portraits de fantômes

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Par JOSÉ GÉRALDO COUTO*

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Le documentaire n’est peut-être pas la meilleure définition de cet hybride de documents historiques, de mémoires, d’essais et de fiction. Raconté à la première personne par le réalisateur lui-même, c'est un voyage qui part de l'appartement où il a vécu pendant quarante ans, dans le quartier Recife de Setúbal/Boa Viagem, et se déroule comme une pelote de laine, parcourant la capitale de Pernambuco, Le Brésil et le monde.

archéologie urbaine

Au premier abord, cela ressemble à une agile chronique autobiographique, qui parle de la mère historienne et de sa relation avec l'environnement domestique, mais aussi des premières expériences cinématographiques, des films Super-8 et des vidéos réalisées par Kleber avec son frère et ses voisins. Au fil des décennies, l'appartement subit des transformations et servit de lieu à plusieurs œuvres du réalisateur, notamment pour Le son autour. Avec une admirable facilité, mélangeant d'anciennes photos, films à la maison, extraits de ses films et images captées aujourd'hui, le cinéaste donne à cet espace une vie qui traverse les générations et le relie à l'histoire de la ville.

On passe ensuite, sans encombre, aux cinémas du vieux Recife, aujourd'hui presque totalement disparus : Trianon, Art Palácio, Moderno, Politeama, Veneza… Toute une archéologie urbaine liée à l'histoire architecturale, sociale et affective de la ville se dessine alors. – dont les processus généraux se sont déroulés de manière similaire dans tant d’autres métropoles du monde.

Le champ d'action est large, bien informé et bien documenté (y compris des extraits de films réalisés par d'autres réalisateurs de Pernambouc), reliant toujours l'individu (le vieux projectionniste de Trianon, le vendeur ambulant qui récupérait des souvenirs dans les détritus des distributeurs étrangers pour les vendre à un décrochage, etc.) en général : les marques de la dictature et de la censure, la présence oppressante des majors Entreprises américaines, spéculation immobilière, changements de culture et de coutumes.

En cours de route, certains épisodes retiennent particulièrement l’attention. Par exemple, l'information selon laquelle l'Art Palácio de Recife, comme celui de São Paulo, était une création du producteur et distributeur allemand UFA à une époque où le régime nazi profitait de la clémence (ou de la sympathie) du gouvernement Vargas pour étendre ici ses tentacules idéologiques.

Cinéma, religion, fantastique

La dernière partie du film met en lumière le lien curieux et complexe entre cinéma et religion. On apprend par exemple que le vénérable Cine São Luiz – dernier vestige de l’âge d’or des grands cinémas – a été construit à l’emplacement d’une église de l’époque de l’empire. Le réalisateur/narrateur attire l'attention sur le fait que le lieu est appelé à plusieurs reprises le « temple du cinéma », mais aussi sur la récurrence des images catholiques dans le langage des cinéphiles : « Un Glauber ou un Hitchcock à regarder à genoux ». L’autre face de cette connexion est plus brutale : la transformation d’anciennes salles de cinéma en temples évangéliques.

Tout cela est montré avec fluidité, avec une caméra qui scrute les espaces et leurs transformations, appuyée dans le montage par les matériaux les plus divers : films, photos, coupures de journaux.

Le propos du cinéaste oscille entre l'humour et une certaine mélancolie. Quand, dans la dernière partie, le ton semble se rapprocher du mélodrame nostalgique, il y a une tournure un peu comique, dans une séquence fictionnelle qui met en scène un voyage Uber à travers la ville.

C'est aussi, pour ainsi dire, l'explication d'une veine de cinéma fantastique qui s'était insinuée ponctuellement tout au long du documentaire : la photo accidentelle d'un spectre par le jeune Kléber, les aboiements d'un chien déjà mort, la « mutation » » d'un chapiteau de cinéma en scannant une photo, le couvercle d'un scanner qui se ferme tout seul, etc., sans oublier les courts métrages d'horreur de jeunesse du cinéaste. Le titre portraits de fantômes, de toute façon, a bien plus d’une signification.

En parlant de titres : le grand artiste de Pernambuco, Cícero Dias, a peint dans les années 1920 un immense panneau intitulé « J'ai vu le monde… il a commencé à Recife ». Cela pourrait être un titre alternatif pour le beau film de Kleber Mendonça Filho.

*José Géraldo Couto est critique de cinéma. Auteur, entre autres livres, de André Breton (brésilien).

Initialement publié le Blog cinématographique IMS .

Référence


portraits de fantômes
Brésil, Documentaire, 2023, 93 minutes
Scénario et réalisation : Kleber Mendonça Filho.


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