Par DANIEL BRÉSIL*
Commentaire sur le film réalisé par Paul Greengrass
Histoires du monde, un film avec Tom Hanks, devrait recevoir une poignée de nominations aux Oscars. Un western mélancolique et humaniste, avec une cinématographie, une réalisation et une bande son magnifiques, qui s'inscrit bien dans la ligne révisionniste de l'histoire des États-Unis d'Amérique.
Le capitaine Jefferson Kyle Kidd, un vétéran de la guerre civile, est chargé d'apporter des nouvelles aux coins les plus isolés du Sud encore marqués par la défaite. Lisez les journaux pour quelques pièces dans chaque village. Et dès le début du récit, il trouve une orpheline, Johanna, d'origine allemande (impressionnante jouée par Helena Zengel), dont les parents ont été tués et élevés par des Indiens de la nation Kiowa, également éliminés par l'avancée blanche sanguinaire dans le prairies. C'est un duo orphelin, abandonné et ne parlant pas un mot d'anglais.
Le capitaine se donne pour mission de le livrer à des parents éloignés, des oncles qui vivent dans un autre état, à 500 km de là. Le voyage ne sera pas de tout repos, et la relation entre eux se construit de manière subtile, soutenue par des images époustouflantes et une bande son discrète et efficace.
Si vous voulez en savoir plus, regardez le film; vous ne le regretterez pas. Un récit sensible et introspectif du western américain classique, où les cinéphiles reconnaîtront tout de suite la référence évidente au classique. Sentiers de la haine, à partir de 1956. Là, un autre vétéran de la guerre civile, John Wayne, a trouvé une fille, sa nièce, qui a fait tuer ses parents et a été kidnappée et élevée par les Indiens.
Ici, je veux attirer l'attention sur un détail, une intrigue secondaire qui peut passer inaperçue pour certaines personnes, et qui n'interférera pas avec le plaisir du récit. Le film, basé sur un roman de Paulette Jiles, Nouvelles de la Parole, accompagne un présentateur de nouvelles pré-radio, pré-télévision. Et les nouvelles qu'il raconte ne sont pas toujours bonnes.
Le réalisateur Paul Greengrass expose les cicatrices de la guerre civile, montrant la rancœur incontrôlable des sudistes lorsque les informations font référence au « gouvernement central ». Le public se comporte de manière inégale : soit il réagit sauvagement, maudissant les hommes politiques, soit passivement, acceptant bovinement les informations sélectionnées par le capitaine-lecteur.
Quelques pièces de monnaie coulent dans sa tasse, assez pour qu'il se rende à un autre endroit pour continuer sa tâche. Dans l'une d'elles, il est grossièrement entouré d'un gang, dirigé par un type qui fait la loi du lieu : il est maire, préfet de police et juge, et tout le monde travaille pour lui. Imaginez une sorte de Serra Pelada, dans les années 70, avec un journaliste face à un Major Curió…
La scène dans laquelle le capitaine Kidd torturé (oui, il a une crise de conscience !) atteint une plus grande empathie avec son public, c'est lorsqu'il abandonne les histoires politiques ou économiques, qui affectent directement la vie des gens, et raconte un destin plongeurs, une simple curiosité, qui provoque le rire général. L'audience grandit, les pièces tintent avec plus de résonance.
L'embryon du « journalisme » de notre temps y est dépeint. Divertissement au lieu de ce qui compte vraiment. La spectaculairenalisation de l'actualité, l'accent mis sur les bizarreries plutôt que sur les manœuvres politiques et économiques qui affecteront directement la vie des gens. La dramatisation des faits, jetant de la poussière dans les yeux du spectateur. Au lieu de dire que le prix de l'essence a augmenté de 7 %, et que cela affectera toute la chaîne de production, y compris le prix du riz sur le marché, notre télé envoie un journaliste (de préférence beau gosse) dans une station-service, où il dira théâtralement que "l'essence maintenant à cette pompe coûte 5,10 le litre". Ah, comme la pompe de la station-service est en colère !
Le capitaine Kidd n'a même pas besoin d'une telle ruse. Intuitivement, il découvre que parler des soi-disant morts qui sont ressuscités des morts, du père qui a jeté sa fille par la fenêtre, de la bagarre entre tel ou tel sur la BBB, peut rapporter plus d'audience (et de profit) que de parler de sérieux. les questions qui touchent la communauté et conduisent à une mobilisation. La nouvelle qui ne changera rien à la vie de personne, correctement dramatisée, est un succès garanti. C'est un précurseur des médias de notre époque, sans aucun doute.
Le capitaine trouvera-t-il les oncles et ramènera-t-il la fille ? Eh bien, c'est avec vous. Préparez le pop-corn et amusez-vous !
* Daniel Brésil est écrivain, auteur du roman costume de rois (Penalux), scénariste et réalisateur de télévision, critique musical et littéraire.
Référence
Histoires du monde (Nouvelles du monde)
États-Unis, 2020, 119 minutes.
Réalisé par : Paul Greengrass
Avec : Tom Hanks, Helena Zengel, Elizabeth Marvel, Tom Astor, Andy Kastelic, Travis Johnson, Mare Winningham.