pauvres créatures

Edvard Munch, 1920
whatsApp
Facebook
Twitter
Instagram
Telegram

Par BRUNO FABRICIO ALCEBINO DA SILVA*

Considérations sur le film réalisé par Yorgos Lanthimos

Le film pauvres créatures, réalisé par Yorgos Lanthimos, plonge dans un récit surréaliste et provocateur qui aborde l'intersection entre le désir, le contrôle et l'identité, révélant les profondeurs de la psyché humaine. Recevant 11 nominations aux Oscars, à travers le parcours de Bella Baxter, interprétée de manière captivante par Emma Stone, le film expose les complexités de la maturation féminine au milieu d'une société oppressive et limitante.

L'intrigue se déroule autour de Bella, une figure dont le caractère unique transcende les limites de la compréhension conventionnelle. Elle est un amalgame d’éléments disparates, de sa propre constitution physique à ses interactions sociales. Sous la manipulation méticuleuse du médecin Dr Godwin Baxter (Willem Dafoe), ironiquement surnommé Dieu (Dieu en anglais), Bella est présentée au monde avec un corps modifié, une merveille de la science qui abrite le cerveau de son propre fils. Cette extraordinaire particularité physique met non seulement en évidence la nature bizarre et surréaliste de l'univers du film, mais sert également de métaphore puissante pour l'éternelle bataille entre le désir et le contrôle.

En emportant avec elle le cerveau de son fils, Bella incarne la fusion de deux existences, de deux identités distinctes réunies en une seule entité physique. Cette fusion remet non seulement en question les notions conventionnelles d’individualité et d’identité, mais met également en lumière l’interaction complexe entre maternité, autonomie et sacrifice. La présence de son fils en elle n'est pas seulement une particularité physique, mais une manifestation vivante du conflit intérieur de Bella entre ses propres désirs et désirs et les attentes placées sur elle par la société et les figures d'autorité masculines.

Ainsi, la métamorphose de Bella n'est pas seulement une transformation physique, mais aussi un voyage de découverte de soi et d'autonomisation. Son existence transcende les limites de la normalité et du conformisme, défiant les conventions sociales et culturelles qui tentent de l’inscrire dans des normes prédéfinies. En ce sens, la particularité physique du protagoniste n'est pas seulement une caractéristique étrange de l'intrigue, mais plutôt un élément central qui alimente le récit plus large du film sur la liberté, l'individualité et la recherche sans fin du véritable sens de l'existence.

Dans ce contexte, l'analyse psychanalytique de Sigmund Freud et les travaux Éros et civilisation par Herbert Marcuse apparaissent comme des lentilles précieuses pour comprendre les couches de sens présentes dans pauvres créatures. Freud, avec sa théorie des pulsions inconscientes et primitives, met en lumière la dualité des désirs et des pulsions qui imprègnent les actions des personnages. Bella, dans sa quête d'autonomie, affronte non seulement les restrictions externes imposées par des personnalités comme le Dr Baxter et son mari Alfie (Christopher Abbott), mais aussi les conflits internes entre ses propres impulsions et les attentes sociales.

Dès les premiers instants du film, nous sommes initiés au choc entre désir et contrôle, une dynamique qui imprègne le parcours de Bella, figure qui incarne la lutte pour l'autonomie au milieu d'un monde qui tente de restreindre ses mouvements. Dans ce contexte, nous pouvons voir l’influence de la théorie freudienne sur le conflit entre le ça, le moi et le surmoi. Bella, avec son désir libre et décomplexé, représente le ça, la partie instinctive et impulsive de la psyché, tandis que des personnages tels que le Dr Godwin Baxter et Duncan Wedderburn (Mark Ruffalo) représentent le surmoi, imposant des restrictions et des normes sociales au protagoniste.

La relation de Bella avec son créateur, le Dr Baxter, est particulièrement intéressante à la lumière des théories freudiennes. Non seulement il la façonne physiquement, mais il essaie également de contrôler ses désirs et ses expériences, reflétant le concept du complexe d'Œdipe et de la figure paternelle en tant qu'agent régulateur du désir. La lutte constante de Bella contre ce contrôle symbolise la recherche d'émancipation et la réalisation de désirs refoulés. Cette dynamique explore également des thèmes abordés par Freud dans Le malaise dans la civilisation, étudiant les tensions entre impulsions instinctives et exigences sociales. La figure du Dr Baxter, façonnant le corps de Bella, fait écho à l'oppression institutionnelle, soulignant le conflit entre désir et contrôle présent à la fois dans le film et dans l'œuvre de Freud.

De plus, l'œuvre dialogue avec les idées d'Herbert Marcuse sur la société répressive et la nécessité d'une révolution érotique pour briser les liens de la civilisation. Dans Éros et civilisation, Marcuse soutient que la répression des impulsions naturelles par le système social aboutit à une société réprimée et aliénée. Dans pauvres créatures, nous voyons cette répression se manifester dans les tentatives de contrôle de Bella par les hommes de sa vie, représentant les structures de pouvoir qui cherchent à subjuguer les désirs individuels au nom du conformisme social.

De plus, Herbert Marcuse offre une perspective critique sur la société répressive et ses structures de contrôle. Le film dépeint de manière vivante la tentative constante d'hommes comme le Dr Baxter, Duncan et Alfie de subjuguer et de dominer Bella, reflétant les mécanismes d'oppression présents dans la société patriarcale. Le combat de Bella pour l'émancipation et l'autodétermination est donc un acte de résistance contre ces forces coercitives.

Le parcours de Bella, marqué par des découvertes et des confrontations avec le contrôle extérieur, reflète le besoin de libération érotique, où le désir n'est plus réprimé, mais célébré comme une force vitale et créatrice. L'approche surréaliste et provocatrice de Yorgos Lanthimos nous invite à remettre en question les normes établies et à rechercher une nouvelle forme d'existence, où la liberté individuelle et l'expression authentique des désirs sont valorisées.

L'esthétique du film, marquée par la combinaison d'éléments surréalistes et fantastiques, renforce l'atmosphère d'étrangeté et d'aliénation qui imprègne le voyage de Bella. La direction artistique, les costumes et la bande sonore contribuent à créer un monde visuellement saisissant, où le grotesque et le beau s'entremêlent de manière intrigante.

En bref, pauvres créatures constitue une réflexion profonde sur les thèmes complexes du désir, du contrôle et de l’identité. En explorant ces aspects, l’œuvre nous invite non seulement à réfléchir sur l’impact de la civilisation sur les individus, mais nous propose également une expérience cinématographique engageante et provocante. En fin de compte, il s’impose comme un récit qui repousse les limites du genre, offrant un aperçu pénétrant et fascinant des subtilités de la condition humaine.

*Bruno Fabricio Alcebino da Silva Il est spécialisé en relations internationales et sciences économiques à l'Université fédérale ABC (UFABC)..

Référence


pauvres créatures (Les pauvres choses)
États-Unis, Royaume-Uni et Irlande du Nord, 2023, 141 minutes
Réalisateur : Yorgos Lanthimos
Avec : Emma Stone, Willem Dafoe, Christopher Abbott, Mark Ruffalo

Bibliographie


En ligneFreud, S. (1930). Les mécontentements de la civilisation. Dans Œuvres complètes de Sigmund Freud (Vol. XXI). Imago Editora.

En ligneFreud, S. (1900). L'interprétation des rêves. Édition standard, 4 et 5.

Marcuse, H. (1955). Éros et civilisation. Presse de balise.


la terre est ronde existe grâce à nos lecteurs et sympathisants.
Aidez-nous à faire perdurer cette idée.
CONTRIBUER

Voir tous les articles de

10 LES PLUS LUS AU COURS DES 7 DERNIERS JOURS

Voir tous les articles de

CHERCHER

Recherche

SUJETS

NOUVELLES PUBLICATIONS

Inscrivez-vous à notre newsletter !
Recevoir un résumé des articles

directement à votre email!