Par MANUEL DOMINGOS NETO*
L'idée de « dialogue » annule l'autorité de l'État. Seul le pouvoir politique peut fixer des orientations politiques
Les responsables réagissent mal à l'idée que la Défense nationale soit formulée et conduite par le pouvoir politique. Ils considèrent que les orientations en la matière doivent être le fruit d'un « dialogue » civilo-militaire. De cette manière, ils rejettent le principe de souveraineté populaire qui sous-tend la démocratie moderne. C'est une idée qui rabaisse la Charte et qui est irréalisable.
Au castro ce qui appartient au castro, au politicien ce qui appartient au politique. Le politicien ne doit pas et ne peut pas se mêler de ce qui est intrinsèque à l'entreprise. Une corporation militaire a sa propre manière, qui doit être respectée dans les limites de la loi et selon les dispositions de la Défense nationale. Les ingérences extérieures dans la caserne sont délétères et chimériques : les commandants ne peuvent abdiquer leurs autorités et les corporations n'ouvrent pas leurs boîtes noires sous peine de disparaître. Le castro accumule une expérience millénaire. La plus rafraîchissante des armées comprend Sunt Tzu, Hannibal, César, Napoléon…
L'idée de « dialogue » annule l'autorité de l'État. Seul le pouvoir politique peut établir des orientations politiques. Le rôle d'interlocuteur n'est pas pour le militaire, bien qu'il soit un consultant indispensable pour le politique. L'État doit se qualifier pour établir la politique de défense, ce qui implique de disposer d'un corps professionnel spécialisé, capable de percevoir le point de vue de la caserne sans se laisser abuser par des phrases panégyriques et des intérêts mineurs.
Les généraux, les amiraux et les brigadiers sont limités à la formulation de la Défense nationale car il s'agit d'une politique publique à large spectre. Elle couvre l'ensemble de l'appareil d'Etat et de la société. Il transcende les affaires militaires. Celui qui contrôle la défense, contrôle l'État et tente d'imposer sa volonté à la société. Si l'armée détient les cartes en matière de défense, elle incarne le pouvoir discrétionnaire des rois et des empereurs qui commandaient des troupes montées à cheval.
S'il se consacre à une tâche éminemment politique, le militaire compromettra ses compétences dans le maniement des armes et la préparation des combattants, tout comme le neurochirurgien qui, occupé à planifier la politique de santé publique, perdra ses performances sur la table d'opération. Les exceptions confirment la règle.
Les commandants militaires brésiliens doivent tenir compte des leçons de l'histoire : les entreprises se sont toujours concentrées sur la défense et ont échoué. Ils n'ont pas construit un appareil autonome, mais un système subordonné à la puissance étrangère hégémonique. Ils ont laissé la société sans rapport avec les questions de défense. Malgré l'important volume de ressources publiques mobilisées depuis plus d'un siècle, l'État brésilien reste incapable de dénier son espace territorial, maritime, aérien et cybernétique au challenger préparé.
L'établissement d'une politique publique suppose la confrontation de propositions. Aux mains des militaires, les choix seraient limités par l'unité politique et idéologique des membres de la hiérarchie. Tous sont passés par les mêmes tamis pour gravir les échelons de carrière et, certains plus, d'autres moins, ont été contaminés par la seule pensée appauvrissante. Tous assimilent l'histoire du point de vue des casernes et repoussent les changements sociaux qui affectent les structures organiques et fonctionnelles de leurs corporations.
Les entreprises prospèrent grâce aux rivalités. Ils alimentent de vieilles querelles et se disputent des centimètres de pouvoir dans l'appareil d'État. Dans le cas brésilien, par exemple, ils repoussent l'inévitable : la reconnaissance du chef d'état-major interarmées des forces armées en tant qu'autorité militaire supérieure. Depuis la Révolte de l'Armada, au début du régime républicain, la voix la plus forte est celle du commandant de l'Armée, non parce que sa corporation est plus capable de réagir face à un agresseur étranger, mais parce qu'elle est plus capable de s'imposer en interne.
Les commandants sont constamment en concurrence pour les ressources budgétaires et les postes dans le système de défense. Ainsi, ils compromettent les décisions nécessaires à l'efficacité du système. Le manque d'intégration entraîne des coûts dus à l'imbrication des structures, notamment dans les domaines de l'éducation, de l'assistance médicale et de la production d'armes et d'équipements.
La principale allégeance de l'armée est envers sa société. Les liens de camaraderie sont cultivés dès le début de la carrière et favorisent l'ascension hiérarchique. En ce sens, aucune autre culture d'entreprise n'égale le militaire, qui défend bec et ongles ses institutions, tout en valorisant son savoir-faire.
L'armée est un berceau égoïste. L'infant dit que l'infanterie est la majesté éternelle des lignes de combat. L'artilleur pense que la plus haute valeur d'une nation gronde dans l'âme du canon. L'ingénieur veut que l'ingénierie brille dans la paix ou la guerre. Le chevalier prétend être l'étoile guide sur les horizons sombres. L'aviateur se revendique comme un pionnier audacieux, un chevalier du siècle d'acier. Le marin pense que sa belle galère protège les mers vertes de la patrie à laquelle il pense tant. Les militaires ne sont pas les mieux placés pour prendre des décisions qui affectent directement leurs sociétés et leurs spécialités.
L'égoïsme militaire consacre le civil, mais il est compréhensible et indispensable : l'esprit de corps s'impose aux candidats au geste suprême d'égorger ou de mourir. De là découle la stimulation permanente de la compétition dans les rangs, où chacun cherche à se surpasser et à être le meilleur.
L'égoïsme est compréhensible mais, pour la Défense, il doit être contenu par le représentant de la souveraineté populaire, qui doit savoir écouter et construire des arrangements corporatistes visant l'intégration et l'efficacité de l'ensemble.
L'armée est sacrifiée avec la guerre, mais elle en profite aussi : en rendant service, elle acquiert promotion hiérarchique et gloire. Le besoin de reconnaissance des militaires s'affiche sur la poitrine ornée d'insignes, exploités par les caricaturistes. En tant que bénéficiaire de l'action de guerre, l'armée n'est pas le fonctionnaire désigné pour décider de l'usage de la force. Les militaires doivent être entendus dans l'élaboration de la politique de défense, ainsi que la police dans la mise en place de professionnels de la sécurité publique et de la santé dans la politique de santé.
La mémoire de ceux qui financent les rangs ne fait pas partie de la culture d'entreprise, qu'elle soit civile ou militaire. Le fonctionnaire qui se souvient de qui le soutient, c'est-à-dire de la société, est un exotique. L'armée ne remercie pas les gens pour leurs gains. « Je dois ce que je suis à l'Armée de terre », « Je dois ce que je suis aux FAB », « Je dois ce que je suis à la Marine », sont des expressions courantes dans le milieu militaire.
Il appartient au pouvoir politique de délibérer, sans pression militaire, sur les dépenses militaires. La relation entre les militaires et le parlementaire qui décide des budgets doit être rigoureusement éliminée. La défense ne peut pas être l'otage de la performance des conseillers militaires au parlement et dans l'appareil d'État. Cette tâche devrait être confiée au corps civil du ministère de la Défense.
La défense exige la participation décisive de la société. Ceux qui s'apprêtent à diriger des troupes ne sont pas les plus capables de saisir le jeu d'intérêts qui conduit à l'effusion de sang. La mobilisation de la société pour la Défense est la tâche du politique, pas du militaire.
Le placement de la propagande d'entreprise dans les véhicules de communication doit cesser. Ce type de publicité confond les entreprises avec les partis politiques. Cela ne profite pas du tout à la défense. Lorsque l'armée s'adresse directement à la société, elle se passe de la politique et de l'appareil bureaucratique spécialisé.
Seul le chef de l'Etat est en mesure de diriger la défense. S'il s'abstient, les militaires prennent le contrôle de l'Etat et la société sera soumise au plan d'entreprise.
Si la défense brésilienne persiste sous la dictée des commandants, comme elle l'a toujours fait, elle sera inutile, bornée et vexatoire. La démocratie sera en permanence menacée et la souveraineté restera une chimère.
* Manuel Domingos Neto est un professeur à la retraite de l'UFC, ancien président de l'Association brésilienne des études de défense (ABED) et ancien vice-président du CNPq.
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