humanisme transcendantal

Image : Bryan Lopez Ornelas
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Par JOSÉ CRISÓSTOMO DE SOUZA*

Karl Marx cache-t-il un côté philosophique problématique et non examiné ?

1.

De nos jours, je ne pense pas qu'il soit judicieux de simplement mettre Karl Marx de côté, et encore moins de l'affaiblir et de l'appauvrir pour remédier à ses éventuels problèmes. Le plus intéressant est de voir où se situent ces problèmes, au fond, et comment il est utile de les résoudre, afin de parvenir à une meilleure reconstruction conceptuelle (que celle de Jürgen Habermas, par exemple) et d'en faire un meilleur usage politique.

Dans le cas de Marx, je comprends que ses principaux problèmes sous-jacents résident dans les fondements normatifs et prescriptifs, que je ne vois personne examiner correctement, ni ici ni ailleurs.

Notre livre L'envers de Marx Cet ouvrage traite de cet arrière-plan métaphysique, voire mystico-théologique, de la pensée d'un philosophe politique, sujet qui, à mon avis, est largement méconnu, tant à gauche politique qu'au sein de la gauche académique et culturelle. Cela a eu des conséquences néfastes sur le développement d'une philosophie pratique-critique améliorée et d'une position politique radicale progressiste efficace, non quiétiste, adaptée à notre époque et à notre contexte.

Ce contexte est précisément lié à son humanisme spéculatif et caché, qui constitue pourtant l'élément central de sa pensée. Souvent masqué par une articulation conceptuelle apparemment purement théorique, mais que détermine en réalité cet élément normatif. C'est ainsi que je tente de montrer en détail, lettre par lettre, ses textes les plus explicitement philosophiques, mais pas seulement.

En effet, une analyse plus approfondie révélera la pensée de Marx, jeune ou mature, comme un humanisme dialectique, essentialisé et substantialiste, à la fois impliqué dans des représentationalismes et des dualismes plus complexes. Elle révélera également son fondement philosophique, celui d'un « humain transcendantal », qui nourrit des métaphores critiques ingénieuses et séduisantes, telles que l'aliénation, le fétichisme, la réification, la préhistoire, le royaume de la liberté, etc., qui en réalité n'ont guère de signification politique.

2.

Ne nous laissons cependant pas impressionner par ces termes techniques, ni par un jugement aussi complet sur Karl Marx. À travers les six « conversations » de L'envers de MarxNous avons l'occasion d'observer tout cela de près, de manière compréhensible, en examinant attentivement ce que dit Marx lui-même et comment il le dit, c'est-à-dire en examinant les subtilités cachées de sa pensée. Cela inclut une réflexion sur les références philosophiques qu'il utilise lui-même, sur lesquelles ou contre lesquelles il construit réellement sa pensée.

Ce livre comporte également une inévitable controverse avec certains de ses principaux interprètes, parmi lesquels des classiques comme Louis Althusser, Della Volpe, Adam Schaff ou José Arthur Giannotti, qui se trompent généralement complètement, comme je le montre, sur ce que fait réellement Karl Marx. Au terme de ce voyage, le lecteur tirera ses propres conclusions sur le sujet, en toute connaissance de cause. Ce qui sera, je vous l'assure, philosophiquement et politiquement très instructif, voire formateur.

Quelques « péchés » philosophiques communément attribués à Marx Le déterminisme, le dogmatisme et la téléologie ont accompagné sa canonisation. Parmi ses conséquences politiques les plus controversées figurent le jacobinisme, les problèmes démocratiques, les prétentions au monopole de l'Idéal, etc.

En réalité, dans les circonstances actuelles, de tels péchés peuvent aussi paradoxalement inclure des limitations telles que l'idéalisme, la dissociation de la réalité, l'immobilité, l'engagement dans des relations de tutelle et de dépendance. Enfin, dans leurs déclinaisons les plus récentes, ces limitations peuvent conduire à un pseudo-humanisme moral, mielleux, prétendument anticapitaliste, souvent victimaire ou rétroprimitiviste, éventuellement anarcho-absurde, fréquemment réactionnaire.

Ce sont des problèmes que Marx lui-même – dont la pensée possède de précieux éléments d’affirmation, de force et d’exubérance, ainsi qu’un parti pris matérialiste notable et véritablement pratique, dont il vaut la peine de tirer profit – a essayé de laisser derrière lui, dans les limites de ses références et des circonstances.[I]

3.

Ce sont aussi des problèmes qu’il a fini, après avoir cherché à critiquer chez d’autres philosophes et réformateurs sociaux de son temps, comme je le démontre, par dissimuler et réprimer, au lieu de les éradiquer, dans sa propre pensée, à travers un artifice typique de prétendue traduction empirique.

Le fait est que, même contre sa propre volonté, l'anticapitalisme communiste prétendument matérialiste de Marx, mal compris et examiné sans esprit critique, maintenant dans des circonstances historiques modifiées, se profile encore dans ses dérivés comme un spectre et comme une dégénérescence, comme un retour du refoulé, derrière des modes de pensée qui ne sont pas seulement dogmatiques mais aussi, d'un autre côté, pieux, déprimés, faussement critiques et politiques.

Cela se déroule comme une farce, sous la forme de diverses théories particularistes, de marxismes culturels confus, de post-structuralismes dogmatiques, de politiquement correct alambiqué, d’identitarismes abstraits et même de théologies prétendument émancipatrices et politiques.

Tout cela a à voir avec les changements matériels, sociaux, culturels et autres dans le monde, en dehors du scénario historique et philosophique original de Karl Marx, qui a laissé son humanisme transcendantal sans fondement dans les relations sociales sur lesquelles il comptait, et sans le supposé sujet historique réel, universel et émancipateur qu'il présuppose, précisément pour éviter de tomber dans une prédication idéaliste et moraliste, utopique.

Cependant, les chances de reconstruire avec succès son point de vue pratique et matériel, historique, dans de nouvelles circonstances, en premier lieu nationales, sont très prometteuses. L'envers de Marx Il s’agit, en fin de compte, de savoir comment reconstruire Marx, comment mieux le développer, dans un dialogue critique avec lui, en localisant, en reconnaissant et en surmontant, dans son propre esprit, ses principaux problèmes sous-jacents.

Vers un progressisme matériel, populaire et démocratique, dont nous avons besoin, face aux impasses actuelles de notre gauche et de notre centre-gauche, y compris à l'échelle mondiale. Voici une invitation. Comme l'a plus ou moins dit l'un de nos héros, « nous devons regarder en arrière, peut-être en profondeur, pour mieux avancer ». Sans le dogmatisme et le fondamentalisme de la répétition, ni la dilution des vertus morales qui les masquent souvent.[Ii]

*José Crisóstomo de Souza est professeur au Département de philosophie de l'UFBA. Auteur, entre autres ouvrages, de L'Autre côté de Marx : Conversations philosophiques pour une philosophie d'avenir (Atelier Sciences humaines). [https://amzn.to/3XGbMUn]

notes


[I] À ce sujet, voir par exemple les critiques de Marx à l’encontre du soi-disant « vrai socialisme » par ses anciens partenaires dans L'idéologie allemande, et diverses versions du socialisme/communisme, dans Manifeste communiste, auquel il réserve des adjectifs tels que « réactionnaire » et « conservateur », qui trouvent aujourd’hui, dans d’autres circonstances, de nouveaux développements pieux.

[Ii] Basé sur la « lettre au lecteur », présentant L’intérieur de Marx (Atelier des Sciences Humaines, 2024).


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