La falaise de Beethoven

Image : Journal des critiques
Whatsapp
Facebook
Twitter
Instagram
Telegram

Par FLO MENEZES*

Lire l'un des articles du livre numérique "Risques liés à la musique : essais - répétitions - tests"

Les découvertes récentes dans le domaine de la médecine génétique liées à la recherche sur le cause de mort de grands compositeurs du passé ont dévoilé ces derniers mois de véritables révélations grandiloquentes dans le monde de la culture musicale.

Dans la lignée de ce qui s'est passé avec les recherches sur la mort de Chopin, dévoiler sa maladie mortelle grâce à l'analyse ADN des restes de son cœur parmi les traces laissées par cet orgue sur les piliers d'une des principales églises de Varsovie, pour lesquelles son cœur a été, suivant son souhait, transplanté de son défunt, de Paris à la capitale polonaise, par sa sœur en 1849, d'éminents chercheurs en médecine génétique ont effectué divers tests sur les traces d'urine de Beethoven laissées sur des restes de ses vêtements et en génétique des résidus de cellules salivaires qui résistaient au temps dans les verres à vin en plomb que le compositeur utilisait pour déguster ses vins – en fait, presque toujours de qualité douteuse, comme en témoignent les rapports de l'époque –, en vue d'en éclaircir les véritables raisons pour son passage.

L'hypothèse selon laquelle Beethoven serait décédé des suites de la détérioration progressive de son organisme due aux méfaits du plomb de ces gobelets et de l'alcool ou, au contraire, qu'il aurait mortellement souffert, comme Schubert et Schumann, en tant que résultat de la syphilis résultant du fait d'avoir (comme les deux autres grands maîtres) fréquenté assidûment des bordels reste ouvert. Cependant, les analyses génétiques, dans leurs stades de recherche actuels, considérablement avancés, ont permis aux chercheurs de mettre en relation les gènes tracés avec la structure cochléaire et avec l'anatomie des oreilles internes et externes de Beethoven, révélant, à la surprise générale, quelque chose de complètement différent et inattendu et qui serait être considérée comme totalement absurde par quiconque osant ne serait-ce qu'une telle hypothèse, en dehors des avancées de la science, encore moins par ses contemporains :

BEETHOVEN N'A JAMAIS ÉTÉ SOURD !!!

La structure cochléaire et anatomique de l'oreille de Beethoven ainsi que son fonctionnement étaient parfaits ! L'hypothèse aujourd'hui soulevée par les scientifiques du Société européenne de recherche scientifique et génétique (European Society for Historical-Genetic Research) de la Communauté européenne, basée à Vienne – hypothèse que je partage, puisque, adolescent, j'ai été touché par le même dilemme auquel nous ferons allusion tout à l'heure et par le même syndrome psychique, doutant viscéralement de la musicalité de la parole, dont la crise profonde a abouti à ma décision d'arrêter de parler (qui, heureusement, n'a pas duré plus d'une journée, car je suis resté, en quelque sorte, encore un être relativement sociable) -, est-ce que Beethoven aurait simulé sa surdité pour, en quelque sorte, lui aussi pouvoir se taire. Cette hypothèse, issue de recherches génétiques, m'a été personnellement confirmée par e-mail par le scientifique en chef de l'équipe autrichienne menant la recherche, le prof. dr. Klaus-Peter Lügner.

Une telle option beethovénienne se serait-elle écoulée de tout sens de nature philosophico-pythagoricienne, dans une abstention existentielle des sons verbaux face à l'ignorance humaine et propre ??? On sait que les prétendants à la secte pythagoricienne ont traversé une longue période de cinq ans de silence (échémythie), au cours de laquelle ils ne prononçaient pas un mot et écoutaient les enseignements du Maître sans voir l'origine des sons, jusqu'à ce qu'ils soient admis au sein de la confrérie divisée entre les mathématiciens (Μαθηματικοι = mathématiques) et le acousmatique (Ακουσματικοι = akousmatikoi), et que cette conduite rituelle d'entendre sans voir se prolongeait dans la pratique de l'acousmatique. Beethoven aurait-il été un compositeur post-pythagoricien révolté, adepte des préceptes de l'acousmatique qui adorait le silence pour bien écouter ??? Si oui, pourquoi avez-vous choisi d'imiter votre surdité ??? Beethoven pourrait-il préfigurer un Wittgenstein qui, en prononçant sa célèbre devise, affirmait que « sur ce dont on n'est pas sûr, mieux vaut se taire » ??? Beethoven, par un renversement d'une telle attitude acousmatique, aurait-il simulé sa déficience auditive pour pouvoir se priver de la parole ???

Or, comme tout l'indique, l'option du silence de Beethoven résultait, voyons, avant tout d'une forte conviction en son propre savoir. musical, expressif, relatif aux sons du Verbe. Si le mot doit être utilisé, qu'il soit de la manière la plus expressive possible, et l'indignation colérique de Beethoven se transforme alors en surdité simulée. Il ne pouvait pas, à cette époque, s'aventurer dans une expansion radicale des mots, dans une amplification temporelle de leurs structures phonologiques – comme je l'ai modestement entrepris avec l'invention de mon formes de prononciation –, puisqu'il faudrait encore une centaine d'années à la phonologie pour naître… Même le génie a les contraintes de son temps. Et Beethoven a fait ce qu'il a pu, payant le prix de sa névrose aiguë !

En réponse à l'attention que m'a adressée le Prof. Lügner, j'ai fait un pas, je crois, important et j'ai adhéré à la recherche de cette Société européenne - qui a été, à ma satisfaction et à mon honneur, acceptée immédiatement et avec enthousiasme par les scientifiques qui coordonnent la recherche que je rapporte ici, dans un esprit pionnier manière, dans notre pays –, ajoutant à la médecine génétique musicologie génétique, et même si ma conviction n'était pas exactement fondée sur l'analyse des manuscrits de son neuvième symphonie, mais plutôt uniquement dans le contenu textuel utilisé dans cette œuvre clé de l'héritage beenthovenien, j'ai émis l'hypothèse qu'une telle simulation beenthovenienne était motivée par sa méfiance envers l'utilisation moins que musicale des mots, telle qu'elle est utilisée par les sociétés bourgeoises.

Profondément sceptique, donc, par rapport à la expression verborum loin du discours standard de la vie quotidienne, Beethoven entendait s'isoler de sa communication verbale avec les gens. Il n'avait d'autre choix que de former une barrière infranchissable entre lui et les autres. Pour ce faire, il a dû faire semblant d'être sourd, accentuer sa neurasthénie aiguë, froncer les sourcils et réduire considérablement le nombre de bains qu'il prenait par mois et, une fois simulant la surdité, se taire. Ainsi, il est devenu incommunicable et malodorant, un être asocial, sauf par sa musique, sublime au point que ses contemporains, cette fois, devant elle, se sont rendus complètement sourds.

L'hypothèse « presque génétique » du point de vue de la musicologie, soulevée par moi et immédiatement acceptée par les scientifiques européens, est corroborée par l'insertion textuelle clairvoyante que Beethoven a faite, dans son neuvième symphonie, d'une phrase rédigé par vous, personnel, précédant le texte du poète Friedrich Schiller qui sert de base à son magnum opus. Car comme on le sait bien, le soliste, voix imposante, grave fait irruption avec le Verbe, dans la dernière partie de l'oeuvre, la texture orchestrale, et avec les paroles suivantes :

Oh amis, pas de tels sons!

Mais chantons des sons plus doux et plus joyeux !

Maintenant, cette phrase d'ouverture - et peu s'en rendent compte - ne fait pas partie de la poésie de Schiller, La Freude, de 1786, choisi par Beethoven pour son neuvième symphonie! Entre ne pas vouloir entendre et être sourd, il y a tout un océan ! Avec l'émergence de cette phrase si nécessiteuse et en même temps si humanitaire, faisant écho aux idées de la récente Révolution française et appelant à fraternité en même temps que pour nouveaux sons, Beethoven a fait, de sa propre main, un dernier appel à la sensibilité humaine pour s'éveiller, réaliser sa dissimulation organique stratégique et prendre conscience du potentiel expressif des sons. Mais plus qu'avec les hommes, Beethoven se sentait comme un frère pour les sons eux-mêmes. Si les sons doivent continuer à être chantés de cette façon, mieux vaut ne pas les écouter.

Bien que mon hypothèse soit basée sur ces preuves accablantes et que, cette fois, elle ait été acceptée par l'équipe de chercheurs européens, j'ai été interrogé par le prof. Lügner et son assistant principal, le prof. dr. Christoph von Possenreißer, directeur du Centre de recherche musicale wissenschaftlichegenetische Forschungen (Centre de recherche musicologique et génétique) de Nordrheinwestfalen, dont le siège est à Bonn, en Allemagne, s'il y avait d'autres preuves dans la partition de Beethoven qui corroboraient mon affirmation, à laquelle j'ai répondu par l'affirmative. La surdité simulée de Beethoven se dévoile par l'effusion de cet appel, haut et clair, à des sons nouveaux, en refus manifeste de son entourage, mais sa stratégie est, effectivement, préalablement renforcée et symptomatiquement entérinée par l'utilisation dans la même œuvre , de façon insistante, Récitatif purement orchestral, exceptionnellement mudo, qui préfigure ce que Félix Mendelssohn commencera à faire avec la chanson deux ans après la mort de Beethoven (donc en 1829) avec son Chansons sans paroles (chansons sans paroles). Si Beethoven a fait entrer la voix dans le genre symphonique, il y a fait taire le Verbe au milieu de son genre le plus typique. Pour ponctuer son détachement du manque d'expression dans l'usage banal des mots, rien n'est plus efficace que de se servir du genre musical qui les utilise au plus près des inflexions verbales banalisées de la parole ordinaire, amputant pourtant précisément le Verbe lui-même : un emblématique Rezitativ ohne Worte, donc.

Figure 1 – Ombre et lumière sur la recherche génétique beethovenienne : ci-dessus, le professeur Klaus-Peter Lügner à 17 ans ; ci-dessous, le professeur Christoph von Possenreißer âgé de 46 ans. Fait intéressant, sur ces photos, les deux chercheurs européens ressemblent à certaines caractéristiques de Beethoven

Autrefois, une telle greffe textuelle de sa propre paternité et un usage aussi inhabituel du récitatif étaient compris par son auditoire – ce qui ne l'était d'ailleurs pas jusqu'à aujourd'hui ! –, Beethoven aurait certainement décidé de jeter à la poubelle de l'histoire, une bonne fois pour toutes, ses appareils contre la surdité, dont il n'utilisait qu'à grand peine pour faire semblant d'être sourd devant cette société insensible à la musicalité générale des sons, que ce soit ceux de la vie quotidienne qui nous touchent, nous entourent, que ce soit des phonèmes qui tissent nos intentions expressives dans la phonologie des mots, sans parler de l'insensibilité généralisée et de la surdité à leur propre musique. En un sens, il a anticipé, avec son numéro, de près de 140 ans ce que fera Luciano Berio lorsqu'il composera, en 1961, Visage, œuvre électroacoustique basée sur les sons vocaux émis par Cathy Berberian et combinés avec des sons électroniques, dans laquelle tout mot connu est presque complètement absent – ​​à l'exception symptomatique du mot mots de passe, justement mots, en italien –, dans une critique, comme le définit si bien le compositeur italien lui-même, de la radio (sur laquelle et pour laquelle l'œuvre a été réalisée), « la plus grande dispensatrice de paroles inutiles ». Inutile – pour l'un comme pour l'autre – parce que mal parlé, prononcé de manière standard, mort du point de vue de l'expression, standardisé par l'étouffement des affects et la lâcheté face à la non-extension expressive, duratif, de leurs sons.

Car c'est à cette assourdissement et assourdissement social que Beethoven répondait par son neuvième symphonie et avec son bluff, se faire, de ses oreilles parfaites, sourd et presque muet, stratégie aujourd'hui dévoilée par la science génétique, avec un petit apport de la musicologie génétique, entreprise par cet être modeste qui écrit ces maigres, pourtant, croyons-nous, frappantes lignes.

* Flo Ménezès est un compositeur, auteur d'une centaine d'œuvres dans divers genres musicaux. Il est le fondateur et directeur du Studio PANaroma de Música Eletroacústica à l'Unesp, où il est professeur de composition électroacoustique.

Référence


Flo Menezes. Risques sur la musique : répétitions – répétitions – examens. São Paulo : Editora Unesp Digital, 2018.

Note


[1] "Ô Freunde, nicht diese Töne ! /Sondern laßt uns angenehmere / anstimmen und freudenvollere ! »

Voir tous les articles de

10 LES PLUS LUS AU COURS DES 7 DERNIERS JOURS

Umberto Eco – la bibliothèque du monde
De CARLOS EDUARDO ARAÚJO : Réflexions sur le film réalisé par Davide Ferrario.
Le complexe Arcadia de la littérature brésilienne
Par LUIS EUSTÁQUIO SOARES : Introduction de l'auteur au livre récemment publié
Chronique de Machado de Assis sur Tiradentes
Par FILIPE DE FREITAS GONÇALVES : Une analyse à la Machado de l’élévation des noms et de la signification républicaine
Le consensus néolibéral
Par GILBERTO MARINGONI : Il y a peu de chances que le gouvernement Lula adopte des bannières clairement de gauche au cours du reste de son mandat, après presque 30 mois d'options économiques néolibérales.
Dialectique et valeur chez Marx et les classiques du marxisme
Par JADIR ANTUNES : Présentation du livre récemment publié de Zaira Vieira
Gilmar Mendes et la « pejotização »
Par JORGE LUIZ SOUTO MAIOR : Le STF déterminera-t-il effectivement la fin du droit du travail et, par conséquent, de la justice du travail ?
L'éditorial d'Estadão
Par CARLOS EDUARDO MARTINS : La principale raison du bourbier idéologique dans lequel nous vivons n'est pas la présence d'une droite brésilienne réactive au changement ni la montée du fascisme, mais la décision de la social-démocratie du PT de s'adapter aux structures du pouvoir.
Incel – corps et capitalisme virtuel
Par FÁTIMA VICENTE et TALES AB´SÁBER : Conférence de Fátima Vicente commentée par Tales Ab´Sáber
Le Brésil, dernier bastion de l’ordre ancien ?
Par CICERO ARAUJO : Le néolibéralisme devient obsolète, mais il parasite (et paralyse) toujours le champ démocratique
Le sens du travail – 25 ans
Par RICARDO ANTUNES : Introduction de l'auteur à la nouvelle édition du livre, récemment parue
Voir tous les articles de

CHERCHER

Recherche

SUJETS

NOUVELLES PUBLICATIONS