Par AIRTON PASCHOA*
Extrait sélectionné par l'auteur du livre qui vient de paraître.
Arrivisme à Machado et Balzac
Nous espérons ne pas insister peut-être trop en suggérant que Machado s'est peut-être inspiré des chapitres 32 et 33 du livre illusions perdues par Balzac pour élaborer sa célèbre nouvelle « The Medallion Theory ».
Comme on l'a vu, il y a des indices forts qui ressortent d'une simple approximation, la forme dialogique, l'évocation du machiavélisme social, le traitement de « mon fils » par lequel Vautrin s'adresse à Lucien, et de « mon père » (« mon père/prêtre ») qui oriente celui-ci vers cela, le thème capital de l'apparence, et l'esprit commun de théoriser, cyniquement, honnêtement, autour de l'ambition et des moyens de la réaliser.
Cependant, nous sommes conscients de la difficulté de prouver des sources cryptiques, difficulté encore plus accentuée lorsque l'écrivain s'appelle Machado de Assis, soit en raison de sa vaste culture littéraire, implicitement et explicitement mobilisée tout au long de son œuvre, soit en raison de son allusivité style, capable de déclencher toute chance relationnelle.
Il appartient à la critique intertextuelle de décider si ces résultats sont arbitraires ou non, et de les développer jusqu'à la limite, le cas échéant. En même temps, cependant, lorsque le hasard nous favorise, et que nous sentons que le rapprochement peut être fructueux, du fait des différences accumulées, nous ne voyons aucune raison de le mépriser. Et ce sera notre cas. Évidemment, vous objecterez peut-être qu'il ne s'agit pas de Senhora Fonte, mais il me semble que c'est un point de départ, une suggestion, à tout le moins. Si nous sommes intimement convaincus de cette hypothèse, c'est que les exemples dans l'œuvre de Machado semblent abonder.
Ainsi, a noté Magalhães Júnior, Machado se serait inspiré de Balzac, dans un chapitre du feuilleton "Os comedistas sem o sabers", pour composer son "Capítulo dos Chapéus".
A côté de ces suggestions, tantôt plus, tantôt moins puissantes, il faut voir au cas par cas, nul doute que Machado ait abordé certaines questions littéraires en vogue, comme il l'a fait avec le thème romanesque de la « prostituée régénérée » dans « Occurrence singulière ", de la Histoires sans date, versé exemplairement par João Roberto Faria, ou il dialoguait avec des sources littéraires connues mais non déclarées, souterraines pour ainsi dire, comme l'atteste Gilberto Pinheiro Passos, dans le cas de « messe du coq », du Pages collectées.
Un autre thème, qui hantait Paulo Rónai, d'Eça à Dostoiévski, en passant par d'autres écrivains mineurs, il semble aussi avoir retenu l'attention de Machado. Selon le savant, le thème du mandarin mort a été lancé par Balzac, plus précisément dans un passage dePère Goriot, dans un dialogue entre Rastignac, sur le point de céder à Vautrin, et son ami de pensionnat Bianchon, porte-drapeau de la vertu :
"Qu'est-ce qui vous a fait paraître si sérieux ?" demanda l'étudiant en médecine en le prenant par le bras et en l'entraînant en promenade devant le palais.
« J'ai été en proie à de mauvaises idées.
— De quelle nature ? Les idées guérissent.
- Comme?
"En y succombant."
— Vous riez sans savoir de quoi il s'agit. Est Rousseau ?
—Li.
— Vous souvenez-vous de ce passage où il demande au lecteur ce qu'il ferait s'il pouvait s'enrichir en tuant, par testament, un vieux mandarin chinois, sans quitter Paris ?
"Je me souviens.
- Et puis?
Après de longues recherches entreprises par des savants, dans lesquelles des variantes ont été relevées, mais sans la figure pittoresque du mandarin chinois, il a été découvert que la phrase, due à un lapsus ou à une erreur d'orientation de Balzac, n'appartient pas à Rousseau. La variante la plus proche, dans laquelle au moins un Chinois est apparu, mettait en scène un autre chrétien, l'auteur deLe génie du christianisme:
Ô conscience ! n'es-tu qu'un fantôme de l'imagination ou de la peur du châtiment des hommes ? je m'interroge ; Je me demande; si vous pouviez, pour un seul vœu, tuer un homme en Chine et hériter de sa fortune en Europe, étant sûr qu'on ne saurait jamais rien, consentiriez-vous à exécuter ce vœu ?
Vient maintenant la réponse de Chateaubriand, ou pratiquement toute l'intrigue d'une des nouvelles les plus sombres de Machado, "La Nourrice", du Plusieurs histoires :
Quoique j'exagère ma pauvreté, quelque peu que j'adoucisse cet homicide, supposant que, par mon vote, le Chinois meurt sur-le-champ et sans douleur, qu'il n'ait pas d'héritiers, qu'à sa mort naturelle ses biens iraient à l'État ; bien que je lui attribue un âge avancé, plus la torture, les maux et les chagrins; bien que je me dise qu'ainsi la mort est une délivrance qu'il supplie lui-même et qui n'attendra pas longtemps – malgré ces subterfuges j'entends au fond de mon cœur une voix qui crie si fort contre la seule pensée d'un tel désir que Je ne peux pas douter un seul instant de la réalité de la conscience.
La « réalité de la conscience », cependant, a soufflé quelque chose d'autre à Machado. Il s'est rendu compte que, pour s'enrichir et être en paix avec sa conscience, il n'avait pas besoin de tuer, et seulement par volonté, aucun étranger, et dans des endroits si lointains... Procópio, la « nourrice » improvisée , tue parfaitement bien de ses propres mains un mandarin carioca, comme Coronel Felisberto, et, une fois en possession de l'héritage, va réconforter les cris de plus en plus faibles de la conscience.
A vrai dire, dans un ultime hommage aux chrétiens sincères, Rousseau, Chateaubriand, Balzac, Machado olympiquement amendé, à la fin du récit, « au divin Sermon sur la montagne : « Heureux ceux qui ont, car ils seront consolé!"
Il semble difficile de nier que, à sa manière discrète, Machado a participé avec "The Nurse" (comme il avait participé, avec "Singular Occurrence", à la querelle amoureuse de la "prostituée régénérée") au débat littéraire sur le meurtre du mandarin, et peut-être comme l'un des pivots centraux, sinon sur le même plan, en raison de l'évidente différence d'ampleur et de retentissement littéraire, presque à côté du Crime et Châtiment, en gardant les proportions, pour la profondeur psychologique.
Revenant à notre sujet, si l'on objecte que notre hypothèse de travail ne parvient toujours pas à convaincre, que rien ne garantit que Machado soit parti d'ici pour créer sa nouvelle, le rapprochement entre les deux théories de l'arrivisme semble toujours valable.
***
L'atténuation du thème et du ton est la première différence notable entre les deux théories du carriérisme - atténuation si décisive qu'on peut parler de déshumanisation, tel est le passage du criminel au commun, du monstrueux au domestique, du fantastique. au banal, du choquant au ridicule. .
En un mot, le passage des « illusions perdues » aux illusions réalisées.
A la place des tentations méphistophéliques, et de l'odeur probable du soufre ; au lieu du grossier dialogue entre un prêtre diabolique et un poète angélique ; à la place d'une société révolutionnée par le capital, enfin, et au centre de laquelle règne la figure vertigineuse de Vautrin, voler la vedette maintenant de nouveaux personnages.
Sur la scène, ou plutôt, dans le salon, dans les recoins de la maison, nous rencontrons une société relativement noble, au centre de laquelle règne une digne figure de familles paternelles, qui invite le fils, après la célébration intime de sa majorité, à écouter une conférence d'une heure sur la carrière la plus prometteuse du pays, la carrière du médaillon.
C'est un discours absolument serein, sans sauts ni sursauts, comme il sied à la sacro-sainte enceinte familiale. Car quelle est, en un bref extrait, la recette de Machado pour le « médaillon complet » au pays des célibataires ?
Modération, gravité (du corps), répression des idées (au moyen d'un "régime débilitant", basé sur la rhétorique, comprenant discours parlementaire, gigogne, dominos, whist, billard, pastorales pour éviter la solitude, "atelier d'idées", librairies donc seulement pour y assister banalement), vocabulaire limité, phrases figées, etc., scientificité ostensible et superficielle, autopromotion constante et mesquine, vie publique pour elle-même, avec des discours politiques ou mesquins ou, de préférence, abstrus, "métaphysiques", non imagination, pas de philosophie, ironie, pas question !
Machado, on l'a vu, contrairement à la littérature « sensationnaliste » et « vertigineuse » de Balzac, il ne nous parle pas de coups d'État, de violences, d'homicides... rien. Il ne nous parle même pas d'argent.
Et cette absence marquée d'argent, du « dieu moderne », il ne faut pas l'attribuer à ce décorum du moraliste Machado de Faoro, horrifié par la marchandisation des valeurs traditionnelles, ni au décorum du premier Machado de Schwarz, dont l'esthétique antiréaliste, « fait écho à l'endoctrinement de Revue des deux mondes», le vil métal ne pourrait-il pas constituer un objet digne de figurer dans la haute littérature du « roman littéraire ».
Il va sans dire que Machado était entré dans une phase féconde, soit en faisant usage de sa théorie de la poursuite de toutes les inventions, matérielles et spirituelles, de la civilisation du Capital, soit en faisant la satire, déjà désillusionné par le conservatisme, d'un des idéologues du le magazine français, le Mazade des « belles chroniques », et sa capacité à générer cette « monotonie si saine » des « mêmes opinions ».
L'effort de médaillon, Machado le savait bien, n'est pas l'effort européen, ce n'est pas l'effort satanique, ce n'est pas l'effort brillant du grand monde napoléonien, mais c'est l'effort possible, l'effort qui peut fièrement manier notre épée.
De ce caractère alternatif d'arrivisme, d'arrivisme mineur, d'un arrivisme audacieux, mais à portée de main, quelques chroniques que Machado écrivit à l'époque, entre 1883 et 1886, dans les « Balas de estalo » de la revue Bulletin d'information. En eux, l'imitation de l'époque est recommandée, en ces temps « d'érotisme publicitaire », avec une petite auto-propagande systématique, pour éviter les actions chimériques d'un Guedes.
Dans une chronique amusante, Machado vient justifier, d'un point de vue démocratique, le médaillon. La médiocrité a ses droits...
A l'évidence, l'ascension dans la pauvre démocratie esclavagiste, dans le petit monde dé-atanisé, ne pouvait que subir une inflexion toute particulière. Éliminer en théorie, comme nous l'avons souligné, le facteur argent, déterminant dans l'ordre bourgeois ; échappant à la traînée de sang qui laisse habituellement chaque montée abrupte, à la différence de Balzac, qui parle directement et expressément en millions de francs, qui n'épargne pas notre vision le bilan des morts et des blessés, on constate que c'est comme si le personnage grimpait mais sans quitter les lieux.
Et c'est justement en prêtant attention à un tel mouvement arrêté, à une telle ascension horizontale de notre carriériste, que nous sommes arrivés à l'une des singularités de notre parcours, sinon la plus importante, pour subsumer les autres.
Contrairement à la théorie française du carriérisme, où il s'agit de sauter d'une classe à l'autre, dans le carriérisme national, il s'agit simplement de sortir de l'anonymat, de passer de l'obscurité à la gloire.
Ce motif clé de l'œuvre de Machado, comme le reconnaît lui-même Faoro, la peur de l'obscurité, la « soif d'être nominé », bref, on essaie de le regarder sous un angle nouveau. Au lieu d'en faire une sorte d'exemple de carriérisme bourgeois, comme semble le vouloir Faoro, et peut-être la majorité des lectures actuelles, on pourrait y voir, en forçant un peu le contraste, presque comme une sorte d'exemple d'arriviste seigneurial.
En ce sens, la « soif d'être nommé » incarne une autre des multiples manifestations de la volatilité, de ce désir de « toute suprématie » (dans lequel le pronom « tout » disqualifie tout ce qu'il remplace) qui brûle Brás Cubas et dont le comportement volage , tantôt seigneur bourgeois, tantôt esclavagiste, il représente l'ambiguïté historique de notre classe dirigeante au XIXe siècle.
Comme on le sait, sans renier de manière offensante la tradition de Machado, pourtant redevable de nombre de ses découvertes, conscient donc de l'accumulation nécessaire à toute prouesse intellectuelle, Roberto Schwarz procède à une réarticulation générale de notre connaissance du grand écrivain.
Pour Schwarz, Machado était un artiste moderne, qui a pensé la société brésilienne de son temps, jusqu'à la styliser. L'écrivain s'est forgé un style qui imite le comportement de l'élite brésilienne au XIXe siècle, oscillant entre les idéaux bourgeois, typiques de l'Europe, et l'idéologie de la faveur, qui prévalait dans notre univers patriarcal et clientéliste.
Aussi arbitraire et autoritaire, aussi rapide et volage que notre classe dirigeante, Machado a figuré sa prose. La volubilité de l'élite brésilienne au XIXe siècle, sa versatilité à se comporter, selon sa convenance de classe, illustrée tantôt, selon les idées libérales en vogue, fondées sur l'autonomie de l'individu, tantôt selon les mécanismes de faveur, face à les dépendants, la troisième classe de l'ordre esclavagiste, à la merci des maîtres grâce à l'inexistence du travail libre - cette caractéristique singulière de notre vie idéologique, Machado l'a convertie en principe formel de ses romans matures.
La volubilité domine la scène de telle manière qu'elle apparaît presque comme le seul type d'absolu de la relativité générale de Machado. Volubilité dans la forme et volubilité dans le contenu. Le style est volatile, la composition narrative est volatile, le narrateur est volatile, les personnages sont volatiles, leurs actions sont volatiles, leur conscience est volatile…
Technique littéraire, caractéristique nationale, condition humaine, condition sociale, représentation psychique, cette volatilité complexe va remettre en cause les fameuses spécialités de Machado. La logique à toute épreuve qui la préside, celle de la « suprématie quelconque » à tout prix, de la satisfaction imaginaire et immédiate, impose sa propre temporalité, avec ses cycles courts et brefs, sans cesse répétés, tournant sans cesse dans le mensonge.
Dévoré alors par cette dynamique interne implacable, qui, sans point de crise, ne fait que se répéter, l'être volage subit la vengeance du temps, dont il avait d'abord jubilé de la conventionnalité. L'intériorisant, il se consume, allant inexorablement vers la désintégration, l'ennui, la mélancolie, le néant.
Le fameux pessimisme de Machado souffre de cette réinterprétation sans abus. Honteux du retard et incrédule devant le progrès promis par la civilisation bourgeoise, Machado a ressenti le drame de notre impasse historique. Le sceptique est même devenu nihiliste, en considérant à quel point notre barbarie était fonctionnelle pour le progrès de l'élite brésilienne.
Ces sentiments sombres, mais qui assurent finalement la pertinence et la force de la vision de Machado, contrairement à l'optimisme triomphant de l'époque, sont nés de son cheminement intellectuel, à la recherche de la formule esthétique capable de le faire, comme il l'écrit dans un essai justement célèbre, "un homme de son pays et de son temps", capable de concrétiser cette idée d'un nationalisme plus instinctif.
En quête d'esthétique, et déjà déçu de la viabilité du libéralisme dans le pays, Machado écrit ses premiers romans, étroits d'esprit, provinciaux, étrangers au monde moderne qui nous parvenait à toute allure, mais déjà déterminés à se plonger dans les particularités nationales. .
Analytique mais conformiste, Machado a misé, dans ladite première phase, sur l'édification morale de la classe dirigeante. Il fallait en finir avec notre paternalisme autoritaire, éduquer nos maîtres, rationaliser leurs relations avec les dépendants, c'est-à-dire atteindre l'idéalité pure et paradoxale d'un échange impersonnel de faveurs, puisqu'il était impossible d'échapper au système des faveurs - tel que les le don a été rendu à la société, et non à n'importe quel propriétaire d'esclaves, éliminant en même temps la personnalisation du pouvoir et l'humiliation conséquente des dépendants.
Une fois l'impersonnalité des faveurs et l'efficacité de leur flux assurées, pour le premier Machado, un pacte sain pour la nation émergerait alors, dans lequel tout le monde serait gagnant. Les pauvres les plus doués s'élèveraient dignement, l'élite s'enrichirait d'une élite de plus, et le pays se moderniserait...
Désabusé aussi de cette ligne de progressisme national, qui, avec un peu de chance, conduisait à une sorte de paternalisme éclairé, en réalisant que l'abolition lente, graduelle et sûre générait, au lieu de citoyens libres, de plus en plus « d'hommes libres dans l'ordre esclavagiste » , c'est-à-dire de plus en plus dépendant, sans propriété ni salaire, l'écrivain abandonne le projet de civiliser notre classe dirigeante.
C'est la deuxième phase.
Changeant l'orientation narrative, qui devient désormais le sommet, l'écrivain Machado décide de dénoncer systématiquement le comportement volubile et libidineux des représentants légitimes de l'élite nationale. A la première personne, sous la forme trompeuse du mémorialisme, des aveux humains d'un chemin existentiel commun, l'inavouable prend peu à peu la forme d'une dénonciation, d'une accusation irréfutable.
Le paternalisme et son libertinage (Machado s'est alors spécialisé dans l'exploration de la chaude copulation du pouvoir et du plaisir) est ainsi élevé, de la matière qu'il était dans les premiers romans, à la condition de forme, de principe structurant de ses chefs-d'œuvre.
Cela signifie que, plus ou moins indépendamment du contenu concret lui-même, la forme littéraire volubile, en tant que stylisation de la forme sociale, indique toujours la volatilité nationale.
Au passage, comme on le voit, le critique éclaire encore la transition controversée entre les phases de Machado. En termes de forme, discontinuité ; continuité en termes de contenu. Si le narrateur est volage, on ne peut pas en dire autant de l'auteur. La caractérisation exacte des types représentatifs de couche leader national dépend d'une constellation de relations sociales, visible seulement avec un examen approfondi de notre réalité.
Derrière le narrateur volubile se cache un auteur totalement opposé, cohérent, investigateur, soucieux de susciter l'attention critique du lecteur, de pointer notre disparité. A tel point que la débâcle nationale, il l'a résumée dans la plus grande forme du roman, l'intrigue.
Aussi construite que les intrigues réalistes classiques, l'intrigue de Machado, originale dans sa distension, dans son relâchement, dresse précisément le portrait du pays. Sans chocs qualitatifs, sans contradictions qui se déploient, sans synthèse en vue, c'est comme si le pays vivait sa vie à l'imitation de la vie oisive et élégante de Brás Cubas, « pleine de satisfactions et vide de sens ».
Et si le réalisme de Machado ne brille pas par l'exubérance d'éléments d'identification nationale, c'est qu'il s'intéresse au dévoilement des formes et des relations. C'est ainsi que, selon son nationalisme instinctif, la fameuse couleur locale est intériorisée dans ses romans matures.
A la place du paysage, du descriptivisme romantique, le paysage moral brésilien… un paysage singulièrement pittoresque ! pressé qu'il était entre deux critères, le libéral et le paternaliste, le bourgeois et le patriarcal.
Et si un tel réalisme n'a pas fait usage de l'objectivisme réaliste, consacré par Flaubert, par exemple, c'est qu'il voyait davantage notre réalité dans l'application de ressources littéraires antiréalistes.
C'est ainsi que, d'une part, l'extravagance du narrateur, puisée aux sources du XVIIIe siècle, fait allusion à la décentralisation idéologique du pays, où les idées sont aussi déplacées que, pour le réalisme à l'européenne, toute la rhétorique est déplacée. place.classique; et, d'autre part, la même extravagance, brouillée des sources esthétiques de la prochaine fin de siècle, fait allusion à la dangereuse modernité de l'individualisme impérialiste.
Dans le même sens, son universalisme, toujours mis en avant par l'attitude philosophique du narrateur, comporte aussi des éléments de tromperie. Les explications universelles de la pauvre anecdote locale, dont le casting, soit dit en passant, manque systématiquement et symptomatiquement d'explication historique – inconcevable pour quelqu'un qui a tant bu à des sources romantiques – Les explications universalistes accusent, plutôt que la vérité humaine, la vérité de l'Homme en général, une disproportion comique et tragique à notre vérité.
Ainsi, derrière la « forme ostensive » de la volubilité, et encodée dans l'intrigue lâche, non dramatisée, propice à l'imitation de notre temps paternel, se profile un autre principe formel, la « forme latente », dévoilant l'engagement fondamental de l'écrivain, réaliste et critique à la fois – doublement critique, en fait, à la fois de la civilisation brésilienne et de la civilisation bourgeoise.
Dans cette interprétation compréhensive de Machado, et que nous avons à peine rappelée dans ses grandes lignes, Schwarz n'aborde pas directement la « Théorie du médaillon ». Au passage, il dit seulement que le médaillon donne la clé de la satire politique, de la subtilité ou de la métaphysique de Machado.
Dans son étude la plus importante de Machado, cependant, avant la publication du Maître à la périphérie du capitalisme, Schwarz ouvre la possibilité de l'interpréter à la lumière de sa perspective. Le point de départ du critique, dans cet essai de 1980, dont le titre résume sa vision de l'écrivain, « Complexe, moderne, national et négatif », consiste précisément dans la « soif de candidat » de Brás Cubas, imprimée presque sur le portique de le Memórias Postumas, au chapitre II, intitulé « Le plâtre ».
Dans son analyse détaillée de l'étape de Machado, à bien des égards magistral, dans lequel il suit de près le raisonnement sinueux de Brás Cubas, cet « ordonnancement léger des causes » – le critique associe la volubilité, comme l'une de ses multiples manifestations, à l'extravagante « passion pour le bruit » du narrateur.
La futilité, la « pure frivolité » de Brás Cubas, qui prend comme prétexte à son invention, selon son public, tantôt la charité chrétienne, tantôt l'intérêt économique, mais qui, au fond, intimement, ne rêve que de gloire personnelle, sa « soif d'attention et d'affiche », la « soif d'un nominé », bref, ce ridicule exploité jusqu'à l'épuisement par Machado, représente précisément, comme on l'a vu, l'un des principaux mouvements de la « Medalhão Theory », le mouvement de la distinction .
N'oublions pas que si le premier mouvement de notre théorie du carriérisme, poussé par le refoulement des idées, par le désir de devenir public, d'être égal au public, garantit l'identité, ce n'est que le deuxième mouvement, le mouvement de distinction , commandé par l'autopromotion, par le désir de se distinguer de l'environnement, même sans s'en désidentifier, ce qui garantit une sortie de l'obscurité.
Dans la nouvelle de Machado, la «soif d'un candidat», l'auto-publicité, pour ainsi dire, catalyse tout l'effort du médaillon. Pour cela, la « soif de nominé » use volubilement de toutes les ressources, rhétorique, science, politique, philosophie, « procédés modernes », bref, pour consacrer définitivement le médaillon, conquérir cette « suprématie quelconque » qui définit l'être volage.
Et la « soif du nom », comme l'une des manifestations de la volubilité, fonctionne aussi comme une compensation symbolique, dont l'importance est visible dans une société comme la nôtre à l'époque, dans une société fermée, murée, coupée seulement par des « ruelles », dans une société dans laquelle « l'argent n'est pas tout », comme Faoro lui-même le reconnaît, et le travail ne paie vraiment pas.
Dans une telle société, capitaliste et esclavagiste, où l'horizon bourgeois est en vue, étincelant d'ouverture, avec ses "carrières infinies", mais sa base encore précaire, esclavagiste, du fait du déni du travail libre, retient forcément la de hauts envolées, ce qui ne pouvait qu'émerger même d'un métier, d'une carrière de cet ordre, qui, apparemment complémentaire, se révélera, peu à peu – la carrière.
Ainsi, contrairement à l'arrivisme authentiquement bourgeois, le célébrités auri qui excite les héros napoléoniens de Balzac, l'effort national, incarné dans la « soif de prête-nom » des héros mondains de Machado, imposera une autre voie d'ascension sociale, une voie propre à ceux qui, au lieu de larges boulevards, de larges avenues, n'ont pas devant mais ruelles et ruelles.
Ici, l'exactitude historique de la théorie de Machado est révélée. La « soif de nominé », qui caractérise notre parcours professionnel, n'a de sens que dans une société comme la nôtre, ambiguë, comme le médaillon, dans un régime de capitalisme esclavagiste, dans un pays ouvert à l'idéologie bourgeoise de l'individualisme, de la "une carrière ouverte au talent", mais en fait encore fermée, comme l'a radiographié Nabuco, encore un peu en dehors de la « théorie de la route » qui a préparé Vautrin à l'ascension de Lucien.
La seule carrière au Brésil ouverte au talent, ou à son absence, et l'équation de Machado, par sa justesse, continue d'étonner, était en fait celle du médaillon. Médaillon complet, comme Janjão, médaillon incomplet, comme Machado, peu importe, celui qui voulait monter devait emprunter le même chemin.
La médaille constitue donc une sorte de cheminement de carrière officiel. En d'autres termes, si la médiocrité a ses droits, les moins médiocres, ou les plus doués, s'ils voulaient s'élever également, ils auraient les mêmes obligations : imiter les maîtres finis.
C'est ainsi que cette voie officielle, au conformisme triomphant, impose une différence de plus redoutable face au parcours authentiquement bourgeois de Balzac. Ainsi, avant de défier la société, notre parvenu doit se laisser coopter par elle.
Si la carrière sociale dans une société bourgeoise typique commençait par l'opposition de l'individu, par une révolte sociale très particulière, et elle s'est terminée par la dure réconciliation finale, après le triomphe de l'individu, pour consacrer cette même société dans ses valeurs fondamentales (mérite, initiative, autonomie individuelle, etc.) - au Brésil, grâce au clientélisme, l'empire de la faveur , la révolte, la contestation sociale seraient tout de suite écartées.
En ce sens, il serait inconcevable dans notre cadre historique la fameuse scène finale dePère Goriot, avec Rastignac, du haut du Père-Lachaise, défiant la société, après avoir enterré son ami, et ses illusions de jeunesse. Au contraire, pour une carrière réussie dans notre bonne société, nos diplômés napoléoniens devraient l'encourager dans son aspiration la plus chère, à participer au monde moderne, ils devraient donc systématiquement cultiver ses illusions de supériorité.
Cette tactique insidieuse du médaillon, qui consiste à louer plutôt qu'à défier la statu quo, on peut l'appeler, en gardant un œil sur les techniques d'illusion réaliste que Machado déploie sans vergogne devant nous, on pourrait l'appeler « réalisme d'illusion ».
Une expression paradoxale, mais dont la fonctionnalité condense l'ambiguïté même de sa figure – moderne, pour son utilitarisme, son pragmatisme, son réalisme, pour ses méthodes, en somme, mais pas si moderne dans ses objectifs. Là encore, ce sera le mandataire, la cible ultime de la théorie, qui explique cette méthodologie médaillon, avec son utilisation de tous les « procédés modernes » (journal, science, parlement, etc.) à des fins moins avancées, disons.
Enfin, la voie du carriérisme triomphant était tracée. La disjonctive de Machado n'envisageait pas de troisième voie. Soit le médaillon, soit l'obscurantisme. Soit nominé, soit rien. Pour le peuple napoléonien naïf, étranger aux spécificités de la pratique arriviste en « pays fermé », et croyant aux idéaux libéraux qui envahissent notre horizon, un seul sort les attendait : l'échec.
*Airton Paschoa est écrivain, auteur, entre autres livres, de voir les navires(e-galaxie, 2021, 2e édition, revue).
Référence
Airton Paschoa. Théorie et pratique de l'avancement professionnel dans les nouvelles matures de Machado de Assis. São Paulo, e-galaxia, 2021 (édition numérique et imprimée).
notes
Casquette. 32 (« Cours d'histoire à l'usage de l'ambitieux par un disciple de Machiavel ») et chap. 33 ("Cours moral par un disciple de RP Escobar") du Illusions perdues, de 1835 à 1843 (São Paulo, Globo, 2013).
"Théorie du médaillon - Dialogue", Papiers uniques (1882).
Autour de Machado de Assis, esp. « Machado de Assis, Balzac et le chapitre des chapeaux ».
« Occurrence théâtrale unique », Magazine de l'USP, n° 10, 1991.
« Machado de Assis, lecteur d'Alexandre Dumas et de Victor Hugo », Revue de l'Instituto d'Etudes Brésiliennes, n° 34, 1992.
L'histoire complète du thème, que nous n'avons résumée que pour nos besoins les plus immédiats, est exposée en détail dans son Balzac et la comédie humaine.
Magalhaes Jr. suggère que Machado est arrivé indirectement au thème de Balzaqui, lisant la nouvelle de Machado comme une réponse à l'œuvre d'Eça, « O mandarim », publiée quelques années plus tôt et dont le titre expliquerait la source (« Un thème commun dans l'œuvre d'Eça et de Machado » , sur. cit.).
« Vautrin initiateur et corrupteur, en effet, Vautrin découvreur des secrets du monde et théoricien du carriérisme, doit apparemment beaucoup à la Neige de Rameau et les Gaudet d'Arras de Le Paysan et la Paysanne pervertis. Des approximations précises et convaincantes ont été faites : le cynisme, l'idée qu'il n'y a pas de principes mais seulement des occasions, la passion de se dévouer à l'autre et de triompher par un intermédiaire, tout ce que Balzac avait lu dans Diderot et Restif. La différence, cependant, entre les cyniques du XVIIIe siècle et Vautrin est immense. L'attitude générale, le vocabulaire lui-même, peuvent être similaires, mais le contenu, l'orientation, le sens, la perspective, sont d'un autre univers. D'abord, parce que Vautrin parle de l'intérieur d'un univers post-révolutionnaire, après le triomphe des Lumières, de la raison et de l'égalité, après le grand effort de rationalisation et de clarification des rapports sociaux que la Révolution française avait proposé et qu'on avait pensé qu'elle devait être. (...) Le discours et l'action de Vautrin au cœur même du monde libéral sont un autre signe romantique de ce qu'est devenu le monde né de la Révolution. Il est absolument impossible de placer la société d'avant 1789 et la société de 1819 sur le même plan, du point de vue de l'histoire des mentalités et des réactions subjectives. Mêmes termes qu'avant 1819. Aucun lecteur, s'il tient compte de l'histoire ( c'est-à-dire s'il accepte aujourd'hui de considérer la Révolution française, non comme la révolution définitive, mais, oui, comme la plus grande opération politique de la Bourgeoisie, non comme absolue, mais comme relative), ne peut donner le même sens politique et social à les paroles de Neveu (ou de Gaudet) et celles de Vautrin (ou de Gobseck). En effet, comment mettre sur le même plan des thèmes pessimistes dans le contexte de la fin d'un monde (même s'ils annoncent ce que sera le monde nouveau) et les mêmes thèmes pessimistes dans le contexte d'un futur de renouveau, après une grand éclair libérateur ? C'est toute la différence entre le pessimisme de la fin de la Restauration et celui des premiers mois de la monarchie de Juillet. Dans le second cas, le pessimisme porte en lui une accusation, non contre toute nature humaine, mais plutôt contre l'efficacité, contre la validité de ce qui vient d'être accompli et qui est ainsi radicalement contesté, rejeté, désabusé. Balzac a historicisé un thème moral sans racines précises. Tout d'abord, l'explorer, le mettre en valeur dans un contexte historique qui lui donne nécessairement une nouvelle résonance. Après, il a fait encore mieux : il l'a traité explicitement dans des références historiques et précises. Les références de Vautrin, en effet, ses justifications sont constamment historiques, politiques, et son histoire, sa politique, ne sont pas celles de la rhétorique (Hannibal, César, les grands hommes sur lesquels raisonne encore Montaigne), mais celles brutales, immédiates, des hommes d'une génération : Napoléon, Talleyrand, Villèle, Manuel, La Fayette (…). Vautrin ne discute ni ne raisonne dans un éternel qui ne concerne que les hommes de culture. Il raisonne et discute sur fond d'une expérience récente et en cours, vécue et comprise comme historique et politique. Pas seulement le monde, mais le monde moderno, la seule chose que des millions d'hommes connaissent, c'est fait comme ça. (...) Vautrin parle pour tous et s'adresse à tous, car il remet en cause les fondements mêmes du nouveau monde. // Par ailleurs, le Neveu de Rameau et Gaudet parlait de l'intérieur d'un monde stable et fermé, de l'intérieur d'un monde sans perspective d'ouverture ni de changement. Vautrin parlera de l'intérieur d'un monde ouvert, fiévreux, un monde en expansion, qui permet tout à chacun. Vautrin est inconcevable en dehors de la grande pression plébéienne consécutive à la révolution capitaliste qui a fait éclater les cadres de la société noble et parlementaire. Un lieutenant corse devient empereur. (...) Mais seule la Révolution et ses conséquences, l'explosion économique, sociale et culturelle qu'elle a déclenchée ou rendue possible et qui s'est ensuite consolidée avec le retour de la paix et la fin des restrictions impériales, ont pu donner tout leur sens aux théories de carriérisme et d'ambition. Le Neveu de Rameau et de Gaudet n'exprime pas grand-chose d'autre que le détail, l'accidentel et le pittoresque. (...) Vautrin exprime une loi générale, celle de toute société nouvelle. Neveu et Gaudet étaient juste d'étonnants cyniques dans un coin du tableau. Vautrin est au centre de Comédie Humaine. (…) C'est pourquoi Vautrin, loin de n'être qu'une « affaire », comme Neveu ou Gaudet, acquiert grandeur et stature. Vautrin est un moment d'évolution historique et sociale : atteignant l'épopée, il est l'une des plus grandes figures de la création romanesque du XIXe siècle. Exprimant leur siècle, Diderot et Restif ont pu placer leurs cyniques et leurs corrupteurs dans un coin du tableau. Exprimant son siècle, Balzac devait placer Vautrin au centre » (Pierre Barbéris, Le Père Goriot de Balzac,P. 61-64 ; les italiques de l'auteur, la traduction et les nôtres en gras).
« (…) La manière sensationnaliste et généralisante de Balzac, ainsi construite et forcée, se rattache à une extraordinaire effort de condensation, et de fait elle devient moins inconfortable à mesure que l'on se convainc de sa continuité profonde avec les innombrables profils ponctuels, de "périphérie", qui déplacent, réfléchissent, inversent, modifient — bref, travaillent — le conflit central, qui d'une certaine manière ou le reste appartient à tout le monde. Qu'il s'agisse, par exemple, du discours téméraire et « très central » de certaines de ses grandes dames : il est rebelle, futile, vulnérable, calculateur, intrépide, comme ils le seront, lorsqu'ils apparaîtront « par hasard », le criminel, le couturière, le pédéraste, le banquier, le Soldat. Le rythme vertigineux s'éloigne du naturel, frisant le ridicule, mais garantit cette distance — son niveau d'abstraction — avec un grand lest de savoir et d'expérience, qui dépasse largement la latitude individuelle, et ce n'est pas seulement un fait littéraire : il est la somme d'un processus social de réflexion, du point de vue, disons, d'un homme d'esprit. C'est le quinquagénaire vif et sociable qui, selon Sartre, est le père du réalisme français. Des présupposés historiques de cette forme nous parlerons d'avance. Pour l'instant, il nous suffit de dire que cette réflexion s'est nourrie d'un processus réel, nouveau, lui aussi vertigineux et peu "naturel", qui a bouleversé la société européenne de fond en comble, fréquentant aussi la société brésilienne, dont la moelle, pourtant, n'a pas réussi à transformer : c'est la généralisation — avec ses effets infinis — de la forme marchandise, de l'argent comme nœud élémentaire de la vie sociale dans son ensemble. C'est la dimension gigantesque, à la fois globale et cellulaire, de ce mouvement qui soutiendra la variété, la mobilité théâtrale même de la composition de Balzac — permettant le libre passage entre des domaines apparemment incommensurables du social et de l'expérience » (Roberto Schwarz, Au gagnant les pommes de terre,P. 37, notre gras).
Raymond Faoro,Machado de Assis : la Pyramide et le Trapèze. Rio de Janeiro, Globo, 1988, 3e édition (1ère éd. 1974).
« Reprenant notre fil, disons que l'exclusion de la référence libérale a empêché le décentrement des idéologies, dont on parle tant, mais au prix de coupures avec le monde contemporain. Pour mesurer les ambiguïtés de ce parcours, considérons le militantisme antiréaliste de Machado de Assis, pour qui le réalisme « est la négation même du principe de l'art ». Ils sont des échos de l'endoctrinement de Revue des Deux Mondes, pour qui Réalisme, Démocratie, Plèbe, Matérialisme, Argot, Saleté et Socialisme faisaient tous partie du même continuum haineux. La norme est anti-moderne dans tous les domaines. Le refus de la matière basse conduit à la recherche d'une matière supérieure, c'est-à-dire purgée des finalités pratiques de la vie contemporaine. La nullité des explications, à cet égard, est comme un programme : '(…) notre but est de voir le roman littéraire cultivé par les muses brésiliennes, le roman qui combine l'étude des passions humaines avec les tons délicats et originaux de la poésie' . Pourtant, il y avait une intention réaliste de la part de Machado dans cet antiréalisme conservateur, si on le considère comme l'expression d'une expérience et d'un scepticisme — ce qui n'était pas le cas en Europe, où il représentait un recul intellectuel — face à l'opportunité de idées libérales au Brésil. Destiné à brouiller les antagonismes du régime bourgeois, l'antiréalisme ne les postulait pas, et nous épargnait l'illusion d'être la France... Même l'exclusion du sujet vil, en nature les misères modernes, causées par le Capital, était pour nous l'exclusion des tropismes frivoles. Tandis que le choix des sujets convenables – le paternalisme avant l'argent – les rapprochait de la vie populaire plus que la dialectique du soi-disant Capital. Ce sont des confusions auxquelles il n'y avait aucun moyen d'échapper, véritables marques de l'inauthenticité de notre processus culturel. Sur ce point, le XXe siècle n'a pas tout changé, et l'histoire même de l'assimilation du marxisme au Brésil montre bien des choses comparables. Il ne manquait plus à Machado que la désillusion de la désillusion : aussi la désillusion du conservatisme paternaliste. — Bref, malgré leur intelligence et leur ingéniosité, qu'on n'oubliera pas, ce sont quatre romans mielleux et étouffants, comme l'exigent les mythes du mariage, de la pureté, du père, de la tradition, de la famille, à l'autorité desquels ils se soumettent respectueusement. . Pour parler à Oswald, ils courent sur une piste inexistante. Et, de fait, l'un des signes de la deuxième et grande phase du roman de Machado sera la réintégration abondante des thèmes libéraux et modernes, des doctrines sociales et scientifiques, de la vie politique, de la nouvelle civilisation matérielle — naturellement à sa manière. ” (Au gagnant les pommes de terre,P. 65-66, italiques ajoutés).
Voir vol. 3 heures du matin Ouvrage complet, Nouvelles éditions Aguilar.
« La capoeira est un homme. Une des caractéristiques de l'homme est de vivre avec son temps. Or, notre époque (la nôtre et celle de la capoeira) souffre de ce qu'on peut appeler l'érotisme publicitaire. Certains peuvent croire qu'il s'agit d'une douleur, d'autres qu'il s'agit d'une recrudescence d'énergie, car la sensation est naturelle. (…) Je suis juste. Il y a des cas où je trouve la chose naturelle. En effet, si moi, ayant cinquante ans aujourd'hui, je dîne avec ma famille et deux ou trois amis, pourquoi ne ferais-je pas partager mon bonheur à ce public respectable ? J'embarque, débarque, donne ou reçois une friandise, un cochon à deux têtes est né, n'importe quel cas comme ça pourrait très bien figurer en lettres rondes, ce qui donne vie à des choses beaucoup moins intéressantes. Et puis le nom du peuple, dans une lettre ronde, a une autre grâce, que non dans une lettre manuscrite ; Ça sort plus joli, plus clair, ça rentre dans les yeux, sans compter que les gens qui vont le lire, achètent les pages, et les gens deviennent notoires sans rien dépenser. N'ayons pas honte de vivre dans la rue; c'est beaucoup plus frais. (...) (14/3/85, op. citation, p. 443).
« Cœurs qui étouffent en germe les plus beaux adjectifs du monde, laissez-les germer franchement, laissez-les grandir et paraître, laissez-les s'épanouir, laissez-les fructifier ! Ce sont les fruits de la sincérité. Hé, cœurs craintifs, secouez la peur, criez que vous êtes grands et divins. Les premières personnes qui entendront la confession d'un de ces cœurs droits diront en se souriant : « Il se dit noble et divin. // Le second : — Il paraît qu'il est noble et divin. // Le troisième : - Sûrement il est noble et divin. // Le quatrième : — Il n'y a rien de plus noble et de plus divin. // Les quintes : — Il est le plus noble et le plus divin. // Les sixièmes : — Il est le seul qui soit noble et divin. // Et tu te reposeras dans les septièmes, ce qui adoucira pour toi le tour absolu » (19/3/85, sur. cit., p. 445).
« Depuis trente ans, ou presque, Guedes s'est penché sur un quart de popularité, un délai de deux mois, un maître qui était, pour parler sa propre langue. Dernièrement, il s'est déjà contenté d'une semaine, d'un jour, et même d'une heure, une seule heure de popularité, à parler de chambres et de recoins.// Vous n'imaginez pas ce que ce diable a fait pour être populaire. Je laisse de côté 1863, à l'occasion de la question Christie, dans laquelle il se proposait d'aller arracher les armes de la légation anglaise. Il ne trouva que cinq téméraires qui l'accompagnaient ; et même ainsi, il a quitté Rua do Ouvidor avec eux à pied. À Largo da Lapa, il s'est retrouvé avec quatre; à Glória, avec trois, à Largo do Valdetaro, avec deux, et à Machado avec un, qui l'a invité à retourner à Rua do Ouvidor.// Plus tard, en regardant passer la voiture triomphale de Rio Branco, à l'occasion de la loi Le 28 septembre, il comprit que c'était un bon véhicule à ressorts, séduisant, et se jeta à l'arrière ; mais il en a déjà trouvé d'autres qui l'ont chassé, et mon pauvre Guedes a dû retourner dans l'obscurité.// Il a essayé d'autres choses. Il a essayé une horgeta hygiénique, une loterie pour enfants, une polka, une rue et une ferme bon marché. Tout a échoué. (…)// Maintenant, si vous voulez vraiment de la popularité, renoncez aux plans compliqués ; bornez-vous à annoncer, au moyen d'allusions ingénieuses, que c'est Guedes, le fameux Guedes, qui est éclairé, et variez les termes, passant d'éclairé à éclairé, et d'éclairé à éminent. (...) Le lecteur ne croit pas, dans les quinze premiers jours ; au bout de vingt ans, il est un peu perplexe ; après trente ans, il demande s'il ne s'est vraiment pas trompé ; après cinquante ans, il jure qu'il s'est trompé, qu'il est Guedes, le vrai Guedes. Trois mois plus tard, il tue quiconque lui dit le contraire » (19/7/85, sur. cit. P 469-470).
« Les vivants sont ce que mon amie Valentine désigne sous le nom de médaillons. D'abord, il y a encore un certain nombre d'esprits bons, forts et éclairés qui ne méritent pas une telle désignation. Deuxièmement, si les médaillons sont nombreux, je demande à mon ami : — Ne sont-ils pas aussi enfants de Dieu ? Alors pourquoi un homme est-il médiocre, peut-il n'avoir aucune ambition, et doit-il être condamné à passer ses jours dans l'obscurité ? // Me semble-t-il que l'idée de mon ami est de la même famille que celle de Platon, Renan et Schopenhauer , une forme de gouvernement aristocratique, composé d'hommes supérieurs, d'esprits cultivés et élevés, et de nous qui allions creuser la terre. Non! mille fois non ! La démocratie n'a pas gaspillé son sang dans la destruction d'autres aristocraties, pour finir entre les mains d'une oligarchie féroce, plus intolérable que toutes, car les nobles de naissance ne savaient pas faire d'épigrammes, et nous, médiocrités et médaillons, souffririons au mains de Freitas et Alencares, sans parler des vivants (16/12/83, sur. cit.,P. 425-426).
Une jeune historienne, dans le même cadre théorique, a abordé le thème qui nous intéresse, notamment dans une partie de son étude intitulée « Dans la figure du médaillon, les traits de la politique clientéliste et de l'immobilité sociale » : « Dans cette polarité sociale [entre la pompe de quelques-uns et la misère de la majorité], les chances d'ascension sociale étaient minimes — la loterie, pour reprendre l'expression de Machado. Les formes modernes de mobilité sociale n'ont pas remplacé l'ordre esclavagiste. Grâce au travail, à la compétence individuelle ou à la concurrence directe sur le marché, vous n'êtes arrivé à rien. Indication, contact, bref, le clientélisme était encore nécessaire » (Arlenice Almeida, « Le dialogue — contributions à la formation d'un jeune », La suprématie du conte : édition annotée de documents séparés, italiques ajoutés).
Un maître à la périphérie du capitalisme — Machado de Assis, P 175.
Au gagnant les pommes de terreP. 75-76.
Pour l'importance de la sociologie de l'USP et, en particulier, du livre de Maria Sylvia de Carvalho Franco, Hommes libres dans l'ordre des esclaves, dans l'élaboration du schéma théorique de Schwarz, voir Paulo Eduardo Arantes Sentiment de dialectique dans l'expérience intellectuelle brésilienne — Dialectique et dualité selon Antonio Candido et Roberto Schwarz.
Pour une discussion du concept de « forme sociale » par la critique dialectique, par opposition à la forme artistique, défendue par divers formalismes et considérée comme un « trait distinctif et privé » de l'art, comme son « privilège » exclusif, voir « Originalidade » de Roberto Schwarz. de la critique d'Antonio Candido », Nouvelles études Cebrap, Non. 32, mars 1992.
« (…) je suis mort d'une pneumonie ; mais si je vous dis que c'était moins une pneumonie qu'une grande et utile idée, cause de ma mort, le lecteur peut ne pas me croire, et pourtant c'est vrai. Je vais vous expliquer brièvement le cas. Jugez-en par vous-même. // Chapitre II — Le Plâtre // En effet, un matin, alors que je me promenais dans la ferme, une idée s'est plantée dans le trapèze que j'avais dans la tête. Une fois suspendue, elle a commencé à agiter ses bras, à donner des coups de pied dans ses jambes, à faire les farces volatim les plus audacieuses imaginables. Je me suis laissé contempler. Soudain, il fit un grand bond, étendit les bras et les jambes, jusqu'à ce qu'il prenne la forme d'un X : déchiffre-moi ou je te dévore.// Cette idée n'était rien de moins que l'invention d'un médicament sublime, un antihypocondriaque cataplasme, destiné à apaiser notre humanité mélancolique. Dans la pétition de privilège que j'ai alors rédigée, j'ai attiré l'attention du gouvernement sur ce résultat vraiment chrétien. Cependant, je n'ai pas refusé à mes amis les avantages pécuniaires qui ont dû résulter de la distribution d'un produit aux effets aussi vastes et profonds. Mais maintenant que je suis de l'autre côté de la vie, je peux tout avouer : ce qui m'a surtout influencé, c'est le plaisir de voir ces trois mots imprimés dans les journaux, les devantures, les feuilletons, les coins de rues, et enfin sur les boites de médicaments : Plâtre Cuves Brás. Pourquoi le nier ? J'avais une passion pour le bruit, l'affiche, la fusée de larmes. Peut-être que les modestes me disputent cet effet : je crois pourtant que ce talent sera reconnu par les capables. Donc, mon idée avait deux faces, comme des médailles, l'une face au public, l'autre face à moi. D'un côté, la philanthropie et le profit ; d'autre part, siège du nommé. Disons : — l'amour de la gloire ».
Que le lecteur observe l'enchaînement des raisons, qui ne cesse de surprendre.// Dans la pétition qu'il adresse au gouvernement, Brás Cubas attire l'attention sur les résultats chrétiens de son invention ; à ses amis, il avoue qu'il espère faire du profit.// Jusqu'ici, rien de spécial : découvrir le calcul derrière la façade généreuse est le mouvement normal du roman réaliste. Un mouvement, soit dit en passant, qui indique le lien — critique — entre ce type de roman et l'ordre individualiste que le capitalisme était en train de créer.// Il s'avère que ce n'est pas l'explication définitive. Après elle, il y en a une autre, étrangère, venue d'outre-tombe, où il n'y a aucune raison de se déguiser. La vraie raison du défunt avait été dans le goût de l'affiche, dans l'impatience de voir le nom imprimé. En d'autres termes, le calcul du profit était… une excuse.// Ainsi, la recherche de l'avantage économique recouvre le désir de reconnaissance personnelle, et non l'inverse. L'espoir du gain est une apparence, et à cet égard il n'est pas différent de l'inspiration chrétienne à pétitionner le gouvernement. L'un et l'autre cachent la passion de la notoriété, qui est la seule vraie raison.// Cette même conjonction réapparaît à la fin du paragraphe : « Alors, mon idée avait deux faces, comme des médailles, l'une tournée vers le public, l'autre vers moi. D'un côté, la philanthropie et le profit ; d'autre part, siège du nommé. Disons : — l'amour de la gloire ». Contrairement à ce à quoi on pourrait s'attendre, la philanthropie et le profit ne sont pas opposés. Au contraire, ils sont main dans la main, et du même côté de la médaille : du côté avoué face au public. Dans l'autre, qui est le véritable et secret, se trouve le « siège du nom ». Telle est la réalité privée et effective, par opposition aux apparences publiques, soutenue par le sentiment chrétien autant que par l'ambition économique.// Bref, pour Brás Cubas, le calcul égoïste apparaît comme quelque chose de socialement appréciable, qui devrait même être proclamé, bien différent du moteur caché et sombre de la vie moderne, auquel le roman réaliste européen nous a habitués. C'est une première originalité. De plus, le calcul économique n'est pas une raison réal, mais alibi pour un autre désir, plus secret, moins sérieux, et le plus vrai de tous, ce qui est une autre originalité. L'économie et le christianisme sont des frivolités à étaler, tandis que la soif d'attention et de postérité, qu'on dirait pure frivolité, est posée comme l'instance ultime de la réalité. // Que penser de cet ordre inattendu — et pour ainsi dire frivole — des causes ? (Quelle heure est-il? P 116-118, italiques ajoutés).
« Cela signifie que le pays est fermé dans toutes les directions ; que de nombreuses avenues qui pourraient offrir un gagne-pain à des hommes de talent, mais sans qualités mercantiles, telles que la littérature, la science, la presse, le métier d'enseignant, ne sont encore que des ruelles, et d'autres, dans lesquelles des hommes pratiques, de tendances industrielles, pourraient prospérer, sont dues au manque de crédit, ou à l'étroitesse des échanges, ou à la structure rudimentaire de notre vie économique, tant d'autres portes murées » (Joaquim Nabuco, Abolitionnisme, "Influences sociales et politiques de l'esclavage", 1ère édition 1884).
« C'est une situation fondamentale du roman du XIXe siècle : les prétentions d'amour et de position sociale, favorisées par la révolution bourgeoise, se heurtent à l'inégalité, qui, bien que transformée, reste un fait ; il faut les reporter, calculer, s'instrumentaliser et autrui... pour enfin découvrir, quand la richesse et le pouvoir sont arrivés, que le jeune homme plein d'espoir des premiers chapitres n'est plus entier. Avec ses mille variantes, cette formule en trois étapes sera capitale. Entre l'ardeur du début et la désillusion de la fin, il y a toujours le même intermède, de validité sans restriction des principes de la vie moderne : le rouage de l'argent et de l'intérêt « rationnel » fait son travail, anonyme et décisif, et marque le empreinte contemporaine sur le franchissement des épreuves qu'est le destin immémorial des héros. Telles sont les conséquences, du point de vue de l'individualisme bourgeois, de la préséance généralisée de la valeur d'échange sur la valeur d'usage — aussi appelée aliénation — qui devient une pierre de touche de l'interprétation de l'époque. L'effet littéraire et le présupposé social de cette intrigue, du moment de calcul qui en est le levier, sont dans l'autonomie — ressentie comme objectivation, comme refroidissement — des sphères économique et politique, qui semblent fonctionner séparément du reste, selon une rationalité « inhumaine », de type mécanique. Pour l'économie, la cause réside dans l'automatisme du marché, auquel objets et force de travail sont subordonnés au même titre, et qui du point de vue du mérite personnel est une montagne russe arbitraire. Quant à la politique, dans la période historique ouverte par l'État moderne, selon l'enseignement de Machiavel, ses règles n'ont rien à voir avec les normes morales. Dans les deux sphères, ainsi que dans la carrière, qui dans un certain sens est intermédiaire, la vie sociale est affectée de manière négative et implacable, et c'est en conflit avec elle que quelque chose est sauvé. C'est là, et pas un autre, le paysage dans lequel il y a de la poésie le désengagement romanesque, tantôt exaltant, tantôt sinistre, entre l'individuel et l'ordre social. Seuls et libres, un dessin derrière le front, les personnages romanesques planifient leurs coups financiers, amoureux ou mondains. Certains triomphent par l'intelligence et la ténacité, d'autres par le mariage et le crime, d'autres encore échouent, et enfin il y a les symboliques, qui font un pacte avec le diable. En chacun d'eux une certaine grandeur, disons satanique, venant de leur solitude radicale et de la ferme intention d'utiliser leur tête pour atteindre le bonheur » (Roberto Schwarz, Au gagnant les pommes de terre,P. 41-42, italiques ajoutés).
« La différence se fait sentir dans la manière d'envisager l'ascension sociale : dans un cas [le réalisme français] il pointe son prix, même lorsqu'il est réussi, le carriériste se transformant lui-même et les autres en marche ; dans l'autre [le réalisme conformiste du premier Machado] on étudie les conditions dans lesquelles il, en soi désirable, se complète dignement, pour le bien du carriériste lui-même, mais aussi des bonnes familles, qui profitent de son talent, et enfin de notre société brésilienne, qui a besoin d'aplanir ses irrégularités et de tirer profit de l'élément humain dont elle dispose. A l'opposition absolue de l'individu et de la société, de l'instrumentalisation générale et du radicalisme critique correspondant, il y a une communauté de coutumes, d'intérêts et de croyances, le désir d'améliorer et d'arranger. Faveur, cooptation, subtilités du conformisme et de l'obéissance, remplacent, au cœur du roman, l'antagonisme propre à l'idéologie de l'individualisme libéral » (Au gagnant les pommes de terre,P. 69, italiques ajoutés).
« Resté seul, Rastignac se dirigea vers la partie haute du cimetière et de là il vit Paris, couché de travers le long des deux rives de la Seine, où les lumières commençaient à briller. Ses yeux se portaient presque avidement entre la colonne de la place Vendôme et le caveau des Invalides, à l'endroit où vivait cette belle société qu'il avait voulu pénétrer. Il lança à cette ruche chuchotante un regard qui semblait lui sucer le miel d'avance, et prononça cette phrase suprême :
« Et maintenant, nous !
Et comme premier acte de défi à la société, Rastignac est allé dîner chez Mme. de Nucingen.