Le facteur religieux dans l'élection présidentielle

Image: Eva Elijas
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Par LÉONARD BOFF*

La logique du marché, la publicité et les styles qui contredisent directement le message biblique et Jésus

Que la religion a une force politique puissante est avoué par Samuel P. Huntington dans son livre très discuté Le choc des civilisations (1977) qui aujourd'hui, avec la nouvelle guerre froide, est redevenu d'actualité. Il déclare : « Dans le monde moderne, la religion est une force centrale, peut-être la force centrale qui mobilise les gens… Ce qui compte finalement n'est pas tant l'idéologie politique ni les intérêts économiques, mais les convictions religieuses de la foi, la famille, le sang et la doctrine ; c'est pour ces choses que les gens se battent et sont prêts à donner leur vie ». Il a vivement critiqué la politique étrangère américaine pour n'avoir jamais accordé d'importance au facteur religieux. Pour cette raison, les États-Unis ont dû ressentir directement le terrorisme islamique.

Prenons la situation au Brésil. Je cite ici la réflexion d'une personne profondément insérée dans le milieu populaire avec un sens aigu de l'observation. Cela vaut la peine d'écouter votre opinion car cela peut aider dans la campagne pour vaincre ceux qui démantèlent notre pays.

Il dit : "Je crains qu'en faisant de plus en plus appel au facteur religieux, en attisant le fantôme du communisme = athéisme et persécution religieuse, le négationniste et "l'ennemi de la vie", ne menace encore à terme de gagner les élections". « Bon, il faut bien le reconnaître : les gens en masse sont religieux jusqu'à la moelle (les superstitieux diront les « intellectuels », peu importe). Il vend son corps et son âme pour la religion, entendue de manière indistincte comme « cette chose de Dieu », surtout le Brésilien syncrétiste qu'il est. Et cet appel, je ne dis pas qu'il est bon, mais juste qu'il a une force énorme et j'ai très peur qu'il puisse être décisif lors du vote ».

« Malheureusement, cette question a peu de poids dans la campagne de Lula et de ses alliés. Je dirais presque la même chose vis-à-vis des deux autres valeurs dont Jair Bolsonaro et toute la « nouvelle droite » dans le monde se vantent : Dieu, la Patrie et la Famille, la trilogie de l'Intégralisme que l'ancienne gauche ne veut même pas voir peint. Et pourtant, c'est là que la nouvelle droite mobilise les masses dans le monde et aussi au Brésil ».

« Et notez comme il est facile pour un candidat de la nouvelle droite comme Bolsonaro de présenter cette triade à la masse électorale : lui priant (Dieu), avec le drapeau brésilien (Pátria) et avec Michelle à ses côtés (Famille), trois scènes d'émotion garantie et d'attraction irrésistible pour le peuple. Qui peut être contre la prière, le drapeau jaune-vert et une femme (surtout si c'est très féminin) ?

« Les intellectuels peuvent dire ce qu'ils veulent contre ce populisme de droite. Mais ça marche, ça marche. Et c'est ce qui compte à droite, et je pense que cela devrait compter aussi à gauche, sans offenser l'éthique, car il est parfaitement possible de défendre ces trois drapeaux, jadis intégristes, comme des valeurs morales, à condition toutefois qu'ils soient non exclusifs : des sans religion, des autres pays et des LGBT+ respectivement ».

«Mais même si Lula gagne, ce que les sondages indiquent, la question des trois drapeaux ci-dessus restera. Et les bolsonaristes continueront à les agiter, comme la nouvelle droite les agite partout dans le monde (voir Donald Trump, Vladimir Poutine, Marine Le Pen, Mateo Salvini et caterva). Et c'est le "drapeau de Dieu", avant tout autre, qui sera le plus politisé par la nouvelle droite, et ce d'autant plus que la vieille gauche a moins digéré cette question et moins l'Église elle-même, progressiste ou libérationniste, semble attentive rendre la monnaie de Zeitgeist (de l'esprit du temps), désigné comme postmoderne ».

Le grand défi de la campagne de coalition autour de Lula/Alckmin, qui fait aussi partie des Églises chrétiennes historiques, principalement catholiques, est de savoir comment attirer ces masses, manipulées et trompées par les Églises pentecôtistes, aux valeurs de l'histoire. Jésus, bien plus humanitaire et spirituel que ceux présentés par les "pasteurs et évêques" autoproclamés et vrais loups déguisés en brebis. Ceux-ci utilisent la logique du marché, la publicité et les styles qui contredisent directement le message biblique et Jésus, car ils utilisent directement le mensonge, la calomnie, fausses nouvelles.

Il vaut la peine de montrer à ces fidèles des Églises pentecôtistes, comment Jésus des Évangiles était toujours du côté des pauvres, des aveugles, des boiteux, des lépreux, des malades et les guérissait. Il était extrêmement sensible aux invisibles et aux plus vulnérables, hommes ou femmes, bref, ceux dont la vie était menacée. Bien plus vaut l'amour, la solidarité, la vérité et l'acceptation de tous sans discrimination, comme ceux d'une autre option sexuelle, voyant les noirs, les quilombolas et les indigènes comme nos frères et sœurs souffrants. Il est important de sympathiser avec eux et d'être avec eux pour tracer leur propre chemin.

Ce comportement vaut bien plus que « l'évangile de la prospérité » des biens matériels que nous ne pouvons emporter avec nous pour l'éternité et, au fond, ne remplissent pas nos cœurs et ne nous rendent pas heureux. Tandis que les autres valeurs du Jésus historique nous accompagnent comme une expression de notre amour pour notre prochain et pour Dieu et nous apportent la paix dans nos cœurs et un bonheur que personne ne peut nous voler.

Logiquement, il est important de défaire les calomnies, de réfuter les falsifications et, éventuellement, d'utiliser les moyens disponibles pour les incriminer légalement. Il vaut toujours la peine de croire qu'un peu de lumière dissipe toutes les ténèbres et que la vérité écrit la vraie page de notre histoire.

Le Brésil mérite de sortir de cette tempête dévastatrice et de voir le soleil briller dans notre ciel, nous redonnant espoir et joie de vivre.

*Léonard Boff Il est philosophe et théologien. Auteur parmi d'autres livres de Brésil : achever la refondation ou prolonger la dépendance (Vozes).

 

 

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