Violence en Équateur

Image: Margen Cero / Quito, Pichincha, Équateur
whatsApp
Facebook
Twitter
Instagram
Telegram

Par BRUNO FABRICIO ALCEBINO DA SILVA*

La montée du crime organisé est liée au démantèlement progressif de l’État et à la suspension d’institutions cruciales

L'administration de l'actuel président Daniel Noboa représente le point culminant de trois années marquées par des épisodes de violence intense. La campagne électorale de l'année dernière, notoirement marquée par une violence extrême, a atteint son apogée avec l'assassinat de plusieurs candidats et hommes politiques, créant un climat de terreur généralisée. Ce contexte de troubles et d'instabilité se reflète désormais dans la gestion de Daniel Noboa, qui hérite d'un scénario difficile, exigeant la mise en œuvre urgente de mesures pour rétablir l'ordre et regagner la confiance de la société.

Au cours des sept dernières années, on a assisté à un démantèlement progressif de l’État et à la suspension d’institutions cruciales, comme le ministère de la Justice, accompagnés par la suppression des politiques de sécurité intérieure. La montée du crime organisé est liée à ces mesures, qui culminent dans la transformation de l’Équateur, auparavant considéré comme le deuxième pays le plus sûr d’Amérique latine, en l’un des plus dangereux.

Exilé politique en Belgique, l'ancien président Rafael Correa (2007-2017) a précisé que « l'Équateur a atteint ce point de violence après sept ans de destruction et de disparition de l'État de droit ». Les « gouvernements de Guillermo Lasso (2021-2023) et de Lenín Moreno (2017-2021) sont responsables de ce qui se passe », a souligné Rafael Correa, soulignant « n'avoir jamais assisté à un processus de destruction en temps de paix comme au Cas équatorien ». Cette destruction, selon Rafael Correa, s'est caractérisée par une série de politiques qui ont fragilisé les structures de l'État et affaibli la sécurité intérieure, ouvrant ainsi la voie à la prolifération du crime organisé dans le pays.

La transition d’une sécurité intérieure souveraine à une approche de sécurité fondée sur le marché est un aspect crucial à considérer. La privatisation de la sécurité joue un rôle central dans le problème actuel, mis en évidence par l’incapacité de la logique du marché à résoudre les problèmes de sécurité.

Outre les questions internes, la géopolitique joue un rôle important. Le renforcement des liens entre l’Équateur et les États-Unis, attesté par des accords de coopération militaire et une législation commune, crée un environnement propice à l’ingérence étrangère. Il existe une possibilité que les troupes américaines agissent en Équateur, violant non seulement la Constitution du pays, mais aussi la tradition latino-américaine d'être une zone de « paix ».

situation politique

L'Équateur, marqué par des défis historiques et des changements importants, a vu son scénario politique façonné par le boom de pétrole au début des années 2000. La gestion de cette ressource a apporté des avantages économiques, mais aussi des défis, mettant en évidence la vulnérabilité du pays à la volatilité des prix mondiaux du pétrole. marchandise.

La trajectoire de Rafael Correa (2007-2017), ancien président en exil en Belgique depuis lawfare, illustre les divisions et les tensions de la politique équatorienne. Son gouvernement, caractérisé par des avancées sociales, a fait face à des controverses et des critiques, tandis que son successeur, Lenín Moreno (2017-2021), a opéré un virage à droite, s'éloignant de la politique progressiste de Rafael Correa.

Guillermo Lasso a accédé à la présidence en 2021, après avoir remporté les élections, et est depuis confronté à un scénario politique difficile, marqué par des tensions et une opposition importante. Le recours à la « croisade de la mort », un dispositif constitutionnel, qui a abouti à la dissolution de l’Assemblée nationale en mai 2023, s’impose comme un point crucial dans cette période mouvementée.

La dissolution du Parlement a été perçue par beaucoup comme une stratégie politique visant à affronter l’opposition et à consolider le contrôle du gouvernement, aggravant ainsi les tensions pré-électorales. Guillermo Lasso, qui n'a jamais détenu de majorité parlementaire et qui a fait face à des appels à mise en accusation, cherchait à reconfigurer l’environnement politique en convoquant des élections générales anticipées.

L'arrivée de Daniel Noboa à la présidence, issue de ces élections anticipées, a entraîné un nouveau scénario de compétition électorale. Cependant, la situation politique ne s'est pas stabilisée et le pays est actuellement confronté à une escalade de la violence associée aux bandes criminelles liées au trafic de drogue.

Confluence des crises

La crise équatorienne actuelle est le résultat de la confluence de trois turbulences majeures. La première d’entre elles fut la crise de produits, qui a débuté en 2014 et a eu un impact significatif sur l'économie du pays. L'Équateur, historiquement dépendant de secteurs tels que le pétrole et les mines, a été profondément affecté par la volatilité des prix de ces produits. produits, ce qui a entraîné une instabilité économique et une fragilité budgétaire.

La deuxième crise a été la pandémie de Covid-19, qui s’est avérée dévastatrice pour l’Équateur, avec 18 millions d’habitants et environ 67 XNUMX morts, Guayaquil étant l’épicentre des tragédies. Outre l’impact direct sur la santé publique et les scènes d’horreur avec des centaines de cadavres dans les rues, la pandémie a déclenché une crise économique, sociale et politique, encourageant le recrutement de jeunes par des factions criminelles et augmentant le taux de criminalité dans tout l’Équateur.

Le troisième trouble concerne le gouvernement susmentionné de Guillermo Lasso, élu minoritaire au Congrès. Face à un pouvoir législatif doté d’un pouvoir considérable, Lasso s’est trouvé confronté à une contradiction évidente. Dans une dynamique dans laquelle le Congrès exerce une grande influence et où le président a la prérogative de le dissoudre, les tensions politiques ont encore compliqué la réponse efficace aux crises préexistantes.

Avancement de l’extrémisme

La récente catégorisation par le président Daniel Noboa de 22 groupes criminels transnationaux organisés comme organisations terroristes et « acteurs non étatiques belligérants » soulève des inquiétudes quant à la mauvaise application du concept de terrorisme.

Il est important de souligner la possibilité de l’émergence d’un nouveau leader aux caractéristiques similaires à Nayib Bukele, incarné par Daniel Noboa, compte tenu des conditions présentées par le président du Salvador. Depuis son accession au pouvoir, Bukele a remis en question les fondements de la République, menaçant le maintien de l’État de droit. Le pays est confronté à une réalité dans laquelle plus de 1% de la population est incarcérée, accompagnée d'une série de mesures autoritaires.

L’avertissement concernant l’émergence d’un nouveau « Bukele » en Équateur souligne l’inquiétude face à un régime autoritaire potentiel et à une concentration du pouvoir, mettant en garde contre les dangers liés à l’érosion des institutions démocratiques et de l’État de droit. La prudence dans la mise en œuvre des mesures de lutte contre la criminalité organisée est essentielle pour prévenir les abus et préserver les principes démocratiques fondamentaux.

La Confédération des nationalités autochtones de l'Équateur (Conaie) attribue la crise à la radicalisation des politiques néolibérales qui détruisent l'État et accroissent les inégalités. La « destruction des institutions étatiques, incapables de réagir efficacement », est pointée comme un facteur contribuant au recrutement de jeunes par le crime organisé.

Carte blanche

La crise actuelle, marquée par une vague de violence, a conduit le président Daniel Noboa à déclarer un « état d'exception », mobilisant les forces armées et la police nationale pour faire face aux groupes criminels transnationaux. L’escalade de la violence, avec la fuite des chefs de gangs tels que « Fito » et « El Savage », nécessite des réponses énergiques pour rétablir l’ordre et la sécurité.

Cependant, l’imposition de « l’État d’exception » soulève des réflexions sur les implications politiques et sociales de cet acte. Les élections dans un climat de violence comme celles de l'année dernière en Équateur ont tendance à favoriser la droite, avec l'exemple du président salvadorien Bukele. Le durcissement des lois et le recours à des mesures exceptionnelles, comme la présence manifeste de l’armée dans les rues et la suspension des prérogatives constitutionnelles, configurent un scénario qui peut être interprété comme une expression du mouvement de droite en Amérique latine.

Daniel Noboa, qui purge un mandat tampon de 17 mois jusqu'en mai 2025, est confronté au défi de faire face à la question de la violence, devenue pressante sous son gouvernement. Pour les secteurs de droite, cette crise représente une prérogative de présence militaire dans les rues, de suspension des prérogatives constitutionnelles et même d’octroi d’une amnistie préalable. Cette situation, aux caractéristiques de dictature, signale une dérive autoritaire inquiétante et renforce la tendance au durcissement politique dans la région.

L'opposition, dirigée par le parti de la Révolution citoyenne (RC), a soutenu les mesures d'urgence, soulignant la nécessité de lutter contre les mafias et les bandes criminelles. Dans ce contexte critique, le soutien inconditionnel de l'ancien président Rafael Correa aux actions du président Daniel Noboa est remarquable. Correa, actuellement en exil, a souligné l'importance d'unir les efforts pour surmonter la « guerre interne » dans laquelle se trouve le pays, corroborant les mesures prises par Noboa pour rétablir l'ordre et faire face aux défis imminents, parmi lesquels figurent la reprise économique post-pandémique et la recherche pour la stabilité politique.

L’appel à l’unité nationale, soutenu par des secteurs de l’opposition et par le soutien international de pays comme le Brésil, le Pérou, la Colombie, Cuba et la Bolivie, met en évidence la gravité de la situation.

La complexité de la situation exige une analyse détaillée de trois questions qui permettent de décrypter les éléments fondamentaux de cette crise aux multiples facettes.

Gangs et montée de la violence

La crise sécuritaire en Équateur a atteint son apogée au cours des trois dernières années, enregistrant un nombre d’homicides sans précédent en 2023. Avec plus de 7.878 584 ​​décès, seulement XNUMX cas résolus, mettant en lumière une situation alarmante. Le pays est devenu un important centre régional de stockage, de traitement et de distribution de drogue, renforçant plus de 20 gangs criminels actifs.

Ces gangs, comme Les Choneros, loups, lézards et Tiguerones, jouent un rôle crucial dans la violence croissante, en lien avec les grands cartels de la drogue au Mexique et en Colombie. La mort du candidat à la présidentielle Fernando Villavicencio en août de l'année dernière est révélatrice de l'ascendant de ces gangs sur le contrôle politique du pays, révélant une influence significative au sein des institutions et de la société équatoriennes.

La pénétration de ces organisations criminelles ne se limite pas à la population, mais s'étend également à la police et aux forces armées, mettant en évidence la corruption systémique qui imprègne la structure de l'État. L’évasion de dirigeants comme Adolfo Macías, dit « Fito », et les émeutes dans les prisons sont des symptômes directs de cette influence écrasante des gangs en Équateur.

Élection de Daniel Noboa

Daniel Noboa, président depuis seulement un mois et demi, a pris ses fonctions dans un contexte de crise sécuritaire imminente. Ses propositions axées sur l'économie et la sécurité ont obtenu le soutien de la majorité des Équatoriens, promettant des réformes pénitentiaires, des mesures anticriminalité strictes et des avancées technologiques pour lutter contre le crime organisé.

Cependant, les intentions de Daniel Noboa sont devenues un catalyseur de la réaction des gangs, démontrant leur capacité à défier la démocratie équatorienne. La réponse rapide du président, déclarant l'état d'urgence et demandant des mesures plus strictes, semble avoir attisé encore davantage l'hostilité des gangs, conduisant à des événements tels que l'invasion de la chaîne de télévision TC à Guayaquil.

Le marché de la drogue et les conflits territoriaux

L'Équateur, stratégiquement situé entre la Colombie et le Pérou, est devenu un point crucial sur le marché international de la drogue. Environ un tiers de la cocaïne colombienne passe par l’Équateur avant de se diriger vers l’Amérique du Nord et l’Europe. La démobilisation des FARC en Colombie, suite à un accord en 2016, a renforcé les groupes et organisations dissidents liés au trafic de drogue, décentralisant la production et les chaînes de distribution de drogue.

La présence croissante d’organisations criminelles internationales, telles que les cartels mexicains Sinaloa et CJNG, a intensifié les conflits territoriaux et accru la violence en Équateur. Les conflits pour le contrôle, combinés aux multiples organisations criminelles de différents pays, créent une dynamique complexe qui contribue de manière significative à la crise actuelle.

La capillarisation du trafic de drogue dans le nord du continent a entraîné l’entrée de cartels mexicains en Équateur. Le vide laissé par la Colombie, résultant à la fois de la dissolution des FARC et de la privatisation des forces de sécurité, a été comblé par ces organisations criminelles. Toutefois, l'aspect crucial de cette dynamique est l'économie dollarisée de l'Équateur. L'utilisation du dollar comme monnaie, contrairement à la Colombie et au Pérou, qui ont des monnaies locales, rend les transactions plus complexes et accroît l'attrait de l'Équateur pour les cartels internationaux.

Racines systémiques

Pour surmonter cette crise, il faudra non seulement des actions immédiates et énergiques, mais également des stratégies à long terme s’attaquant aux racines systémiques du problème. La recherche de la stabilité et de la sécurité en Équateur nécessite une approche intégrée, impliquant des réformes institutionnelles, une coopération internationale et des mesures socio-économiques pour démanteler les structures qui alimentent la violence dans le pays.

*Bruno Fabricio Alcebino da Silva Il est spécialisé en relations internationales et sciences économiques à l'Université fédérale ABC (UFABC)..


Voir tous les articles de

10 LES PLUS LUS AU COURS DES 7 DERNIERS JOURS

Voir tous les articles de

CHERCHER

Recherche

SUJETS

NOUVELLES PUBLICATIONS

Inscrivez-vous à notre newsletter !
Recevoir un résumé des articles

directement à votre email!