Rosa Luxemburg – controverses avec Vladimir Lénine et Léon Trotsky

Image : Grisha Besko
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Par RAFAËL DE ALMEIDA PADIAL*

Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht ont été assassinés par des policiers du gouvernement social-démocrate allemand le 15 janvier 1919.

A l'occasion du centenaire de l'assassinat de Rosa Luxemburg, nous revenons sur ses controverses avec Vladimir Lénine et Léon Trotsky sur la théorie des partis et ses relations avec les conseils ouvriers (soviets). Comme cela arrive habituellement, après un rapide coup d’œil aux différentes positions en débat, la question se pose : qui aurait eu « raison » à propos de l’histoire ?

Contrairement au simplisme parfois avancé, il nous semble qu’aucun des trois n’avait absolument et unilatéralement raison dans les principaux moments du débat. Comme nous le démontrerons dans ce texte, au début Rosa Luxemburg et Léon Trotsky avaient raison contre Vladimir Lénine, mais plus tard – et en maintenant formellement les mêmes termes du débat – la raison historique s’est inversée. Selon nous, cela s’est produit parce que la « question de l’organisation » a été résolue en même temps qu’une théorie du parti privé (en sens strict du mot « avant-garde ») et une théorie de l’auto-émancipation ou du mouvement commun de larges couches de la classe ouvrière.

Vladimir Lénine en 1903 et les conséquences de sa théorie du parti

Au sein du mouvement marxiste, il est courant de réfléchir à la théorie du parti révolutionnaire et de faire immédiatement allusion à Vladimir Lénine. En fait, c'est lui qui a été le premier à élaborer les plans de parti les plus cohérents du Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR) au tournant du XIXe et du XXe siècle, qui ont ensuite caractérisé une forme déterminée d'organisation du parti qui, pour mieux ou pire, était-il universel (application mondiale). Le déroulement de cette élaboration va de son article « Par où commencer ? (1901), en passant par la célèbre « Lettre à un camarade » (1902), du non moins célèbre Ce qu'il faut faire? (1902), par la controverse du IIe Congrès du RSDLP (1903), pour arriver enfin à Un pas en avant, deux pas en arrière (1904).

Le point conceptuellement nouveau apporté par Vladimir Lénine a été présenté au IIe Congrès du RSDLP, autour duquel a eu lieu la célèbre controverse avec Julius Martov. C'est le problème du premier alinéa du statut du parti, à savoir qui est membre ou non. À première vue, la question semble banale et la polémique dénuée de sens. Rappelons les formules proposées.

La formule de Vladimir Lénine : « Est membre du Parti [social-démocrate ouvrier russe] toute personne qui accepte le programme du Parti et soutient le Parti tant financièrement que par sa participation personnelle à l'une des organisations du Parti. » La formule de Julius Martov : « Est membre du Parti travailliste social-démocrate de Russie toute personne qui accepte le programme du Parti, le soutient financièrement et apporte une collaboration personnelle régulière sous la direction d'une de ses organisations. »[I]

La différence réside dans la « participation personnelle » (Vladimir Lénine) ou la « collaboration régulière » (Julius Martov) dans une organisation du parti. Participer personnellement signifie faire partie de l’organisation ; « collaborer », pas nécessairement. Julius Martov voulait travailler avec le « pas nécessairement » ; voulait étendre le statut de membre aux supporters; il voulait créer artificiellement une zone prétendument dialectique, caractérisée par le fait d’être « ni à l’intérieur ni à l’extérieur » du parti.[Ii]

Il convient donc de noter qu’il n’y a pas eu de controverse claire parmi la majorité des membres du congrès – à l’exception de ceux de la Ligue juive, de la Ligue juive. Frette, et une partie des soi-disant « économistes » –, sur la notion de centralisme (contre le fédéralisme), de travail complotiste (contre le légalisme), de discipline (unité d’action) etc. Presque tout le monde était formellement favorable à ces éléments, mais seuls les « durs » (les partisans de Vladimir Lénine) pensaient que de tels principes n'entreraient en vigueur que si le parti était capable de distinguer, de manière claire et directe, sans points troubles ( c'est-à-dire avec des frontières bien définies), ses véritables militants, les révolutionnaires professionnels, c'est-à-dire ses membres effectivement actifs de la classe.

Le problème est qu'en attribuant la notion d'activité à un secteur de la classe ouvrière, il semblait en priver le reste de la classe, qui ne porterait alors, en apparence, que la notion de passivité. Pour Martov et ses compagnons, désormais connus sous le nom de mencheviks (parfois « doux » ou « doux »), attribuer l’adjectif « passif » à quelqu’un qui, qu’ils le veuillent ou non, collaboraient consciemment avec le parti, semblait très dur.[Iii]. Martov et ses partisans pensaient qu’une telle dureté, supprimant les éléments intermédiaires, tendait à créer un abîme, peut-être insurmontable, entre l’organisation révolutionnaire et la classe. Le résultat de ce « formalisme » serait, selon eux, le sectarisme.

Rosa Luxemburg et Léon Trotsky se sont distingués dans leur critique de la théorie du parti de Vladimir Lénine, en ciblant certaines phrases et éventuellement des schémas simplistes présentés par le leader bolchevique.[Iv]. La défense par Rosa Luxemburg et Léon Trotsky de l'élément économique et du caractère actif des masses prolétariennes est bien connue ; la critique de la conception kautskyste, soutenue par Vladimir Lénine (contre les « économistes »), selon laquelle la conscience socialiste serait amenée à la classe ouvrière de l'extérieur, de l'extérieur, par la main du parti ; ainsi que, aussi, la critique de la défense que Vladimir Lénine (contre Axelrod) a faite d'un travail trop conspirateur, héritage, selon eux, de la petite bourgeoisie « jacobiniste » (travail des révolutionnaires des comités professionnels)[V]. De telles critiques seraient-elles fondées ? Vladimir Lénine se défend généralement en affirmant que ses déclarations ont été sorties de leur contexte et extrêmement simplifiées.[Vi]

S’il est vrai qu’il y a eu une simplification des propos de Vladimir Lénine – et parfois des ressentiments d’ordre presque personnel, notamment de la part de Léon Trotsky –, il est également vrai que Vladimir Lénine a dérapé à plusieurs reprises (et dans le feu de la polémique) ) en formules schématiques et à la fois dichotomiques. Vladimir Lénine, comme la grande majorité des dirigeants socialistes de l’époque, semblait en proie à certaines conceptions antidialectiques régnant dans la IIe Internationale, sous la direction du « centre orthodoxe », la direction du Parti social-démocrate allemand (SPD).

C'est au sein de ce parti, consciemment depuis le congrès d'Erfurt (1891), que se sont développées des notions telles que celle d'un « programme minimum » (économique et réformiste) opposé à un « programme maximum » (politique et révolutionnaire), ainsi que l'idée ( clairement développé par Karl Kautsky au tournant du siècle) que la conscience socialiste serait introduite dans la classe ouvrière de l'extérieur (par des intellectuels bourgeois ou petits-bourgeois)[Vii]. Considérer la théorie comme extérieure à la classe signifie considérer le parti (le soi-disant porteur conscient de cette théorie) comme extérieur à la classe. Une autre dichotomie souvent présentée est celle qui fait référence au travail illégal (partisan) par opposition au travail légal (union économique), comme on peut le voir notamment dans Ce qu'il faut faire?.

Qui aurait raison dans ce débat ? En fait, il est difficile de répondre à l'avance. Il est probable qu’aucun d’entre eux – Vladimir Lénine, Rosa Luxemburg ou Léon Trotsky – n’avait unilatéralement raison, à ce moment-là, face à l’histoire. L’histoire n’était pas encore écrite. Cependant, un début de réponse apparut l’année suivante et donna pour la première fois raison à Rosa Luxemburg et Léon Trotsky face à Vladimir Lénine. Les événements de la première révolution russe (1905) ont confirmé l'activité créatrice des masses et, face à elles, la faction de Vladimir Lénine a souvent assumé un rôle sectaire.

Il faut souligner l'élément, parfois délibérément ignoré, que les soviets russes (conseils de députés ouvriers), tels que nous les connaissons, tels qu'ils sont apparus dans la Révolution russe de 1905, notamment tels qu'ils ont été créés à partir de la fondation du principal ( celle de Saint-Pétersbourg), étaient une proposition des mencheviks, à laquelle les bolcheviks s'opposaient.

Le fait nous est raconté par Léon Trotsky dans son importante autobiographie, dans le chapitre consacré à 1905. Dans ce livre, traitant du déclenchement spontané – activité inattendue des masses – de la forte grève générale d'octobre 1905, le théoricien de la révolution permanente nous dit :

« Le mouvement a continué à s’étendre, mais il risquait d’échouer s’il n’était pas dirigé par une organisation de masse. Je suis arrivé de Finlande avec un projet d'organisation électorale non partisane, avec un délégué pour mille travailleurs. L'écrivain Iordansky, qui deviendra plus tard ambassadeur des Soviétiques en Italie, m'informa, le jour même de mon arrivée, que les mencheviks avaient déjà lancé le mot d'ordre d'un corps électoral révolutionnaire, avec un délégué pour cinq cents ouvriers. C'était correct. Les membres du Comité central bolchevique présents à Pétersbourg se sont résolument opposés à une organisation électorale indépendante des partis, craignant qu'elle ne concurrence la social-démocratie. Les ouvriers bolcheviks n’avaient pas une telle crainte. Les hautes sphères du bolchevisme se sont comportées de manière sectaire à l'égard du soviet jusqu'à l'arrivée de Vladimir Lénine en novembre. […]. Le retour tardif de Vladimir Lénine de l'étranger fut une des raisons pour lesquelles la faction bolchevique n'a pas pu prendre une position dirigeante dans les événements de la première révolution.»[Viii]

Cet élément est également précisé par O. Anweiler, qui ne manque jamais d'ironiser : « Il est très significatif que le modèle de la Commune de Paris – qui servira de base à la théorie léniniste de l'État et au système bolchevique des conseils – ait été introduit à l'origine dans le marxisme russe, non pas par les bolcheviks, mais par les mencheviks.»[Ix]. Toujours selon Anweiler, c'est Julius Martov qui a le plus théorisé sur les soviets comme forme d'« auto-administration révolutionnaire » (et Axelrod, à qui Léon Trotsky a dédié sa brochure Nos tâches politiques, aurait été le « plus ardent propagateur de ce projet »).

Les bolcheviks, surtout en l'absence de Vladimir Lénine, craignant que les Soviétiques ne remplacent le parti, maintenaient à leur égard une position quelque peu douteuse ; dans certaines villes, ils ont entravé ou retardé la création de soviets. Telle était la position étroite et de gauche des soi-disant « hommes du comité », contre lesquels Vladimir Lénine s’est également battu à plusieurs reprises au cours de sa vie. Pour lui, ces hommes distingués, généralement des intellectuels, se contentaient de répéter formellement des formules savantes, sans y réfléchir en profondeur, de manière vivante.[X]

Mais s’ils ont agi ainsi, c’est parce que le doute était, à proprement parler, dans les formulations initiales de Vladimir Lénine lui-même. Ce dernier, bien qu’il défendait les soviets, n’avait toujours pas une compréhension absolument claire de leur signification historique (stratégique), en tant qu’organes de pouvoir et de gouvernement de la classe ouvrière (il ne les voyait que comme des instruments possibles de lutte pour le parti). Ainsi, selon un important biographe de Vladimir Lénine, J.-J. Marie, la position du principal dirigeant bolchevique vis-à-vis des Soviétiques est restée vacillante lors de la première révolution.[xi]

Il n'est donc pas exagéré de dire qu'en 1905 tous les éléments des critiques de Rosa Luxemburg et de Léon Trotsky à l'égard de Vladimir Lénine furent confirmés : les bolcheviks s'opposèrent aux masses ouvrières (cherchant à remplacer l'organisation créée par activité spontanée eux); c'est l'impulsion des masses qui a fait grandir la social-démocratie (la conscience socialiste) et non l'inverse ; les hommes d'État, en raison d'habitudes trop fermées, sectaires et clandestines (jacobines-blanquistes), étaient incapables de s'identifier au mouvement ; les intellectuels avaient tendance à rivaliser avec les travailleurs[xii]. En outre, le mouvement de masse faisait pression pour un travail commun entre bolcheviks et mencheviks, aboutissant en pratique à une réunification des factions dans de nombreux comités.

À Saint-Pétersbourg, le travail commun entre le principal dirigeant bolchevique local, Leonid Krasin, et Trotsky, président du soviet (le centre de la révolution dans le pays), est essentiel. En novembre 1905, le CC bolchevique se prononça en faveur de l'unification avec les mencheviks, et Vladimir Lénine et Bogdanov assistèrent à une conférence menchevik dans la capitale. Les mencheviks, eux aussi en quête d'unification, approuvèrent la formule de Vladimir Lénine pour le premier paragraphe de leurs statuts.

Vladimir Lénine est resté l'un des plus grands partisans de la fusion jusqu'au prochain congrès du parti. Lorsqu'il se réunit en avril 1906 (donc après l'écrasement de l'insurrection) et approuva la fusion des groupes, les mencheviks, précisément en raison de leur position par rapport aux Soviétiques et du prestige de Trotsky, étaient numériquement majoritaires (ils avaient 62 délégués). contre 46 bolcheviks et élu 7 membres du CC contre 3 bolcheviks)[xiii]. Ainsi, dans le feu du mouvement de masse de 1905, les controverses du passé ne ressemblaient qu’à cela. Léon Trotsky et Rosa Luxemburg ont gagné du terrain pour faire avancer d’importantes synthèses. De quelles synthèses s’agissait-il ?

La dialectique atteinte par Rosa Luxemburg et Léon Trotsky à partir de 1905

L’élément le plus important que Rosa Luxemburg et Léon Trotsky théorisent à partir de l’expérience de 1905 est l’idée selon laquelle il faudrait déduire un élément intermédiaire entre les pôles dichotomiques présentés auparavant par la social-démocratie. Selon eux, il ne serait pas possible de travailler avec les concepts de « passif » par opposition à « actif », « économique » par opposition à « politique », « juridique » par opposition à « illégal », sans permettre entre eux quelque chose. que é (sont) les deux choses à la fois ; une transition entre deux éléments, une zone négative qui n'est ni l'une ni l'autre, mais qui a néanmoins nécessairement son propre statut.

À la lumière de la première révolution russe, les réflexions de Rosa Luxemburg commençaient dès 1906 sur l'importance de ce qu'on appelle la « grève de masse ». Son texte le plus célèbre sur ce sujet s’intitule en effet de manière significative Grève de masse, parti et syndicats (1906).[Xiv] Rosa Luxemburg cherche constamment à déduire un élément organisationnel intermédiaire entre le parti politique (illégal) et l'union économique (légale) : les grèves de masse et les organisations créées par elles, responsables de l'insurrection elle-même. La grève de masse ne serait pas exactement politique – et Rosa Luxemburg donne plusieurs exemples de la grande puissance des luttes économiques, notamment pour la réduction du temps de travail –, mais elle ne serait pas non plus exactement économique, puisqu’elle créerait nécessairement des organes d’insurrection.

Rosa Luxemburg affirme et réaffirme que le mouvement de 1905 est passé non seulement de l'économique au politique, mais aussi du politique à l'économique. Et il résume, à propos de la lutte encore de janvier 1905 (le « Dimanche sanglant ») : « Ici, la lutte économique n'était en réalité pas un fractionnement, pas un brouillage de l'action, mais un changement de front ; La première bataille contre l'absolutisme s'est rapidement et naturellement transformée en un règlement de compte général avec le capitalisme, et cela, conformément à sa nature, prend la forme de conflits partiels en faveur des salaires. Il est faux de dire que l’action politique de classe de janvier a été détruite parce que la grève générale a été divisée en grèves économiques. C'est exactement le contraire (…).[xv]

Pour Rosa Luxemburg, après la grève générale de janvier, un nouveau principe aurait émergé : « les relations mêmes entre ouvriers et employeurs subissent des transformations », car « le principe du maître capitaliste chez lui est pratiquement supprimé. On a vu se constituer spontanément des comités ouvriers, seules instances qui négocient avec le patron, dans les plus grandes usines (…) »[Xvi]. Il apparaît clairement que ce nouveau principe est ce que l’on appellera plus tard le double pouvoir, ou double pouvoir – un contrepoids au pouvoir administratif capitaliste au sein de l’usine.

L'extension de ce double pouvoir local, tout au long de l'année 1905, aurait abouti, selon Rosa Luxemburg, à la création de conseils (soviets) à la fin de l'année, comme dualité du pouvoir au niveau régional (au-delà de l'usine), capable de diriger l'ensemble des comités ouvriers : « En octobre, se déroule à Saint-Pétersbourg l'expérience révolutionnaire de l'instauration de la journée de travail de 8 heures. Le Conseil des députés ouvriers [soviétique] décide de créer, par des méthodes révolutionnaires, la journée de travail de huit heures. C'est ainsi qu'à une certaine date, tous les ouvriers de Saint-Pétersbourg ont déclaré à leurs patrons qu'ils refusaient de travailler plus de 8 heures par jour et qu'ils quitteraient leur lieu de travail à l'heure fixée ».[xvii]

La grève de masse, telle qu'elle s'est présentée en Russie en 1905, disait Rosa Luxemburg, serait un phénomène « si mobile qu'il reflète en lui-même toutes les phases de la lutte politique et économique, toutes les étapes et tous les moments de la révolution ».[xviii] Rosa Luxemburg présente le problème de manière on ne peut plus claire : « nous sommes surpris par le fait que l'élément économique et l'élément politique sont inextricablement liés. Là encore, la réalité s’éloigne du schéma théorique (…) »[xix]; « la cause et l’effet se succèdent, ils alternent sans cesse », l’économie et la politique sont « loin de s’exclure réciproquement comme le prétend le schéma prétentieux »[xx].

Léon Trotsky, de la même manière, dans son Equilibre et perspectives (1906), reprend les arguments concernant une coïncidence entre éléments économiques et politiques. Cependant, les plus riches de ses réflexions sur cette période semblent concerner les soviets en tant qu'organes non seulement de lutte prolétarienne, mais aussi en tant qu'institutions proprement démocratiques du gouvernement ouvrier (dictature de classe). Dans sa conception, il y a un élément « intermédiaire » (à la fois économique et politique) ; c'est sa propre forme d'organisation, mais pas seulement : c'est aussi la forme embryonnaire du futur gouvernement ouvrier.

Dans un autre texte important, également de 1906 – « Le Conseil des députés ouvriers et la révolution », publié dans Nouveau temps –, Léon Trotsky a présenté la question encore plus clairement : « Le conseil a organisé les masses, mené des grèves et des manifestations politiques, armé les ouvriers... Mais d'autres organisations révolutionnaires l'avaient déjà fait avant lui, l'ont fait en même temps et continueront de le faire. après sa dissolution. La différence était que [le Conseil] était, ou du moins aspirait à être, un organe de pouvoir. Même si le prolétariat ainsi que la presse réactionnaire qualifiaient le conseil de "gouvernement ouvrier", le conseil représentait en réalité un embryon de gouvernement révolutionnaire.»[Xxi]

L’élément intermédiaire (semi-juridique) comme négatif dialectique

Pour être honnête avec l’histoire de cette controverse, il faut dire que nous avons exagéré lorsque nous avons dit qu’avant 1905 les révolutionnaires ne pensaient pas à des « éléments intermédiaires » entre les pôles dichotomiques. En fait, le thème était courant dans la social-démocratie allemande et était plus que présent dans les premières controverses qui divisèrent le RSDLP en 1903. Au milieu de celles-ci, par exemple, en défendant sa formule, Vladimir Lénine – comme pour se protéger des accusations – a déclaré qu’il contenait une série de «perdre les organisations [organisations lâches] »[xxii]. Ce n'est pas pour rien qu'il a utilisé le terme allemand : il s'agit d'une référence à l'expérience du SPD, qui fondait son action sur une série d'organisations et d'associations culturelles et syndicales lâches et « plus larges », qui servaient de lien entre le parti et le parti. « de masse » et donc aussi une porte d’entrée vers le militantisme.

De même, dans Un pas en avant, deux pas en arrière (1904), Vladimir Lénine a développé jusqu'à cinq catégories d'organisations, depuis celles spécifiquement composées de révolutionnaires professionnels jusqu'aux larges éléments non organisés de la classe, qui se soumettaient à la direction du parti.[xxiii]. Il s’agit de comprendre que le parti atteindra les masses à travers des cercles concentriques. Le parti serait le pôle « illégal » (qui porterait la conscience historique de la nécessité du socialisme), qui créerait des organisations intermédiaires, « semi-légales », qui organiseraient des consciences plus « avancées », englobant ainsi la large masse ouvrière. , organisé dans ses organes de lutte juridique, spontanée et économique (syndicats).

Cette conception était répandue dans la social-démocratie et apparaissait également dans les travaux de Léon Trotsky avant l'expérience des soviets, comme dans Nos tâches politiques (1904) : « Il est clair que notre parti représentera toujours, du centre vers la périphérie, toute une série de cercles concentriques qui augmentent en nombre mais diminuent en niveau de conscience. Les éléments les plus conscients et donc les plus révolutionnaires seront toujours "en minorité" dans notre parti.»[xxiv]

En fait, cette conception de Léon Trotsky (jusqu'en 1904) et de Vladimir Lénine, qui voyaient alors la construction du parti un peu comme des « couches d'oignons » construites par le parti aux masses – comme des « garanties », des « niveaux », des « tendances » ou des « centrales syndicales » du parti –, ce n’est pas exactement dialectique. Il s’agit, comme nous l’avons dit, d’une forme de construction de parti caractéristique de la social-démocratie allemande et, curieusement, quelque chose qui se rapproche de la position de Julius Martov dans sa polémique avec Vladimir Lénine.

Cela implique la création de formes organisationnelles artificielles dans lesquelles les membres et les non-membres du parti sont admis avec un statut égal. Il ne s’agit pas de la création d’organismes intermédiaires vivants, résultat d’un mouvement spontané de larges couches de la classe ouvrière. Ces formules vagues n'ont rien à voir avec les formes d'organisation créées par l'action des masses russes en 1905, formes à la fois économiques et politiques, formes d'auto-émancipation qui dirigeaient la classe ouvrière dans son ensemble. C'est contre ce faux intermédiaire que Rosa Luxemburg et Léon Trotsky s'élèvent, après 1905, à la recherche d'une dialectique (quoique initiale).

Sous des formes artificielles, perdre les organisations, qui servent de masque au parti ou à ses instruments de « cooptation », la vitalité des masses et le potentiel du parti se diluent, les premiers devenant passifs et les seconds, pour agir, dépendants d'éléments instables. . Il y a à proprement parler une position contradictoire avec la formule imaginée par Vladimir Lénine lui-même en 1903 – mais lui, sans autre conception dialectique à lui substituer, a dû s’appuyer sur elle pour tenter de combler le fossé entre le parti et les masses. .

En bref : dans la conception social-démocrate du perdre les organisations c’est le parti qui (activement), comme une voie à sens unique, va vers les masses (passives) et construit les formes organisationnelles « intermédiaires » censées être nécessaires pour les embrasser. Dans la conception que cherchent à développer Rosa Luxemburg et Léon Trotsky après 1905, c'est l'action réciproque du parti et des masses qui construit un niveau organisationnel intermédiaire (semi-légal), qui n'est strictement ni l'un ni l'autre (ni illégal). parti ni unions légales) ; niveau organisationnel intermédiaire qui s’exprime sous la forme de comités d’usine et, plus tard, de conseils.

C’est donc là toute la difficulté. En observant la séquence de trois niveaux : « économique », « non-économique-ni-politique », « politique » ; ou encore : « légal », « semi-légal », « illégal » ; ou encore « minimum », « intermédiaire », « maximum » ; en observant cette séquence, on peut supposer que le mouvement est linéaire ; On peut supposer que la « conscience » de la « masse », stimulée par le parti, partirait du niveau « économique » (lutte syndicale, de nature juridique), s'établirait au niveau « non-économique et non-économique ». politique » (collatéral, fédération syndicale, etc.) et atteindrait finalement le « politique » (le parti, la conscience de l’illégalité du système capitaliste et, donc, de la nécessité de son renversement).

Cependant, ce qui devrait régir le mouvement dialectique d’ascension entre les niveaux n’est pas une téléologie positive mais un processus négatif. Il ne s’agit pas pour le parti d’élever les « masses » par une « échelle » (1 à 2 à 3), mais plutôt de réaliser une synthèse conjointe avec l’activité des « masses » (1 ⇄ 3 | 2). L’élément intermédiaire n’est pas un « échelon » en dessous du « politique » et au-dessus de l’« économique ». Dans la théorie et l’expérience organisationnelle de 1905, l’élément intermédiaire est une synthèse, au sens dialectique de abrogation (suppression), un dépassement qui nie les termes antérieurs, les gardant en soi. Ainsi, l’intermédiaire est au-delà (au-dessus) de l’opposition entre économique et politique et, par conséquent, il est aussi la forme supérieure de gouvernement de la classe ouvrière, la forme qui représente le futur gouvernement socialiste, pour vaincre le capitalisme. Les comités et conseils d'usine remplacent, en même temps, les syndicats et les partis créés par la classe ouvrière sous le capitalisme ; Ce sont les organes administratifs et directeurs de la future économie et société socialiste. À la limite, ils évoquent même la possibilité (après une longue période de transition) de disparition des partis et des syndicats.

Le retour de Vladimir Lénine

En étant rigoureux avec la logique de cette dialectique, nous nous rendons compte que ce qui a été souligné ci-dessus aboutit théoriquement à la nécessité pour un parti d'aider à la création de l'élément organisationnel supérieur. De plus : il est entendu que plus elle est délimitée, organisée et agile, mieux c'est, car plus puissante sera la dialectique menée entre son action et l'action spontanée des masses travailleuses. C’est ce dont Rosa Luxemburg et Léon Trotsky se rendront compte plus tard – de manière quelque peu tragique. Bien qu'ils aient eu raison lors de la controverse initiale, tous deux sont parvenus à la conclusion de la justesse de la formule de Vladimir Lénine concernant la théorie stricte du parti.[xxv]

C'est donc Vladimir Lénine qui revient sur le devant de la scène historique en 1917. Le fait qu'il ait consacré sa vie à la création d'un parti de révolutionnaires professionnels, d'action, mieux défini par rapport à l'ensemble de la classe, lui a donné de grands avantages par rapport aux autres, surtout lorsqu'il devint partisan de la théorie des conseils en tant qu'organes directeurs des masses laborieuses et opprimées. C’est là que sa conception organisationnelle, auparavant seulement formellement correcte, est devenue dialectiquement correcte. « Tout le pouvoir aux soviets » devient alors le slogan associé aux bolcheviks en 1917, notamment depuis la Thèses d'avril.[xxvi]

En fait, personne à l’époque n’a soumis le rôle des Soviétiques en tant qu’organes de gouvernement autonome à une analyse aussi sérieuse et détaillée que Vladimir Lénine lui-même dans L'État et la Révolution (écrit entre août et septembre 1917). Le grand avantage de Vladimir Lénine était que son antithèse pratique au mouvement de masse était bien plus puissante que celles de Rosa Luxemburg et Léon Trotsky, qui avaient à peine leurs propres factions. Vladimir Lénine a pu punir le mouvement spontané beaucoup plus profondément car il a toujours maintenu une faction communiste bien organisée. Ceci, entre autres éléments, a rendu la dialectique créée par l'histoire en 1917, grâce à l'activité conjointe (synthèse) des masses et du parti bolchevique, suffisamment puissante pour s'emparer et assurer le pouvoir.

Conclusion

C’est de la résolution dialectique des positions de Vladimir Lénine, Rosa Luxemburg et Léon Trotsky que naît, à notre avis, l’ajustement entre forme et contenu dans la théorie du parti, nécessaire à la classe ouvrière dans son processus d’émancipation. Il est nécessaire que la classe ouvrière agisse pour créer, à partir de ses organes juridiques, de nouveaux organes pour sa lutte commune (en fait, des organes de pouvoir, même embryonnaires) ; mais il faut aussi – comme condition préalable ou présupposé – l’existence d’un parti avec une sélection stricte de ses membres, capable d’agir efficacement parmi les masses travailleuses.

Le processus doit donc être à la fois commun et autonome, d’une part, et privé et directif, d’autre part. De cette relation naît la théorie dialectique des niveaux organisationnels du processus révolutionnaire. Par conséquent, la théorie des partis se présente également, en fin de compte, comme une théorie du programme révolutionnaire – dans la mesure où elle contient les étapes ou le mouvement général de larges secteurs de travailleurs vers la prise du pouvoir économique et politique.[xxvii]

*Rafael de Almeida Padial Il est titulaire d'un doctorat en philosophie de l'Unicamp. Auteur de À propos du passage de Marx au communisme (Alameda) [https://amzn.to/3PDCzMe]

Références


ANWEILER, O., Les Soviétiques en Russie, 1905 – 1921, Paris : Gallimard, 1972 ;

PROCÈS-VERBAL DU DEUXIÈME CONGRÈS POSDR (1903), São Paulo : Editora Marxista, 2014 (vol. 1) et 2015 (vol. 2) ;

BENOIT, AHR, « Théorie (dialectique) du parti ou négation de la négation Vladimir Léniniste », dans le magazine d'octobre, São Paulo : Xamã, 1998 ;

BROSSAT, A., La pensée politique du jeune Trotsky. Mexique DF : Siglo Veintiuno Editores, 1976 ;

BROUÉ, P. Le Parti bolchevique, São Paulo : Sundermann, 2014 ;

VLADIMIR LÊNIN, W., Ce qu'il faut faire? São Paulo : Alfa-oméga, 1986 ;

__________.Un pas en avant, deux pas en arrière, São Paulo : Alfa-oméga, 1986 ;

ROSA LUXEMBOURG, R. Grève de masse, parti, syndicats. São Paulo : Kairos, 1979 ;

__________. « Blanquisme et social-démocratie », disponible en version numérique sur , consulté en mai 1906 ;

MARIE, J.-J. Vladimir Lénine. Madrid : POSI, 2008 ;

TROTSKI, Nos tâches politiques, disponible sous forme numérique sur , consulté le 1904 mai 14 ;

__________. 1905, suivi de Bilan et Perspectives, Paris : Édition de Minuit, 1969 ;

__________. Ma vie, São Paulo : Sundermann, 2017.

notes


[I] PROCÈS-VERBAL DU DEUXIÈME CONGRÈS RSDLP (1903), São Paulo : Editora Marxista, 2014, vol. 1. Pour la formule de Vladimir Lénine, cf. p. 253. Pour celui de Martov, cf. p. 32.

[Ii] Voir, dans le PROCÈS-VERBAL précité (vol. II), les XXIIe et XXIIIe sessions du Congrès.

[Iii] « Menchevik », ou « membre de la minorité », s'oppose au bolchevik, « membre de la majorité ». Il convient toujours de rappeler que, ironiquement, la formule de Martov a été victorieuse contre celle de Vladimir Lénine, par 28 voix contre 23 (c'est-à-dire que les mencheviks étaient, à cet égard, majoritaires). Cependant, lors du congrès, avec le départ des membres du Frette et des économistes (qui ont voté pour la formule de Martov), ​​le groupe de Vladimir Lénine est devenu majoritaire et a ainsi remporté la majorité des organes centraux. D’où les adjectifs si fréquemment évoqués.

[Iv]         Pour les critiques de Léon Trotsky à l'égard de Vladimir Lénine, voir son Rapport de la délégation sibérienne (1904) e Nos tâches politiques (1904). Pour les critiques de Rosa Luxemburg à l'égard de Vladimir Lénine, voir Centralisme et démocratie (1904). Les deux derniers sont des réponses directes à Un pas en avant…

[V] Pour la question de la conscience introduite extérieurement dans la classe, voir Ce qu'il faut faire?, point « II. La spontanéité des masses et la conscience sociale-démocrate ». Pour la réponse de Vladimir Lénine à Axelrod sur la question du jacobinisme ou du blanquisme (babeuvisme), voir Un pas en avant, deux pas en arrière, point «r) La nouvelle Iskra. Opportunisme en matière d’organisation ». Il convient de mentionner que Rosa Luxemburg et Léon Trotsky présentent également l'idée selon laquelle le résultat nécessaire de l'ultra-centralisme et de l'appartementisme par rapport aux masses ne serait pas seulement le remplacement (« substitutionisme ») du parti par rapport à la classe (un dictature sur le prolétariat), mais aussi la dictature du Comité central sur le parti et une dictature du leader maximum sur le Comité central. Nombreux sont ceux qui, de manière simpliste et anachronique, ont utilisé de tels passages pour affirmer que le germe du stalinisme était déjà contenu dans les positions initiales de Vladimir Lénine.

[Vi] Dans la préface de 1907 du recueil Douze ans (dans lequel sont réédités, entre autres, Ce qu'il faut faire? e Un pas en avant…), Vladimir Lénine attire l'attention sur le fait que Plekhanov, après 1904, a commencé à déclarer qu'il différait de lui-même, Vladimir Lénine, sur la question de la « conscience » portée à l'extérieur. Vladimir Lénine précise qu'en publiant Ce qu'il faut faire?, Plekhanov (et tout le corps de Iskra) n'avait soulevé aucune question à ce sujet. La raison, selon Vladimir Lénine, viendrait du fait que chacun était clairement conscient que l'argument avait pour seul but de combattre les économistes et ne se proposait pas de poser un problème de principe philosophique. Il en va de même, selon Vladimir Lénine, de l'accusation dont il commença à souffrir, après 1904, de « mépriser » le mouvement économique et syndical (et, par extension, le caractère de actif des masses) au nom du « politicien » (le parti).

[Vii] Voir l'article de Kautsky, « Un élément importé du dehors » (dans La Nouvelle Zeit, 1901).

[Viii] TROTSKI, L., Ma vie, São Paulo : Sundermann, 2017, p. 218-19. Les points forts sont les nôtres. Notez que dans son livre 1905 (publié en 1909), analysant précisément les événements de la première révolution, Léon Trotsky affirme que le modèle électoral/représentatif de délégation avait un précédent dans la « Commission Chidlovsky ». (Voir chapitre « Formation du soviet des députés ouvriers »). Il s'agissait d'une commission créée par le tsar en janvier 1905 en réponse à la grève générale qui eut lieu à Saint-Pétersbourg. Son nom fait référence au sénateur – Chidlovsky – chargé de cette commission devant le Tsar. Le but d'une telle commission, du moins formellement, était d'étudier les causes du mécontentement des ouvriers des usines de Saint-Pétersbourg et les moyens d'y remédier. La commission était composée de représentants du gouvernement et de la bourgeoisie, ainsi que des travailleurs. Ceux-ci seraient élus parmi neuf catégories professionnelles de la capitale, à raison d'un délégué pour 100 travailleurs. En rendant hommage à Oskar Anweiler, il convient de noter que déjà avant la formation de cette commission, les deux ailes de la social-démocratie russe – les bolcheviks et les mencheviks – étaient divisées. Bien que tous deux prônaient la participation aux élections, leurs tactiques étaient différentes. Les bolcheviks y voyaient simplement une manœuvre de diversion du gouvernement et réfléchissaient à un moyen de le vider ou de le boycotter. Les mencheviks voulaient le transformer en tribune pour étendre leur influence sur la classe ouvrière. La position des bolcheviks était majoritaire ; une série de revendications ont été présentées au sénateur alors que ultimatum, démenti par la suite par les représentants du pouvoir. Les représentants des travailleurs ont alors boycotté la commission et publié un manifeste à la population. La durée de vie d’une telle commission ne dépassait donc pas deux semaines. Voir à ce sujet ANWEILER, O., Les Soviétiques en Russie, 1905 – 1921, Paris : Gallimard, 1972, p. 41 et ss;et p.65 (pour la proportion de la délégation).

[Ix] ANWEILER, O., sur. cit., p. 84

[X] Sur le retard ou la non-création des soviets dans les régions à prédominance bolchevique, voir ANWEILER, O., sur. cit., p. 97 et BROUÉ, P. Le Parti bolchevique, São Paulo : Sundermann, 2014, p. 74. Le principal représentant du gauchisme des « hommes du comité » était alors A. Bogdanov, un dirigeant important de la faction. Un autre représentant caractéristique de cet esprit de comité étroit était le célèbre Staline. Voir MARIE, J.-J. Vladimir Lénine. Madrid : POSI, 2008, p. 85 ; ANWEILER. LE. sur. cit., p. 93

[xi] La défense que Vladimir Lénine fait des Soviétiques à l’étranger est tout à fait prudente. Vladimir Lénine laisse toujours aux dirigeants locaux le soin de décider de publier ou non ses textes en faveur des Soviétiques (ce qui n'arrive pas, sous la direction de Bogdanov). Voir MARIE, J.-J., Vladimir Lénine, op. cit, p. 87 et ss;cf. ANWEILER. LE. sur. cit., p. 99

[xii] Alain Brossat, défenseur, en définitive, de la théorie de Vladimir Lénine, reconnaît aussi que les théories de Rosa Luxemburg et Léon Trotsky sont restées confirmées en 1905. Voir BROSSAT, A., La pensée politique du jeune Trotsky. Mexique DF : Siglo Veintiuno Editores, 1976, p. 47 et p. 64.

[xiii] Voir MARIE, J.-J., Vladimir Lénine, op. cit., p. 89-91. La fusion, comme nous le savons, n’est pas allée très loin. Des divergences importantes ont été exprimées lors du congrès, comme celles concernant les expropriations, au nom desquelles Vladimir Lénine, Krassine et Bogdanov maintenaient un « groupe économique spécial » secret. En outre, il existe une division importante concernant la participation ou non à la Douma (pré-parlement). Les bolcheviks – à la seule exception de Vladimir Lénine – étaient contre la participation et les mencheviks y étaient favorables. Mais le plus important est qu'une partie des mencheviks, menée par Plékhanov, commença bientôt à théoriser sur la nécessaire période de reflux et de réaction qui résulterait de la défaite et qui, pour minimiser les dégâts, justifierait une politique adaptée au libéralisme. opposition bourgeoise à la monarchie. Au cours des années de réaction, une partie importante des mencheviks, rejetant les méthodes de l'insurrection armée, s'engagea résolument sur la voie d'une démocratie libérale (contre ce que les bolcheviks ont combattu et gagné). Rosa Luxemburg commence alors à s'éloigner des mencheviks et à se rapprocher de Vladimir Lénine. En juin 1906, elle défend Vladimir Lénine contre Plékhanov, qui l'accuse à nouveau de « blanquisme » (Voir son texte « Blanquisme et social-démocratie », disponible en version numérique sur https://www.marxists.org/archive/luxemburg/1906/06/blanquism.html. Déjà au congrès de mai-juin 1907 du RSDLP, la différence entre ses deux fractions était visible. Léon Trotsky commente le trait honteux, sceptique et intransigeant de mépris du parti, de toute perspective large et d'eux-mêmes, présent dans la figure des mencheviks, alors que les bolcheviks se caractérisaient par leurs attaches, leur foi en l'avenir, leur audace. , son « patriotisme de parti » et son caractère militaire. Voir MARIE, J.-J., Vladimir Lénine, sur. cit., P 94.

[Xiv] Il est intéressant de noter que Rosa Luxemburg commence son livre de manière relativement favorable aux bakouninistes lors de leur controverse avec Engels concernant la « grève générale ». Nous avons là peut-être la première – parmi plusieurs – critiques adressées par Rosa Luxemburg à Engels. Le révolutionnaire verra de plus en plus dans certaines positions d’Engels tardif (années 1890) la racine d’une partie des positions dichotomiques et simplistes de la social-démocratie allemande. Voir, par exemple, le discours de Rosa Luxemburg sur le programme et la situation politique, au congrès fondateur du Parti communiste allemand (KPD), le 31 décembre 1918, dans lequel elle rendait ses critiques sur le programme dichotomique d'Erfurt et ses positions relativement contre Engels. D’où la tradition communiste allemande critique à l’égard d’Engels, qui a ensuite acquis une plus grande expression philosophique.

[xv] ROSA LUXEMBOURG, R. Grève de masse, parti, syndicats. São Paulo : Kairós, 1979, p. 30-31.

[Xvi] Pareil pareil, P 35.

[xvii] Pareil pareil, P 39.

[xviii] Pareil pareil, P 42.

[xix] Pareil pareil, P 45.

[xx] Pareil pareil, P 46.

[Xxi] TROTSKY, L. « Le conseil des ouvriers distingués et la révolution », in BROSSAT, A. sur. cit., p. 261

[xxii] PROCÈS-VERBAL DU DEUXIÈME CONGRÈS RSDLP (1903), São Paulo : Editora Marxista, 2015 vol. II. XXIIe séance, p. 88.

[xxiii] VLADIMIR LÉNINE, Un pas en avant, deux pas en arrière. São Paulo : Alfa-oméga, 1986, p. 261.

[xxiv] TROTSKI, L., Nos tâches politiques (1904), disponible sous forme numérique sur , consulté le 1904 mai 14.

[xxv] Du côté de Rosa Luxemburg, le thème du leadership fort est devenu presque une obsession dans ses derniers écrits, d'autant plus que l'impuissance des révolutionnaires allemands face à la révolution allemande de 1918/19 est devenue apparente. La « spontanéité » dans une telle révolution n’a même pas réussi à faire face à la situation, et l’échec du processus a abouti au meurtre de Rosa Luxemburg elle-même (avec Karl Liebknecht) par la social-démocratie. Il suffit de lire les courts articles de l'auteur peu avant son assassinat, sur la nécessité de dirigeants. Trotsky, à son tour, retomba même dans un « ultra-centralisme » (entre 1919 et 1921), contre lequel Vladimir Lénine protesta. Trotsky, après la défaite des révolutions en Allemagne, en Chine et en Espagne, a commencé à accorder plus d'attention à la question du parti, tirant la conclusion qu'elle était une condition préalable (une condition) pour que les masses travailleuses prennent et maintiennent le pouvoir. Le thème était également récurrent dans ses textes pour la fondation de la Quatrième Internationale.

[xxvi] Même si, pour y parvenir, Vladimir Lénine a dû lutter contre les dirigeants de son propre parti, à commencer par Kamenev et Staline, qui en février 1917 a préconisé l'entrée dans le gouvernement provisoire avec les mencheviks et écrit dans le journal officiel du parti : Pravda, par fusion avec les mencheviks. Vladimir Lénine est alors accusé de « trotskisme », pour avoir ouvertement soutenu la formule de « révolution permanente » et pour s'être associé à l'idée des soviets comme système de gouvernement.

[xxvii] Cet article a été présenté en 2018, lors de la réunion de l'Association nationale des études supérieures en philosophie (ANPOF), à Vitória-ES.


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