Par RONALDO TADEU DE SOUZA*
Proust n'a pas voulu écrire un livre qui se contenterait de décrire le passage des choses qui enchevêtrent la coexistence entre les individus.
« Horizon d'extériorité radicale : excès ; expropriation; un lieu un autre absolu”
(Denise Ferreira da Silva, la dette impayable).
De la fin du tome six au début du tome sept, de Le fugitif sur Le temps retrouvé, respectivement, de À la recherche du temps perdu, le passage suivant apparaît. « — Tout cela va très loin — conclut-il —. Je n'ai jamais pensé à autre chose qu'à Robert depuis que nous nous sommes fiancés. Et, voyez-vous, je n'ai même pas envie de ce caprice d'enfant, c'est ce que je m'en veux le plus... une de ces maisons dont les pièces ressemblent à des tonnelles, et où, sur les murs des pièces, voici les roses du jardin , les oiseaux des arbres là-bas se rapprochaient et nous tenaient compagnie — chacun à son tour —, parce que de vieux papiers les tapissaient, où chaque rose ressortait tellement qu'on pouvait, si elle était vivante, être cueillie, chaque oiseau en cage et apprivoisée, sans aucun des grands décors des chambres d'aujourd'hui, dans lesquelles, sur fond argenté, tous les poiriers de Normandie se dessinent à la japonaise, pour halluciner les heures que nous avons passées au lit, toute la journée où je suis resté au lit. chambre qui donnait sur le feuillage vert du parc et les lilas de l'entrée, les feuilles vertes des grands arbres au bord de l'eau, baignées de soleil, et la forêt de Méséglise. Après tout, je regardais tout ça avec plaisir, parce que je me disais : « c'est beau d'avoir autant de vert dans la fenêtre de ma chambre » jusqu'au moment où, dans le vaste tableau vert, j'ai reconnu, peint à l'envers en bleu foncé, parce qu'il était plus éloigné, le clocher de l'église de Combray, non pas une image de clocher, mais le clocher lui-même, qui, plaçant ainsi sous mes yeux la distance des lieues et des années, était venu, en au milieu de la verdure lumineuse et d'un tout autre ton, si sombre qu'il semblait seulement dessiné, pour s'inscrire sur le diamant de ma fenêtre. Et si je quittais la pièce un instant, au fond du couloir orienté différemment, je voyais, comme une bande écarlate, le revêtement d'une petite pièce, simple mousselines, mais rouge, et prêt à prendre feu si un rayon de soleil le touchait.
Le destin de l'expressivité de cet extrait de Marcel Proust, qui, comme je l'ai dit, réside dans le passage du tome six au tome sept du À la recherche du temps perdu, est dans les images de la vie extatique du narrateur. Le temps ne peut donc être plus que l'instant de l'énoncé de chaque phrase du paragraphe, de l'immanence des métaphores elles-mêmes et du moment de l'articulation des signes. En fait, ce qu'énonce Marcel, c'est la possibilité que la durée des choses qui constituent notre expérience ne soit pas fixée par le cadre extérieur d'un monde non authentique ; des faits d'inconciliabilité avec les modes de vie imposent leurs déterminations.
Notons dans ce qui suit le contenu de sens de la dernière phrase du paragraphe, dans laquelle alternent les éléments « mousseline » et « euh rayon de soleil ». Si bien que la position de finesse inerte du tissu utilisé pour confectionner les vêtements est perturbée par la présence incandescente des artifices de la nature. Cependant, le personnage narrateur propose un jeu d'inversions latentes ; ce qui ne peut pas être engendré par une impulsion humaine, passe au point de la phrase en moments d'appropriation par la force du moi de Marcel, et ce qui est dans l'ordre des expédients (humains) de manipulation devient un objet naturalisé.
Lorsque Marcel Proust fait dire à son protagoniste (qui tisse aussi l'intrigue qui rappelle l'époque qu'il recherche) qu'un rayon de soleil brûle le tissu de la vie (« sur le point de prendre feu si un rayon de soleil le touchait ») de manière telle manière qui imagine dans le sens de la construction la proximité terrestre que pose en soi le personnage de Marcel — sans instituer au préalable des adjectifs, « brillant » et « simple », exprimant tantôt l'afflux de perceptions variées, tantôt le fondamental inamovible — qui est représenté comme quelque chose métamorphosé en ordre fixe et non géré pour les déplacements interactifs, mais prêt à éclater en raison du débordement du soi, il voulait que son roman soit lu comme des sapes de temporalité exubérante de l'altérité en nous.
En effet; la structure de la prose proustienne, grâce aux ressources du narrateur, est transfigurée en articulation immédiate – qui, dans le désespoir de Marcel de la forger à travers l’appréhension du passé à travers la mémoire, inverse et renverse (encore) le signe expérientiel des choses humaines et de la nature.
Dans le paragraphe, la séquence d’élaboration de l’autoloquacité s’étend jusqu’à l’agréable exagération qui parcourt tout le paragraphe. À la recherche du temps perdu. « Je viens de regarder, après tout, avec plaisir tout cela, parce que cela me disait de moi […] ». Le secret de cette phrase réside dans le débordement du soi sur lui-même. Proust n'entendait pas limiter Marcel au subjectivisme bourgeois (témoignage de conventions snobs) ; Tout au long de l'intrigue formulée, des cogitations d'expérience sont infusées – le dire « moi à moi » métamorphose la forme grammaticale-pronominale oblique massive en un lyrisme fasciné par l'expression (même) enthousiaste du narrateur.
Nous ne sommes plus en présence d'un mouvement circulaire qui se replie sur lui-même ; des traces de figures idéales émergent dans la phrase qui se disent d'elles-mêmes comme si elles étaient, et pour Marcel Proust elles étaient..., la réalité dérivée du sens intrinsèque de la composition littéraire elle-même. Or, l’afflux de laïcité qu’« après tout » apporte dans la construction n’est pas fortuit. Certes, le « regarder avec plaisir », qui en tant que tel traduirait l’excitabilité de l’auto-éloge (toujours snobs), fait partie de l’extrait, symbolisant des moments d’enchantement intensifiés par la temporalité de nos sentiments. Dans la progression de ce phrasé proustien, les mots sont des ondulations enflammées qui expriment l'inquiétude existentielle de Marcel.
Le personnage de Marcel Proust, qui se forge dans l'altérité, expression de lui-même, pulsé de poétique. Car il transmue l’unité de la nature en formes historiques de subjectivités. Oiseaux ; des arbres ; feuillage; eau; soleil; forêt; averse (de pluie). Isolés : ce sont des éléments déterminés de manière ordonnée sans vie, configurant des positions de peu d'intuition esthétique. Il n'est pas venu à l'idée de Marcel de s'approprier ces circonstances naturalisées sans manquer de s'y précipiter, réalités enchantées.
Dans l’articulation immanente du paragraphe, toute la constellation poétique du À la recherche du temps perdu; Le jugement qui s'opère à chaque croisement est parsemé d'illusions vivantes : c'est comme si la nature ne se représentait plus elle-même, mais plutôt l'espoir rêveur du narrateur dans le bonheur de lui-même dans l'autre de lui-même. Cependant, Marcel Proust ne parvient à rendre la nature différente d'elle-même que parce que dans l'exécution du roman il y a la postulation indéterminée du langage.
Afin de composer des formes universelles d'essence littéraire articulées avec l'individualité du narrateur qui crée à chaque action élaborée des significations infinies. Ainsi, les oiseaux sont « là dans les arbres » (et non en eux-mêmes) ; les feuilles vertes sont amenées par Marcel à l'angle particulier de la fenêtre de la chambre — « toute la journée je suis resté dans ma chambre qui donnait sur les feuillages verts » — ; l'eau avec un composant chimique avec une destination finale commence à scintiller des particularités structurant le temps en petits instants — tantôt elle est proche des « grands arbres », tantôt elle irradie les « rayons lumineux du soleil » — ; le soleil, toujours affiché dans le cosmos, acquiert, par la vivacité de l'intrigue proustienne, des traits typiques d'une autre présence — les moments « brillant au soleil […] Je ne regardais, après tout, qu'avec plaisir tout cela ». Dans l’effusion poétique de l’extrait, il recouvre les perceptions de soi de la dissolution de tout ce qui est éloigné de la vérité du temps.
Eh bien, Marcel Proust n'a pas voulu écrire un livre qui se contenterait de décrire le passage des choses qui enchevêtrent la coexistence entre les individus (et entre eux) ; le souvenir de soi qui émerge dans son œuvre est la répercussion d'une angoisse de jeter au monde les plus belles particules de subjectivité — le démantèlement de soi dans l'expérience matérielle avait l'espoir authentique d'une reconnaissance, et cela ne pouvait être réalisé qu'avec le expression de soi au cours de l'expérience.
C’est ainsi au cœur de l’entrelacement des scènes que le passage analysé exerce l’artifice sublime de l’expression de soi dans le temps. Il (le passage, le paragraphe), concernant l'organisation formelle du En Burqa du temps perdu, commence le voyage sentimental de Marcel vers le temps qu'il découvre. Philologiquement — Marcel Proust retrace la coexistence passionnée entre louange et fable. Ces deux instances constitutives du noyau du vocabulaire humain sont rappelées par Proust comme des déplacements du soi dans la temporalité. Ce sont des points exubérants auxquels les mots qui conçoivent la genèse, l'ouverture, de Le temps retrouvé ils passent de simples modes d’interaction linguistique entre individus à de soudains torrents d’inspiration.
Marcel avait toujours hâte de trouver cet instant où, dans le même instant de lui-même, il protégerait son flegme compatissant et s'élèverait vers la splendeur enflammée du récit inouï ; louant « l'hôtel particulier de Tansonville », « les poiriers de Normandie », « la forêt de Méséglise », « le clocher de l'église de Combray » — furent des gestes fondateurs d'un caractère emporté par le besoin d'affirmation subjective. Mais le monde de Marcel-e-de-Proust n'affiche de sens littéraire (et esthétique...) que dans le verbiage qui déborde de son identité immédiate — dans le fabulaire.
Ce sont des agencements inventifs, la structure même de l'intrigue est stylisée, suscitée par la contingence du narrateur. Car, à chaque fois qui éclate : ce n'est plus la mousseline, « mais la mousseline rouge », le clocher est à la fois son « image » et « le clocher lui-même » éternisé dans la réalité intérieure de Marcel, et les oiseaux ( concrets et réels) « en cage et domestiqués » ont ainsi été élevés au fil des jours, des heures et des minutes à des représentations appréciables dans la dialectique du devenir-qui-est.
A l'intérieur de la section Marcel déclare, après avoir commenté l'église de Combray ; « plaçant ainsi devant mes yeux la distance des lieues et des années ». Dans la configuration superficielle, c'est sa vie qui est en permanence empêtrée dans le « temps » — et non son temps authentique — naturalisé. Le drame était ici un objet immérité face aux différentes manières dont l'expérience continue à se cacher ; ce qui a le plus tourmenté le personnage de Marcel Proust tout au long de À la recherche du temps perdu c'était sa souffrance de ne pouvoir se détourner des tourbillons dans lesquels le jetaient les circonstances mêmes de son existence dans diverses parties du récit.
Et l'on peut lire l'œuvre de Proust comme l'effort incessant et courageux du sujet pour s'élever avec audace poétique vers les vertus sublimes du temps, comme la récurrence dans laquelle on assiste aux pas angoissants de Marcel et son insistance à les suivre encore exprime cette exigence.
Mais la construction immanente de la phrase fait que les éléments structurants du réel se sont écoulés — « à distance » ; « [les] ligues » ; « les années » — sont, avec la ferveur de la subjectivité moderne, l'urgence que la recherche du bonheur permet aux yeux de soi d'y placer — atteignant parfois l'intangible dans les manières de sentir, telle est la beauté de l'élaboration — le « chaînes du destin » (Walter Benjamin) ; seulement parce qu'il est désespéré de lui-même, fasciné par l'altérité féminine (Mme de Guermantes, Gilberte, Albertine, Andrée, la grand-mère dont on ne connaît pas le nom), enchanté par la beauté qui disparaît, affecté par de brefs instants de plaisir, sans retenue face à la possibilité de tisser une histoire de passion — c'est ce qui a permis au complément de Marcel Proust de symboliser l'invocation-de-qui-il-est. (LE das ding « distance », la das ding les « ligues » et les le ding Les « années » n'étaient plus les mêmes après Marcel, et le désir de reconnaissance qu'il chérissait, après les avoir regardées : elles étaient les devenir de soi expliqué dans l’ensemble de la temporalité. [La référence à « das ding » est le contraste avec le « die sache » que Hegel fait dans la préface de Phénoménologie de l'esprit, c'est l'unité du tout au cours du temps et c'est tout simplement la chose].)
Le cadre multiforme établi par le protagoniste de Marcel Proust est comme un échafaudage précieux qui soutient la trajectoire du soi dans la traversée de l'abîme de l'universalisme de la civilisation bourgeoise (naturalisée). Témoin de moments de vide dans la description fragile de la nature, dans une manière de se sentir enveloppé par les connexions non humaines de notre vie, Marcel a entrevu que le déni de ce monde ne serait obtenu qu'avec un mimétisme véhément.
Il fallait, pour les sens du sujet qui s'autoconforme tout au long des pages du roman, une disposition (allégorique) qui permette au lecteur de percevoir que Marcel, et par là même, tout le récit du livre do opportunité recherché comme manifestation de lui-même, il ne répandait pas d'affections (subjectivistes) lorsqu'il était impacté par les formes d'exposition inerte de la nature — dans les circonstances du croisement des sommets de la reconstruction passionnée de l'existence de l'époque, Marcel Proust faisait démontrer par sa création littéraire que c'est au-delà de nos sensibilités au temps du soi dans l'autre l'espoir de constituer des manières d'être qui ne soient pas soumises à des universalismes acharnés (naturalisés de l'ère bourgeoise).
Les vicissitudes esthétiques et émotionnelles de Marcel, présentes dans le point discuté, sont la vérité appréhendée d'une subjectivité exprimée — et qui s'éloigne d'elle-même — au cours de l'existence, qui n'a jamais accepté le cynisme (elle en est le contre-face). .) à laquelle se rendent Gilberte et Saint-Loup lorsqu'ils se marient dans la prose finale du tome VI, Le fugitif — « Gilberte », première éventualité de l'amour désespéré du moi proustien dans le désir d'accéder au bonheur, « s'était convaincu que le nom du marquis de Saint-Loup était mille fois plus grand que celui d'Orléans ».
Le temps exprimé en lui-même était la rébellion que Marcel Proust voulait nous faire comprendre et cultiver pour vaincre définitivement cette classe. Maintenant, le premier paragraphe de Le temps retrouvé que j'ai analysé, c'est l'anéantissement, l'expropriation absolue pour parler avec Denise Ferreira da Silva, d'une civilisation bourgeoise qui écrase toutes les modalités possibles de reconnaissance de soi dans une liberté non identique, que nous méritons tous, en particulier les/les Françoises* de notre monde.
*Ronaldo Tadeu de Souza Il est titulaire d'un diplôme postdoctoral en sciences politiques de l'USP.
notes
Certaines formulations interprétatives présentes dans le texte sont des stylisations basées sur l'approche de certains auteurs. Parmi eux : Antonio Candido – Réalité et réalisme (via Marcel Proust). Dans: coupes, éd. L'or sur le bleu, 2004 ; Denise Ferreira da Silva – La dette impayable, éd. Atelier d'imagination politique, 2019 [Il existe une édition plus récente de Zahar Editores, 2024] ; Derwent mai – Proust, éd. Fondo de Cultura Económica [Breviários], 2001 ; Hegel – Préface et Introduction. Dans: La phénoménologie de l'esprit (Colonel Les Penseurs), éd. Avril culturel, 1974 ; Robert Pippin – Sur « Devenir qui on est » (et échouer) : les moi problématiques de Proust. Dans: La persistance de la subjectivité : sur les séquelles kantiennes, éd. La Presse de l'Universite de Cambridge, 2005 ; Walter Benjamin – Deux poèmes sur Friedrich Hölderlin, sur le langage en général et sur le langage de l'homme, du destin et du caractère. Dans: Écrits sur le mythe et le langage, éd. Éditeur 34. À propos À la recherche du temps perdu, l'édition est de l'éditeur Globo.
* Françoise, était (et est) l’éternelle « servante » de Marcel, le narrateur de Proust. Elle est le seul personnage du roman à l'accompagner tout au long des plus de deux mille cinq cents pages qui composent le À la recherche du temps perdu.
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