Bien au-delà du spectacle

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Par EUGENIO BUCCI*

Considérations sur la mutation du capitalisme

« Je parle de cette mutation du capital, qui donne aussi au discours du maître son style capitaliste. (Jacques Lacan). [I]

Choisi pour parler du cycle 2004, qui s'appelait Bien au-delà du spectacle, je commence par deux questions qui m'accompagnent depuis ce séminaire il y a 12 ans : (1) serions-nous bien au-delà du Spectacle ou (2) serions-nous encore à court de le dépasser ?

Je réponds « oui » aux deux questions. Nous sommes bien au-delà du Spectacle car le Spectacle, tel qu'il était identifié dans les années 60 par Guy Debord, s'est déjà transformé et a déjà révolutionné ses entrailles et ses antennes à maintes reprises depuis, transformant aussi, au moins un peu, l'humanité elle-même.

Et nous sommes à qui de son dépassement. Nous vivons à l'intérieur d'une sorte de baleine, semblable à celle dans laquelle il emprisonna le vieux Geppetto, le père de Pinocchio. La différence est que notre baleine, maintenant, est super technologique, une baleine numérique, virtuelle et clignotante, connaissant les destinations du monde sans que le monde ne sache rien. Ne la sous-estimons pas. Nous, les humains, sommes plus menacés d'extinction que ce monstre qui nous contient et qui possède l'équipement nécessaire pour survivre à notre forme biologique actuelle.

La mise en place de l'ordre du Spectacle est une saga anti-humaniste qui, pour être racontée, recrute des êtres mythologiques sous de nouvelles formes pour briller dans la science-fiction que nous appelons sans méfiance la réalité. L'humanisme y est supporteur ou simplement perdant. Avec les mutations qui avancent de plus en plus, commençant à être perçues plus clairement déjà au tournant des années 60 à 70 du siècle dernier, la perspective de la dissolution de l'humain, du post-humain ou du trans-humain s'impose La scène.

Pas par hasard, mon épigraphe est une phrase dans laquelle le psychanalyste Jacques Lacan parle de mutation, un terme qui occupera une place centrale dans les préoccupations d'Adauto Novaes lors de la mise en place de sa dernière série de conférences. Relisons Lacan :

« Je parle de cette mutation du capital, qui donne aussi au discours du maître son style capitaliste.

Pour moi, le Spectacle n'a rien fait de plus que réaliser radicalement le « discours capitaliste », comme Lacan nommera plus tard cette « mutation du capital ». [Ii] Le « discours capitaliste » chamboule complètement le schéma de discours que Lacan lui-même avait conçu auparavant, et qui devrait rendre compte des possibilités discursives posées à cette époque.

Avant de rappeler les quatre discours de Lacan, il convient de souligner le poids que le mot « discours » a pour lui. Ce n'est pas quelque chose de banal ou de banal, comme une façon de parler, une école d'éloquence ou un ensemble rhétorique de péroraisons. Dans la prose lacanienne, le discours contient une force plus grande qui agit sur la vie quotidienne avec une efficacité écrasante. Le discours, « dans l'ordre du langage (…), agit comme un rapport social », dit-il.[Iii] Cela signifie que le discours exerce une force structurelle capable de discipliner les paroles qui seront prononcées par les locuteurs, comme s'il s'agissait d'une plante souterraine et invisible générant les signes qui se mettent en mouvement plus tard, par la bouche des locuteurs. Pour Lacan, « toute détermination du sujet, donc de la pensée, dépend du discours ».[Iv]

Lorsqu'il résumait ses quatre discours, tous les quatre très bien structurés, Lacan parlait donc d'un ordonnancement des sujets, plus que d'un ordonnancement des mots.

Passons ensuite à ses quatre discours. Ce sont le « discours du maître », le « discours de l'hystérique », le « discours de l'analyste » et le « discours de l'université » (ou de l'universitaire). N'oublions pas que trois d'entre elles correspondent à trois activités déjà définies par Freud : gouverner, enseigner et analyser. Le « discours du maître » correspondrait à la charge de gouverner. Le « discours de l'analyste », lors de l'analyse. Le « discours de l'université » correspondrait à l'enseignement. Puis, pour son propre compte, à ces trois métiers freudiens, Lacan en ajoute un quatrième, « faire un vœu », qui devient « le discours de l'hystérique ».[V]

Avec ces quatre fonctions qui sont de gouverner, d'enseigner, d'analyser et de faire désirer, les possibilités discursives seraient envisagées. Ils étaient quatre et, étant quatre, ils étaient déjà de bonne taille. Un peu plus tard, Lacan prête attention à cette « mutation capitale », qui donne au « discours du maître » son « style capitaliste » et, dans cette transformation, bouleverse convulsivement les discours antérieurs.

Dans le « discours capitaliste », qui assume la place d'agent, c'est-à-dire de premier énonciateur, c'est le Sujet. Il faut, à ce point, prendre en compte que Lacan ne comprend pas le Sujet comme maître de lui-même, comme acteur conscient, mais comme « Sujet de l'Inconscient », celui qui ne se connaît pas bien. Prenant les rênes du « discours capitaliste », ce « Sujet de l'Inconscient » fait des dégâts généraux.

Le « Sujet de l'Inconscient » est une figure nucléaire du capitalisme. Dans le Spectacle, qui, selon Debord, comme nous le verrons bientôt, est un mode de production qui jaillit du sein du capitalisme et le reconfigure dans chaque millimètre de son extériorité, l'inconscient agit comme l'instance ultime, irréversible, dans un frénésie chaotique et turbulente, dans une anarchie de production poussée à l'extrême. [Vi]

Celui qui nous a introduits à l'inconscient, comme nous le savons bien, n'est pas Lacan, mais Sigmund Freud, porteur de la mauvaise nouvelle que l'ego – ou le « je » – n'était rien de plus qu'une illusion de la conscience. « L'ego, il n'est pas maître même chez lui », disait Freud. La seule chose que l'ego puisse faire est de "se contenter d'informations rares sur ce qui se passe inconsciemment dans son esprit".[Vii] À un autre moment, Freud diagnostiqua : « Les pensées surgissent soudainement, sans savoir d'où elles viennent, ni rien pouvoir faire pour les éloigner. Ces hôtes étranges [dans la maison de l'ego] semblent même être plus puissants que les pensées qui sont sous le commandement de l'ego.[Viii]

Comme l'enseignait mon ancienne enseignante, Jeanne Marie Machado de Freitas, l'inconscient est, par définition, « la négation de ce sujet complet et imaginaire ».[Ix]

Ce n'est que plus tard, reprenant ce que disait Freud, que Lacan a inventé la catégorie du Sujet et élevé le concept d'inconscient à des envolées moins rectilignes. Il a montré que le sujet est en réalité le Sujet de l'Inconscient, la négation du sujet complet, c'est-à-dire imaginairement complet. C'est aussi un sujet divisé. Rien de plus logique. Pour reprendre l'expression des linguistes et aussi des freudiens de notre temps, le langage est le tissu dans lequel "le sujet se constitue", ce qui signifie que le sujet (tout être humain qui communique avec les autres) n'acquiert d'existence que par rapport à ses pairs, par rapport aux autres, quand il reçoit un nom dans la langue et quand il parle (bon ou mauvais, peu importe). Donc, le sujet n'acquiert l'existence que lorsqu'il s'inscrit dans le langage, où il se voit comme une troisième personne, la troisième personne de lui-même, et, dans cette mesure, se voyant comme une troisième personne, il est divisé.

Comme le sujet n'existe que lorsqu'il devient une entité du langage (et un agent du langage), il a toujours été subjugué par le langage ou, comme je préfère dire, assujetti par le langage.[X] Subjugué et soumis, il est un Sujet Partagé entre la représentation et le corps, entre ce qui parle et « l'enregistrement de la jouissance » (enregistrement intraduisible dans le langage), dans une scission qui se cache dans l'inconscient. Dans la Théorie psychanalytique, ce clivage, en plus de diviser, barre le sujet, d'où son nom aussi de Sujet barré – barré par le signifiant (du langage).

Il se trouve que ce n'est pas une conférence sur la psychanalyse, un champ que je ne suis pas autorisé à semer ou à récolter ; Je n'ai pas le « laissez-passer » pour enquêter sur l'inconscient. L'objet de mon discours est le Spectacle. Si je m'attarde plus longuement sur ces domaines, cela tient à la similitude directe entre l'idée psychanalytique du « discours capitaliste » et la manière dont le Spectacle ordonne le langage et s'en empare, ayant ce Sujet en son sein. front commission » de l'Inconscient en apothéose grandissante. Pour cette raison, je pense qu'il est légitime et nécessaire d'invoquer des notions de la psychanalyse pour problématiser les points noirs dans ce que la baleine technologique revendique comme des solutions aveuglantes.

Compte tenu de la configuration du « discours capitaliste », le Sujet de l'Inconscient assume la position d'agent sans rencontrer de barrières, de contraintes ou de contre-pouvoirs. En ordonnant la chaîne des signifiants, le Sujet de l'Inconscient commence à ordonner la production, sous forme d'objets, de signes, de significations culturelles, d'images, de biens et, surtout, sous la forme de tout cela ensemble et à la fois. En retour, dans le schéma imaginé par Lacan, la production bombarde le sujet par l'approvisionnement incessant d'objets, de marchandises et d'images (marchandises projetées dans les images et images qui sont elles-mêmes marchandises). Ces objets l'agressent dans le regard. Les objets générés par l'inconscient – ​​qui sont les objets que l'inconscient ressent, qui lui manquent – ​​lui reviennent sous la forme d'une séduction extérieure, sans mesure et sans contrôle.

Avec cela, le « discours capitaliste » avance errant, délirant, obsédé par l'accumulation sans limite et l'offre de jouissance sans restriction, en volume, intensité et densité croissantes, au bord d'une explosion toujours repoussée. [xi]

Pour résumer ce que nous avons jusqu'ici, je résume en cinq points les repères qui, pour moi, définissent cette « mutation du capital » et comment elle se manifeste dans le « discours capitaliste ».

1) Les objets harcèlent le sujet qui se connaît à peine et pourtant désire et agit en grand connaisseur du monde, comme s'il gouvernait le monde.

2) Le Sujet de l'Inconscient commande le « discours capitaliste », avec l'illusion essentielle d'avoir pleinement accès à la jouissance des choses et des images.

3) L'ordre de l'Imaginaire s'avance sur l'ordre du Symbolique, de telle sorte que là où il y avait interdiction, il y a maintenant son contraire, c'est-à-dire là où le surmoi ordonné « ne jouissez pas ! », le même surmoi, maintenant muté, détermine « enjoy ! ».[xii]

4) Dans le Sujet de l'Inconscient, au sein du « discours capitaliste », le sens du regard préside aux autres sens ; c'est par les yeux qu'il mange, boit et dévore ce qu'il regarde sans voir.

5) Le regard est le point vers lequel convergent tous les objets produits, puisqu'ils existent en tant qu'image. En regardant, le sujet leur donne du sens. Le regard acquiert une fonction active dans la production capitaliste.

discours capitaliste

Maintenant, les points de contact entre « le discours du capitaliste » et le Spectacle peuvent peut-être être vus avec plus de précision. Ce que nous avons dans les cinq points énumérés ci-dessus n'est pas simplement une liste de caractéristiques du « discours capitaliste », mais une définition très exacte du Spectacle. Je peux dire que le « discours capitaliste » de Lacan définit le Spectacle. Ou, moins catégoriquement, je peux postuler que le Spectacle remplit la formule lacanienne du « discours capitaliste ». Tout y est production et circulation de biens – comme d'images – au profit de l'accumulation du capital. Tout y est marché et travail. Fini ce qui était hors de la chaîne de montage et hors du marché.

Le Spectacle inaugure une forme mutante de capitalisme dans laquelle la frontière entre loisir et travail est abolie, comme le loisir est aboli, ne subsistant que comme une illusion imaginaire. Au Salon, du plaisir, plus qu'un "prolongement de travail", comme diraient Adorno et Horkheimer [xiii], est l'œuvre elle-même. Sans exagération, c'est dans le plaisir que se concentre l'activité de travail la plus intense du Salon. Consommer, porter une marque, se parer d'une étiquette, c'est travailler à fabriquer la valeur de marque de la marchandise. Regarder l'image de la marchandise, c'est fabriquer à l'image de la marchandise son sens socialement partagé, doté de valeur d'échange, qui intègre et constitue la marchandise elle-même.

Dans le Spectacle, comme dans le « discours capitaliste », la journée de travail se poursuit dans les activités de consommation et de divertissement : celles-ci n'achètent pas de valeur, elles ne la consomment pas exactement, mais surtout valeur de fabrication. C'est ainsi que le regard, devant une faculté organique, appareil nécessaire à la soi-disant « jouissance scopique », devient travail.

Lacan a même mentionné quelque chose à propos du culte du travail - "Jamais le travail n'a été aussi honoré depuis que l'humanité existe" [Xiv] – mais il ne s'attarde pas sur cette mutation particulière, celle qui transmue le regard en travail. L'inventeur du concept du Spectacle, Guy Debord, ne parlait pas non plus de regarder comme travail. Son livre « La société du spectacle »[xv] est sorti en France en 1967, en même temps donc que Lacan réfléchissait à ses discours et au capitalisme associé à la notion de jouissance (« valeur jouissance »[Xvi], « usage de la jouissance »[xvii]), mais Debord n'évoque pas la thèse selon laquelle le regard a commencé à fonctionner comme travail. Cette thèse, je ne suis moi-même allé la développer que plus tard[xviii], car j'ai pu enregistrer, entre autres indices, que le capital rémunère le regard de la même manière tarifaire qu'il rémunère le travail fongible : au moment où le message est exposé à l'œil acheté sur le marché.

Mais quel est ce regard qui devient œuvre ? De quel air s'agit-il ? Serait-ce la faculté de voir avec le dispositif optique dont la nature nous a doté, simplement cela ? Ou serait-ce l'instance éclairée par les projecteurs de l'imaginaire, l'instance où se déroulent toutes les scènes, où l'être humain cherche à s'installer comme être regardé, en plus d'être « spectateur » ?

Adauto Novaes a organisé un cycle entier appelé "O Olhar", en 1987. Le livre avec les conférences a été publié en 1988 par Companhia das Letras, il y a près de 30 ans. Et aujourd'hui, en 2016, dans ce cycle qui est le nôtre, João Carlos Salles donne une conférence spécifique sur le regard. Moi, en charge du thème du Salon, je ne vais pas changer de créneau, je ne vais pas changer de sujet. Je ne fais qu'une mention concise en cherchant à situer le fil par lequel il est devenu un travail industriellement organisé et industriellement exploité.

Le travail du regard ne pourrait pas être qualifié de travail manuel – mais presque. Il n'y a pas exactement une puissance physique dans l'acte organique de regarder – mais presque. Les anciens Grecs croyaient en la théorie des rayons visuels, qui affirmait que le regard générerait une lumière étrange qui se déposerait sur l'objet vu. La luminosité projetée par les élèves serait très personnelle, à tel point que, assuraient ces Grecs, deux personnes regardant la même chose ne verraient jamais des choses identiques. L'œil de chacun influencerait, au moins en partie, l'image vue. Aristote a écrit un jour que le "rayon visuel" des femmes menstruées laissait une brume de couleur sang sur les miroirs.[xix] Ne pensez pas que ces idées ont disparu dans la poussière du temps. Même aujourd'hui, lorsque nous nous résignons au pouvoir du "mauvais œil", nous sommes par inadvertance adepte des vestiges de la théorie des rayons visuels.

Maintenant, à ce stade, dire que regarder est un travail, ce n'est pas réhabiliter la vieille théorie. Dire que regarder est un travail ne signifie pas que regarder les dépôts importe sur les objets. Ce sont des choses différentes. Ce n'est pas non plus dans cette perspective, celle de réhabiliter la Théorie du Rayon Visuel, que Merleau Ponty parlait du « ciel perçu ou senti, sous-tendu par mon regard qui le parcourt et l'habite, support d'une certaine vibration vitale que mon corps adopte ». ”[xx]. Ce n'est pas dans cette intention qu'il racontait « l'investissement de l'objet par mon regard qui le pénètre, l'anime »[Xxi]. Et pourtant, il écrit, dans toutes ses lettres, que le regard « habite » le ciel et « anime » (verbe qui a le sens de « donner une âme ») les objets.

Donc, même sans adhérer à la Théorie du Rayon Visuel, je rejoins Merleau Ponty pour affirmer qu'il y a une force constitutive dans le regard. Le regard constitue des objets dans la mesure même où il tisse le sens des images en les mettant au point. C'est ainsi que le regard « anime » les objets, les « pénètre » et les « habite ». Non qu'en les constituant en objets regardés, le regard les constitue physiquement, ou au contraire les constitue métaphoriquement : il les constitue au niveau du langage. Il s'agit alors d'objets constitués dans le langage – comme des sujets.

Avec l'avènement du Spectacle, le regard commence à agir sur la construction du langage à une échelle qui n'était pas fixée auparavant, cimentant, le long de parcours ininterrompus, les images en leur sens sur le vaste écran de l'imaginaire. De même qu'un mot n'existe que lorsqu'il devient un mot prononcé par des locuteurs et tombe dans la toile du langage, une image n'existe que lorsqu'elle est « regardée par les spectateurs », s'inscrivant dans la toile imaginaire. Le look ne fonctionne pas seulement comme la double fenêtre ouverte dans la tête des consommateurs pour que les messages y pénètrent et favorisent les effets voulus par les annonceurs de biens, mais fonctionne plutôt comme une partie active – plus que réceptive – de la fabrication. activité du Salon. C'est devant les yeux du public, les yeux de la société, ou, mieux dit, c'est devant le regard social que, dans une joaillerie minutieuse, la fixation des significations des images est cousue dans l'imaginaire.

Loin des yeux de l'humanité, aucune image du Spectacle ne pourra acquérir son sens imaginaire. Il faut acheter les yeux des masses, pour des minutes, ou des heures entières, exactement comme on achète la main-d'œuvre (ici l'analogie est valable), pour que, devant elles, et par leur action, les liens entre signifiants visuel et son sens imaginaire. Sans le regard, le processus n'est pas consommé. Le Spectacle apporte la « mutation capitale » du regard, qui devient la force matérielle (et même la force productive) du répertoire visuel et sémantique de l'imaginaire (imaginaire social), le vaste langage « parlé » par nos yeux. Avec un détail fatal : le Spectacle est ordonné par le Sujet de l'Inconscient à la condition d'agent originaire du discours et à la condition d'opérateur du langage.

Il s'agit d'enregistrer que Lacan réalisait déjà, dans les années 50 du siècle dernier, à contre-courant du sens commun, que le regard était un acte de langage, bien plus qu'un dispositif de captation du « réel ». Quand tout le monde disait que le photographe apportait du « réel » dans l'appareil photo et l'estampait sur le support chimique, Lacan répondait par une idée insolite : le photographe est un travailleur du langage et son équipement appartient à sa subjectivité (et à la « subjectivité » du discours pour lequel il travaille). L'équipement du photographe habiterait l'ordre du langage. Et il avait raison.

"Peut-être que l'appareil photo n'est rien d'autre qu'un appareil subjectif", disait Lacan, "qui habite le même territoire que le sujet, c'est-à-dire celui du langage". [xxii] Aujourd'hui, on peut aller plus loin : regarder c'est projeter, sur l'écran imaginaire, les significations des images qui y transitent comme des signifiants vides.[xxiii]

Ce n'est pas seulement. S'il favorisait une « mutation capitale » du regard, le Salon devait favoriser, par déroulement automatique et par nécessité, la mutation du statut de l'image. Ce qui change dans le regard change aussi dans l'image. La part la plus facilement identifiable de la mutation de l'image réside dans la façon dont elle a été retirée du domaine de l'art, où elle se trouvait depuis la Renaissance, pour être livrée à l'industrie, dans un déplacement qui l'a transformée en fleuron du capitalisme refait en Spectacle.

Francis Wolff, dans sa conférence de 2004 sur le cycle Far Beyond the Spectacle, a souligné cette transition. Il dit qu'au XIVe siècle, l'image était dominée par l'art, dont elle s'est ensuite séparée, au XXe siècle, au profit de l'industrie capitaliste. Jusqu'au XIVe siècle, les images étaient « transparentes », c'est-à-dire qu'elles reliaient directement les yeux du spectateur à la figure représentée dans l'image – de préférence un saint catholique. A cette époque, le croyant regardait une toile mais ne voyait pas la toile : il voyait le saint. La peinture avait le don de devenir invisible (donc transparente). Au XVIe siècle (la datation doit être lue par nous comme un jalon approximatif, histoire de mettre en évidence la mutation là-bas), les images commencent à "se montrer". C'est, selon Wolf, le «moment où les images deviennent artistiques, ou, si vous préférez, le moment où l'art s'empare des images». [xxiv] De là, le spectateur regarde le tableau et voit, sur la toile, le tableau, en plus de la chose, quand elle existe. L'art de peindre échappe à la transparence et devient visible. Vole la scène.

Plus tard, au XXe siècle, selon Francis Wolf, les images rejoignent alors l'industrie des « techniques de reproduction automatique, pure reproduction mécanisée, représentation pour la représentation : photographie, cinéma, télévision, TV couleur, images numériques, et surtout images partout, des images de tout, des images venant de partout, des images pour tout le monde ».[xxv]

Ce à quoi il ajoute lui-même : « Et on finit par se retrouver, mutatis mutandis, dans la même situation qu'avant l'âge de l'art, quand les images étaient faites de manière stéréotypée, avec la seule intention de représenter, avec la même conséquence, le transparence des images et illusion imaginaire. (…) « Car les images sont à nouveau abandonnées à elles-mêmes, à leur propre pouvoir de représentation, et elles créent l'illusion fondamentale de ne pas représenter, de ne pas être des images fabriquées, d'être le simple reflet transparent de ce qu'elles montrent, d'être émanant directement, immédiatement, de ce qu'ils représentent, d'être un pur produit direct de la réalité, comme on croyait autrefois que les dieux qu'ils représentaient émanaient directement ».[xxvi]

De fabrication industrielle, les images simulent toujours un aspect « artistique », comme si elles étaient encore « de l'art », mais redeviennent « transparentes », car elles cachent leur matérialité, qui porte aujourd'hui le poids des normes technologiques et des rapports sociaux. Industriellement, les images pénètrent dans le système des significations et des sens. Le fait est que ce système, même s'il semble n'être qu'un environnement innocemment visuel, constitue un système linguistique dont le fonctionnement correspond au fonctionnement du langage. Pour leur fabrication plastique, les images nécessitent différents types de travail mécanique ou intellectuel, électronique ou manuel, mais, pour leur signification, elles utilisent presque exclusivement le travail du regard, ou le regard comme travail. C'est là, dans la confection de son sens, que l'industrie capitaliste de l'image se concentre avec plus d'emphase.

(À ce stade, j'ai l'occasion, je dirais rare, de montrer pourquoi l'expression « postmodernité », au moins à certaines occasions, devrait être relativisée. d'une surmodernité, comme dirait Marc Augé.[xxvii] Dans la même mesure, nous ne vivons pas dans une ère « post-industrielle », mais dans une ère « super-industrielle ». Typiquement, les relations de production industrielle ne se limitent plus à l'usine, aux champs mécanisés et aux hangars où l'on assemble les voitures ou fondent les pots, mais atteignent les studios de télévision, les sociétés de télémarketing, les cosmétiques, le tourisme, les médicaments, le commerce dans son ensemble - qui, sous la sous couvert de diffusion des biens, met la machine de distribution au service d'une usine mondiale de synthèse des images des biens –, ainsi que de la publicité et de tout ce qu'une idéologie spécifique a l'habitude d'appeler le « secteur des services ». Tout cela, c'est la super-industrie, la super-industrie du divertissement : plus que la postmodernité, la supermodernité.)

La captation de l'image par l'industrie la transforme en marchandise. Le Spectacle peut ainsi être compris comme le mode de production capitaliste dans lequel la forme dominante de la marchandise est sa forme image. Le corps de la marchandise transfère sa matérialité à l'image. Ce qu'on appelait auparavant le « corps » de la marchandise – la chaussure et le cuir de la chaussure, le soda liquide et son contenant, le grain de café, le baril de pétrole, le fuselage de l'automobile et son moteur – acquiert désormais la fonction de support à l'image de la marchandise, conjugaison de sa marque, de son logo et des significations qui lui sont associées (conjugaison fabriquée par le regard).

Le Spectacle, c'est le capitalisme qui a appris à ne fabriquer qu'une image – mais pas n'importe laquelle. Le Spectacle, c'est le capitalisme qui se spécialise dans la fabrication exclusive de l'image qui se substitue au « petit objet a » dont parlait Lacan, l'« objet a » artificiel, qui élève l'ancienne catégorie du fétiche marchand à une altitude qui ne saurait imaginé par Marx. Le Spectacle peut être défini comme le capitalisme finalement converti en usine totalisante du fétiche marchand. Pur fétichisme.

Pour parler un peu plus du fétiche, je reviens à une autre conférence originale de notre cycle 2004, « Bien au-delà du Spectacle ». Maintenant, j'utilise Rodrigo Duarte. Il constate que le fétiche de Marx est déjà altéré, avant même l'avènement du Spectacle noté par Guy Debord, par la dynamique de industrie culture décrite par Adorno et Horkheimer, qui remonte aux années 40.

Rodrigo Duarte dit : "Les auteurs de la "Dialectique des Lumières" [le livre dans lequel se trouve l'essai "Industrie culturelle"] ont compris que, dans le cas de l'industrie culturelle - quelque chose qui, à proprement parler, n'existait pas à l'époque l'époque de Marx – il faudrait ajouter quelque chose à cette description marxienne du fétichisme, puisque dans ce type de produit se trouve renforcé le caractère d'apparence inhérent à la marchandise en général ».[xxviii]

Ces images composent un « texte », un texte visuel avec une parodie de syntaxe qui met en mouvement une chaîne de signifiants visuels. Plus qu'un ensemble d'images, il s'agit ici d'un système de signifiants visuels interconnectés, générateurs de sens multiples. Rodrigo Duarte mentionne également les deux penseurs de Francfort, Adorno et Horkheimer, lorsqu'ils écrivent que « la dialectique révèle plutôt toute image telle qu'elle est écrite ».[xxix] Cette « écriture », j'ajoute, s'imprime sur la page blanche du regard social.

Arrivés à ce point, nous constatons que la « mutation capitale » à laquelle Jacques Lacan faisait allusion touche trois sphères distinctes mais indissociables :

  • la sphère du regard (qui commence à fonctionner comme travail),
  • la sphère de l'image (qui n'appartient plus au domaine de l'art pour être incorporée par l'industrie)
  • et, enfin, la sphère du fétiche (qui occupe, sous la forme de l'image marchande, l'intégralité de la vie sociale).

Mutation

L'utilisation par Lacan du mot « mutation » au tournant des années 1960-1970 préfigure l'idée avec laquelle Adauto Novaes travaillera plus tard, guidant la production intellectuelle de nous tous, au Brésil du XXIe siècle. Il est intéressant de revenir sur la manière dont Adauto conceptualise la mutation. Je le cite : « Avant, on pouvait utiliser le terme de crise pour désigner ce qui appelait une transformation. Les crises – en guise de critique – sont constituées de multiples conceptions qui se font concurrence et qui donnent une valeur dialogique aux sociétés. Par conséquent, ils ont souligné les changements cachés au sein du même processus. Les mutations sont des passages d'un état de choses à un autre. Les transformations sont continues dans les choses et en nous-mêmes. Mais nous ne percevons des mutations que si nous produisons, par la perception et la pensée, une rencontre entre les transformations des choses et les transformations de nous-mêmes.

C'était le sentiment de mutation que nous apportait le Salon : une transformation continue et accélérée des choses (l'industrie, les images, les discours et, enfin, le capitalisme) et de nous-mêmes (notre regard biologique, réduit à un mode de fonctionnement culturel et industriel avec le regard). C'est pourquoi je peux en citer, parmi les mutations dont Adauto Novaes a tant parlé, une autre : le Show.

Spectacle

Si l'on pense alors au Spectacle comme une entité propulsée par le flux des mutations, les thèses aphoristiques que Guy Debord lançait il y a 49 ans dans son chef-d'œuvre, La Société du Spectacle.[xxx] Debord ne parle pas de super-industrie ou d'imagerie super-industrielle, termes qui m'ont toujours semblé plus appropriés. Il ne définit pas non plus le regard comme travail, ce que j'ai déjà souligné ici, pas plus qu'il n'identifie les mutations que l'image a traversées. Ses notes restent cependant à l'ordre du jour, peut-être plus que jamais.

« Tout ce qui a été vécu directement est devenu une représentation », dit-il.[xxxi] "Le Spectacle n'est pas un ensemble d'images, mais une relation sociale entre des personnes, médiatisée par des images."[xxxii]

Il ne s'agit pas d'images et de représentations quelconques. Dans le Salon prédominent les images industrielles – ou industrialisées, sous l'empire de la technoscience – qui représentent finalement, comme nous le verrons, le capital lui-même.

Il vaut la peine d'établir un parallèle entre le concept de Spectacle et le concept d'industrie culturelle d'Adorno et Horkheimer. L'industrie à la diversité émerge comme une industrie à côté et en ligne avec d'autres industries. L'industrie culturelle est au même niveau que l'industrie automobile, l'industrie pétrolière, l'industrie cosmétique, l'industrie pharmaceutique, etc. Par rapport au niveau de culture antérieur, marqué par le travail d'auteur, personnel, artisanal et intellectuel de l'artiste, qui existait en tant qu'entité irremplaçable, l'industrie culturelle introduit un travail fongible. L'œuvre d'art perd son aura tandis que la marchandise gagne son aura synthétique. Tout comme on fabrique des savons, des aspirines, des pneus, on fabrique des chansons rock, on fabrique aussi des films, en plus des vedettes de cinéma, des candidats à la mairie et des « artistes » qui sont stars de la pop. C'est l'industrie culturelle.

Le Show n'est pas ça, ou du moins pas que ça. C'est un autre ordre mondial, une étape en mutation dans laquelle toutes les industries et tous les marchés convergent vers un centre unique. L'industrie pharmaceutique, l'industrie automobile, l'industrie de guerre, ainsi que la guerre, la politique, la science, le terrorisme et les religions, tout converge vers le Spectacle. L'échelle est une autre, complètement différente.

Le rapport social est englouti par le Spectacle. « Il n'est pas possible de faire une opposition abstraite entre le Spectacle et l'activité sociale effective », précise Debord, puisque « la réalité vécue est matériellement envahie par la contemplation du Spectacle et reprend en elle l'ordre spectaculaire auquel elle adhère de manière positive ». ”.[xxxiii] Une femme qui se déshabille devant un miroir fait tourner les rouages ​​imaginaires de l'industrie du divertissement. Un enfant rêvant avant de se coucher du parc d'attractions du dimanche est aussi là. Quand un homme attache ses chaussures, il déplace l'industrie. L'adolescent qui en tue un autre pour prendre une paire de baskets aussi.

Il est providentiel de rappeler qu'au chapitre VI de la Poétique par Aristote, le terme opsis, communément traduit par "spectacle" ou "mise en acte", est ce qui "contient tout : personnage, intrigue, élocution, chant et pensée, également", étant ces parties, "personnage, intrigue, élocution, chant et pensée", l'autre composantes esthétiques de la tragédie.[xxxiv] un péché Poétique, dans lequel les parties de la tragédie ont convergé vers le spectacle, maintenant aussi, dans la "société du Spectacle", les industries, les activités économiques, toute la vie sociale converge vers le Spectacle, c'est-à-dire que le Spectacle est la partie qui contient l'autre pièces. .

De plus, les représentations se confondent avec ce qu'elles représentent. Le capital coïncide avec sa représentation. Debord est sans ambages : « Le Spectacle est un capital à un tel degré d'accumulation qu'il devient une image »[xxxv]. L'auteur poursuit : « Le capital n'est plus le centre invisible qui dirige le mode de production : son accumulation le prolonge à la périphérie sous la forme d'objets sensibles. Toute l'étendue de la société en est le portrait.[xxxvi] La même visibilité oppressante définit la marchandise dans le Spectacle : « c'est le moment où la marchandise occupe complètement la vie sociale. Non seulement le rapport à la marchandise est visible, mais vous ne pouvez rien voir au-delà : le monde que vous voyez est votre monde ».[xxxvii]

Et cela suffit au Spectacle, comme cela suffit au Sujet de l'Inconscient. Debord dit que le Spectacle « ne veut atteindre rien qui ne soit lui-même ».[xxxviii]. Le Spectacle n'est pas un ordre rigide – il ne soutiendrait pas non plus un tel ordre. Au contraire, pour être toujours là, comme le premier, il change toujours.

Dans un autre moment, l'auteur fait écho au passage du Manifeste communiste que j'ai déjà cité ici ("La bourgeoisie ne peut exister qu'à la condition de révolutionner sans cesse les instruments de production") :

« Ce que le Spectacle offre comme perpétuel est fondé sur le changement, et doit changer avec sa base. Le Spectacle est absolument dogmatique et, en même temps, ne peut arriver à aucun dogme solide. Pour lui, rien ne s'arrête ; c'est son état naturel, et pourtant le plus contraire à sa propension.[xxxix]

Exactement comme le capital, puisqu'il é Le Capital, le Spectacle, est le signifiant qui se suffit à lui-même, capable de signifier seul, capable de générer son propre sens.

« La production capitaliste a un espace unifié », écrit Debord, « qui n'est plus limité par les sociétés extérieures ».[xl] Le penseur saisit aussi la suspension du temps : « Le Spectacle, en tant qu'organisation sociale de la paralysie de l'histoire et de la mémoire, de l'abandon de l'histoire qui se construit à partir du temps historique, est la fausse conscience du temps ».[xli]

la fausse conscience

Ici, je m'arrête encore avant de conclure. Je m'arrête pour trouver cette expression étrange : « fausse conscience ». Comme? "La fausse conscience"?

Qu'est-ce que c'est? C'est au XIXe siècle qu'il prend le sens dans lequel Debord l'emploie, désignant une auto-illusion ou une compréhension faussée que le sujet aurait de sa propre condition de classe, ou de sa condition politique. Engels utilise cette même expression dans une lettre de 1893 :

« L'idéologie est un processus opéré par le soi-disant penseur consciemment, avec une fausse conscience, donc. Les véritables intentions qui l'animent lui sont tenues inconnues. Sinon, ce ne sera pas du tout un processus idéologique ».[xlii]

Que Debord associe la compréhension de l'idéologie à cette hypothèse d'une « fausse conscience » est franchement décevant. Par hasard, après Freud, et après Lacan, pourrait-on croire à quelque chose comme une « fausse conscience » ? Existe-t-il une « vraie conscience » ? S'il n'y a pas de conscience qui détient la vérité, comment désigner une conscience plus fausse que les autres ?

Au passage, juste au passage, il vaudrait la peine de récupérer un bref essai qui a fini pratiquement au rebut des bibliothèques des nouveaux marxistes, qui l'accusent d'avoir été exagérément « structuraliste » et schématique. je parle de Appareils idéologiques d'État, de Louis Althusser, sorti en même temps que Debord diagnostiquait le Spectacle. Ce petit livre d'Althusser est également sorti à Paris, en 1970, trois ans après la sortie de La Société du Spectacle. Il y a là un passage beaucoup moins primaire sur l'idéologie, qui sert de contrepoint à la formulation accusatrice, un peu moralisatrice, du partenaire de Karl Marx.

Voici ce que dit Althusser : « L'idéologie est une « représentation » du rapport imaginaire des individus à leurs conditions réelles d'existence.[xliii]

L'idée de la « représentation » d'un lien qui est déjà, dès le départ, une relation imaginaire, ouvre la voie à une réflexion articulée sur l'inconscient et l'idéologie. Bien que moins primitive, l'approche d'Althusser comporte des problèmes supplémentaires. Mais ce qui importe ici, ce ne sont pas les problèmes supplémentaires, mais la prise de conscience que l'idéologie est de l'ordre de la représentation, du langage, et, dès qu'il y a représentation, il y a idéologie. Il n'y a pas de sujet historique sans idéologie. Et c'est bien cela : on ne peut pas dire de cette représentation qu'elle est "fausse" ou "vraie". Elle n'est que cela : la représentation. L'idéologie, si vous voulez un concept, est le ciment qui colle le signifiant au signifié, de telle sorte que le ciment idéologique est inséparable de la vie du langage et de la vie dans le langage. Et c'est juste pour rester avec Althusser.

Ce n'est pas seulement dans la compréhension de l'idéologie que le texte de La Société du Spectacle tombe dans l'anachronisme. Debord semble aussi imaginer que la tactique bolchevique de la Révolution d'Octobre en Russie parviendrait à dissoudre la gigantesque imposture d'images mise en place par le capitalisme spécialisé dans la fabrication et le culte des images.[xliv] Avant tout, il considère l'inconscient comme une déformation. Expressément.

« Le Spectacle est la conservation de inconscience dans le changement pratique des conditions d'existence.[xlv]

L'inconscient reste, chez Debord comme chez la plupart des représentants du marxisme déterministe, un état de léthargie, d'engourdissement, un « manque de conscience ». L'idéologie, la « fausse conscience », est vue comme une « déformation » de la « réalité ». Il n'est pas surprenant que, dans au moins un passage, Debord passe à côté d'une subtile suggestion d'équivalence entre les notions de « je » et de « sujet », ce que Lacan prendrait soin d'enterrer.[xlvi] Enfin, mélancolique, Debord indique que la révolution pour vaincre le Spectacle ne peut venir que d'une victoire de la conscience sur l'inconscient.

Voici son libelle : « La conscience de désir et le désir de conscience sont le même projet qui, sous sa forme négative, veut l'abolition des classes, c'est-à-dire que les ouvriers aient la possession directe de tous les moments de leur activité. Son contraire est la société du Spectacle, dans laquelle la marchandise se contemple dans le monde qu'elle a créé ».[xlvii]

Oui, en effet, c'est comme une marchandise que l'homme regarde la marchandise, mais il n'y a pas moyen de s'attendre à ce que la conscience du désir abolisse les classes. La conscience du désir n'ouvre qu'une voie pour que le sujet prenne conscience de lui-même, ce qui implique qu'au lieu de s'opposer à l'inconscient, la conscience puisse au mieux l'admettre.

Autre exemple du même anachronisme : « Ni l'individu isolé, ni la foule atomisée soumise à la manipulation ne peuvent mener à bien cette "mission historique d'établir la vérité dans le monde", tâche qui incombe encore et toujours à la classe capable d'être la dissolution de toutes les classes en résumant tout le pouvoir dans la forme désaliénante de la démocratie réalisée, le Conseil, dans laquelle la théorie pratique se contrôle et voit son action ».[xlviii] La seule voie envisagée par Debord est celle des « conseils ouvriers », c'est-à-dire des soviets, en chair, en os et en bleu de travail. Sur ce point, en tout cas, il s'est trompé.

Un autre des conférenciers du cycle « Bien au-delà du Spectacle », le troisième dont je parle ici, Anselm Jappe, y touche aussi. Mais maintenant, je cite Anselm Jappe non pas dans sa conférence de 2004, mais dans un article antérieur qu'il a écrit pour le Folha de S. Paul. Il dit que Debord "a dû admettre", en Commentaires, « que le domaine spectaculaire a réussi à se perfectionner et à vaincre tous ses adversaires ».[xlix] C'est déconcertant, certes, mais Debord, avec ses solutions à la prolétariat soviétique, est bien près de nier son propre diagnostic, comme s'il ne se rendait pas compte des mutations qui ont définitivement enterré la tactique léniniste du fait de la perte d'un objet qui s'était transmuté. .

Enfin, toujours dans l'héritage de Debord, on est encore loin du dépassement du Spectacle.

Mais, ayant fait ce disque nécessaire, je le loue à nouveau. Dans le bilan final, je n'ai aucun doute, La Société du Spectacle il a la force d'un témoignage de quelqu'un qui a vu de face le visage du capital comme quelqu'un qui respire le souffle du diable en le regardant dans les yeux, mais qui n'a pas su déchiffrer les mécanismes par lesquels le visage du capital est devenu ce qu'il est. Qu'il a vu l'animal, qu'il a vu. Et, même étant à l'intérieur de la baleine technologique, je savais comment la décrire. Il n'a pas trouvé le dépassement, mais il a laissé des indices. Je ne savais tout simplement pas comment le battre.

Alors quoi?

* Eugène Bucci Il est professeur à l'École des communications et des arts de l'USP. Auteur, entre autres livres, de À propos de l'éthique et de la presse (Compagnie des Lettres).

Initialement publié sur le site ArtThought IMS.

 

notes


[I]Lacan, J. Le Séminaire. Livre 17 : L'envers de la psychanalyse. Rio de Janeiro : Jorge Zahar, 1992. p. 178.

[Ii] Après « L'envers de la psychanalyse », à la Conférence de Milan, en 1972, il expose mieux le « discours capitaliste ». Un an plus tard, dans une interview qu'il accorde à la télévision en 1973, il évoque également le « discours capitaliste ». Cette « leçon » de Lacan, diffusée en prime time à la télévision française, bien qu'incompréhensible pour les téléspectateurs, a été publiée dans le livre Télévision (Rio de Janeiro : Jorge Zahar Ed. 1993).

[Iii] LACAN. Du discours Psycanalytique. Milan : éd. Salamandre. 1978. P. 11.

[Iv] Lacan, J. Le Séminaire. Livre 17 : L'envers de la psychanalyse. Rio de Janeiro : Jorge Zahar, 1992. p. 161.

[V] LACAN, L'Envers, p. 183-184.

[Vi] Anarchique et en permanence désordonné et désorganisé, dans les termes dans lesquels Karl Marx et Friedrich Engels décrivaient le capitalisme, encore très jeune, en 1848, dans le Manifeste communiste: « La bourgeoisie ne peut exister qu'à la condition de révolutionner sans cesse les instruments de production, donc les rapports de production et, avec eux, tous les rapports sociaux. (…) Cette subversion continue de la production, ce bouleversement constant de tout le système société, cette agitation permanente et ce manque de sécurité distinguent l'époque bourgeoise de toutes les précédentes. Tous les rapports sociaux anciens et cristallisés se dissolvent, avec leur cortège de conceptions et d'idées séculairement vénérées, les rapports qui les remplacent vieillissent avant même de s'ossifier. Tout ce qui est solide fond dans l'air."(Le manifeste communiste 150 ans plus tard : Karl Marx, Friedrich Engels. Volume édité par Daniel Aarão Reis Filho. Rio de Janeiro : Contrepoint ; São Paulo : Fondation Perseu Abramo. 1998. P. 11.) On voit dans ce passage que la soi-disant anarchie de la production est inséparable du mode de production capitaliste (qui demeure dans la société du spectacle). On voit aussi que le mythe de la révolution est un mythe bourgeois, quelque chose comme tout changer pour que rien ne change, dont Guy Debord parlera aussi dans La Société du Spectacle.

[Vii] FREUD, S. « Leçon XVIII : Fixation dans les Traumatismes – l'inconscient ». Dans: Œuvres psychologiques complètes de Sigmund Freud : édition standard brésilienne. Rio de Janeiro : Imago, 1996, tome XVI, p. 292.

FREUD, S. « Une difficulté dans la voie de la psychanalyse ». Dans: Œuvres psychologiques complètes de Sigmund Freud : édition standard brésilienne. Rio de Janeiro : Imago, 1996, Tome XVII, p. 151.

[Ix] FREITAS, Jeanne Marie Machado de. Communication et psychanalyse, São Paulo : Escuta, 1992, p. 84.

[X] Voir LACAN, à l'envers (p. 69) : « Quand je dis utilisation du langage, je ne veux pas dire que nous l'utilisons. Nous sommes vos employés. La langue nous emploie. C'est là que ça s'amuse.

[xi] Au cas où le lecteur ressentirait le besoin d'une idée moins précipitée sur ce que représentait la « mutation du capital » qui a transformé le « discours du maître » en « discours du capitaliste », cette note peut être utile. Son seul but est de fournir les premiers indices d'une conceptualisation qui, pour aller plus loin, nécessite un approfondissement complexe dans une bibliographie quelque peu hostile. J'essaierai de le faire sans faire trop de concessions à la langue initiatique de Jacques Lacan et de ses disciples, dialecte presque indéchiffrable, même pour eux-mêmes. Le but de cette note de bas de page est de fournir des éclaircissements préliminaires seulement. Il n'est pas question ici de rendre compte de la théorie lacanienne du discours.

Les quatre discours de Lacan sont exposés dans Le séminaire, tome 17 : l'envers de la psychanalyse (Rio de Janeiro : Jorge Zahar, 1992). Ce sont les quatre variations possibles (il les appelle « permutations ») d'une structure générale très schématique. Tout discours, selon Lacan, se placerait selon l'agencement ordonné de quatre fonctions : la fonction du agent (qui fait office de premier énonciateur du discours), la fonction du Autre (la personne à qui s'adresse le discours, mais qui aussi le reproduit, l'organise et influence le agent), la fonction de produção (ce que le discours fabrique, ce qu'il engendre comme activité productive) et la fonction de vérité (sur laquelle l'agent s'enracine). Lacan a arrangé ces quatre fonctions dans une formule (Lacan appelait ses représentations graphiques "mathemas") comme dans une simple "règle de trois" que l'on connaît dans les cours de mathématiques :

 

agent autre

_______ __________   

 

production de vérité

 

A partir de cette structure générale, le psychanalyste français a créé ses quatre discours. Dans chacun des quatre, chacune des quatre fonctions exerce un élément différent (qui sont aussi quatre au total). Ces quatre éléments (ou quatre "caractères", si vous voulez) sont les suivants : le S1, toi2, le "petit objet 'a'" et le $. Dans chacun des discours, le S1, toi2, le « petit objet 'a' » et le $ occupent successivement les fonctions de agent, du Autre, du produção et vérité.

Avant de détailler chaque discours, essayons de mieux présenter chacun de ces quatre éléments (ou « personnages »).

OS1 c'est le Un Significatif, ou Premier Significatif. Il est encore appelé le Signifiant-Maître, le Maître ou le Seigneur. Pour que nous laïcs comprenions, je dis que le S1 il est généralement associé au "Père", ou au "Nom du Père" (et au "Phallus"). TOI1 est le S1 car il commande le reste. Elle a la force d'établir une division entre le tabou et le totem, entre ce qui est interdit et ce qui est autorisé. TOI1 établit le point de départ de la chaîne de signifiants qui la suit.

A cette chaîne de signifiants (qui suit le S1) est appelé Significatif Deux, ou simplement S2. « Un S significatif2 représente un S significatif1 refoulé et S2 le remplace », lit-on dans le Dictionnaire encyclopédique de la psychanalyse : l'héritage de Freud et de Lacan, édité par Pierre Kaufann (Rio de Janeiro : Jorge Zahar Editor, 1996, p. 473). On pourrait dire, de manière un peu approximative, que dans S2 il y a la face visible du signifiant : la culture, la langue parlée, le texte de la loi, en plus des différentes formes de travail et de socialisation, car c'est le S2 qui mène à produção (production de sens, production de sens et aussi d'objets). A tel point que Lacan associe le S2 à la « Connaissance », au sens de se référer au « savoir faire » (c'est le « savoir faire » de l'esclave, qui produit ce que le Seigneur ordonne de produire).

Le troisième élément, Lacan l'a appelé "petit objet 'a'", ou, simplement, un petit "a". Ce « a » vient de « autre » (« autre » en français). Il s'agit de l'objet – quelque chose proche de ce qu'on appelle habituellement, dans le langage courant, « l'objet du désir ». Quand le sujet désire (et il désire tout le temps), c'est ce « petit objet 'a' » qu'il désire – et il le désire parce que justement ce « a » lui manque. Le sujet, celui qui lui manque, va alors chercher des substituts au « a » qui lui manque. Le substitut pourrait être le talon d'une chaussure rouge de femme, ce pourrait être une voiture, ce pourrait être une ceinture présidentielle. Le sujet dévore ces substituts (substituts du « petit objet 'a' ») puis jette le résidu – qui, à son tour, servira de « petit objet a » à un autre sujet. Le sujet est capable de tuer pour s'approprier son « petit objet a ». Il est susceptible de mourir s'il ne trouve pas ses remplaçants. Vous ne le savez tout simplement pas.

On arrive alors au quatrième figurant de la file d'attente, le Sujet, celui qui désire sans vraiment savoir ce qu'il désire. Nous avons déjà vu que le Sujet se constitue dans le langage. Nous avons aussi vu que le sujet est « barré » dans le langage. Il est le Sujet Divisé, le Sujet Barré (barré, plus précisément, par le S1) ou le Sujet de l'Inconscient. (Il y a différents marquages ​​pour ces concepts, mais ici, pour les besoins du raisonnement pour identifier le Sujet de l'Inconscient comme agent du Spectacle, nous pouvons les regrouper en un seul pôle.) Pour le symboliser, tout comme il symbolisait S1 et S2, Lacan a choisi un signe semblable au signe dollar : le « S », pour Sujet, avec une barre verticale qui le traverse de haut en bas : $.

Barré, $ errera à travers le monde, à travers la forêt du langage, à travers l'océan du langage, à travers le désert du langage, à travers le vide du langage, comme un être errant. Il se promène comme un signifiant brisé se montrant à d'autres signifiants brisés (d'autres sujets, d'autres objets, d'autres biens, des catégories qui se superposent).

Eh bien. Après avoir présenté les éléments (ou personnages), nous arrivons aux quatre discours. Dans le premier, le « discours du maître », qui a l'initiative, qui tient lieu de agent, est le S1. À la place de Autre est le S2, qui indique que Significatif Un déclenche Significatif 2. En dessous de Significatif Un, en fonction de vérité, reste le Sujet Divisé, le $. sous le S2, le "a", à la place de produção. L'impression qui reste est que, dans le « discours du maître », les choses semblent être dans une sorte d'ordre naturel. Le premier agent, à l'origine de tout le reste, est exactement S1, le premier signifiant.

 Après le « discours du maître », qui est le premier de la liste, Lacan promeut une rotation dans le sens des aiguilles d'une montre qui fait tourner les quatre éléments d'un quart de tour (comme s'ils avaient fait 15 minutes au compteur). Chacun d'eux avance d'une case (toujours dans le sens des aiguilles d'une montre). Puis, faisant tourner les quatre éléments dans un intervalle d'un quart de tour, nous avons le second discours, appelé par Lacan « discours de l'hystérique ». Dans cette seconde, la fonction d'initiation du vecteur discursif n'appartient plus à S1, mais au Sujet Divisé, celui qui ne se connaît pas et connaît à peine son propre désir. Un détail particulièrement troublant dans « le discours de l'hystérique » est que le désir de l'hystérique s'adresse au Signifiant (qui va à la place du Autre), comme pour dire que tout ce que l'hystérique veut, c'est un maître qui lui dit quoi faire. (LACAN, Jacques. Le séminaire, tome 17 : l'envers de la psychanalyse. Rio de Janeiro : Jorge Zahar, 1992, p. 136.)

Dans la troisième parole (encore un quart de tour), qui est la « parole de l'analyste », le « petit objet a », monte à la première position, et s'adresse au Sujet Divisé (qui va à la position juste à droite, le poste réservé pour Autre). Avec cela, le « discours de l'analyste » réaliserait l'utopie de la clinique psychanalytique : laisser l'objet (qui va à la place du agent) déclencher la parole afin que le Sujet en apprenne un peu sur son propre désir. Enfin, le quatrième discours est le « discours universitaire », dans lequel le Deux Signifiant tient le primat du discours (il prend la place du agent). Le protagoniste, maintenant, est le Sujet de la Science, la primauté scientifique.

C'est après avoir exposé ces quatre-là que Lacan pressentit la « mutation du capital » qui allait mettre en branle le « discours capitaliste ». Dans le « discours capitaliste », il y a une confusion, un gâchis, une inversion absurde. Rappelons-nous que les quatre éléments se succèdent dans des fonctions différentes, mais l'ordre entre eux ne change pas, comme dans une ligne circulaire, comme des enfants jouant avec des roues. La file d'attente est toujours la même : devant le S1 va toujours oo2; devant celui-ci, le "petit objet 'a'" et, enfin, le $. La seule chose qui change est la position de chacun dans les quatre cases de la matrice du discours. C'est là que la "mutation capitalistique" qui génère le "discours capitaliste" subvertit l'ordre entre eux, faisant du $, qui devrait toujours être, en ligne, derrière le S1, dépasser le S1, sans avertissement, sans rien. Ce léger changement bouleverse le schéma. Comme dans le « discours de l'hystérique », dans le « discours du capitaliste », c'est le $ qui assume la position d'agent. Maintenant, cependant, il a dépassé le S1, qui est en dessous du $, comme s'il était monté par $. C'est là que tout, absolument tout, se complique.

[xii] Voir Lacan, J. Le Séminaire, livre 20 : encore plus. Rio de Janeiro: Jorge Zahar Editor, 1982, p. 11 : "Rien n'oblige personne à jouir, sauf le surmoi. Le surmoi, c'est l'impératif de la jouissance – Profitez ! Voir aussi Miller, JA (1997). Sur Kant avec Sade. dans Lacan élucidé. Rio de Janeiro : Jorge Zahar, p. 169. Voir aussi KEHL, Maria Rita. "Imaginer et penser". Dans : NOVAES, Adauto (org.). Réseau imaginaire. São Paulo : Companhia das Letras / Secrétaire Municipal de la Culture, 1991, pp 60-72, p. 66 : « Ici, il convient de rappeler que le surmoi pour Lacan n'est pas seulement celui qui demande : 'ne jouis pas !' [Le surmoi de Freud, c'est-à-dire ce qui représente l'ordre fondé sur le refoulement], mais en même temps ce qui nous impose : 'Profitez !'. (…) La norme qui régit le code du réseau imaginaire n'est autre que l'impératif de jouissance, et dans ce cas, le discours télévisé, investi de l'autorité d'un code social, exige la même chose : jouissance, plénitude, jouissance. ”

[xiii] Adorno, Theodor W. et Horkheimer, Max. « L'industrie culturelle : l'illumination comme mystification des masses », in Adorno et Horkheimer, Dialectique des Lumières, Rio de Janeiro : Jorge Zahar Editeur, 1985 p. 128.

[Xiv] Lacan, J. Le Séminaire. Livre 17 : L'envers de la psychanalyse. Rio de Janeiro: Jorge Zahar, 1992.p. 178.

[xv] DEBORD, Guy. La Société du Spectacle. Rio de Janeiro : Contrepoint, 1997

[Xvi] Consulter les transcriptions du Séminaire XIV de Jacques Lacan, intitulé La logique du fantôme, 1966-1967, séance du 12 avril 1967 et séance du 19 avril de la même année. Sur ce concept, « valeur de jouissance », voir aussi la mention de Jacques Alain Miller : « concilier la valeur de vérité avec la valeur de jouissance est le problème de l'enseignement de Lacan ». Ce passage est dans MILLER, JA. Silet : Les paradoxes de la pulsion, de Freud à Lacan. Rio de Janeiro : J. Zahar, 2005, p. 52.

[xvii] Lacan, J. Le séminaire, livre 7 : l'éthique de la psychanalyse. Rio de Janeiro: Jorge Zahar Editor, 1988, p. 279.

[xviii] Dans ma thèse de doctorat, "Object Television", soutenue à l'ECA-USP, en 2002.

[xix] SIMAAN, Arkan. FONTAINE, Joëlle. L'image du monde - des Babyloniens à Newton. São Paulo : Companhia das Letras, 2003. Pag. 88.

[xx] MERLEAU-Ponty, Maurice. Phénoménologie de la perception. Trans. par Reginaldo di Piero. Rio de Janeiro : Livraria Freitas Bastos SA, 1971, p. 290.

[Xxi]  MERLEAU-Ponty, p. 356-357.

[xxii] En ligneLacan, J. (1996). Le Séminaire, Livre 1 : Les écrits techniques de Freud. Rio de Janeiro : Jorge Zahar, p. 125.

[xxiii] L'origine étymologique de spectacle éclaire un peu ce sens du mot. Il vient du latin Spectaculum, qui signifie « voir, quelque chose à observer visuellement », de Spectare, lié à Specere, qui signifie « voir », de l'indo-européen Spek- (« observer »). Le suffixe « -culum » est généralement attaché aux racines verbales, connotant une idée d'instrumentalité (racine verbale + outil pour…). Comme ça Spectacle serait un objet approprié à regarder, comme habitat, quelque chose de convenable pour habiter et cubique, une chambre se coucher (lat: cubare). J'aime comprendre, à partir de là, que le mot « Spectacle » apporte dans son sens génétique le sens de désigner un attracteur de regard universel, qui prend le regard comme une action – presque comme un travail.

[xxiv] Wolff, François. « Derrière le Spectacle : le pouvoir des images », in : NOVAES, Adauto (org.). Bien au-delà du Salon. São Paulo : Editora Senac, 2005. P. 39.

[xxv] Wolff, F.p. 43.

[xxvi] Wolff, F.p. 43.

[xxvii] AUGE, Marc. Non-lieux : introduction à une anthropologie de la surmodernité. Campinas : Papirus, 1994, p. 33.

[xxviii] DUARTE, Rodrigue. « Valeurs et intérêts à l'ère des images », in : in : NOVAES, Adauto (org.). Bien au-delà du Salon. São Paulo : Editora Senac, 2005. P. 108.

[xxix] DUARTE, Rodrigue. P. 112.

[xxx] Les prochains paragraphes de cette conférence reprendront des extraits de ma thèse de doctorat à l'ECA-USP, en 2002, intitulée « La télévision d'objet : la critique et ses questions de méthode », sous la direction de Dulcília Buitoni.

[xxxi] DEBORD, Guy. La Société du Spectacle. Rio de Janeiro : Contrepoint, 1997, p. 13.

[xxxii] DEBORD, Guy. La Société du Spectacle. Rio de Janeiro : Contrepoint, 1997, p. 14.

[xxxiii] DEBORD, Guy. La Société du Spectacle. Rio de Janeiro : Contrepoint, 1997, p. 15.

[xxxiv] Voir à ce sujet l'article éclairant de Greice Ferreira Drumond Kibuuka, « L'opsis dans la poésie dramatique selon la poétique d'Aristote ». ANNALES DE PHILOSOPHIE CLASSIQUE, vol. 2 nº 3, 2008, ISSN 1982-5323, pages 60-72.  (http://afc.ifcs.ufrj.br/2008/GREICE.pdf).

[xxxv] DEBORD, Guy. La Société du Spectacle. Rio de Janeiro : Contrepoint, 1997, p. 25. (italique de l'auteur)

[xxxvi] DEBORD, Guy. La Société du Spectacle. Rio de Janeiro : Contrepoint, 1997, p. 34.

[xxxvii] DEBORD, Guy. La Société du Spectacle. Rio de Janeiro : Contrepoint, 1997, p. 30. (italique de l'auteur)

[xxxviii] DEBORD, Guy. La Société du Spectacle. Rio de Janeiro : Contrepoint, 1997, p. 17.

[xxxix] DEBORD, Guy. La Société du Spectacle. Rio de Janeiro : Contrepoint, 1997, p. 47.

[xl] DEBORD, Guy. La Société du Spectacle. Rio de Janeiro : Contrepoint, 1997, p. 111.

[xli] DEBORD, Guy. La Société du Spectacle. Rio de Janeiro : Contrepoint, 1997, p. 108.

[xlii] GABEL, Joseph. Fausse conscience [éd. orig. 1962], trad. port., Lisbonne, Guimarães Editores, 1979.

[xliii] ALTHUSSER, Louis. Appareils idéologiques d'État : note sur les Appareils idéologiques d'État (AIE). Rio de Janeiro : Edições Graal, 1985, 2e édition, p. 85. Ironie supplémentaire : c'est Althusser qui a aidé Lacan, à ce tournant des années 60-70, à trouver refuge à l'École Normale Supérieure, la Normale Sup, d'où sortiront les fameux « séminaires ». Le fait est rappelé dans le documentaire Rendez-vous chez Lacan, de Gérard Miller, 2011.

[xliv] Je reviens ici sur quelques observations que j'avais faites dans ma conférence au séminaire "Loin au-delà du Spectacle", en 2004

[xlv] DEBORD, Guy. La Société du Spectacle. Rio de Janeiro : Contrepoint, 1997, p. 21. (nous soulignons)

[xlvi] Voir thèse 52. DEBORD, Guy. La Société du Spectacle. Rio de Janeiro : Contrepoint, 1997, p. 35.

[xlvii] DEBORD, Guy. La Société du Spectacle. Rio de Janeiro : Contrepoint, 1997, p. 35.

[xlviii] DEBORD, Guy. La Société du Spectacle. Rio de Janeiro : Contrepoint, 1997, p. 141. Voir aussi la thèse 117, p. 83. Voir aussi « le sujet prolétarien » et « sa conscience égale à l'organisation pratique » dans la thèse 116, p. 83.

[xlix] JAPPE, Anselme. « L'art de démasquer ». Caerno "Plus!", Folha de S. Paul. 17 août 1997, p. 4.

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10 LES PLUS LUS AU COURS DES 7 DERNIERS JOURS

Pablo Rubén Mariconda (1949-2025)
Par ELIAKIM FERREIRA OLIVEIRA & OTTO CRESPO-SANCHEZ DA ROSA : Hommage au professeur de philosophie des sciences de l'USP récemment décédé
La corrosion de la culture académique
Par MARCIO LUIZ MIOTTO : Les universités brésiliennes sont touchées par l'absence de plus en plus notable d'une culture de lecture et d'études
L'aquifère guarani
Par HERALDO CAMPOS : « Je ne suis pas pauvre, je suis sobre, avec des bagages légers. Je vis avec juste ce qu'il faut pour que les choses ne me volent pas ma liberté. » (Pepe Mujica)
Reconnaissance, domination, autonomie
Par BRÁULIO MARQUES RODRIGUES : L'ironie dialectique du monde universitaire : en débattant avec Hegel, une personne neurodivergente fait l'expérience du déni de reconnaissance et expose comment le capacitisme reproduit la logique du maître et de l'esclave au cœur même de la connaissance philosophique
Lieu périphérique, idées modernes : pommes de terre pour les intellectuels de São Paulo
Par WESLEY SOUSA & GUSTAVO TEIXEIRA : Commentaire sur le livre de Fábio Mascaro Querido
Le gouvernement de Jair Bolsonaro et la question du fascisme
Par LUIZ BERNARDO PERICÁS : Le bolsonarisme n'est pas une idéologie, mais un pacte entre des miliciens, des néo-pentecôtistes et une élite rentière — une dystopie réactionnaire façonnée par le retard brésilien, et non par le modèle de Mussolini ou d'Hitler
La dame, l'arnaqueur et le petit escroc
Par SANDRA BITENCOURT : De la haine numérique aux pasteurs adolescents : comment les controverses autour de Janja, Virgínia Fonseca et Miguel Oliveira révèlent la crise de l'autorité à l'ère des algorithmes
50 ans depuis le massacre contre le PCB
Par MILTON PINHEIRO : Pourquoi le PCB était-il la cible principale de la dictature ? L'histoire effacée de la résistance démocratique et de la lutte pour la justice 50 ans plus tard
L'illusion des marchés du carbone
Par DANIEL L. JEZIORNY : L'erreur qui transforme la biodiversité en marchandise et perpétue l'injustice environnementale, tandis que l'agro-industrie et le capital financier profitent de la crise climatique qu'ils ont contribué à créer
Digressions sur la dette publique
Par LUIZ GONZAGA BELLUZZO et MANFRED BACK : Dette publique américaine et chinoise : deux modèles, deux risques et pourquoi le débat économique dominant ignore les leçons de Marx sur le capital fictif
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