Par EUGENIO BUCCI*
Le vil métal est devenu une marque désirante, et ce qu'il désire, c'est toi
Quand le charme de la bourgeoisie était discret, les maisons de banque l'étaient aussi. Ses propriétaires jouissaient de leur anonymat. Tout au plus leur ont-ils permis de graver, en petites lettres de bronze, le nom de l'établissement sur la façade latérale du bâtiment, sans chichi. Un nom de famille, un toponyme, rien de plus ne suffisait. Le commerce de l'argent s'est déroulé en silence. Les banquiers évitaient les projecteurs et les logos flashy. Ils ne voulaient rien avoir à faire avec la célébrité. La fortune les a satisfaits.
Aujourd’hui, le paysage fiduciaire a changé. En regardant les publicités des banquiers à la télévision, on est même surpris. Il y a des pièces vraiment spectaculaires – spectaculaires, ici, au sens que le philosophe Guy Debord prêtait au mot (prêté sans intérêt) : « Le spectacle est capital dans un tel degré d'accumulation qu'il devient image ». Les effets spéciaux vidéo valent plus d’un millier de lettres de change. La pécunia a perdu son inhibition. Le vil métal est devenu une marque désirante, et ce qu’il désire, c’est vous.
Les entreprises qui vendent du bufunfa font preuve de passion pour satisfaire la demande des clients. Ils souhaitent donner du sens à la subjectivité du client (en l’occurrence « prêter » avec intérêts). Ils comptent apposer un logo sur les rêves personnels que vous chérissez, sur vos projets. Ils veulent être partenaires des désirs modestes des millions de personnes qui ont une carte de crédit dans leur poche ou sur leur téléphone portable. Les banques ont désormais sex-appeal.
En ces jours où les lumières des fêtes de fin d’année se font rares, une de ces organisations privées, avec des agences implantées dans les villes et villages, diffuse des films promotionnels pour nous dire que son cœur est « fait du futur ». La campagne est bien menée. Ô slogan, vraiment spectaculaire (avec redevance peu importe pour Guy Debord). Une trouvaille publicitaire, une formule invitante pour célébrer le réveillon.
Chacun a, au plus profond de son âme endettée, l’aspiration à avoir une place dans le futur. Tout le monde aspire à habiter le futur. Et, présentée de cette manière tentante, l’idée d’une banque « faite pour l’avenir » est investie d’une force magique et émouvante, surtout lorsqu’elle nous fait croire qu’être « faite pour l’avenir » est une ambition qui ne coûte rien. à quiconque le prix à payer pour le jeter. Le futur et le passé se donnent la main et se renforcent, selon le mantra du commercial qui, ce faisant, parvient à captiver l'imagination de ceux qui ne veulent perdre ni le passé, ni le futur, ni le présent.
Pour mieux propager sa recette de fusion temporelle, l'annonceur financier a engagé l'actrice Fernanda Monténégro, dont l'ampleur plane au-dessus du temps. Avec une histoire personnelle plus riche que tout le capital financier de tout le XXe siècle, plus le premier cinquième du XXIe siècle, la grande dame des arts brésiliens déclare être née et renaître de nombreuses fois, dans la peau des personnages qu'elle incarnait. Elle convainc et captive. Comme ses personnages font partie de la mémoire émotionnelle de tant de personnes, le spectateur, assoiffé d'espoir, avide d'une fable qui puisse renouveler son énergie dépréciée, accepte de s'émouvoir.
La publicité a été enregistrée dans une salle spacieuse et sobre. L'endroit est vide. Ce n'est pas exactement dans le noir ; de nombreux points lumineux aux tons chauds, parsemant les frises, créent une ambiance cosy. Dans son discours rythmé, la biographie de l'actrice s'entremêle à l'histoire de la banque qui l'a embauchée. Elle prononce des phrases fortes : « Je me suis transformée plusieurs fois pour être moi-même ». Le double sens s’impose bientôt. Tu parles de toi ? Ou tu parles de la banque ?
« Je me suis transformée en pierre », dit-elle, mais tente ensuite de nuancer : « En mouvement ». L’accent qu’elle donne sur ce « en mouvement » éclaire tout. Elle fait référence à une pierre qui roule qui ne s’installe pas. Le geste des mains, avec les index tournant l'un autour de l'autre, renforce le message déjà ancré dans l'imaginaire contemporain : le rock (rock) et changer (et rouler).
Dès lors, l’ambiguïté laisse place à une propagande décomplexée. Le rocher a moins à voir avec la grande dame qu’avec l’immense société bancaire. Itaú, comme nous le savons, signifie « pierre noire » en tupi-guarani. Ce rocher entend « traverser le temps » – changer de couleur. La pierre noire ne veut plus être noire. La pierre noire se veut orange.
Le mot « orange » apporte cependant, pour ainsi dire, un discret embarras. Associé aux opérations comptables, le terme désigne une fraude : l'« orange » est quelqu'un qui prête son nom (en échange d'une somme dérisoire) à une entreprise qui profitera à un malin, dont le nom n'apparaîtra pas. Si oui, pourquoi une banque fait-elle autant de publicité pour être considérée comme orange ? Très simple : avoir une couleur chaleureuse et positive et, avec elle, simplifier votre communication. Vous verrez cette fréquence chromatique et vous penserez à cette agence bancaire.
Orange, pourquoi pas ? Il y a des couleurs pires. Il y a des concurrents qui sont rouges, et aucun titulaire de compte ne proteste lorsqu'il dépose ses caraminguás dans le rouge. Personne ne se soucie si le compte est dans le rouge. Alors vive l’orange. Si vous faites le calcul, vous verrez que ce sera bon marché.
Bonne année, quelle que soit votre couleur.
* Eugène Bucci Il est professeur à l'École des communications et des arts de l'USP. Auteur, entre autres livres, de L'incertitude, un essai : comment nous pensons l'idée qui nous désoriente (et oriente le monde numérique) (authentique).
Initialement publié dans le journal L'État de São Paulo.
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