L'État-providence au Danemark

Whatsapp
Facebook
Twitter
Instagram
Telegram

Par JOÃO DOS REIS SILVA JUNIOR*

Le modèle danois de protection du travail se présente comme un paradigme d’efficacité normative et sociale, dont la structure combine flexibilité économique et garanties solides pour les travailleurs.

Le scénario de l’après-Seconde Guerre mondiale a représenté un tournant dans la structuration des droits du travail, les États nationaux mettant en œuvre des cadres juridiques pour atténuer les inégalités exacerbées par le conflit. L’Organisation internationale du travail (OIT), créée en 1919, et la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) se sont consolidées comme axes normatifs internationaux, garantissant des préceptes tels que le travail décent, la liberté d’association et une rémunération adéquate (Hepple, 2014).

Ces documents, bien qu’antérieurs à cette période, ont acquis une pertinence renouvelée pour guider les réformes du travail dans des contextes nationaux hétérogènes, comme l’indiquent les analyses sur la relation entre les droits sociaux et la reconstruction économique.

Dans le contexte européen, la restructuration d’après-guerre s’est articulée autour de la promulgation de codes du travail complets, incluant des horaires de travail réglementés, des salaires planchers et la sécurité de l’emploi. Crouch (2015) souligne que l’action syndicale, bien que centrale dans ce processus, variait selon les modèles de gouvernance : en Allemagne, la cogestion d’entreprise prédominait ; en France, intervention directe de l’État ; et au Royaume-Uni, des mécanismes de négociation collective décentralisés. Ces divergences mettent en évidence l’influence des traditions politiques locales dans la formation des droits, même sous des pressions mondiales convergentes.

Aux États-Unis, bien que le New Deal (années 1930) ont établi des bases telles que la négociation collective, la période post-1945 a révélé des contradictions entre l’expansion formelle des droits et la persistance des marginalisations ethniques et de genre. Hepple (2014) soutient que la législation du travail américaine, bien que progressiste en termes de réglementation, se heurte à des limites structurelles dans l’universalisation des protections, reflétant les tensions entre l’égalité juridique et l’inégalité matérielle.

D’un point de vue comparatif, la période a montré des avancées dans l’institutionnalisation des droits, mais avec de profondes asymétries. Comme le suggèrent Hepple (2014) et Crouch (2015), l’efficacité des normes internationales dépend de facteurs tels que la densité des mouvements sociaux, le degré d’institutionnalisation démocratique et la capacité des États à arbitrer les conflits entre capital et travail. Ainsi, des pays comme l’Allemagne et la France sont parvenus à une plus grande harmonisation entre les normes mondiales et les pratiques locales, tandis que d’autres nations ont été confrontées à des écarts entre la théorie et la pratique.

Au Danemark

Le modèle danois de protection du travail se présente comme un paradigme d’efficacité normative et sociale, dont la structure combine flexibilité économique et garanties solides pour les travailleurs. Sa consolidation ne découle pas de contingences historiques isolées, mais d’un processus dialectique entre les acteurs syndicaux, les mouvements sociaux et les institutions étatiques. Comme le souligne Jørgensen (2009), la singularité du cas danois réside dans la symbiose entre des syndicats centralisés et un État régulateur, qui a permis la stabilisation de droits tels que les heures de travail rémunérées, le congé parental et les planchers salariaux équitables, consolidés par la négociation collective tripartite.

L'activité syndicale, organisée dans des centres tels que LO (L'organisation foncière au Danemark), des revendications de travail historiquement articulées avec des stratégies de cohésion sociale, atténuant les conflits capital-travail par le biais de pactes institutionnalisés (Jørgensen, 2009). Dans le même temps, les mouvements sociaux intersectoriels, tels que les mouvements féministes, écologistes et LGBT+, ont influencé la législation du travail, en faisant pression pour des normes anti-discrimination et des environnements de travail inclusifs. Madsen (1999) soutient que la transversalité de ces mouvements a redéfini le concept de « protection » au travail, en l’élargissant au-delà de la sphère économique et en intégrant les dimensions identitaires et écologiques.

Cependant, l’efficacité du modèle n’implique pas une stagnation. Des dynamiques telles que la précarité mondialisée et la digitalisation nécessitent des adaptations continues, comme la régulation des plateformes numériques et la garantie de sécurité pour les travailleurs atypiques. Comme le soulignent Madsen (1999) et Jørgensen (2009), la durabilité du système dépend de la capacité des syndicats à assimiler de nouveaux programmes sans renoncer aux acquis historiques, en équilibrant l’innovation institutionnelle et la préservation des droits.

En bref, le modèle danois se distingue non seulement par ses résultats tangibles, tels que des niveaux élevés de sécurité au travail, mais aussi par sa capacité à intégrer des acteurs hétérogènes dans un projet commun. Cette caractéristique ne l’exempte cependant pas de critiques : les analystes soulignent les risques d’élitisme syndical et de lenteur d’adaptation, des défis qui exigent des révisions constantes pour maintenir sa pertinence dans un scénario mondial en mutation.

Ce modèle n’est pas né par hasard. C’est le résultat d’une longue histoire de luttes et de réalisations de la classe ouvrière danoise, qui a toujours bénéficié du soutien de syndicats forts et actifs. Les syndicats danois, organisés autour de puissantes confédérations syndicales, ont toujours joué un rôle clé dans la défense des droits des travailleurs, en négociant des conventions collectives qui établissent des salaires équitables, des heures de travail rémunérées, des congés payés, des congés de maternité et de paternité, entre autres avantages.

Outre l’action syndicale, les mouvements sociaux de diverses natures ont également joué un rôle important dans la construction du modèle danois de protection du travail. Le mouvement féministe, par exemple, a cédé à des lois garantissant l’égalité des sexes sur le marché du travail, luttant contre la discrimination salariale et d’autres formes d’inégalités. Le mouvement environnemental, à son tour, fait pression pour que des mesures garantissent un environnement de travail sain et sûr pour les travailleurs. Le mouvement LGBTQI+ s’est battu pour des droits qui protègent les travailleurs contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.

Il est important de souligner que le modèle danois de protection du travail est constamment amélioré. La société danoise est toujours attentive aux défis du marché du travail en constante évolution, recherchant des solutions innovantes pour garantir que les droits des travailleurs soient respectés et élargis. L’action syndicale et les mouvements sociaux restent importants pour garantir que le modèle danois continue d’être un exemple pour le monde. Il reste important de veiller à ce que le modèle danois continue d’être un exemple pour le monde.

Le modèle danois de régulation du travail se caractérise par l’absence de législation spécifique ayant un impact symbolique majeur, en contraste avec la robustesse d’un système basé sur des conventions collectives négociées entre syndicats et employeurs. Selon Madsen (2008), cette structure est issue d’un processus historique d’institutionnalisation tripartite, dans lequel la participation continue des acteurs sociaux garantissait l’efficacité de normes flexibles, mais contraignantes. Ces accords, qui ont force de loi, réglementent tout, depuis les horaires de travail et les congés payés jusqu’aux paramètres de sécurité au travail, consolidant ainsi un équilibre entre l’autonomie collective et l’intervention indirecte de l’État.

L’égalité des sexes sur le marché du travail, bien qu’elle ne soit pas réglementée par des lois spécifiques de mobilisation de masse, résulte des pressions systémiques exercées par les mouvements féministes et les mécanismes de surveillance sociale. Madsen (2008) souligne que l’absence de cadres juridiques monumentaux n’implique pas une fragilité normative, mais reflète une culture politique qui privilégie la négociation continue par rapport à la liturgie législative. Cette dynamique s’étend à la sécurité au travail, dont les normes rigoureuses découlent moins de décrets obligatoires que de la capacité des syndicats à intégrer les revendications techniques dans les négociations sectorielles.

L’État-providence danois, souvent idéalisé comme paradigme, repose sur cette symbiose entre flexibilité institutionnelle et garanties sociales. Cependant, sa stabilité dépend du maintien de niveaux élevés de syndicalisation (environ 67 % de la population active) et d’un consensus politique autour de la protection sociale comme axe de cohésion nationale (Madsen, 2008). Les critiques soulignent cependant que ce modèle est confronté à des risques croissants face à la mondialisation productive et à la montée des formes atypiques d’emploi, qui remettent en cause l’adaptabilité des mécanismes traditionnels de gouvernance du travail.

Le modèle danois de « flexicurité », souvent idéalisé comme un paradigme d’équilibre entre protection sociale et adaptabilité économique, est confronté à des contradictions inhérentes à la persistance de formes d’emploi atypiques. Selon Madsen (2008), la coexistence du travail précaire et temporaire dans des secteurs spécifiques – tels que les services peu qualifiés et les contrats saisonniers – révèle des fissures dans un système historiquement ancré dans les droits universels. De telles modalités, bien que statistiquement marginalisées, remettent en question le récit de l’homogénéité du travail, en exposant les tensions entre la régulation tripartite et les pressions mondiales en faveur de la déréglementation (Juul ; Jørgensen, 2014).

Le travail précaire, défini par un salaire inférieur à la moyenne, une instabilité contractuelle et un manque d’avantages sociaux, se concentre dans des niches telles que l’hôtellerie et l’agriculture saisonnière. Malgré l’existence de salaires minimums sectoriels et de conventions collectives, leur persistance découle de facteurs structurels, notamment l’externalisation des activités non essentielles et la demande de main-d’œuvre flexible dans les secteurs cycliques (Madsen, 2008).

Le travail temporaire, réglementé par la loi sur l’emploi à durée déterminée (2005), garantit des droits fondamentaux, tels que les congés payés, mais perpétue les insécurités liées à la déconnexion des filets de sécurité à long terme, comme le critiquent Juul et Jørgensen (2014).

La dualité de ce scénario, faibles inégalités sociales versus précarité sectorielle, reflète un processus dialectique entre innovations institutionnelles et externalités du capitalisme mondialisé. Alors que les syndicats, comme la Centrale syndicale danoise (LO), poussent à l’extension des conventions collectives aux secteurs précaires, les analystes mettent en garde contre le risque d’érosion du modèle face à l’essor des plateformes numériques et à la pression de la compétitivité internationale (Juul ; Jørgensen, 2014). Dans ce contexte, la « flexicurité » danoise oscille entre sa vocation universaliste et la nécessité de s’adapter à des réalités de travail fragmentées.

Réseau de protection sociale

Le réseau de protection sociale danois, consolidé tout au long du XXe siècle, est un modèle hybride d’intervention de l’État et de négociation collective, dont l’efficacité découle de la symbiose entre des syndicats robustes, des politiques publiques redistributives et un consensus politique autour de l’universalité des droits. Selon Esping-Andersen (2016), le Danemark illustre la l'État providence social-démocrate, caractérisé par l’articulation entre marchés du travail réglementés, niveaux élevés de démarchandisation et garanties d’équité par le biais d’une fiscalité progressive. Dans ce modèle, les syndicats ne négocient pas seulement les salaires et les conditions de travail, mais agissent également comme acteurs stratégiques en étendant les protections aux travailleurs précaires, en faisant pression pour des clauses inclusives dans les accords sectoriels.

L’État, à son tour, complète cette dynamique avec des programmes tels que Flexibilité, qui combine flexibilité contractuelle et sécurité grâce à une assurance chômage généreuse et à des politiques actives de requalification (Esping-Andersen, 2016). Cette approche a partiellement atténué l’expansion des formes atypiques d’emploi, même si des secteurs comme les services domestiques et la logistique affichent des taux croissants de contrats temporaires. Les organisations de la société civile, à leur tour, fonctionnent comme des filets de sécurité tertiaires, offrant un soutien juridique aux groupes marginalisés – immigrants, jeunes et travailleurs des plateformes numériques – dont les demandes ne sont pas toujours absorbées par les mécanismes de négociation traditionnels.

L’historicité de ce système révèle une trajectoire non linéaire. Si dans les années 1960-1970 l'expansion de l'État providence Coïncidant avec l’universalisation des droits, les années 1990 ont apporté une pression pour s’adapter à la logique néolibérale, comme la flexibilisation des contrats et l’externalisation des services publics. Cependant, la résistance des syndicats et le maintien de taux de syndicalisation élevés (supérieurs à 65 %) ont préservé le cœur du modèle, évitant l’érosion observée dans d’autres contextes européens.

Défendre l’emploi précaire, dans ce scénario, représenterait une rupture avec le principe de solidarité organique qui sous-tend le pacte social danois. Comme le souligne Esping-Andersen (2016), la résilience du système dépend de la capacité à équilibrer l’innovation institutionnelle et la préservation des droits, un défi qui s’intensifie face à l’automatisation et à la mondialisation productive.

Esping-Andersen (2016) fait remarquer que la transition d’une économie agraire-industrielle du XIXe siècle – caractérisée par des horaires de travail épuisants, l’absence de limites de travail et une précarité généralisée – vers un système de protection robuste reflète la capacité d’articulation entre les syndicats, l’État et les employeurs. Ce modèle, ancré dans l’« Accord de septembre » de 1899, a institutionnalisé la négociation collective comme mécanisme de régulation central, remplaçant les conflits de classe par des pactes qui équilibraient la flexibilité économique et les droits sociaux.

Dans la période pré-l'État providenceLes conditions de travail au Danemark correspondaient aux réalités européennes du capitalisme industriel émergent : journées de travail de 14 à 16 heures, manque de protection contre les accidents et exploitation du travail des enfants. L'organisation syndicale, initialement fragmentée, s'est renforcée à partir des années 1870, en faisant pression pour des lois telles que la Amoureux Amoureux (Labor Act) de 1873, qui limitait le travail des enfants, et la création des premiers fonds d’assurance mutuelle (Esping-Andersen, 2016). Mais c’est l’« Accord de septembre » qui a posé les bases du modèle actuel, en reconnaissant les syndicats et les associations patronales comme interlocuteurs légitimes et en transférant les conflits aux instances de médiation institutionnelles.

O l'État providence Le danois, dans sa phase de maturité (après 1945), s’est développé grâce à des politiques de démarchandisation, telles que l’assurance chômage universelle (introduite en 1907 et étendue en 1967) et le congé parental payé (1970). Esping-Andersen (2016) souligne que l’efficacité de ces mesures dépendait d’une forte densité syndicale (supérieure à 70 % jusqu’aux années 1980), qui garantissait la légitimité des négociations et évitait la marginalisation des groupes vulnérables. Le système est néanmoins confronté à des défis contemporains, tels que la pression à la flexibilité face à la mondialisation et la croissance des emplois atypiques sur les plateformes numériques – des phénomènes qui mettent à l’épreuve la résilience du modèle historique.

Industrialisation

L’industrialisation danoise de la fin du XIXe siècle, insérée dans le contexte européen de l’essor du capitalisme, fut marquée par des contradictions entre la modernisation productive et la dégradation des conditions de travail. Selon Christiansen (2006), la migration massive des travailleurs ruraux vers les centres urbains tels que Copenhague et Aarhus a généré un surpeuplement dans les quartiers ouvriers, exacerbant l’exploitation dans les usines textiles, métallurgiques et alimentaires. Des heures de travail dépassant 14 heures par jour, le manque d'équipements de sécurité et des salaires inférieurs au niveau de subsistance ont caractérisé un scénario de précarité structurelle, catalysant la formation de syndicats tels que Organisation Faglig Fælles (FF), fondée en 1871, qui formulait des revendications en faveur d'une réduction des horaires de travail et de réglementations sanitaires.

La grève générale de 1899, souvent idéalisée comme un jalon de consensus social, fut précédée par des décennies de conflits fragmentés. Entre avril et septembre de cette année-là, plus de 40.000 2006 travailleurs de secteurs stratégiques – tels que les docks portuaires, les chemins de fer et les industries chimiques – ont arrêté le travail, exigeant la reconnaissance légale des syndicats et la création de tribunaux d’arbitrage. Christiansen (XNUMX) soutient que la grève, bien qu’initialement réprimée par la police, a forcé les employeurs à négocier, ce qui a abouti à l’« Accord de septembre ».

Ce pacte, signé entre la Confédération danoise des syndicats (LO) et la Confédération des employeurs (DA), institutionnalise un modèle de négociation collective tripartite, remplaçant les grèves par une médiation réglementée et établissant des paramètres minimaux tels qu'une journée de travail de 10 heures (réduite à 8 heures en 1919) et l'interdiction des licenciements abusifs.

L'efficacité de l'accord dépendait de facteurs structurels : la syndicalisation atteignait 70 % des travailleurs urbains en 1910, et l'État commençait à intervenir comme garant des droits par le biais de lois telles que la nouvelle Lieu de travail (Loi sur le travail) de 1910, qui réglementait les congés payés. Cependant, comme le souligne Christiansen (2006), le modèle excluait initialement des catégories telles que les travailleurs ruraux et domestiques, révélant ainsi des limites dans l’universalisation des droits. Ce n’est que dans les années 1930, avec l’expansion de l'État providence, le congé de maternité et l’assurance chômage ont été étendus aux groupes marginalisés.

À l’époque contemporaine, l’héritage de l’« Accord de septembre » est mis à rude épreuve par les défis liés à l’immigration de main-d’œuvre. Les travailleurs étrangers, principalement originaires des pays d’Europe de l’Est et du Moyen-Orient, sont confrontés à des obstacles systémiques, 32 % d’entre eux ayant des qualifications non reconnues (déqualification), selon les données du ministère danois de l'Emploi (Danemark, 2022), et 40 % signalent des discriminations dans les processus de sélection. La barrière de la langue, aggravée par l’exigence de certification Preuve danoise 3 pour les emplois qualifiés, confine de nombreux immigrants à des secteurs tels que le nettoyage, la construction et la logistique, où les contrats temporaires et les horaires de travail irréguliers persistent. Paradoxalement, ce scénario coexiste avec la rhétorique officielle de l’égalité, exposant les fissures entre l’universalisme normatif et les pratiques d’exclusion (Christiansen, 2006).

L’insertion professionnelle des immigrants dans des contextes transnationaux est un défi multifactoriel, dans lequel les barrières structurelles et systémiques interagissent pour perpétuer les inégalités. Selon Betts (2016), la discrimination apparaît comme un axe central dans ce processus, se manifestant à la fois dans des pratiques explicites (refus contractuel basé sur l’origine ethnique) et dans des mécanismes implicites, tels que les stéréotypes culturels qui associent les immigrants à une faible productivité.

Des études empiriques montrent que, dans les économies développées, les candidats portant des noms étrangers ont 30 % de chances en moins d’être convoqués à des entretiens, même avec des qualifications identiques à celles de leurs concurrents locaux. Au Danemark, par exemple, 42 % des immigrants non occidentaux déclarent avoir été victimes de xénophobie sur leur lieu de travail, selon l’Institut danois des droits de l’homme (2022).

Le manque de connaissances sur le marché du travail local exacerbe ces disparités. Les immigrants ne sont souvent pas conscients des nuances juridiques telles que les clauses de flexibilité du temps de travail dans la loi danoise sur le travail (Aimer avec amour), ou des normes informelles de hiérarchie organisationnelle, les exposant à des violations de leurs droits. Betts (2016) soutient que cette asymétrie informationnelle les rend vulnérables aux « niches précaires », en particulier dans des secteurs tels que la construction, l’hôtellerie et l’agriculture, où les contrats verbaux et les horaires de travail irréguliers sont courants. Le manque de familiarité avec les canaux de signalement – ​​tels que les inspections du travail ou les syndicats sectoriels – amplifie la marginalisation.

Les réseaux sociaux limités représentent un autre obstacle critique. Les relations professionnelles agissent comme une « monnaie invisible » pour accéder aux opportunités. Les immigrants nouvellement arrivés disposent cependant rarement de ces ressources, en particulier dans les contextes où les communautés diasporiques sont naissantes. En Suède, seulement 18 % des emplois sont pourvus par le biais d’annonces publiques ; le reste dépend d'indications informelles. Ce scénario exclut les immigrants des secteurs stratégiques, les confinant à des économies parallèles peu réglementées.

La bureaucratie migratoire aggrave ces défis. Des exigences telles que la validation du diplôme, la preuve du revenu minimum et une maîtrise avancée de la langue. Betts (2016) note qu’entre 2010 et 2015, 65 % des demandes d’équivalence d’études des immigrants syriens et érythréens dans l’Union européenne ont été refusées en raison de « différences de cursus », les reléguant au sous-emploi. De plus, les visas temporaires liés à des employeurs spécifiques créent des relations de dépendance, empêchant les signalements d’abus par crainte d’expulsion.

L’insécurité de l’emploi apparaît comme une conséquence directe de cette dynamique. Dans le secteur agricole danois, 34 % des travailleurs migrants temporaires n’ont pas de contrat écrit et 28 % sont payés en dessous du salaire minimum sectoriel (Eurostat, 2023). Paradoxalement, l’informalité coexiste avec les discours officiels d’intégration, révélant une dissonance entre les politiques publiques et les pratiques économiques.

Les organisations non gouvernementales et les initiatives transnationales tentent de combler ces lacunes. Le Conseil danois pour les réfugiés, par exemple, propose des formations professionnelles adaptées aux demandes du marché local, tandis que des plateformes telles que Nouveau au Danemark centraliser les informations sur les droits du travail. Cependant, Betts (2016) prévient que de tels efforts négligent souvent les dimensions culturelles : les programmes de mentorat incluent rarement des médiations interculturelles et les supports d’information sont rarement traduits dans des langues telles que l’arabe ou le somali.

Les actions des syndicats présentent des ambiguïtés. Bien que 3F (le plus grand syndicat danois) ait créé des départements spécifiques pour les immigrés, leur efficacité est limitée par la méfiance mutuelle, avec seulement 12 % des immigrés à Copenhague déclarant faire confiance aux représentants syndicaux (Danemark, 2021). Cela reflète en partie l’accent historique mis par les syndicats nordiques sur les travailleurs qualifiés, reproduisant ainsi les exclusions sectorielles.

En résumé, l’intégration professionnelle des immigrants exige des approches multidimensionnelles. Comme le propose Betts (2016), il est nécessaire de combiner les politiques de intégration (inclusion transversale dans les politiques publiques) avec des actions positives sectorielles, telles que des quotas dans des secteurs stratégiques et des financements pour l’entrepreneuriat ethnique. Parallèlement, la simplification de la reconnaissance des diplômes et l’élargissement des visas basés sur les compétences (au lieu des contrats temporaires) pourraient réduire ces asymétries. Cependant, de telles mesures nécessitent une volonté politique pour s’attaquer aux intérêts économiques enracinés dans des modèles d’exploitation.

*João dos Reis Silva Junior Il est professeur au Département d'Éducation de l'Université Fédérale de São Carlos (UFSCar). Auteur, entre autres livres, de Éducation, société de classes et réformes universitaires (Auteurs associés) [https://amzn.to/4fLXTKP]

Références


BETTS, A. Économies des réfugiés : déplacements forcés et développement. Oxford: Presse d'université d'Oxford, 2016.

CHRISTIANSEN, N.F. Le modèle nordique de protection sociale : une réévaluation historique. Odense : Presses universitaires du Danemark du Sud, 2006.

CROUCH, C. Gérer les risques sociaux dans l'Europe d'après-crise. Cheltenham : Éditions Edward Elgar, 2015.

DANEMARK. Aménagement paysager communautaire (KL). Intégration des immigrants sur le marché du travail danois : enquête de perception 2021. Copenhague : KL, 2021.

DANEMARK. Institut des droits de l'homme (IDDH). Rapport annuel sur la discrimination sur le marché du travail. Copenhague : DIHR, 2022.

ESPING-ANDERSEN, G. Les trois mondes du capitalisme du bien-être. New Jersey : Princeton University Press, 2016.

EUROSTAT. Conditions du marché du travail dans le secteur agricole : analyse comparative de l'UE 2023. Luxembourg : Office des publications de l'Union européenne, 2023.

HEPPLE, B. Égalité : le nouveau cadre juridique. Oxford : Éditions Hart, 2014.

JØRGENSEN, H. Marchés du travail flexibles, protection des travailleurs et « la sécurité des coulisses » : une solution de flexicurité danoise au chômage et aux problèmes sociaux dans les économies mondialisées ? Santiago du Chili, CEPALC/Nations Unies, 2009.

JUUL, I.; JØRGENSEN, H. Défis pour le système dual et l'autogestion professionnelle au Danemark. Dans: Apprentissage contemporain (pp. 42-56). Routledge, 2014.

MADSEN, PK Danemark : Flexibilité, sécurité et réussite sur le marché du travail. Genève : Bureau international du Travail, 1999.

MADSEN, P.K. La flexicurité au Danemark : un modèle pour la réforme du marché du travail en Europe ? Interéconomie, Heidelberg, v. 43, n. 2, p. 74-78, 2008.


la terre est ronde il y a merci à nos lecteurs et sympathisants.
Aidez-nous à faire perdurer cette idée.
CONTRIBUER

Voir tous les articles de

10 LES PLUS LUS AU COURS DES 7 DERNIERS JOURS

Forró dans la construction du Brésil
Par FERNANDA CANAVÊZ : Malgré tous les préjugés, le forró a été reconnu comme une manifestation culturelle nationale du Brésil, dans une loi sanctionnée par le président Lula en 2010
L'humanisme d'Edward Said
Par HOMERO SANTIAGO : Said synthétise une contradiction fructueuse qui a su motiver la partie la plus notable, la plus combative et la plus actuelle de son travail à l'intérieur et à l'extérieur de l'académie
Incel – corps et capitalisme virtuel
Par FÁTIMA VICENTE et TALES AB´SÁBER : Conférence de Fátima Vicente commentée par Tales Ab´Sáber
Changement de régime en Occident ?
Par PERRY ANDERSON : Quelle est la place du néolibéralisme au milieu de la tourmente actuelle ? Dans des conditions d’urgence, il a été contraint de prendre des mesures – interventionnistes, étatistes et protectionnistes – qui sont un anathème pour sa doctrine.
Le nouveau monde du travail et l'organisation des travailleurs
Par FRANCISCO ALANO : Les travailleurs atteignent leur limite de tolérance. Il n’est donc pas surprenant qu’il y ait eu un grand impact et un grand engagement, en particulier parmi les jeunes travailleurs, dans le projet et la campagne visant à mettre fin au travail posté 6 x 1.
Le consensus néolibéral
Par GILBERTO MARINGONI : Il y a peu de chances que le gouvernement Lula adopte des bannières clairement de gauche au cours du reste de son mandat, après presque 30 mois d'options économiques néolibérales.
Le capitalisme est plus industriel que jamais
Par HENRIQUE AMORIM & GUILHERME HENRIQUE GUILHERME : L’indication d’un capitalisme de plate-forme industrielle, au lieu d’être une tentative d’introduire un nouveau concept ou une nouvelle notion, vise, en pratique, à signaler ce qui est en train d’être reproduit, même si c’est sous une forme renouvelée.
Le marxisme néolibéral de l'USP
Par LUIZ CARLOS BRESSER-PEREIRA : Fábio Mascaro Querido vient d'apporter une contribution notable à l'histoire intellectuelle du Brésil en publiant « Lugar peripheral, ideias moderna » (Lieu périphérique, idées modernes), dans lequel il étudie ce qu'il appelle « le marxisme académique de l'USP ».
Gilmar Mendes et la « pejotização »
Par JORGE LUIZ SOUTO MAIOR : Le STF déterminera-t-il effectivement la fin du droit du travail et, par conséquent, de la justice du travail ?
Ligia Maria Salgado Nobrega
Par OLÍMPIO SALGADO NÓBREGA : Discours prononcé à l'occasion du diplôme honorifique de l'étudiant de la Faculté d'Éducation de l'USP, dont la vie a été tragiquement écourtée par la dictature militaire brésilienne
Voir tous les articles de

CHERCHER

Recherche

SUJETS

NOUVELLES PUBLICATIONS