Par ERNANI CHAVES*
Commentaire sur la quatrième «Considération extemporanée» de Friedrich Nietzsche
« Pleinement guerriers ». C'est avec cette expression brutale et incisive que Nietzsche caractérise, dans le ecce homo (1888), l'ensemble de ses quatre Considérations improvisées, écrit et publié en peu de temps, entre 1872 et 1875. Avec eux, poursuit-il, il se serait révélé non pas un « João rêveur » romantique, mais quelqu'un qui prend plaisir à se disputer, qui s'amuse à « tirer son épée ». ”.
Cependant, Nietzsche sépare soigneusement l'esprit de cette lutte, telle qu'elle est présentée dans les deux premières et les deux dernières. improvisé. Dans celles-ci, c'est, dès le titre, une attaque frontale, soit contre les déviations de la culture allemande, à travers une critique sévère de David Strauss, soit contre le « sens historique », reconnu comme une maladie, comme l'intrusion de la barbarie au coeur de la culture. Dans ceux-ci, à leur tour, la lutte contre ces mêmes aspects est menée à travers deux « images » de deux types improvisés. par excellence, Schopenhauer et Wagner. Pour ajouter, tout de suite après, que ces images, ces types ne renvoient qu'à une seule personne, ni Schopenhauer ni Wagner, mais Nietzsche lui-même.
Si l'on prend ces observations non seulement comme l'effet bien connu d'une « récurrence » qui juge l'œuvre passée à l'état de la pensée dans le présent, mais comme une lecture attentive et astucieuse que Nietzsche fait de son propre parcours intellectuel, alors on peut faire une lecture de Wagner à Bayreuth cela échappe au lieu commun selon lequel ce texte constituerait, en son fond, un compliment, une sorte d'aboutissement de « l'idolâtrie » de Wagner par Nietzsche ou encore, le plus grand de tous les hommages que Wagner ait reçus de son vivant.
Dans cette perspective, la rupture de Nietzsche avec Wagner est attribuée à une cause unique : le christianisme des Parsifal. Plus encore : que les critiques ultérieures sont des effets de rhétorique, des expressions du ressentiment de Nietzsche lui-même, le musicien frustré, de telle sorte que la préférence pour Carmen de Bizet est atténué, voire disqualifié, dans tous les plans où il se place, surtout dans le plan musical.
Cela ne veut pas dire que l'éloge, l'exaltation de la figure de Wagner, là comparée à Eschyle, à Héraclite, n'existe pas, ou que le projet Bayreuth n'ait pas aussi séduit et fasciné Nietzsche comme la possibilité d'un renouveau (assez conservateur sous certains aspects !) de la culture allemande à travers le rapprochement entre l'art et la vie ou encore entre la musique et le théâtre. Ce n'est pas un hasard si Schopenhauer et Wagner sont considérés comme des « images » et des « types », certains pourraient dire comme des « personnages », Nietzsche nous demandant presque de lire les deux derniers improvisé comme s'ils formaient une seule œuvre.
C'est en considérant Wagner, avant tout, comme une image et un type que Nietzsche peut aisément passer de la vie à l'œuvre et de l'œuvre à la vie sans succomber ni au psychologisme (contrairement à ce que pensait parfois Adorno) ni au simple récit biographique. illustratif. Ce n'est qu'en tant que figure et type que Nietzsche peut parler d'une « vraie vie de Wagner, dans laquelle le dramaturge dithyrambique se révèle peu à peu ». Et cette « vraie vie » n'est nullement une sorte de somme entre talent et génie, élévation morale et sublimité artistique, mais « une lutte incessante avec lui-même », puisque Wagner lui-même nourrissait les contradictions dénoncées par sa musique et ses écrits. . théoriciens.
Quelle était la tentation de Wagner, une tentation qui l'a toujours accompagné ? Cela, répond Nietzsche, qui s'exprime dans une « sombre volonté personnelle de puissance e gloire, gourmand et insatiable ». Une sorte d'attirance fatale pour les effets que peut produire le drame. D'où l'urgence de continuer sur les voies ouvertes par Beethoven, mais qu'il n'a pas suivies jusqu'au bout, c'est-à-dire d'insister beaucoup plus sur la passion, sur pathétique, que dans génie. C'était juste le christianisme Parsifal Qu'est-ce qui a éloigné Nietzsche de Wagner ou aussi la reconnaissance que le dépassement de Beethoven n'a pas eu lieu pleinement, comme lui, Nietzsche, l'avait souhaité ? Ce n'était pas la prochaine étape Carmen, malgré les wagnériens d'hier et d'aujourd'hui ?
De mon point de vue, la lecture nécessaire de Wagner à Bayreuth devient d'autant plus intéressant que le texte cesse d'être vu seulement comme une sorte de chant du cygne de la « métaphysique de l'artiste », qui guidait initialement la pensée de Nietzsche, mais aussi comme un texte qui se retrouve sur le seuil, dans une sorte de passage qui conduit nous amène avec une certaine sécurité aux autres voies que Nietzsche, à ce même moment, emprunte déjà dans sa pensée. Et s'il y avait une chose chez Wagner que Nietzsche enviait vraiment, c'était sans aucun doute son style, en particulier l'écriture sur Beethoven. Wagner à Bayreuth, montre pourtant, de la première à la dernière ligne, que cette envie n'avait plus de raison d'être.
Publié à l'origine dans Jornal de Resenhas, no.o. 3, juillet 2009.
* Ernani Chaves Il est professeur à la Faculté de Philosophie de l'UFPA. Auteur, entre autres livres, de Au seuil de la modernité (Pakatatu).
Référence
Friedrich Nietzsche. Wagner à Bayreuth. Traduction : Anna Hartmann Cavalcanti. Rio de Janeiro, Jorge Zahar, 180 pages.