un film brillant », in ROCHA, 2006a, p. 133-7).
ROCHA, Glauber. "Le processus du cinéma" [1961b]. Journaux au Brésil. Rio de Janeiro, 6 mai. 1961, Supplément du dimanche, p. 3 (republié sous le titre « The cinema 61 process », in ROCHA, 2004, p. 43-50).
ROCHA, Glauber. "Poème verbal-visuel d'Hiroshima (polémique)" [1961c]. Journal d'actualités. Salvador, 21 et 22 mai. 1961, Supplément Arts et Lettres, 3e Cahier, p. 8 (republié dans ROCHA, Glauber, 2019, p. 161-4).
ROCHA, Glauber. « Glauber Rocha / Exclusif pour DN. Il commente la dernière tragédie de Luchino Visconti : Rocco, Abel et Caïn » [1961d]. Nouvelles quotidiennes. El Salvador, 18 septembre. 1961, 3e Cahier, Supplément Arts et Lettres, p. 2 et 6. (republié sous le titre « O Barroco Viscontiano » dans ROCHA, 2006a, p. 229-36).
ROCHA, Glauber. « Deux festivals et une expérience brésilienne » [entretien avec Diva Múcio Teixeira] [1962a]. Nouvelles quotidiennes. El Salvador, 29 juillet 1962, 3e Cahier, Supplément Arts et Lettres, p. 4.
ROCHA, Glauber. « L'éclipse (l'espace funéraire) » [1962b]. Nouvelles quotidiennes. Salvador, 2 et 3 septembre. 1962, 3e Cahier, Supplément Arts et Lettres, p. 3-4 (republié sous le titre « Espace funéraire », in ROCHA, 2006a, p. 249-53).
ROCHA, Glauber. « [Lettre] à Paulo César Saraceni (avril ou mai 1963) » [1963a]. Dans : ROCHA, 1997, p. 190-4.
ROCHA, Glauber. "Notre Seigneur Buñuel" [1963b]. Monsieur. Rio de Janeiro, année 5, n. 52-53, juin-juil. 1963, p. 60-5 (republié sous le titre « Les 10 commandements de Luis Buñuel », in ROCHA, 2006a, p. 170-85).
ROCHA, Glauber. Revue critique du cinéma brésilien [1963c]. Rio de Janeiro : Civilisation brésilienne, 1963, 147 p. (reed. révisée et augmentée. São Paulo : Cosac & Naify, 2003).
ROCHA, Glauber. "Des vies sèches 64" [1964a]. Dans: Nouvelle révolution du cinéma, 1981 (réd. 2004, p. 59-63).
ROCHA, Glauber. "Huit et demi" [1964b]. Journal carioca. Rio de Janeiro, 24 nov. 1964, p. 7 (republié dans ROCHA, Glauber, 2019, p. 143-6).
ROCHA, Glauber. Deus eo diabo na terra do sol. Rio de Janeiro : civilisation brésilienne, 1965.
ROCHA, Glauber. "Présentation: La morale d'un nouveau Christ" [1966a]. Dans : KYROU, Ado (org..). Luis Buñuel. Trans. par José Sanz. Rio de Janeiro : Civilisation brésilienne, 1966, p. 1-8 (republié sous le titre « La morale d'un nouveau Christ », in ROCHA, 2006a, p. 185-90).
ROCHA, Glauber. « Glauber et le discours du Cinéma Novo » [1966b]. Journaux au Brésil. Rio de Janeiro, 14 avr. 1966, Cahier B, p. 5 (republié sous le titre « Le curé et la fille 66 », in ROCHA, 2004, p. 78-83).
ROCHA, Glauber. [Lettre] à Jean-Claude Bernardet (12/7/1967) [1967a]. Dans : ROCHA, 1997, p. 280-2.
ROCHA, Glauber. Tricontinental 67. [1967b]. Dans : ROCHA, 2004, p. 104-9 (édition originale : « Cela s'appelle aurore ». Cahiers du Cinéma, n° 195, nov. 1967, p. 39-41).
ROCHA, Glauber. « Le nouveau cinéma dans le monde. [1968a] ». O Cruzeiro. Année XL, n. 13, 30 mars. 1968 (republié dans ROCHA, 2006a, p. 343-52).
ROCHA, Glauber. « Le cinéma dans le monde II. Fritz Lang le Lion » [1968b]. O Cruzeiro. Rio de Janeiro, an XL, n. 14, 6 avr. 1968, p. 38-40 (republié sous le titre « Fritz Lang », in ROCHA, 2006a, p. 44-9).
ROCHA, Glauber. « Glauber : el 'Trance' de América Latina » [entretien avec Federico de Cárdenas et René Capriles] [1969a]. Hablemos de Ciné. Lima, non. 47, mai-juin. 1969, p. 34-48 (réédité en portugais et sous le titre « O Trance da América Latina 69 », in ROCHA, 2004, p. 170-92).
ROCHA, Glauber. « Tropicalisme, anthropologie, mythe, idéogramme 69 » [1969b]. Dans : Revolution of Cinema Novo, 1981 (réd. 2004, p. 150-4).
ROCHA, Glauber. « Amérique Nuestra 69 ». [1969c]. Dans : Revolution of Cinema Novo, 1981 (réd. 2004, p. 161-9).
ROCHA, Glauber. "Mauvais film ou Miss Maciel". Le Chicaneur. Rio de Janeiro, non. 76, 2 au 8 déc. 1970, p. 20-1 (republié dans ROCHA, 2006a, p. 145-8).
ROCHA, Glauber. « Glauber Fellini – Fellini est une femme, un loup, un chat persan (Une thèse de Glauber Rocha) ». Vogue Man. São Paulo, août 1977, p. 54-60 (republié sous le titre « Glauber Fellini », in ROCHA, 2006a, p. 253-74).
ROCHA, Glauber. "L'aveugle qui voyait de loin 78". Folha de Sao Paulo, 16 sept. 1978, Illustré, p. 28 (republié dans ROCHA, 2004, p. 367-9).
ROCHA, Glauber. « L'âge de la Terre : un avertissement aux intellectuels » [1980a]. Folha de Sao Paulo, 9 novembre. 1980, p. 51.
ROCHA, Glauber. “Neves Eulálio David 80” [1980b]. dans: Cinéma Novo Révolution, 1981 (réd. 2004, p. 405-8).
ROCHA, Glauber. “Andrade De Pedro Joaquim 80” [1980c]. Dans: Nouvelle révolution du cinéma, 1981 (réd. 2004, p. 441-6).
ROCHA, Glauber. nouvelle révolution du cinéma. Rio de Janeiro : Editora Alhambra ; Embrafilme, 1981 (réed. révisée et agrandie. São Paulo : Cosac & Naify, 2004).
ROCHA, Glauber. le siècle du cinéma [2006a]. Rio de Janeiro : Editora Alhambra ; Embrafilme, 1983 (réed. révisée et agrandie. São Paulo : Cosac & Naify, 2006).
ROCHA, Glauber. Lettres au monde. BENTES, Ivana (org. et intr..). São Paulo : Companhia das Letras, 1997.
ROCHA, Glauber. Le siècle du cinéma [2006b]. Trans. du Portugal à Mateus Araújo Silva. Éd. française établie par Cyril Béghin et Mateus Araújo Silva. La Crisnée : Jaune maintenant ; cinéma magique; Cosac & Naify, 2006.
ROCHA, Glauber. Critique clairsemée (1957-1965). SILVA, Mateus Araújo (org.). Belo Horizonte : Fondation Clovis Salgado, 2019.
SILVA, Matthieu Araujo. « Alain Resnais, cardiologue de la sociabilité ». Dans : BORGES, Cristian ; CAMPOS, Gabriela ; AISENGART, Inès (dir.). Alain Resnais : la discrète révolution de la mémoire. São Paulo; Rio de Janeiro : Centre culturel Banco do Brasil, 2008, p. 79-82.
SILVEIRA, Walter. "Un film de transition". Dans : ROCHA, Glauber. Deus eo diabo na terra do sol. Rio de Janeiro : Civilisation brésilienne, 1965, p. 173-82.
XAVIER, Ismail. "Préface". Dans : ROCHA, Glauber. le siècle du cinéma (roseau.). São Paulo : Cosac & Naify, 2006, p. 9-31.
notes
[I] Muriel (1963) évoquera dans sa fiction la torture pratiquée par les soldats français pendant la guerre d'Algérie, et son épisode « Claude Ridder » pour le film collectif Loin du Vietnam (1967) évoquera l'agression américaine au Vietnam dans les années 1960 et quelques-unes ses conséquences congénères dont on se souvient moins.
[Ii] Publié chez Gallimard en 1960, un an après la sortie du film, le texte de Duras s'autonomise par rapport au film, et peut être examiné comme une œuvre littéraire à part entière. Pour des informations générales sur la genèse de l'ensemble du projet (texte et film), voir DURAS (1997, notamment p. 530-1, 534 et 545) et LEUTRAT (1994, p. 31-7).
[Iii] Le rapport de Glauber au film va bien au-delà de ce qu'Alessandra a exploré dans sa précieuse étude (cf. BRUM, 2009, notamment p. 126-30), dont la valeur ne diminue en rien face à l'approfondissement et aux éventuelles rectifications suggérées ici dans ce cas particulier.
[Iv] Le 1/8/1960, Glauber reçut une lettre de Nelson Pereira dos Santos avec un long paragraphe sur le film, qui était censé susciter la polémique à Rio, mais dont Nelson souligna avec un vif enthousiasme l'importance et les contributions formelles, dans des termes qui informèrent probablement le ami lecteur ultérieur de Bahia (cf. ROCHA, 1997, p. 121-2). Il serait intéressant d'examiner de près quels textes ont initialement guidé la vision d'Hiroshima de Glauber (par Paulo Emilio Salles Gomes ? José Lino Grünewald ? Moniz Vianna ?), mais un tel examen nécessiterait une autre étude, pour laquelle la thèse d'Alessandra Brum serait un point de départ incontournable. indiquer.
[V] Plus que cela, le Resnais d'Hiroshima aurait été, comme le suggère Glauber dans un essai programmatique sur Eisenstein, le seul cinéaste moderne à tirer profit du fondement de sa théorie dialectique du montage, selon laquelle un photogramme (Thèse) ne gagnerait son sens (sa synthèse) dans la collision avec un autre cadre opposé (antithèse) (cf. ROCHA, [1960a] 2019, p. 175).
[Vi] « Le cinéma est entré dans une crise de forme et, à part des avancées brillantes et réformistes comme Hiroshima mon amour, d'Alain Resnais, nous n'avons pas d'autre voie que de rechercher l'humanité comme fondement du film ». (ROCHA, [1960d] 2006a, p. 133)
[Vii] « Je n'ai pas encore vu Hiroshima, mais je sais déjà, par exemple, qu'il y a des dialogues de Marguerite Duras – la pire littérature, selon les commentaires. Même si Hiroshima est une révolution, je pense que le cinéma doit être repensé » (ROCHA, [1960c] 2019, p. 194).
[Viii] « La nouvelle vague est un mouvement de jeunesse que moi, en tant que jeune, je déteste. Il imite mal l'ancien, n'a pas le courage moral de rompre avec l'ancienne forme de cinéma, et fait de la mauvaise littérature. Même à Hiroshima, meu amor, où les dialogues de Marguerite Duras étranglent le spectateur à cause de la mauvaise littérature dont ils disposent » (ROCHA, [1960b] 2019, p. 154).
[Ix] Dans le livre fructueux (mais pas toujours soigné) de BORGES, CAMPOS E AISENGART, en plus de figurer avec la date changée par celle d'un autre texte rédigé sans équivoque par Glauber, cette note qu'il n'a jamais signée lui est attribuée sans aucune clause de réserve ( 2008 , p. 33). Corrigeant l'erreur de datation, BRUM continue cependant, approuvant sans plus tarder cette attribution douteuse (2009, p. 126-7).
[X] Fait intéressant, ce deuxième article de Glauber consacré à Hiroshima est passé inaperçu à la fois de BORGES, CAMPOS ET AISENGART (2008) et de BRUM (2009), ce qui a limité leurs dossiers respectifs.
[xi] « Deux cinéastes français que je suis de près : Resnais et Jacques Rivette » (ROCHA, [1969b] 2004, p. 153).
[xii] Souvent aux côtés de Godard et Truffaut (cf. ROCHA, [1963b] 2006a, p. 173 ; [1966a] 2006a, p. 186 ; [1969a] 2004, p. 174 ; 1997, p. 194).
[xiii] Dans des déclarations qui le citent avec Antonioni (« Je pense que la grande importance d'Antonioni et de Resnais sont les images finales de l'ancien monde – images abstraites, hommes sans âmes, gestes liquidés, espaces qui bougent et se perdent dans le temps éternellement en circuit », ROCHA, [1962b] 2006a, p. 253 ; « dans deux ans, quand les boçais seront dans le métier, on fera déjà des films aussi importants qu'ils le sont aujourd'hui en France par Resnais et Antonioni », (ROCHA , [1963a] 1997 , p. 194), ou dans des énumérations plus larges incluant également Bergman, Buñuel, Fellini, les Français, etc. (cf. ROCHA, 1963c, p. 35 et 40 ; [1964a] 2004, p. 61 ; [1964b] 2019, p.144 ; [1977] 2006a, p.273).
[Xiv] Ainsi, le traitement du temps dans le cinéma argentin est critiqué comme « pré-resnaisien » (cf. ROCHA, [1967b] 2004, p. 105), et ses rêveries esthétisantes se cacheraient, « dans les imitations de Bergman, Antonioni et Resnais, le drame du peuple, le drame de la pampa, le drame des Martins Hierros de la vyda dont le représentant était Che… » (ROCHA, [1978] 2004, p. 368) ; L'utilisation par Lang dans M du son d'une image sur une autre image sans son anticipe Resnais (cf. ROCHA, [1968b] 2006a, p. 47) ; le montage d'un film intitulé Consciences achetées par un certain Timothy Anger rappellerait indirectement L'année dernière à Marienbad (cf. ROCHA, [1970] 2006a, p. 147).
[xv] Le style de Le prêtre et la jeune fille (Joaquim Pedro, 1965) l'inscrirait dans une lignée des grands cinéastes intimistes, parmi lesquels Dreyer, Bresson, Resnais et Bergman (ROCHA, [1966] 2004,
- 82), qui selon un texte ultérieur aiderait Joaquim à filtrer son identification à Nelson Pereira dos Santos (ROCHA, [1980b] 2004, p. 445). Des échos de Resnais et de son Hiroshima seront également présents dans Memórias de Helena (1969), le premier long métrage de David Neves (ROCHA, [1980a] 2004, p. 407). Quant à Mauro, le montage de Ganga Bruta préfigurerait ou ferait penser au spectateur moderne le « rythme spéculatif d'un Resnais » (ROCHA, 1963c, p. 53).
[Xvi] Comme dans le texte où Glauber inclut Hiroshima dans la liste des « grandes pièces littéraires illustrées à l'image » qui ne méritent pourtant pas son adhésion : « J'espère qu'on ne considère pas les bons films comme de bonnes factures commerciales de cinéma : les meilleur Hitchcock ou de grandes pièces littéraires illustrées dans l'image, comme c'est le cas de Fellini et Bergman (dont la propre littérature, en raison de son caractère hybride, est douteuse) et, dans une certaine mesure, Hiroshima mon amour. Quand je dis bien, je ne nie pas ces films, mais je demande simplement si ce sont vraiment des films » (ROCHA, [1961b] 2004, p. 47-8).
[xvii] Ismail Xavier (cf. 2006, p. 19-20) commente, avec sa lucidité habituelle, les raisons du privilège accordé par Glauber au film de Visconti sur celui de Resnais.
[xviii] Dans un article de 1980, une déclaration provocatrice de Glauber esquisse un canon encore plus renouvelé : « à l'exception de Godard, des Argentins Fernando Solanas et Fernando Birri, du Yankee Robert Kramer, des Allemands Werner Schroeter et Hans Jürgen Syberberg, le cinéma novo Brazyleyro, le Soviétique Andrey Tarkovsky, le Cubain Tomaz Gutiérrez Alea, l'Espagnol Carlos Saura, l'Italien Carmelo Bene et très peu d'autres cinéastes, tout ce qui se produit aujourd'hui au cinéma est un déchet théâtral romantique » (ROCHA, 1980a, p. 51).
[xix] Je n'ai pas réussi à faire des recherches exhaustives sur les textes publiés par Glauber à l'époque, et les inédits alourdiraient fortement la tâche. En tout cas, plutôt que d'examiner l'ensemble de ses écrits, il importe ici de souligner la nette tendance de Glauber à prendre ses distances avec Resnais.
[xx] Fait intéressant, et contrairement à ses autres exégètes, Walter da Silveira (1965, p. 180) suggère que le travail sur l'oralité dans Deus e o diabo s'inspire des expérimentations sonores de Resnais dans Nuit et brouillard et Hiroshima mon amour, ce qui ne me semble pas convaincant, tout comme une note de Glauber lui-même semble étrange, selon laquelle il aurait utilisé, dans l'un des blocs du film projeté à Monte Santo, « les procédés de montage dont il disposait – d'Eisenstein à Resnais » (1965, p. 53 , n° 10). A revoir aujourd'hui les séquences en question, à la lumière de ce que l'on sait des films de Resnais, il est difficile d'y déceler la moindre trace du montage du Français.
[Xxi] Ismail Xavier (2006, p. 19) a raison de souligner la convergence de Terra em transe avec Hiroshima dans la relation complexe entre image et son ou espace et temps, et l'on peut ajouter l'importance dans le flux de conscience, mais à mon avis, la proximité s'arrête là. La dramaturgie, le ton et le style de Terra em transe semblent éloignés de Resnais, même celui de La guerre est finie, qui a une problématique plus strictement politique et un protagoniste intellectuel partagé entre la politique et l'amour.
[xxii] Il n'est pas facile d'interpréter une telle décision. Il ne suffirait pas de l'attribuer uniquement à une éventuelle absence de coupures des deux textes dans la collection personnelle de Glauber au moment de son organisation des originaux. En fait, nous ne les trouvons pas dans la liste de ses nombreux articles publiés que Tempo Glauber a vendus au MinC et transférés à la Cinemateca Brasileira déjà dans notre siècle, ce qui suggère que le cinéaste ne les avait pas à portée de main à cette époque. Mais s'il voulait les utiliser ensuite, il ne serait pas difficile de les localiser et de les copier, avec l'aide d'amis, dans des collections à Rio ou à Salvador...
[xxiii] En établissant une édition française de ce livre avec Cyril Béghin en 2006, j'ai eu l'occasion non seulement de pointer d'autres bizarreries, mais aussi d'en corriger certaines (cf. nos « Avant-propos » in ROCHA, 2006b, p. 10 -1, et le résumé de cette édition aux pages 331-3).