le malaise français

Image: Skylar Kang
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Par DANIEL AFONSO DA SILVA*

Les manifestations ne sont pas pour les deux ans de cotisations sociales supplémentaires

Les rues françaises hurlent. Les manifestations progressistes s'emparent de pratiquement toutes les grandes villes et régions du pays. Rien ne semble dissoudre le malaise. Aucune retraite ou concession gouvernementale ne produit de reflux de tension. Rien, tout simplement, rien n'altère le sentiment généralisé de révolte, d'angoisse et d'agonie. Toutes les haines françaises ont convergé dans cette contestation de la réforme des retraites proposée par le président Emmanuel Macron. Le passage de 62 à 64 ans de l'âge de départ a été reçu comme inadmissible. Il n'y a aucun argument qui dissuade ou convainc autrement.

Mais, à bien y regarder, le problème n'est pas la réforme en soi. Il y a des variables très profondes en jeu. L'ensemble de la classe politique a perdu sa légitimité historique et morale. Rien de ce qui vient d'elle ne reçoit un accueil paisible. Les temps des attentes décroissantes sont passés aux temps des tempêtes inclémentes.

Le troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution française, le fameux « 49.3 », permet au président de la République d'adopter tout projet de loi sans délibération parlementaire. Ce dispositif a été imaginé par le général Charles de Gaulle et son ministre Michel Debré pour la mise en place d'une certaine rationalisation du parlementarisme français qui, sous la IVe République française, de 1946 à 1958, a favorisé des instabilités permanentes avec l'intermittence des obstructions et des votes de défiance. C'est une mesure autoritaire, oui, mais, à l'époque, comprise et reconnue comme légitime et nécessaire à l'imposition de l'intérêt national sur les autres intérêts.

Le général avait abdiqué de la vie publique en 1946 précisément parce qu'il anticipait cette anomie politique de la IVe République installée après 1945. Lorsqu'il fut convoqué au pouvoir en 1958, sa réflexion allait dans le sens d'élargir les niveaux d'autorité et d'autonomie de l'action présidentielle. . En d'autres termes, indiquez clairement qui est responsable.

Emmanuel Macron a utilisé la ressource "49.3" pour faire passer en force l'actuelle réforme des retraites. La réponse des rues a été forte et immédiate. Il ne fait aucun doute que l'instrument - "49.3" - est légal. Après tout, c'est inscrit noir sur blanc dans la Constitution. C'est donc, oui, légal. Mais ce n'est plus légitime. Il est devenu politiquement immoral et anachronique.

Cette agonie des Français n'est pas différente de celle de bien des peuples à travers le monde engloutis par la morosité mondiale actuelle. La relégation sociale, notamment par l'aplatissement du pouvoir d'achat de toutes les couches sociales dans pratiquement tous les pays de la planète, est un fait irrémédiable depuis la crise financière de 2008. L'intercurrence du conflit ukrainien rend tout cela encore plus aigu.

Chez les Français, l'après crise financière de 2008, la crise de l'euro de 2009-2011 et la crise européenne le Brexit à partir de 2012 produit le mouvement inlassable des gilets jaunes, «gilets jaunes”. Dans les premiers instants de la première présidence d'Emmanuel Macron, à partir de mai 2017, ces perdants de la mondialisation ont inondé, en continu, les rues des principales villes du pays.

La capitale française a été prise et bloquée pendant des week-ends. Tout a été vu, entendu et ressenti et aucune issue n'a été trouvée. Le biennium pandémique 2020-2021 a refroidi le mouvement et fait soupirer le gouvernement. Mais la tentation de réformer la sécurité sociale française a ravivé tous les malaises du passé. Et, comme avant, maintenant, il n'y a pas d'issue.

Il s'agit clairement d'un problème de société. Mais ces enjeux sociétaux, en cette période de crises successives - financière, européenne, sanitaire et mondiale, nées du conflit ukrainien -, se sont transformés en une guerre sans fin pour la réhabilitation d'un type de confort social qui, peut-être, n'existera plus jamais.

Dans les nuits de juin 2013 au Brésil, on a dit que "ce n'était pas pour les vingt centimes". Les Français, désormais, en ces interminables journées et nuits de mars 2023, semblent dire, avec insistance, que "ce n'est pas pour les deux années supplémentaires de cotisations sociales".

Le problème est plus grand. Les haines sont multiples. Le malaise, semble-t-il, est insurmontable. Et alors, quoi faire ? (Et maintenant, que faire ?). C'est la question que, au fond, le malaise français pose et que tous, français et non français, veulent voir répondre. En l'absence de réponses, seuls les cris restent.

*Daniel Afonso da Silva Professeur d'Histoire à l'Université Fédérale de Grande Dourados. auteur de Bien au-delà de Blue Eyes et d'autres écrits sur les relations internationales contemporaines (APGIQ).

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