Par MANUEL DOMINGOS NETO
Résumé des thèses présentées dans le livre récemment publié « Que faire avec l'armée »
L’armée a échoué dans sa mission première. Bien que le Brésil dispose de capacités scientifiques et industrielles et d’un des budgets de défense les plus importants au monde, l’armée ne peut pas refuser l’espace territorial, maritime, aérien et cybernétique à un challenger moyennement préparé.
Les changements dans le mode de guerre, la dynamique sociale et le souci de la démocratie imposent une réforme militaire. Il est nécessaire de revoir le rôle, l'organisation et la culture des forces armées, car le Brésil a besoin de s'insérer dignement dans l'ordre international et les nouvelles générations doivent être épargnées par les exorbitations des casernes.
Les Brésiliens ne s'impliquent pas dans la Défense nationale parce qu'ils sont antipatriotiques, mais parce qu'on leur donne constamment l'idée que cette politique publique appartient exclusivement aux militaires et aussi parce qu'ils sont échaudés par le terrorisme d'État pratiqué par les commandements militaires.
Beaucoup admettent que les entreprises devraient être subordonnées au pouvoir politique, mais cela est impossible en raison du manque d’organisme civil spécialisé et d’un ensemble d’études actualisées. Le Brésil a besoin d’une université de défense nationale dirigée par un civil.
La société et l’État doivent soustraire les militaires à la condition qu’ils se sont donnée d’apôtre du patriotisme et de la civilité, qui affronte la citoyenneté, annule l’esprit républicain, prépare la tyrannie et laisse le Brésil sans défense.
La valeur d’un soldat ne contient pas « tout l’espoir qu’un peuple réalise », comme le dit la chanson de l’Armée. La réforme militaire est nécessaire pour que le soldat respecte la société.
Le politique ne peut pas reconnaître les sociétés armées comme interlocuteurs. Les soldats sont entraînés à obéir et à commander, pas à dialoguer. Les commandants doivent être consultés sur la défense, mais sa conception et sa conduite dépendent du politicien.
Il y a trop de généraux et trop de soldats. La répartition spatiale du personnel et des équipements est inutile et inoffensive pour la Défense.
Il est nécessaire de revoir le service militaire obligatoire car la composition de la troupe reproduit l'inégalité de la structure sociale : les plus pauvres sont réservés aux postes hiérarchiques inférieurs. Le service militaire, tel qu’il est organisé, reproduit l’héritage colonial.
Des études et une planification approfondies s'imposent pour la révision du service militaire, ce qui implique un redimensionnement de la taille, de la structure, du fonctionnement des entreprises et une révision de la carrière militaire.
La réforme militaire devrait atténuer l'isolement du castro. La « famille militaire » est une excroissance. Cela perturbe la cohésion des Brésiliens. L'armée ne peut pas rester en marge de la société. Les déplacements constants des garnisons ne lui permettent pas de s'intégrer socialement. L’endogénie doit être contenue. Les écoles militaires représentent des dépenses inutiles pour la Défense. Les adolescents devraient être socialisés dans des établissements civils.
Il est possible d'imprimer de nouvelles orientations pour les rangs sans ruptures institutionnelles : à eux d'être compatibles avec la Constitution. Les militaires doivent respecter le pluralisme politique qui sous-tend la République. En diabolisant la gauche, il piétine la Charte et appauvrit les échanges d'idées. La réforme doit éliminer leur crainte du changement social et comportemental.
Les entreprises sont importantes pour le développement socio-économique. Ils doivent être équipés de produits nationaux. La proposition de politique de défense nationale, actuellement discutée au Congrès national, propose des partenariats avec des puissances disposant de technologies avancées. C’est la même orientation néfaste qui a prévalu au siècle dernier et qui a laissé le pays sans protection.
Il n’existe aucune explication acceptable à la forte dépendance étrangère du Brésil à l’égard du matériel de guerre. Les bureaux des forces armées aux États-Unis et en Europe doivent être démantelés. La subalternité au profit du puissant étranger vide la rhétorique de la sécurité territoriale.
Sans réforme militaire, il n’y aura pas de sécurité publique acceptable. Il faut distinguer les militaires des policiers. Le maintien de l’ordre et la lutte contre la criminalité sont des missions distinctes de la lutte contre l’étranger hostile.
Il faut éteindre l’idée de combattre « l’ennemi intérieur » : elle alimente le trouble fonctionnel de la personnalité des militaires et de la police. Lorsque le policier agit comme un militaire et le militaire comme un policier, la société est sans défense et l’agresseur étranger potentiel en profite.
La notion d’« ennemi intérieur » présuppose une guerre civile permanente. Entre ennemis, il n’y a pas de générosité, mais une haine aveugle. Admettre l’existence de cet « ennemi », c’est exclure les propensions à l’échauffement, à la tolérance et à la persuasion, fondements de la communauté nationale.
Le militaire doit être libéré des tâches qui ne lui conviennent pas. Les remplacements de l'ordre public doivent être confiés à la Sécurité Publique. Le recours aux entreprises pour répondre à des demandes chroniques donne à la société une idée trompeuse du rôle de l’armée et empêche la préparation de la Défense nationale.
Celui qui contrôle les instruments de force de l’État contrôle l’État et la société. L'activisme politique des militaires a été renforcé par l'usage combiné d'instruments létaux et non létaux, configurant la « guerre hybride », dont la « guerre juridique » et les « manœuvres informationnelles » sont des expédients.
L’armée ne peut pas mener la Défense parce que les forces terrestres, aériennes et maritimes ne se comprennent pas quant à leurs rôles. Le désengagement coûte cher : il implique des structures qui se chevauchent, notamment dans l’enseignement, la recherche, les soins médicaux et la production d’armes et d’équipements.
Entre les mains des militaires, la formulation de la Défense Nationale sera limitée en raison de l'unité politique et idéologique des officiers. Cette unité nie la démocratie, qui repose sur le pluralisme politique. C'est une forme de corruption institutionnelle.
L'unité doctrinale est une nécessité pour l'organisation, la préparation et l'utilisation des Forces, mais l'unité idéologique place les militaires face à la société, dont la cohésion implique le choc des idées.
Si l’éventail des convictions politiques et idéologiques présentes dans la société ne se reflète pas dans les entreprises, son utilisation instrumentale par un courant politique prévaudra.
Le concept de « pouvoir national », diffusé par le Pentagone et absorbé par l’armée brésilienne, maintient vivante l’idéologie qui a guidé la dictature. Aux États-Unis, ce concept fait référence à l’exercice du commandement planétaire. Au Brésil, il soutient l’autoritarisme intérieur.
Il appartient au politique de délibérer sans pression militaire sur les dépenses militaires. Le conseil législatif en matière de défense doit être confié à l'organisme civil spécialisé.
Il est nécessaire de supprimer la cooptation des agents publics et privés par les militaires à travers l’octroi de médailles d’entreprise.
La propagande des forces armées dans les médias est néfaste. Lorsque les militaires rivalisent pour gagner la sympathie du peuple, ils sont confondus avec les hommes politiques.
Les réformes sociales sont indispensables à une Défense dont le pilier principal est la cohésion nationale. Les disparités de revenus et d’opportunités, ainsi que les inégalités de développement entre les régions, font que le Brésil n’est pas protégé.
La Constitution ordonne le changement social, mais les entreprises rejettent les avancées qui contredisent les objectifs de leur existence, conditionnent leur manière d’être et attaquent les convictions idéologiques de leurs membres.
Combattre la mythologie de « l’union des trois races », qui tente de dissimuler l’extermination des peuples autochtones et cache l’inhumanité de l’esclavage, est essentiel pour une défense cohérente.
Se considérant comme l'héritier du colonisateur, le soldat repousse Tiradentes car il a participé à son martyre. Se proclamant pacificateur de la société esclavagiste, il décline le rôle de défenseur de la nationalité. Celui qui aime le colonisateur déteste la patrie et sème la discorde parce qu’il s’en nourrit. Ceux qui aiment le peuple brésilien veulent que tout le monde soit inclus.
Une étape décisive dans la réforme militaire est le respect des héros brésiliens. L'exaltation de la brutalité de l'État contre la société expose les forces armées au discrédit. Cela n’a aucun sens que l’armée glorifie la répression alors que la société vénère ses victimes.
Tiradentes doit être le phare de la réforme militaire. Lorsque l'enfilado se sentira comme un vengeur du martyr, la base structurante des changements corporatifs sera constituée. Le trouble de la personnalité fonctionnelle des militaires est en train d'être vaincu.
Le Brésil ne parviendra pas à un développement économique durable sans rallier ses voisins. Cela ne permettra ni le contrôle sanitaire ni la protection de l’environnement. La protection de l’Amazonie sera une chimère. Les illégalités aux frontières persisteront. La défense brésilienne sera coûteuse et fragile. Le sous-continent patinera à la recherche d’un avenir prometteur.
La cohésion des Brésiliens, étant le principal pilier de la Défense Nationale, l'amitié avec les voisins représente son premier grand soutien. L’armée brésilienne évite l’intégration sud-américaine pour ne pas déplaire à Washington.
Bien que Lula soit favorable à l’intégration sud-américaine, la politique de défense nationale analysée au Congrès donne la priorité aux alliances stratégiques avec les puissances impérialistes. Les États-Unis n’abandonnent pas le contrôle du matériel de guerre produit en Occident. La recherche d’une coopération avec des « nations plus avancées » révèle les fondements archaïques de la Défense nationale.
Le Brésil est l’un des rares pays en mesure de dissuader les agresseurs potentiels de construire un bloc solide capable d’imposer le respect à la scène internationale. Le Brésil doit diriger l’intégration sud-américaine.
Les militaires fuient le débat sur la défense nationale. Demande plus de ressources publiques avec des arguments incohérents. Les dimensions territoriales du pays, la taille de sa population et son PIB ne sont pas des raisons pour grossir les rangs : la capacité d'une entreprise militaire peut être inverse à sa taille. Face aux missiles hypersoniques et aux drones furtifs, les hommes préparés au combat au corps à corps ne valent pas grand-chose.
Les prémisses de planification, d'« agilité », de « force » et de « présence » de l'armée brésilienne ne sont pas durables et contraires à une défense nationale cohérente. Doit être révisé.
« L'agilité » suppose la surveillance des contrevenants potentiels, l'utilisation d'avions de combat et de missiles à grande portée et vitesse. Le déploiement rapide de troupes aurait du sens face à une occupation territoriale difficilement envisageable, car superflue et déraisonnable.
Si l'on tentait d'occuper une partie du territoire brésilien, elle serait rendue irréalisable par l'interruption des transports aériens et maritimes de l'envahisseur. Le combattant de la « jungle » formé par l’armée donne aux contribuables l’impression d’être capable de défendre l’Amazonie, mais sert essentiellement à combattre les Brésiliens mécontents et à alimenter une propagande trompeuse.
Le principe de la « force » est nié par l’utilisation de ressources destinées à la Défense. Si les Forces armées entendaient faire preuve de « force », elles réduiraient leurs dépenses de personnel au profit de la production autonome d’armes et d’équipements avancés.
Quant au troisième principe, la « présence », de nombreuses casernes et longues files d’attente ne dissuadent pas les agresseurs étrangers. L’armée doit arriver n’importe où et à tout moment, mais pour cela, elle doit donner la priorité à l’armée de l’air.
Comme il possède un vaste territoire et une mer étendue, l’État brésilien devrait disposer de moins de soldats et d’une grande capacité aérienne et navale. La suprématie de la Force terrestre sert à combattre « l’ennemi intérieur » et non à dissuader un étranger hostile.
J'espère que mon livre Que faire avec l'armée (Bureau de Lecture) suscitent un débat qui ne peut être reporté.
* Manuel Domingos Neto est un professeur à la retraite de l'UFC, ancien président de l'Association brésilienne des études de défense (ABED) et ancien vice-président du CNPq.
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