"Ils sont faciles parce qu'ils sont pauvres"

Sir John Everett Millais, Ophélie (1851–2)
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Par MIRMILA MUSSÉ*

Certains hommes ne supportent pas la féminité. Et pour cette raison, ils ne sauront jamais ou n'auront jamais d'indices sur ce qu'est une femme.

L'insistance du discours social à désigner un modus operandi de la façon dont une femme devrait être et se comporter a toujours existé et dans différentes cultures. Les innombrables tentatives pour la placer en position d'objet ont ouvert, d'une part, les corps comme monnaie d'échange, cible de violences et de meurtres. D'autre part, ce discours voile et recouvre le féminin particulier de chacun.

La discussion sur les femmes n'est plus désignée par une question biologique, puisque nous ne parlons pas de masculin et de féminin. Le choix du genre fait disparaître cet aspect du thème et, s'assumant femme, ne se base plus sur l'organe sexuel.

Mais alors, qu'est-ce qu'être une femme ? C'est une question ontologique. Une telle définition se fait par la différence, par le négatif et non par son identité supposée. Dans le dictionnaire, l'homme est défini comme un être humain en général, un mammifère bipède, doté d'intelligence et de langage. La femme est le nom féminin de l'espèce humaine. Si ce n'est plus la biologie qui le détermine, il n'y a pas d'attribut exclusif, d'essence universelle. L'identification de celle qu'on appelle « femme » n'est pas complète dans un ensemble, dans un complément, car le féminin éprouve dans le corps, selon la psychanalyse, quelque chose sans forme, sans mots et sans raison.

Une définition générale et universelle ne contemple pas ce qu'est une femme, mais il est possible de dire de chacune d'elles, une par une. Le discours patriarcal, tout en insistant sur l'établissement de semblants qui déterminent ce que signifie être une femme, exclut aussi son essence. Nier la femme, et la nier, semble plus facile que d'entendre parler de choses qui échappent à l'ordre du savoir dans le dictionnaire ou en biologie.

Sans inscrire les femmes dans des catégories normatives déterminées par un idéal social, la féminité peut être le moyen de nous donner des indices sur l'énigme de ce que signifie être une femme, au singulier. Être mère, par exemple, ne dit pas ce que signifie être une femme. Dans certains cas, cela peut se croiser, mais dans d'autres, ce n'est pas le cas.

 

Être une femme est une exception à la normalisation

C'est le langage qui fait exister l'être. Même ce qui n'existe pas a une chance d'exister quand on le dit. En ce sens, le courage peut être compris comme céder la place à ce qui n'est pas connu. Écouter comment chaque être humain qui s'identifie comme femme construit sa propre féminité, où et comment s'ancrent son existence et sa relation à l'autre. Mais socialement, il semble plus simple de la nier, la diminuer, la violer, l'objectiver ou la tuer. Toutes les dix minutes, une femme est violée au Brésil.

Il n'y a pas de dualité hétéronormative qui rende compte de la détermination du genre. D'abord parce que même s'il y a une identification à l'autre et une reconnaissance de soi dans l'autre, il y a quelque chose de la féminité qui ne relève de rien de préétabli. Deuxièmement, parce que, même si la femme est insérée dans la même logique que tous les êtres humains, elle y est partiellement. Elle n'est donc pas complémentaire à la norme, mais complémentaire à celle-ci. Comme le dit Lacan, ils ne se croisent pas et ne se complètent pas. Vous ne le savez que lorsque vous en faites l'expérience. Juste et.

Ce qui n'est pas connu, fascine, provoque le désir et la curiosité. Mais l'inconnu provoque aussi la répulsion, la violence, le dégoût et la haine. Prise comme valeur mineure, la femme est placée dans la logique universelle. Prise comme libre et propriétaire d'elle-même, dans l'excès. Le problème est qu'il ne s'agit pas d'une mesure de valeur, mais d'un avantage. La limite établit un dedans et un dehors, une totalité à être ou à ne pas être. Le bord part de ce que vous n'êtes pas, pour ensuite délimiter ce que vous êtes. Pour beaucoup, ce qui ne rentre pas dans la logique d'équilibre, d'unité et d'uniformisation peut être insupportable. D'autre part, la femme peut savoir que ce que promet le discours social n'est qu'un semblant d'être.

La misogynie est encore acceptée aujourd'hui dans le but de détruire et de priver les femmes. Beaucoup pensent que si son désir est mortifié, rien de sa féminité n'émergera. L'éloignement de soi, et l'horreur de ce qu'on ne peut nommer, prend forme dans le corps de la femme, comme une cible. Tant qu'il manque, qu'il est creux, vide et objet, l'homme est celui qui se connaît et qui est prudent. Pour certains d'entre eux, une femme c'est juste deux choses : maman, avec qui on parle, ou un objet sexuel.

Certains hommes ne supportent pas la féminité. Et pour cette raison, ils ne sauront jamais ou n'auront jamais d'indices sur ce qu'est une femme.

* Mousse Myrmille est psychanalyste et enseignant. Master en psychanalyse de l'Université Paris-VIII (Vincennes-Saint-Denis).

 

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