Une terre pour tous

La zone de Gaza bombardée par Israël / Reproduction Telegram
whatsApp
Facebook
Twitter
Instagram
Telegram

Par THOMAS PICETTY*

En fermant les yeux sur les violations du droit international et en privilégiant les intérêts financiers à court terme, l’Union européenne a contribué à affaiblir la gauche israélienne.

Les atrocités commises lors de l'opération terroriste du Hamas et la réponse israélienne en cours dans la bande de Gaza soulèvent la question des solutions politiques au conflit israélo-palestinien et du rôle que d'autres pays peuvent jouer pour tenter de promouvoir des développements constructifs. Peut-on encore croire à une solution à deux États, rendue obsolète, aux yeux de beaucoup, par l'extension de la colonisation d'une part, mais aussi, d'autre part, par la volonté de nier l'existence même d'Israël et d'éliminer Israël ? ses citoyens ?, qui vient de prendre sa forme la plus barbare avec les meurtres et les prises d'otages de ces derniers jours ?

Peut-on encore rêver d’un État binational, ou n’est-il pas temps d’imaginer une forme originale de structure confédérale permettant à deux États souverains de vivre un jour en harmonie ? Une telle solution est de plus en plus évoquée par les mouvements citoyens rassemblant Israéliens et Palestiniens, comme la coalition Une terre pour tous : deux États, une patrie, qui a préparé des propositions innovantes et détaillées. Souvent ignorés à l’étranger, ces débats méritent d’être suivis de près.

Les territoires palestiniens comptent environ 5,5 millions d'habitants, dont 3,3 millions en Cisjordanie et 2,2 millions à Gaza. Israël compte un peu plus de 9 millions d'habitants, dont environ 7 millions de citoyens juifs et 2 millions d'Arabes israéliens. Au total, Israël et la Palestine comptent une population de plus de 14 millions d’habitants, dont environ la moitié sont juifs et l’autre moitié musulmans, ainsi qu’une petite minorité de chrétiens (environ 200.000 XNUMX).

C'est le point de départ du mouvement Une terre pour tous: les deux communautés ont à peu près la même taille et chacune d'elles a de bonnes raisons historiques, familiales et émotionnelles de considérer la terre d'Israël-Palestine comme la leur, la terre de leurs espoirs et de leurs rêves, au-delà des frontières arbitraires et complexes laissées par les militaires. cicatrices du passé.

Solution politique

Idéalement, nous aimerions imaginer un État véritablement binational et universaliste, qui rassemblerait un jour ces 14 millions d’habitants et accorderait à tous les mêmes droits politiques, sociaux et économiques, quelles que soient leurs origines, leurs croyances ou leurs pratiques religieuses. Mais avant d’en arriver là, il faudra parcourir un long chemin pour rétablir la confiance, en espérant que la stratégie abjecte des terroristes n’ait pas anéanti cette possibilité.

la coalition Une terre pour tous propose dans un premier temps la coexistence de deux États : l'État juif actuel et un État palestinien qui succéderait à l'Autorité palestinienne créée en 1994. Cette dernière, déjà reconnue comme État membre observateur auprès des Nations Unies depuis 2012, exercerait enfin la pleine souveraineté. sur la Cisjordanie et à Gaza.

La nouveauté est que les deux Etats seraient liés par une structure fédérale qui garantirait avant tout la liberté d'installation entre les deux Etats, à l'instar des règles appliquées dans l'Union européenne. Par exemple, les colons israéliens actuels pourraient continuer à s’installer en Cisjordanie, à condition de respecter les lois palestiniennes, ce qui impliquerait la fin des expropriations sommaires. De même, les Palestiniens pourraient travailler et s'installer librement en Israël, à condition de respecter les règles en vigueur. Dans les deux cas, les personnes ayant choisi de résider dans l’autre État auraient le droit de voter aux élections locales.

Les auteurs de la proposition ne cachent pas les difficultés, mais montrent comment elles peuvent être surmontées. Ils se réclament notamment explicitement de l'Union européenne qui, depuis 1945, a permis de mettre fin, par le droit et la démocratie, à un siècle de guerres et d'effusions de sang entre la France et l'Allemagne. Ils évoquent également le cas complexe de la fédération bosniaque créée en 1995.

la coalition Une terre pour tous Elle insiste également sur le rôle fondamental du développement socio-économique et de la réduction des inégalités territoriales. Le salaire moyen est inférieur à 500 euros à Gaza, contre plus de 3.000 XNUMX euros en Israël. L'entité fédérale qui réunira les deux États doit établir des règles communes en matière de droit du travail, de partage de l'eau et de financement des infrastructures publiques, éducatives et sanitaires.

Est-ce que tout cela a une chance d’arriver ? Après avoir fréquemment compté sur le Hamas dans le passé pour diviser et discréditer les Palestiniens, les Israéliens semblent désormais déterminés à détruire l’organisation terroriste. Mais après cela, il ne se contentera pas de remettre le couvercle et de fermer les tours d'observation dans les territoires palestiniens. Il faudra trouver des interlocuteurs et relancer un processus politique.

C’est là que le reste du monde a un rôle à jouer, notamment l’Europe qui absorbe près de 35 % des exportations israéliennes (contre 30 % pour les États-Unis). Il est temps que l’Union européenne utilise son arme commerciale et indique clairement qu’elle proposera des règles plus favorables à un gouvernement guidé par une solution politique qu’à un régime en ruine.

En garantissant au droit israélien les mêmes règles commerciales quoi qu’il fasse, l’Union européenne a en fait encouragé la colonisation. En fermant les yeux sur les violations du droit international et en donnant la priorité aux intérêts financiers à court terme, l’Union européenne a contribué à affaiblir la gauche israélienne.

Mais il existe une gauche vivante et innovante en Israël et en Palestine, notamment parmi les jeunes. Ces jeunes se sont souvent retrouvés seuls face à l’indifférence des gouvernements, du Nord comme du Sud, de connivence avec une droite israélienne de plus en plus nationaliste et cynique. Il est grand temps de soutenir le camp de la paix et de pénaliser celui de la guerre.

* Thomas Piketty est directeur de recherche à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales et professeur à l'École d'économie de Paris. Auteur, entre autres livres, de Capitale au XNUMXème siècle (Intrinsèque).

Traduction: Fernando Lima das Neves.

Initialement publié dans le journal Le Monde.


la terre est ronde existe grâce à nos lecteurs et sympathisants.
Aidez-nous à faire perdurer cette idée.
CONTRIBUER

Voir tous les articles de

10 LES PLUS LUS AU COURS DES 7 DERNIERS JOURS

Voir tous les articles de

CHERCHER

Recherche

SUJETS

NOUVELLES PUBLICATIONS

Inscrivez-vous à notre newsletter !
Recevoir un résumé des articles

directement à votre email!